«Sollicitudo rei socialis»: Jean Paul II (190288)

réactualise l’enseignement de «Populorum progressio»

Bruxelles, 19 février (APIC/CIP) «Sollicitudo rei socialis» (l’intérêt que

porte l’Eglise à la question sociale): c’est le titre de l’encyclique,

publiée ce 19 février, par laquelle Jean Paul II confirme et réactualise,

vingt après, l’encyclique «Populorum progressio» de Paul VI (26 mars 1967).

Il s’agit d’un document de 105 pages divisé en sept chapitres, dont le

premier précise les deux objectifs poursuivis par le pape: rendre hommage à

l’enseignement de Paul VI et «réaffirmer la continuité de la doctrine sociale de l’Eglise en même temps que son renouvellement continuel».

Jean Paul II consacre un deuxième chapitre à la nouveauté de «Populorum

progressio», qu’il ramène à trois éléments : il s’agit d’une encyclique

destinée à tous les hommes de bonne volonté abordant un sujet économique et

social, mais ou est souligné le caractère éthique et culturel de la

question et la légitimité de l’intervention de l’Eglise en ce domaine; Paul

VI y souligne la dimension mondiale de la «question sociale», en donnant

une appréciation morale de cette réalité; enfin, il y a cette exigence de

justice résumée dans la formule restée célèbre: «le développement est le

nouveau nom de la paix».

Un panorama préoccupant du monde actuel

Dans un troisième chapitre, le plus long (une trentaine de pages), le

pape dresse un «panorama du monde contemporain» qui justifie une réactualisation de l’enseignement de Paul VI. Un tableau largement négatif : les

espoirs de développement, si vifs au moment de la parution de «Populorum

progressio», «semblent aujourd’hui plus éloignés encore de leur réalisation». En cause, «la persistance, voire l’élargissement» du fossé entre le

Nord et le Sud et l’apparition de la pauvreté à l’intérieur des sociétés

elles-mêmes (d’ou les expressions de premier monde, deuxième monde, tiersmonde et, depuis, quart-monde).

Aux indices économiques et sociaux du développement, le pape en ajoute

d’autres «plus préoccupants encore», à commencer par ceux du domaine culturel : analphabétisme, difficulté de parvenir à des niveaux supérieurs

d’instruction, diverses formes d’oppression (notamment religieuse) et tous

les types de discrimination, «spécialement celle, plus odieuse, qui est

fondée sur la différence de race».

Jean Paul II déplore de même l’étouffement du «droit à l’initiative économique», dont la négation ou la limitation au nom d’une prétendue «égalité» de tous dans la société réduit, voire détruit la personnalité créative du citoyen. «Ce qu’il en ressort, dit le pape, ce n’est pas une véritable égalité, mais un «nivellement par le bas». A la place de l’initiative

créatrice prévalent la passivité, la dépendance et la soumission à l’appareil bureaucratique, lequel (…) met tout le monde dans une position de

sujétion quasi absolue, semblable à la dépendance traditionnelle de

l’ouvrier prolétaire par rapport au capitalisme.»

Le pape dénonce d’autres formes de pauvreté touchant aux droits humains

pour montrer que le sous-développement n’est pas seulement économique, mais

aussi «culturel, politique ou tout simplement humain». Et de poser la

question : la triste réalité d’aujourd’hui n’est-elle pas «le résultat, au

moins partiel, d’une conception trop étroite, à savoir surtout économique,

du développement»?

Les causes d’une aggravation de la situation

Pour Jean Paul II, les causes de l’aggravation de la situation sont diverses. Il y a d’abord les omissions des pays en voie de développement euxmêmes, et spécialement de ceux qui y détiennent le pouvoir. Il y a les

responsabilités des pays développés. Le pape dénonce ici l’existence de

mécanismes économiques qui «favorisent par leur fonctionnement même les

intérêts de ceux qui les manoeuvrent», qui finissent par étouffer les économies des pays moins développés et provoquent des effets négatifs jusque

dans les pays riches. Il insiste à ce propos sur l’interdépendance de toutes les parties d’une société mondiale qui parait éclatée – l’un des leitmotives de son encyclique – pour montrer que «ou bien le développement devient commun à toutes les parties du monde, ou bien il subit un processus

de régression même dans les régions marquées par un progrès constant». Deux

exemples : la crise du logement et le chômage, qui incite à «nous interroger sérieusement sur le type de développement réalisé ces vingt dernières

années». Pour les pays en voie de développement, le pape évoque le problème

de la dette, notant que «l’instrument prévu pour contribuer au développement s’est transformé en mécanisme à effet contraire».

Quant aux causes politiques, le pape, sans vouloir procéder à une analyse complète, met en cause l’existence de deux blocs opposés – l’Est et

l’Ouest – tendant à assimiler ou à regrouper d’autres pays. Une opposition

politique, mais qui a des racines idéologiques (capitalisme libéral et collectivisme marxiste) et a debouché sur une opposition militaire : guerre

froide, «guerres par procuration», menace d’une guerre ouverte et totale.

A cette opposition sont également liées deux conceptions du développement, toutes deux imparfaites, qui contribuent à élargir le fossé Nord-Sud.

Des jeunes nations qui tentent d’acquérir une identité culturelle et politique se trouvent impliquées dans des conflits idéologiques qui engendrent

des divisions à l’intérieur même de ces pays, l’aide étant parfois

détournée pour alimenter les conflits. Le pape rappelle l’attitude critique

de l’Eglise vis-à-vis du capitalisme et du marxisme et dénonce l’impérialisme des deux blocs qui empèche les jeunes nations à devenir autonomes.

A propos du commerce des armes, «le jugement moral est encore plus

sévère», dit le pape, qui signale un phénomène étrange : tandis que l’aide

se heurte à des obstacles idéologiques et des barrières de tarifs ou de

marchés, les armes circulent avec une liberté quasi absolue, contribuant

aussi à l’endettement des pays pauvres…

Jean Paul II termine ce tableau négatif en évoquant la question

démographique (explosion dans le Sud, chute de la natalité dans le Nord),

pour rappeler qu’ «il n’est nullement démontré que toute croissance

démographique soit incompatible avec un développement ordonné». Il dénonce

dès lors les campagnes contre la natalité financée dans le tiers-monde par

des capitaux étrangers, à laquelle l’aide est parfois subordonnée. Ce sont

les pauvres qui sont visés, et le pape n’hésite pas à parler d’un certain

racisme et de formes, également racistes, d’eugénisme, un fait «qui exige

la condamnation la plus énergique».

Apres avoir consacré 26 pages à ce panorama négatif, le pape en consacre

4 à quelques aspects positifs : la préoccupation pour les Droits de l’Homme, la conscience d’un destin commun, le respect de la vie, le combat pour

la paix, le souci de l’écologie; l’effort aussi de nombreux gouvernants,

économistes, scientifiques et fonctionnaires internationaux, auquel contribuent dans une large mesure les organisations internationales.

(apic/cip/bd)

(a suivre)

19 février 1988 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture : env. 4  min.
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