Suisse romande : Nouveau service d’aide aux victimes des sectes (310589)

Pas de «croisade antisectes», mais une offre de médiation

St-Prex, 31mai(APIC) «Les sectes se développent et cela m’inquiète», lance Mme Françoise Elsig, de St-Prex, dont le fils de 23 ans, ancien champion

suisse de parapente, a disparu de son domicile le 10 juin 88 et aurait été

enrôlé par une secte. Ancienne vice-présidente de l’Association de défense

de la famille et de l’individu en Suisse (ADFIS), dont elle critique aujourd’hui les méthodes, Mme Elsig a lancé le 12 avril dernier le Bureau

d’aide et d’information sur les mouvements religieux (BAIMR) qui s’est

présenté au public mardi 30 mai à Lausanne.

Mme Elsig, qui se présente comme une catholique ouverte, estime que

l’ADFIS veut «partir en guerre contre les sectes», tandis que le BAIMR refuse la «croisade antisectes», car «chacun est libre de faire ce dont il a

envie». La nouvelle organisation luttera seulement contre les abus des sectes et offrira son aide aux parents, notamment quand des enfants partent à

l’étranger dans une secte comme Moon ou la scientologie. La fondatrice du

BAIMR se veut «médiatrice» : elle a ainsi rencontré ces derniers mois les

responsables de la scientologie à Lausanne et ceux de l’Eglise de l’Unification (Moon) à Genève, dans le but de renouer des contacts entre les enfants embarqués dans une secte et leurs parents. A son avis, «c’est par le

dialogue que l’on arrive à quelque chose». La preuve : un jeune qui partait

à l’étranger chez les scientologues est rentré mardi en Suisse, grâce à

l’action du BAIMR.

Une disposition au dialogue qui pose problème

C’est bien cette disposition au dialogue avec les sectes qui fait problème à l’ADFIS, qui estime qu’»après quinze années d’expérience, aucune

discussion honnête, véridique, authentique» n’est possible avec les responsables de ces «nouveaux mouvements religieux». C’est également dans le but

d’aider les familles d’adeptes de sectes et d’informer le public sur les

périls que représentent les cultes «dangereux» et les sectes «à risques»

qu’est née il y a six ans à Lausanne l’ADFI, l’Association pour la défense

de la famille et de l’individu. Elle a été fondée statutairement le vendredi 4 novembre 88 sous le nom d’»ADFIS» pour se distinguer de l’ADFI France,

avant d’être secouée par une crise qui a failli lui être fatale en janvier

dernier : Raymond Zoller, son secrétaire, était lui-même membre de la secte

indienne Shri Mataji. Découvert, il avait été renvoyé séance tenante.

Association sans but lucratif, apolitique et non confessionnelle, l’ADFIS s’était «mise en veilleuse». Son président, le diacre protestant lausannois Paul Ranc, à l’origine du mouvement, affirme que la situation est

maintenant stabilisée et qu’il y a eu depuis la crise une dizaine de nouvelles adhésions. Une nouvelle section devrait d’ailleurs être fondée à Genève à la mi-juin.

De 50’000 à 100’000 personnes touchées par les sectes en dix ans

Dès le début, l’ADFIS a été submergée de demandes d’aide de parents

désespérés, affirme Paul Ranc, et cela continue aujourd’hui. Selon lui, en

dix ans, il y a eu entre 50’000 et 100’000 personnes concernées par les

sectes en Suisse. A Lausanne, ces six dernières années, de 5 à 8’000 personnes auraient à un moment ou à un autre été recrutées par la scientologie. C’est donc un phénomène qui prend de l’ampleur et qui inquiète les parents souvent impuissants : c’est que les sectes ne recrutent plus que rarement des mineurs. Quant aux jeunes adultes attirés par ces «nouveaux mouvements religieux», ils peuvent arguer de leur liberté personnelle et de la

liberté de culte. Il est en effet difficile de prouver qu’un adepte de secte l’est contre son gré, qu’il a subi un «lavage de cerveau» ou d’autres

types de contraintes.

L’ADFIS pour sa part veut récupérer ces jeunes adeptes dans la légalité,

sans violence, et sans recourir aux techniques contestables de «deprograming» qui coûtent une petite fortune (au minimum 20’000 francs) et qui utilisent également des méthodes de contrainte. A ce propos, elle partage le

point de vue du BAIMR. Mme Elsig, qui admet que l’ADFIS n’a jamais recouru

à la violence, relève toutefois que cette dernière donne les adresses de

déprogrammeurs, ce qui lui paraît contestable.

Le BAIMR se veut «plus objectif», et rappelle qu’il y a dans son comité

d’honneur plusieurs personnalités, notamment médecins et professeurs, comme

le Père Richard Friedli, dominicain, directeur de l’Institut de Missiologie

et de Science des religions à l’Université de Fribourg, Jacques Waardenburg, professeur de science des religions à l’Université de Lausanne ou

Yves Paquier, éducateur et député au Grand conseil vaudois. L’association

compte également l’historien fribourgeois Jean-François Mayer, spécialiste

des mouvements religieux minoritaires, comme collaborateur scientifique.

Paul Ranc s’étonne que des professeurs d’Université acceptent le principe

d’un dialogue avec les sectes et met en doute la «neutralité» de Jean-François Mayer, suspect à ses yeux d’être trop complaisant avec les sectes.

(apic/be)

31 mai 1989 | 00:00
par webmaster@kath.ch
Temps de lecture: env. 3 min.
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