L'église de Boudry est le principal point de rassemblement de la paroisse de St-Paul du Littoral de l'ouest neuchâtelois | © Raphaël Zbinden
Dossier

Neuchâtel: paroisse St-Paul du Littoral, l’énergie de la fusion

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La paroisse Saint-Paul du Littoral ouest neuchâtelois est née en janvier 2023 de la réunion des paroisses de Boudry-Cortaillod et de La Béroche-Bevaix. Une fusion qui n’a pas été sans difficulté, mais qui met la communauté dans une nouvelle dynamique.

Le visiteur passant un dimanche matin à Boudry a une chance d’entendre sortir de l’église des chants africains. C’est qu’une chorale camerounaise vient de se créer dans la nouvelle paroisse du Littoral. «Ces danses, ces chants,créent une toute autre ambiance pour la messe. Cela apporte certainement de la joie et de la vie», assure Luc Bucyana, curé modérateur de la paroisse Saint-Paul du Littoral ouest neuchâtelois. Le groupe tente d’apprendre maintenant des chants du Rwanda, pour rendre hommage au  pays d’origine de l’abbé.

Regroupement des forces

Luc Bucyana a été l’une des chevilles ouvrières de la fusion qui a fait naître la nouvelle communauté. La démarche s’inscrit dans un mouvement de regroupement des forces en cours dans le diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF). Dans une récente lettre pastorale, l’évêque Charles Morerod notait: «Il faut discerner localement comment réunir des paroisses», avertissant du risque de risque de «morceler nos communautés réduites et de les rendre moins vivantes.» Une injonction donc bien suivie dans la région diocésaine de Neuchâtel, où d’autres fusions sont en cours ou en réflexion.

Luc Bucyana est curé modérateur de la paroisse St-Paul du Littoral de l’ouest neuchâtelois | © Raphaël Zbinden

La nouvelle communauté du Littoral compte à présent plus de 5300 catholiques, ce qui en fait la plus grande paroisse de l’Unité pastorale (UP) de l’ouest neuchâtelois.

Pour Luc Bucyana, ce regroupement était une évidence. «Nous faisions déjà depuis un moment la catéchèse et d’autres activités ensemble. Le but de la fusion est donc surtout pastoral, il nous permet d’avoir des communautés plus nombreuses et plus actives». La baisse constante du nombre de fidèles, depuis quelques décennies, pose de plus en plus de défis. Il n’est pas aisé, en particulier, de trouver des candidats pour les conseils paroissiaux. Le manque de prêtres complique également l’accessibilité des croyants aux sacrements et notamment à l’Eucharistie.

L’église de La Béroche est l’un des trois lieux de culte de la paroisse du Littoral (Neuchâtel), avec celles de Bevaix et Boudry (l’église de Cortaillod a été désacralisée) | © cath-ne.ch

Accepter de laisser des choses derrière soi

Le projet de fusion ne s’est cependant pas imposé immédiatement dans les esprits, admet le prêtre, qui est depuis cinq ans dans la paroisse. «Certaines personnes craignaient les changements, avaient peur de devoir peut-être plus se déplacer. Elles sont aussi attachées à un lieu de culte particulier, ce qui est bien compréhensible, car il y a toute une histoire derrière, des vécus émotionnels, des relations, des investissements… Certains ont pu avoir l’impression de ‘perdre leur bébé’. Nous avons donc dû faire un travail de sensibilisation, notamment pour expliquer que nous étions de toute façon déjà dans une logique et une dynamique communes et que le but était de se mettre ensemble pour créer une communauté plus vivante».

Finalement, le processus s’est bien déroulé, assure le prêtre. «Tout le monde a pu constater à quel point le fait d’avoir un seul curé, une seule catéchèse, une seule paroisse, facilitait les activités.»  

Une «pastorale des après»

La fusion ne règle cependant pas tous les problèmes. Et les défis sont encore grands pour la nouvelle paroisse des bords du lac.

«L’on essaye en particulier de développer la pastorale de la jeunesse», note Luc Bucyana. Cette tranche d’âge est en effet l’une des plus difficiles à mobiliser. La paroisse voudrait créer un groupe de jeunes qui permettrait de lancer une dynamique positive. «Souvent, c’est quand des jeunes commencent à faire quelque chose d’intéressant que leurs amis veulent aussi s’y mettre et cela crée un élan».

L’une des préoccupations est cependant de proposer des activités qui fidélisent. «Après la communion ou la confirmation, les jeunes ne reviennent souvent pas, regrette le curé modérateur. Nous voudrions faire plus qu’une catéchèse ‘avec échéance’. Ce n’est pas comme si nous devions accomplir notre mission et qu’ensuite, c’était fini.»

L’intérieur de l’église de Boudry (Neuchâtel) | © Raphaël Zbinden

Pour palier ce phénomène, l’équipe paroissiale entend développer une «pastorale des après». Une démarche qui a également du sens pour les funérailles, relève le curé. «Les personnes qui demandent un enterrement ne fréquentent souvent pas l’église. Mais elles y viennent pour des moments importants de la vie, de la famille. Nous avons constaté qu’elles avaient un grand besoin d’être écoutées, réconfortées. Mais qu’est-ce que l’on fait pour elles après la cérémonie? Il faut continuer de les soutenir, garder le contact, par des choses simples, mais qui donnent du sens à ce qu’elles vivent.»

Faire apprécier la proximité

Les structures se mettent progressivement en place. Une agente pastorale invite par exemples déjà les jeunes à des repas après la confirmation. Des projets existent d’assemblées synodales, selon les impulsions de la démarche lancée par le pape François. «Nous voulons organiser des événements où tout le monde serait invité, pas seulement les catholiques. Pour parler de tout, de la vie, pour que les personnes puissent s’exprimer. Nous avons remarqué à quel point les gens ont besoin de témoignages.»

Les responsables de la paroisse sont conscient que les nouvelles générations ont besoin de vivre en Eglise quelque chose de plus que les anciennes. «Il y a une envie de partage, de communauté, de quelque chose qui rassemble. Et nous regardons comment nous pouvons répondre à cela».

L’église de Bevaix est l’un des trois lieux de culte de la paroisse du Littoral (Neuchâtel), avec celles de La Béroche et Boudry (l’église de Cortaillod a été désacralisée) | © cath-ne.ch

Une difficulté vient aussi de la grande mobilité de la population, aujourd’hui. Luc Bucyana regrette ainsi le petit nombre de jeunes familles à la messe. «Il n’y pas grand chose de prévu pour les attirer dans les lieux de culte locaux. Beaucoup des jeunes couples avec enfants qui vivent par ici préfèrent aller à la messe à Neuchâtel. Nous devons faire reconnaître les avantages de la proximité.»

La force du ‘vivre ensemble’

Une grande partie des fidèles de St-Paul du Littoral sont issus de l’immigration, souvent ancienne, notamment de la Méditerranée. Une pluriculturalité encore renforcée par la proximité du centre pour requérants d’asile de Perreux. Des personnes du monde entier fréquentent ainsi l’église de Boudry, qui joue le rôle de point de rassemblement dans la nouvelle communauté. «C’est très enrichissant de rencontrer toute cette diversité, il m’arrive souvent de devoir parler l’anglais à la sortie de la messe», s’amuse Luc Bucyana.

Le Rwandais d’origine a été marqué par la générosité des paroissiens par rapport à cela. Certains se chargent d’aller chercher en voiture des requérants qui veulent assister à la messe. «A la sortie, des fidèles du lieu leur demandent s’ils ont besoin d’un service quelconque…»

Si le ‘vivre ensemble’ est donc bien implanté sur les rives du Lac de Neuchâtel, l’abbé Bucyana est convaincu que la récente fusion pourra énergiser les élans de solidarité et de partage. Cette nouvelle «synodalité» à inventer demandera cependant de «sortir de ce qu’on a toujours fait». (cath.ch/rz)

L’abbé Luc Bucyana, né au Rwanda, a été prêtre auxiliaire dans L’UP des Montagnes neuchâteloises. Il est curé modérateur de l’UP Neuchâtel-Ouest depuis 2016. En juin 2023, tout en restant curé modérateur de la paroisse St-Paul du Littoral, il a été nommé curé modérateur de l’UP Neuchâtel-Ville, ainsi que recteur de la Basilique Notre-Dame-de-l’Assomption et administrateur de l’UP Neuchâtel–Ouest. Son installation par Mgr Morerod a eu lieu le 22 octobre. Luc Bucyana est aussi membre de la Cellule diocésaine d’accueil et d’accompagnement des agents pastoraux venus d’ailleurs. RZ

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L'église de Boudry est le principal point de rassemblement de la paroisse de St-Paul du Littoral de l'ouest neuchâtelois | © Raphaël Zbinden
1 novembre 2023 | 17:00
par Raphaël Zbinden

Série: Visages de paroisses

Paroisses et unités pastorales (UP) sont les principaux lieux de vie communautaire dans l’Eglise en Suisse romande. Leur vitalité et leur créativité sont pourtant souvent méconnues. cath.ch présente chaque mois, à partir de janvier 2020, une autre de ces façons de vivre l’Eglise ensemble.

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