Les travaux de restauration ont avancé à Notre-Dame de Paris | © KEYSTONE/MAXPPP/LP/Matthieu de Martignac
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Notre-Dame de Paris, un an après le drame

Il y a un an, le 15 avril 2019, la cathédrale Notre-Dame de Paris brûlait, suscitant une émotion planétaire. Bien partis, les travaux de restauration sont aujourd’hui suspendus à cause du Covid-19. Pourtant, Notre-Dame doit être reconstruite en cinq ans, selon les promesses du président Macron.

Dimanche de Pâques 21 avril 2019. Depuis six jours, la capitale française n’a plus de cathédrale. Mgr Michel Aupetit prêche en l’église Saint-Eustache de Paris: «’Où est le Corps du Seigneur?’, demande l’archevêque de Paris. C’est la question qui s’est posée lundi soir au plus fort de l’incendie de Notre-Dame de Paris: Il fallait sauver la cathédrale, le trésor, constitué des pièces d’orfèvrerie accumulées au cours des siècles. Il fallait aussi sauver, pour les croyants, cette relique infiniment précieuse qu’est la couronne d’épines de Jésus ramenée par le roi saint Louis».

«Mais une question angoissante a surgi dans mon cœur: ›Où est le Corps du Seigneur?’, poursuit le prélat. A-t-on pu sortir le Saint-Sacrement? Le Corps de Jésus qui était dans le tabernacle? C’est pour ce Corps, voilé sous l’apparence d’une miette de pain, qu’a été construite cette cathédrale. Qu’est-ce qui est le plus précieux? La cathédrale, le trésor, ou la miette de pain?». Mgr Aupetit remercie les pompiers qui ont sauvé la cathédrale. «Mais, ajoute-t-il, je voudrais aussi remercier l’aumônier des pompiers, le Père Fournier, qui est allé chercher le Corps du Christ, le Saint-Sacrement qui donne tout son sens à la vie de cet édifice splendide».

L’âme de la France

Emouvant résumé d’un étonnant lundi de Semaine sainte. Vers 18h, le feu se déclare sous la charpente de la vénérable cathédrale, sur l’Ile de la Cité. Il est détecté tardivement et les pompiers ont beau pomper l’eau de la Seine: le feu se propage à grande vitesse, notamment dans les combles. La flèche de 96 mètres, érigée par Eugène Viollet-Leduc, s’effondre, sous les regards sidérés des Parisiens et des touristes accourus en masse. Des groupes de prière se créent, spontanément. Paris brûle-t-il? Non, mais son cœur spirituel est atteint. Il faut en urgence évacuer les pièces d’art les plus précieuses, notamment la couronne d’épines et les reliques, le clou de la passion du Christ et le morceau de la croix. Et le Saint-Sacrement sera sauvé.

Le 15 avril 2019, un terrible incendie ravageait Notre-Dame de Paris (Twitter)

Le contre-la-montre atteint des proportions dramatiques en cette nuit mémorable. «On a compris que Notre-Dame était, que l’on soit croyant ou non, un lieu spécial de notre histoire et de notre passé, confie à l’hebdomadaire La Vie, le général Jean-Louis Georgelin, nommé pour piloter la restauration de l’édifice. On a vu remonter l’âme de la France».

Charbon en forme de cœur

Notre-Dame de Paris, exaltée par Victor Hugo, célébrée par Paul Claudel, est une silhouette, un décor, un haut lieu spirituel cher au cœur des Français et des plus de 10 millions de visiteurs qu’elle accueillait chaque année. L’incendie ravageur a occasionné des dégâts considérables. La charpente a disparu. Les murs ont tenu, mais tout menace de s’effondrer. La nef est remplie de gravats.

Le 16 avril au matin, lorsque les pompiers pénètrent dans l’édifice dévasté, des surprises les attendent. La grande croix en bois ignifugé qui rayonne au fond du chœur est intacte. Le coq de cuivre de 30 kilos, tombé de la flèche, est indemne, mais cabossé. Même la Vierge au pilier, au pied de laquelle l’écrivain Claudel a été converti, le 25 décembre 1886 (»En un instant, mon cœur fut touché et je crus!»), est entière. Et un bout de charbon calciné en forme de cœur est retrouvé au pied de l’enfant Jésus que Marie porte dans ses bras. Cette statue du XVIe siècle, symbole de la cathédrale, restera en place pendant les premiers travaux. Elle sera déplacée en septembre 2019 à l’église Saint-Germain-l’Auxerrois.

Souscription pour la reconstruction

Dès les premiers jours, le président Emmanuel Macron intervient: «Nous rebâtirons la cathédrale Notre-Dame plus belle encore et je veux que cela soit achevé d’ici cinq années, nous le pouvons». Il fixe une date: avril 2024. Notre-Dame rouvrira, restaurée. Mais la partie sera serrée, tout le monde le sait. La cathédrale de Paris, ravagée, devient une cause nationale. Les dons affluent de France et du monde entier. Quatre fondations gèrent les souscriptions, reversées à un fonds spécial créé pour l’occasion.

La solidarité est considérable. Plusieurs centaines de millions d’euros – plus de 600 selon certaines sources – sont récoltés. Mais les coûts des travaux donnent le tournis. La sécurisation du site se chiffre déjà à 85 millions. Car il a fallu consolider, étayer, déblayer, bâcher, poser des filets. Et des questions surgissent: faut-il refaire la charpente disparue à l’identique? Avec quel matériau, du bois ou en métal? Va-t-on refaire la flèche comme la précédente?

Une messe, deux mois après

De son côté, l’abbé Benoît de Sinety, vicaire général du diocèse, rappelle la nécessité de répartir les dons en ayant le souci des plus pauvres. «A l’ère des cathédrales, une œuvre hospitalière dite hôtel-Dieu était toujours construite à côté. Il faut faire la même chose aujourd’hui», confie-t-il à La Vie.

Mgr Michel Aupetit, archevêque de Paris | © Maurice Page

Le 15 juin 2019, l’archevêque de Paris ose un geste surprenant. Casqué de blanc, avec quelques officiels, il va célébrer la messe au cœur de l’édifice blessé. Il intervient explicitement pour que la réflexion sur l’avenir de Notre-Dame n’omette pas la vocation initiale de l’édifice: être un lieu de culte pour les catholiques avant d’être un musée ou un monument: «Avons-nous honte de la foi de nos ancêtres? Avons-nous honte du Christ? Oui, cette cathédrale est un lieu de culte, c’est sa finalité propre et unique, plaide Mgr Aupetit dans son homélie. Peut-on vraiment, par ignorance ou par idéologie, séparer la culture et le culte?».

10’000 tubes soudés

Aujourd’hui, coronavirus oblige, les travaux sont suspendus. Un aléa supplémentaire après la polémique, au cours de l’été 2019, sur les émanations de plomb affectant les ouvriers travaillant sur l’édifice. Les installations servant à la décontamination ne permettent pas, en effet, le respect des distances sanitaires. Certains travaux, pourtant, ont bien avancé: la dépose des vitraux, le dégagement des gravats, la pose de cintres en bois sous les arcs-boutants. Mais les 10’000 tubes métalliques de l’échafaudage, soudés par l’incendie, sont encore à démonter. La tâche prendra plusieurs mois.

Le 10 avril 2020, à l’occasion du Vendredi-Saint, nouvelle cérémonie à l’intérieur de Notre-Dame, sous la houlette de l’archevêque Michel Aupetit. A genoux devant la couronne d’épines, sauvée pendant l’incendie, le prélat prie le Christ et lance, à propos de la cathédrale: «Ce monument extraordinaire est sorti du génie des hommes afin qu’ils arrivent à te contempler, à contempler ta transcendance». La célébration est rythmée par des lectures de textes. Et La Vierge à midi de Paul Claudel retentit: «Je viens seulement, Mère, pour vous regarder. Simplement parce que vous êtes là. …». Notre-Dame de Paris revivra. (cath.ch/bl)

Les travaux de restauration ont avancé à Notre-Dame de Paris | © KEYSTONE/MAXPPP/LP/Matthieu de Martignac
15 avril 2020 | 17:00
par Bernard Litzler
Temps de lecture: env. 5 min.
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