Mgr Marcello Semeraro, a été secrétaire du Conseil des cardinaux de 2013 à 2020 | © Vaticannews.va
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'Praedicate Evangelium': neuf ans de travail et de consultations

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Neuf ans de travail, des dizaines d’aller-retour entre le conseil des cardinaux et les organes de la curie, l’élaboration de la nouvelle constitution apostolique a été un chantier d’une envergure exceptionnelle pour la curie romaine.

Pendant neuf ans, le cardinal Marcello Semeraro (entre 2013 et 2020) puis Mgr Marco Mellino (2020-2022) auront été les chevilles ouvrières, en tant que secrétaires du Conseil des cardinaux, de la rédaction de la nouvelle constitution apostolique Praedicate Evangelium du pape François. Lors d’une conférence de presse organisée le 21 mars 2022, les deux hommes ont présenté la genèse et l’élaboration de ce texte qui transforme en profondeur la Curie.

Le projet de nouvelle Constitution apostolique a été envisagé «en vertu du mandat et des indications précises que les Congrégations générales, tenues dans les jours précédant le conclave, avaient spécifiés pour le nouveau pontife», a expliqué Mgr Marco Mellino. Mais ce texte porte aussi la conviction profonde exprimée par le pape François dans sa première exhortation apostolique, Evangelii Gaudium (2013) : «la papauté et les structures centrales de l’Église universelle doivent […] tenir compte de l’appel à une conversation pastorale». 

Pour mettre en œuvre cette mission, le pape argentin a créé en avril 2013 un «Conseil des cardinaux», constitué de moins de dix membres (aujourd’hui sept) avec pour mission de l’assister dans la rédaction d’une nouvelle constitution apostolique. C’est au cœur de ce cercle restreint de cardinaux venant du monde entier qu’une vision d’ensemble a mûri, qui s’est progressivement concrétisée dans un projet de réforme, a expliqué le secrétaire actuel du Conseil des cardinaux.

De nombreux allers-retours

La première phase de l’élaboration des grandes lignes de la constitution a commencé le 28 septembre 2013 et a duré cinq ans. Ce travail a abouti à la rédaction d’un premier projet (en septembre-décembre 2018) contenant «les critères et les principes directeurs du nouveau cadre constitutionnel». 

S’est ensuivie une première phase de révision et de discussion pendant l’hiver et le printemps 2019 avant que le texte ne soit soumis à tous les supérieurs de dicastères et entités de la Curie romaine. Ce document de travail a aussi été envoyé à toutes les conférences épiscopales et équivalents orientaux, aux représentations pontificales, aux universités pontificales, à certaines agences d’information ainsi qu’à certains cardinaux choisis par le pape François, a confié Mgr Mellino. 

Après avoir recueilli les observations et propositions pendant l’été, chaque amendement soumis a été «examiné, discuté et voté». Lors de cette phase, les propositions étudiées étaient systématiquement «anonymisées», a assuré Mgr Mellino. Cette phase a abouti en octobre 2019 à une nouvelle version du brouillon, à nouveau soumise à la consultation de certains chefs de dicastère de la Curie romaine puis envoyée, en janvier 2020, aux cardinaux résidant à Rome pour recueillir leurs suggestions. 

Presque deux ans de relecture

Une nouvelle fois, des remarques ont été apportées et chacun de ces «amendements» a été examiné, discuté puis voté pendant la session de février 2020. La pandémie de Covid-19 a gêné un temps les réunions, mais celles-ci se sont malgré tout tenues en visioconférence et ont abouti à un troisième brouillon daté du 8 juin 2020.

À partir de juillet 2020, ce texte a été remis au pape François. Pendant l’été, il a «examiné personnellement les modifications, en tenant compte des observations, des indications et des propositions reçues et en faisant ses propres choix, en tant que Législateur suprême», a expliqué Mgr Mellino. 

Le résultat de son travail a abouti à une première version de la constitution le 16 septembre 2020. Elle a été alors soumise à l’examen de la Congrégation pour la doctrine de la foi et au Conseil pontifical pour les textes législatifs afin qu’ils énoncent un «avis global» ainsi que des «observations spécifiques et circonscrites» sur celle-ci, «tant sur les aspects juridiques que doctrinaux». L’étude du texte a ensuite continué et leurs remarques ont été intégrées pour aboutir à la version définitive, ce travail se poursuivant «jusqu’à il y a quelques jours», a-t-il souligné. 

Pas encore de date pour les traductions et l’édition finale

Étant donné que Praedicate Evangelium a intégré peu à peu tous les Motu proprio signés par le pape François ces dernières années – pour instituer de nouvelles entités ou réformer certaines autres – ce texte est d’une certaine manière «une pièce dans une mosaïque plus vaste et articulée», a considéré Mgr Mellino. Avant d’ajouter: «il est également vrai qu’avec ce texte, la réforme de la Curie romaine trouve sa forme complète».

Le travail n’est cependant pas véritablement terminé. Tout d’abord parce que le délai d’attente pour les traductions n’est «pas encore connu», a confié Matteo Bruni, directeur du Bureau de presse du Saint-Siège. Le laïc italien a aussi affirmé ne pas être en mesure de donner la date de la publication de l’ «édition typique», texte de référence de la Constitution qui devrait aussi être publié dans L’Osservatore Romano

Une constitution pas intégralement terminée

La Constitution apostolique devrait encore connaître quelques modifications, a confirmé Mgr Mellino qui reste secrétaire. Une nouvelle réunion des cardinaux-conseillers étant prévue à la fin du mois d’avril.

Il a notamment reconnu, lors de la conférence de presse, une «erreur» qui devrait être corrigée à propos du paragraphe 93. Ce dernier affirme que le Dicastère pour le culte divin et la discipline des sacrements s’occupe de la liturgie sacrée «pour ce qui regarde la forme extraordinaire du rite romain», une expression pourtant abrogée par le pape François dans son récent Motu proprio Traditionis custodes (2021). D’autres exemples de contradictions de ce type existent, a appris I.MEDIA.

«S’il y a d’autres changements à faire, le pape les fera», a déclaré le cardinal Semeraro. Il a rappelé que des modifications a posteriori avaient aussi été effectuées par Jean Paul II et Paul VI lors de la publication des deux précédentes constitutions apostoliques.

L’actuel préfet de la Congrégation pour les causes des saints a insisté sur le principe de «gradualité» présent dans la Constitution apostolique, déclarant que cela signifiait que ce document était pensé «sans obsession pour les résultats immédiats». «Le temps est supérieur à l’espace», a-t-il enfin affirmé, citant une des formules célèbres du pape François. (cath.ch/imedia/cd/mp)

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Mgr Marcello Semeraro, a été secrétaire du Conseil des cardinaux de 2013 à 2020 | © Vaticannews.va
22 mars 2022 | 11:48
par I.MEDIA

Praedicate Evangelium

Publiée le 19 mars 2022, la Constitution apostolique Praedicate Evangelium réforme en profondeur la Curie romaine. Elle intègre de nombreux changements opérés par le pape François par décrets (Motu proprio) ces dernières années mais propose aussi plusieurs nouveautés significatives.

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