Nicaragua: les Eglises demandent la fin de la «violence d’Etat»

Les chances de parvenir à une sortie de crise s’amenuisent au Nicaragua. Alors que l’Eglise a tenté sans succès d’engager une médiation entre le gouvernement et l’opposition, elle est désormais considérée comme un ennemi par le régime, a déploré le 20 juillet 2018 le site Vatican News, qui relève du Secrétariat pour les Communications du Vatican.

Outre des «forces extérieures», notamment les Etats-Unis, le président nicaraguayen Daniel Ortega accuse désormais les évêques catholiques du pays d’être des «putschistes» qui complotent un coup d’Etat et soutiennent une «conspiration» pour le renverser.

Evêques catholiques qualifiés de «putschistes»

«Nous sommes confrontés à une conspiration armée financée par des forces internes que nous connaissons tous et par des forces externes que nous identifions totalement», a-t-il souligné le 19 juillet 2018 à Managua lors des célébrations de l’anniversaire de la révolution sandiniste.

Trois mois après les événements violents qui se déroulent dans ce pays centro-américain depuis le 18 avril 2018, la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) déplore l’augmentation de la répression au Nicaragua, qui a déjà coûté la vie à près de 300 personnes.

Ortega de plus en plus isolé

Outre l’Organisation des Nations Unies (ONU) et de nombreux gouvernements du monde entier, la situation au Nicaragua inquiète différentes entités internationales de l’Eglise, à l’image du Conseil Œcuménique des Eglises (COE) et du Conseil Episcopal Latino-Américain (CELAM), qui appelle à une prière, dimanche 22 juillet, dans toutes les églises du continent.

«Le nombre alarmant de victimes civiles au Nicaragua génère une  profonde préoccupation en ce qui concerne l’affaiblissement des droits humains et la fragilité de l’Etat de droit», a indiqué le pasteur Olav Fykse Tveit, secrétaire général du COE, le 19 juillet.

Opposants en danger de mort

«Nous demandons donc au gouvernement du président Daniel Ortega qu’il mette fin à la violence et qu’il protège la population», a indiqué le secrétaire général qui a également qualifié d’»inacceptable» le niveau de répression de l’Etat.

Dans sa déclaration, le pasteur Fykse Tveit souligne également que ceux qui s’opposent publiquement au gouvernement sont également en danger, comme c’est le cas du recteur de l’Université Centroaméricaine du Nicaragua (UCA), le Père José Alberto Idiaquez, «qui a toujours été un grand défenseur des droits humains et de la démocratie».

Une prière pour le Nicaragua

Pour sa part, le Conseil Episcopal Latino-Américain (CELAM) a invité les fidèles à prier dans toutes les églises du continent dimanche 22 juillet, «face à la dramatique et douloureuse crise sociale et politique que vit le pays». Cette initiative entend exprimer «la proximité et la solidarité avec le peuple nicaraguayen et avec ses pasteurs prophètes de justice».

Le communiqué, signé par le président du CELAM, Mgr Rubén Salazar Gómez, archevêque de Bogota (Colombie), et par le secrétaire général, Mgr Juan Espinoza Jiménez, évêque auxiliaire de Morelia (Mexique), souligne que «face à cette grave situation, nous sommes appelés à être la voix de ceux qui n’ont pas de voix, à faire valoir les droits du peuple nicaraguayen et à trouver les chemins du dialogue et instaurer la justice et la paix».

Inquiétude des évêques européens

Les évêques du CELAM encouragent les évêques nicaraguayens «à continuer à être les défenseurs des droits humains et les porteurs de l’espoir».  Enfin, ils les exhortent «à continuer à être les leaders valeureux à travers lesquels Dieu se fait présent et guide l’histoire de son peuple». De son côté, le cardinal Angelo Bagnasco, président du Conseil des Conférences épiscopales d’Europe (CCEE) a fait part de sa profonde préoccupation face à l’escalade de la violence au Nicaragua.

Le cardinal Leopoldo Brenes, archevêque de Managua, au Nicaragua (Photo:YouTube.com)

Dans une lettre adressée à Mgr Leopoldo José Brenes Solórzano, archevêque de Managua, il lance un appel à la conscience de tous pour arriver à une trêve et permettre un retour rapide à la table du dialogue national pour chercher des moyens de résoudre la crise, rappelant que «la paix et la vie humaine sont des biens inaliénables au-dessus de tout intérêt».

Le nonce pleure les morts

Le nonce apostolique au Nicaragua, Waldemar Stanislaw Sommertag, a pour sa part exhorté le président Daniel Ortega et l’opposition à conclure une trêve pour mettre fin aux constants affrontements entre les forces gouvernementales et les manifestants dans différents points du pays.

«Ce n’est pas acceptable de penser que des morts et des victimes de la violence puissent être la solution à une crise politique et garantir un futur de paix et de prospérité au Nicaragua».

De même, la CIDH rappelle que le Nicaragua doit démanteler les groupes d’autodéfense et adopter des mesures pour empêcher les agissements continus de groupes armés qui attaquent et harcèlent la population civile, avec le soutien et l’assentiment de l’Etat. Pour ce faire, le gouvernement doit enquêter sur les événements auxquels ces groupes ont participé, identifier et punir les responsables qui agissent en coordination avec des structures de l’Etat. (cath.ch/jcg/vaticannews/be)

 

 

 

A Masaya, au sud-est de Managua, des manifestants armés Capture d'écran RTVE
21 juillet 2018 | 18:49
par Jacques Berset
Temps de lecture: env. 3 min.
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