Evêques et théologiens ont débattu sur le thème de la famille (Photo:WikimediaCommons/CatherineScott/CC BY-SA 2.0)
Vatican

Rome: Des évêques et théologiens européens débattent de la famille 

Rome, 26 mai 2015 (Apic) En toute liberté, à l’invitation des présidents des conférences épiscopales de Suisse, de France et d’Allemagne, quelques évêques de ces trois pays ont planché sur la théologie du mariage et de la famille avec une vingtaine d’experts, le 25 mai 2015 à l’Université Grégorienne, à Rome. Entre deux synodes sur la famille, le débat théologique, particulièrement ouvert, s’est concentré sur l’accueil dans l’Eglise des divorcés remariés, en particulier à la lumière des Ecritures saintes mais aussi de la morale.

Des experts français, allemands et suisses étaient invités à participer à cette table ronde par les présidents des trois épiscopats, qui se réunissent déjà chaque année autour de thèmes à travailler, mais avaient tenu cette année à ajouter une rencontre à huis clos avec des théologiens, à mi-parcours entre deux synodes. Les quelques journalistes présents, pour une parole plus libre sur des sujets aussi sensibles, ont été invités à ne pas citer explicitement leurs auteurs.

La réflexion des théologiens, qui devrait être portée en octobre prochain lors du synode par certains participants, était particulièrement ouverte. Certains ont ainsi avancé que la discipline de l’Eglise est loin d’être immobile, qu’un deuxième mariage peut être une union authentique, que le pardon est un enjeu majeur de la vie chrétienne, que l’indissolubilité du mariage ressemble aujourd’hui à une utopie, que Dieu peut être présent dans un couple homosexuel stable et fidèle qui n’est cependant pas comparable à un mariage, ou encore que l’Eglise doit utiliser un langage moins brutal en pleine crise du mariage.

«Si, à la fin du synode, l’Eglise continue d’affirmer ce qu’elle a toujours dit, ce serait un échec», a résumé l’un des participants en invitant les évêques qui s’affrontent aujourd’hui souvent par voie de presse à «ne pas rendre la situation plus difficile». Assurant que le pape François a mis «l’Eglise en marche» avec le synode sur la famille, un prélat a salué «la liberté de parole» voulue par le pontife au synode et mis en garde contre des «complots imaginaires». L’Eglise, a prévenu un autre participant, ne souhaite pas «s’aligner sur le monde ambiant», mais «elle doit changer de langage et de regard» sur de nombreuses situations.

C’est aussi l’avis de la bibliste française Anne-Marie Pelletier, qui participait à ce colloque. Pour la lauréate du dernier Prix Ratzinger, la discussion s’est déroulée avec une grande «liberté de parole» en prenant «le risque de la nouveauté». Au terme des discussions, elle a brièvement répondu à I.MEDIA.

Anne-Marie Pelletier, comment avez-vous vécu cette journée de travail, ce dialogue entre théologiens et évêques ?

C’est un véritable signe des temps. L’Eglise entre dans une dynamique d’écoute mutuelle où le magistère, restant ce qu’il est avec sa vocation à guider les consciences, s’aperçoit qu’il ne peut le faire qu’en écho à la parole des baptisés. L’assistance comptait ainsi des laïcs, y compris des femmes, et j’ai été frappée par la liberté de parole et la richesse qui en découle. Nous n’étions pas dans la répétition de discours convenus, mais nous avons pointé des problèmes tout à fait réels qui sont ceux de la vie de l’Eglise dans la société contemporaine, avec l’idée que nous n’aurons une parole crédible – et fidèle au Christ – que si nous faisons le détour par cette écoute.

On a eu la sensation au fil des discussions que l’Eglise, pour utiliser une métaphore, ne doit pas changer d’alphabet mais de langage …

En effet, elle ne change certainement pas d’alphabet! Le langage ne peut changer de façon décisive que si notre propre regard se transforme. Ce n’est pas qu’une question d’opportunisme, c’est une question de volonté d’être fidèle à l’Evangile, avec tout ce qu’il comporte d’appel à la liberté, d’appel à l’interprétation des situations.

Pourquoi organiser une telle rencontre entre les deux synodes sur la famille ?

Tout le monde, ici, se place dans la fidélité au Christ. Chacun de nous a le sentiment d’avoir fait un acte ecclésial d’obéissance à l’Evangile. Ce qui me frappe, c’est que nous avons pris le risque de la nouveauté. Si l’Evangile c’est le Christ, nous sommes forcément attirés dans une problématique de l’inédit, de nouveauté, où pour rester fidèle à la tradition il faut dire les choses autrement. Il s’agit de la vraie fidélité à la tradition et c’est évidemment plus coûteux que de concevoir la tradition comme la répétition d’une seule et même chose. (apic/imedia/ami/rz)

Evêques et théologiens ont débattu sur le thème de la famille
26 mai 2015 | 15:05
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 3 min.
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