Messe de rite maronite, présidée par le Père Walid el Khoury, église St-Boniface, Genève, 7 septembre 2025. A ses côtés Yoan, le sacristain, et les deux enfants de messe, Raphaël et Ray © Lucienne Bittar
Suisse

Sous la protection de saints libanais: une paroisse pour les maronites de Suisse

En juin 2025, les fidèles libanais de Suisse ont reçu une belle nouvelle: Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne,  Genève et Fribourg, a signé le décret d’érection d’une paroisse de rite maronite sur le territoire du diocèse. «Cela va leur permettre de renforcer leurs liens en tant que communauté et de perpétuer notre tradition», se félicite leur prêtre, le Père Walid el Khoury.

Dans l’escalier qui mène à cette église du centre-ville genevois, des salutations en allemand, français et arabe s’entrechoquent. Les paroissiens de la communauté catholique germanophone de Saint-Boniface, qui viennent d’assister à leur messe dominicale, croisent ceux de la Paroisse personnelle «Saints Charbel et Nimatullah», qui s’apprêtent à leur tour à célébrer l’eucharistie, mais selon le rite maronite cette fois.

Une soixantaine de moyen-orientaux de tous âges prennent place sur les bancs, tandis que leur curé, le Père Walid el Khoury, secondé par Yoan, son sacristain âgé de 18 ans, préparent l’autel en ce dimanche 7 septembre 2025 «En aucun cas je ne raterai la messe, affirme le jeune homme sourire aux lèvres. C’est pour moi un important moment de recueillement, de méditation. Je prie pour les personnes que je connais et pour toute la communauté.»

Église St-Boniface, Genève, 7 septembre 2025 | © Lucienne Bittar

Une communauté maronite et œcuménique

À ses côtés, deux jumeaux de 8 ans, Ray et Raphaël, enfants de chœur du jour, attendent sagement le début de la célébration. «Ils font la course chaque dimanche pour arriver les premiers, car il y a de la concurrence entre les enfants pour servir à la messe», s’amuse leur maman, Sandra Moukheiber.

Cette petite famille grecque-orthodoxe réside à Ferney-Voltaire, une ville française frontalière au canton de Genève. Assister à une messe catholique ne lui pose pas problème. «Ici, je me sens en communauté, reliée aux autres. Prier en arabe, ma langue maternelle, me permet d’entrer en connexion avec Dieu. La prière retentit vraiment en moi. Je me sens remplie, et je suis toujours émue.»

Une demande venue de la base

Religieux de l’Ordre Antonin Maronite (né en 1700 au Liban), dont il a été un temps secrétaire général, le Père Walid el Khoury est le nouveau responsable de cette communauté maronite, érigée cet été en tant que paroisse personnelle «Saints Charbel et Nimatullah» (voir encadré). L’Europe, et plus largement le monde occidental, lui sont familiers. Le prêtre maronite a vécu de nombreuses années hors du Liban. Il a notamment été responsable en France de la formation de jeunes étudiants en théologie et, durant sept ans, responsable de la communauté maronite de Toronto, au Canada.

«Prier en arabe, ma langue maternelle, me permet d’entrer en connexion avec Dieu.»
Sandra Moukheiber

La création d’une paroisse maronite en Suisse est partie d’une demande de la base, raconte-t-il. De nombreux chrétiens libanais se sont installés dans le pays depuis la guerre civile des années 1970-1990. La communauté s’est ensuite régulièrement agrandie, avec l’installation de Libanais venues au départ pour des questions professionnelles ou pour des études.

 Une paroisse pour plusieurs cantons

«L’Association pastorale maronite en Suisse existe depuis 25 ans. Elle a toujours organisé des messes en Suisse romande, avec des prêtres de passage ou des prêtres maronites au service de l’Église catholique en Suisse. Il y a deux ans, leurs demandes se sont faites plus pressantes. Notre communauté, représentée à Rome, leur a alors envoyé des prêtres une fois par mois.» Le tempo s’est ensuite accéléré.

Messe de rite maronite, présidée par le Père Walid el Khoury, église St-Boniface, Genève, 7 septembre 2025. A ses côtés, la jeune Ray, servante de messe © Lucienne Bittar

«Après mon retour du Canada, je me suis installé à Rome, mais je venais moi-même en Suisse deux fois par mois pour assurer des services, poursuit le religieux. Cela faisait beaucoup de déplacements… Je me suis finalement établi à Genève en mai 2025.»

Depuis juillet 2025, une messe de rite maronite est ainsi célébrée en arabe, syriaque et français tous les dimanches, à 11h45, dans l’église Saint-Boniface.* Ouverte à tous les catholiques, orientaux ou non, et plus largement aux chrétiens orientaux, elle accueille des Libanais, Irakiens, Syriens de différentes traditions rituelles… «Les maronites ont une foi forte, liée à leur terre. Mais en même temps, ils ont toujours été œcuméniques», affirme le Père Walid.

La paroisse personnelle «Saints Charbel et Nimatullah» est aussi active en terres vaudoises grâce aux étudiants maronites de l’Université de Lausanne et de l’EPFL, précise le prêtre libanais. «Ils sont loin de leur famille et ont besoin d’un soutien, d’une présence. C’est eux qui se sont adressés à l’Association.» Depuis septembre 2025, deux messes par mois sont prévues dans le canton pour répondre à la demande de ces jeunes.

L’arabe, le syriaque et le français en une seule messe

«Ce n’est pas qu’une question de langue, assure le Père Walid, mais plutôt de sauvegarde de nos rites religieux. Nos fidèles sont catholiques et intégrés dans l’Église locale, mais ils sont désireux de préserver leurs traditions avec des liturgies maronites. Cela aide leurs enfants à comprendre d’où ils viennent. Nous allons d’ailleurs mettre en place un service de catéchèse. Tout cela est encore assez nouveau, mais je suis confiant. Nous trouverons les bénévoles nécessaires.»

 
Une Église antiochienne
Remontant aux premiers chrétiens d’Antioche, l’Église maronite tire son nom de l’ermite-prêtre saint Maron, mort en 410. C’est une Église patriarcale et monastique, en pleine communion avec l’Église universelle romaine. Son siège patriarcal se trouve au Liban. LB

L’Église maronite utilise comme langue liturgique le syriaque, un dialecte de l’araméen que parlait Jésus. Tous les dimanches, sur le mur de l’église genevoise, les paroles de la liturgie sont projetées en français, pour permettre à ceux qui ne connaissent ni l’arabe littéraire ni le syriaque de suivre les prières.

«La messe se déroule principalement en arabe, détaille le Père Walid. Nous avons néanmoins gardé des chants et des prières en araméen. Le Trois fois saint notamment, juste avant les lectures. Les paroles de la consécration sont aussi toujours chantées ou au moins lues en araméen. Je fais, par contre, toujours mon homélie en arabe libanais, avec un résumé en français, précise le prêtre, par respect de tous, et pour que les jeunes ou les couples mixtes, c’est-à-dire ceux dont le mari ou l’épouse ne sont pas Libanais, puissent comprendre.»

Claviériste et chanteuses de la chorale de la paroisse personnelle Saints Charbel et Nimatullah | © Lucienne Bittar

À la suite du claviériste et de la petite chorale féminine, l’assemblée de ce 7 septembre entonne avec cœur hymnes et psaumes. Ils composent une grande partie de la Divine liturgie. Alors que résonne le Hoosoyo, la prière du pardon qui souligne la miséricorde de Dieu, le Père Walid encense l’autel.

Pas de doute. Nous sommes à Genève, mais aussi en terre orientale, plongés dans le Service des saints mystères, reliés par tous nos sens à la communauté terrestre présente devant l’autel ainsi qu’au Ciel. (cath.ch/lb)

* Elles ont longtemps eu lieu à l’église de la Visitation du Centre paroissial œcuménique de Meyrin (CPOM). Celle-ci étant en travaux depuis mai 2025, la communauté a trouvé asile à l’église St-Boniface.

Érection de la paroisse maronite
Par un décret d’érection signé par Mgr Charles Morerod, évêque de Lausanne, Genève et Fribourg (LGF), le 24 juin 2025, les fidèles de rite maronite résidant dans le diocèse ont depuis le 1er juillet leur propre paroisse personnelle «Saints Charbel et Nimatullah».
La paroisse est autorisée à célébrer tous les sacrements et services liturgiques selon le rite et les traditions de l’Église maronite. «Les sacrements administrés dans cette paroisse sont pleinement valides et reconnus au sein de l’Église catholique», précise le décret. Le siège canonique de la paroisse est établi à Genève, dans l’immeuble de Plainpalais qui abrite l’église Saint-Boniface.
La requête avait été déposée le 23 octobre 2024 par Mgr Maroun Nasser Gemayel, visiteur apostolique pour les fidèles maronites en Europe. La charge pastorale de la paroisse est confiée à l’Ordre Antonin Maronite (OAM) et son fonctionnement est géré par l’Association pastorale maronite en Suisse (APMS).

À noter que lInstallation des reliques de saint Nicolas de Flüe et de saint Charbel aura lieu dimanche 28 septembre 2025, à la paroisse Saint Nicolas de Flüe de Chailly (VD). La veille, Mgr Nasser Gemayel donnera une conférence sur saint Charbel et sur le sens des reliques. LB

Messe de rite maronite, présidée par le Père Walid el Khoury, église St-Boniface, Genève, 7 septembre 2025. A ses côtés Yoan, le sacristain, et les deux enfants de messe, Raphaël et Ray © Lucienne Bittar
17 septembre 2025 | 17:00
par Lucienne Bittar
Temps de lecture : env. 6  min.
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