Urs Brosi, secrétaire de la RKZ, l'organisation faîtière des corporations ecclésiastiques catholiques de Suisse | © Bernard Hallet
Suisse

Pourquoi la RKZ finance-t-elle l’aumônerie pour les requérants d’asile?

La Conférence centrale catholique romaine de Suisse (RKZ) finance désormais l’aumônerie dans les centres fédéraux d’asile (CFA). Une contribution annuelle qu’elle montera à 600’000 francs en 2027. Urs Brosi, secrétaire général de la faîtière des corporations ecclésiastiques, explique les enjeux de ce nouvel engagement.

Regula Pfeifer, kath.ch / traduction et adaptation: Raphaël Zbinden

Quelles raisons ont-elles poussé la RKZ à faire de l’aumônerie dans les centres fédéraux d’asile (CFA) une priorité?
Urs Brosi: L’accompagnement pastoral des personnes se trouvant dans des institutions spécialisées telles que les hôpitaux, les cliniques, les prisons, l’armée ou les centres d’asile a pris toujours plus d’importance au cours des dernières décennies. Les services d’écoute et d’accompagnement sont ouverts à tous, croyants et non-croyants. Il s’agit donc avant tout d’un service diaconal rendu à des personnes qui connaissent une forme quelconque de détresse. L’attention à l’étranger est un principe évangélique primordial.

En juin 2025, 2213 personnes ont déposé une demande d’asile en Suisse, soit une hausse d’environ 9 % par rapport au mois précédent, indiquent les services de la Confédération. Le nombre total des demandes d’asile déposées au cours du premier semestre 2025 est cependant inférieur de près de 18% à celui enregistré durant la même période de 2024. RZ

Toutes les Églises cantonales sont-elles favorables à cette mesure?
La grande majorité des responsables des corporations ecclésiastiques (Églises cantonales) soutiennent cette conception d’une telle offre d’accompagnement spirituel ouverte à tous. Même si quelques-uns estiment que cette offre ne relève pas de la mission de l’Église, car seule une très petite partie des demandeurs d’asile sont catholiques.

La RKZ prend-elle désormais en charge tous les coûts salariaux des aumôniers catholiques dans les centres d’asile?
Pas tout à fait. L’engagement des aumôniers catholiques accrédités par le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) continue de passer par les corporations ecclésiastiques locales. La RKZ prend en charge une grande partie des coûts salariaux et des cotisations sociales, mais pas à 100%.

«Le financement de base par la RKZ constitue un acte de solidarité entre les Églises cantonales»

Pourquoi l’intégralité des coûts n’est-elle pas prise en charge?
Afin de garantir l’égalité de traitement, un taux salarial uniforme est appliqué. Celui-ci couvre les coûts en Suisse romande, mais pas en Suisse alémanique, où les salaires sont plus élevés. De plus, la dotation fixée par l’autorité compétente n’est prise en charge que dans la limite du montant calculé sur la base du nombre d’occupants du SEM dans le canton concerné. Les taux d’occupation sont très changeants, car ils dépendent du nombre total de personnes en procédure d’asile ou d’expulsion, mais aussi de l’infrastructure dont le SEM peut disposer pour les CFA.

Qu’attend la RKZ de cette nouvelle réglementation du financement?
Les centres fédéraux d’asile sont, comme leur nom l’indique, une affaire fédérale. En conséquence, l’idée selon laquelle l’aumônerie dans ces centres devrait également être financée par l’Église catholique au niveau national était déjà dans l’air déjà depuis longtemps. Pour des raisons historiques, l’Église protestante a introduit le financement de base national il y a 20 ans, mais pas l’Église catholique.

«La raison principale des mesures d’économie est liée aux nouvelles tâches dans le cadre de la lutte contre les abus sexuels»

Les emplacements choisis par la Confédération pour ouvrir les centres d’enregistrement sont relativement aléatoires. Il y a 30 ans, la Confédération a délibérément installé les quatre premiers centres d’accueil près des frontières, à Bâle, Chiasso, Genève et Kreuzlingen. Elle gère actuellement plus de 20 centres d’accueil répartis dans 14 cantons. Elle utilise pour cela d’anciennes installations militaires, d’anciens hôpitaux, des abris de protection civile et d’autres infrastructures. Les 14 Églises cantonales concernées mettent donc à disposition des aumôniers, tandis que les 12 autres n’ont pas à le faire.

Le financement de base par la RKZ constitue un acte de solidarité entre les Églises cantonales, dans la mesure où une partie importante des coûts de l’aumônerie est supportée en commun.

Y avait-il une préoccupation des corporations ecclésiastiques financièrement faibles, qui se retrouvent ainsi soulagées en cédant le financement de l’aumônerie pour les demandeurs d’asile?
L’idée d’un financement solidaire de cette tâche nationale existait depuis longtemps. Elle avait déjà été intégrée dans le concept global de la pastorale des migrants, publié il y a cinq ans. Mais la nécessité d’agir s’est fait sentir lorsque la Confédération a mis en place l’un des plus grands CFA dans un canton dont la corporation ecclésiastique n’a que peu de moyens en raison de l’absence d’impôt ecclésiastique: le CFA de Boudry, dans le canton de Neuchâtel. À la demande de la Fédération catholique romaine neuchâteloise (FCRN), l’assemblée plénière de la RKZ 2022 a décidé d’accorder un soutien, ce qui a créé un précédent. Le règlement adopté en novembre 2024 crée désormais un cadre juridique pour le financement de base de tous les services d’aumônerie catholique dans les centres fédéraux.

Le nouveau financement de l’aumônerie dans les CFA est-il en lien avec les mesures d’économie annoncées par la RKZ?
La raison principale des mesures d’économie est liée aux nouvelles tâches dans le cadre de la lutte contre les abus sexuels. Les Églises cantonales étaient prêtes à augmenter leurs contributions de 420’000 francs par an pour financer l’étude historique qui doit être publiée en février 2027. Mais les mesures de prévention et d’intervention ainsi que les paiements de réparation nécessitent des fonds supplémentaires, ce qui rend désormais inévitables les mesures d’économie. Pour l’instant, nous ne pouvons qu’estimer les coûts induits de manière grossière, car les mesures sont encore en cours d’élaboration ou d’introduction.

«Le SEM soutient uniquement l’aumônerie musulmane par des contributions»

En ce qui concerne le financement de base de l’aumônerie dans les CFA: pour 2025 et 2026, les Églises cantonales sont à nouveau prêtes à augmenter leurs contributions à la RKZ de 200’000 francs chacune, afin de rendre cela possible. Toutefois, les délégués ont exigé que la troisième étape d’extension, en 2027, soit financée par des économies. Il s’agit d’un montant compris entre 100’000 et 200’000 francs.

En réalité, le financement devrait être neutre en termes de coûts, car s’apparentant à un transfert des coûts des Églises cantonales vers l’organisation faîtière, la RKZ.
C’est exact. Cependant, 12 corporations ecclésiastiques doivent payer plus pour que 14 organisations reçoivent plus. En raison de la situation financière parfois tendue, cette augmentation n’est pas possible pour toutes. Dans certaines Églises cantonales, les sorties d’Église ont un impact financier important. L’écart entre les corporations financièrement solides et celles qui ont peu de moyens se creuse.

Mais pourquoi avoir décidé d’une introduction progressive, sur trois ans, de cette prise en charge des coûts?
L’augmentation progressive des contributions au niveau national permet aux corporations de mieux planifier la charge croissante des coûts.

La RKZ finance-t-elle également la pastorale assurée par des membres d’autres communautés religieuses?
La RKZ finance la pastorale assurée pour le compte de l’Église catholique romaine. L’Église évangélique réformée, l’Église catholique-chrétienne et les communautés juives financent également leur propre pastorale. Mais toutes les communautés religieuses considèrent que leur offre est ouverte à toutes les personnes qui se trouvent dans un centre d’enregistrement, quelle que soit leur appartenance religieuse.

Depuis quelques années, le SEM soutient uniquement l’aumônerie musulmane par des contributions. Dans le cadre de la révision en cours de la loi sur l’asile, ce financement devrait recevoir une base légale. Le SEM souhaitait limiter son soutien aux communautés religieuses qui ne peuvent percevoir d’impôt ecclésiastique en Suisse. Mais ce service a apparemment réalisé trop tard que cette question n’était pas réglementée au niveau national et variait d’un canton à l’autre. La proposition du Conseil fédéral au Parlement est désormais formulée de manière très vague. Nous verrons comment le processus législatif évoluera. (cath.ch/kath/rp/rz)

Le nouveau financement de l’aumônerie dans les centres fédéraux d’asile
En 2025, la RKZ contribue pour la première fois à hauteur de 200’000 francs à l’aumônerie catholique dans les centres fédéraux d’asile. En 2026, ce montant passera à 400’000 francs, puis à 600’000 francs en 2027. C’est ce qui ressort de l’extrait du procès-verbal «Règlement pour le financement de base de l’aumônerie dans les centres fédéraux d’asile» du 29 novembre 2024.
La RKZ rémunère ainsi l’aumônerie dans les CFA de Suisse par l’intermédiaire de l’Église cantonale dans laquelle se trouve le CFA. La rémunération que la RKZ verse à une Église cantonale dépend du taux d’occupation des aumôniers dans le CFA qui dépend du taux d’occupation du CFA. Les collectivités ecclésiastiques cantonales qui sollicitent le soutien de la RKZ doivent indiquer ce taux au début de chaque trimestre. Cela permet de tenir compte de la volatilité du nombre de personnes en procédure d’asile. Le salaire annuel des aumôniers est fixé à 100’000 francs. RP

Urs Brosi, secrétaire de la RKZ, l'organisation faîtière des corporations ecclésiastiques catholiques de Suisse | © Bernard Hallet
23 juillet 2025 | 17:00
par Rédaction
Temps de lecture : env. 7  min.
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