Le développement humain est un processus continu (Photo:Pixabay.com)
Suisse

«Un embryon est plus qu'un amas de cellules»

L’Irlandais Ronan O’Rahilly, décédé fin juin 2018, était un embryologiste de tout premier plan. Contrairement à beaucoup de scientifiques et penseurs modernes, il avançait que le développement humain est un processus continu et qu’on ne peut pas déterminer un commencement à la vie.

Quand et comment la vie humaine commence-t-elle? Ronan O’Rahilly, a posé d’importants jalons dans ce domaine de réflexion, explique Günter Rager. Le professeur émérite et directeur de l’Institut d’anatomie et d’embryologie spéciale de l’Université de Fribourg (Suisse) rend hommage, dans la NZZ du 29 juillet 2018, au travail exceptionnel de son confrère irlandais. Il rappelle notamment que Ronan O’Rahilly a permis des avancées décisives dans la compréhension de l’évolution embryonnaire humaine.

Retraite à Fribourg

Né à Cork, en Irlande, en 1921, Ronan O’Rahilly est engagé en 1969 par la Carnegie Institution de Washington (Etats-Unis), le siège de la plus importante collection d’embryons humains au monde. Il commence à y définir les étapes du développement humain. Il parvient en particulier à établir des caractéristiques et des critères permettant de définir avec précision les stades de développement de l’embryon, de la fécondation à la fin de la 8ème semaine d’évolution.

La collection Carnegie est transférée à l’Université de Californie, à Davis, en 1973-1974. Ronan O’Rahilly est alors nommé directeur de cette collection et professeur titulaire d’anatomie humaine. Il devient plus tard professeur de neurologie. Après sa retraite en 1990, il rejoint l’Institut d’anatomie et d’embryologie spéciale de l’Université de Fribourg. En Suisse, il continue d’affiner sa description des étapes de développement embryonnaires et notamment la formation du cerveau humain. En 2001, son ouvrage Human Embryology and Teratology a un retentissement mondial.

Des conclusions à portée éthique

Ses travaux ont établi des normes internationales pour l’embryologie humaine reconnues par la plupart des scientifiques, indique Günter Rager. Il a ainsi posé des bases précises auxquelles se réfèrent aussi bien les gynécologues que les chirurgiens de la reproduction. Son travail est une référence indispensable pour les biologistes cellulaires et moléculaires ainsi que pour les chercheurs qui travaillent sur les embryons et les cellules souches.

Bien que Ronan O’Rahilly se soit toujours limité à des déclarations strictement scientifiques, on peut échafauder à partir de ses conclusions des réflexions philosophico-éthiques. On sait ainsi notamment, grâce à lui, que le développement humain est un processus continu. Il n’y a pas de moment où quelque chose de complètement nouveau se produit. Les étapes de développement fusionnent continuellement. Les nouveaux phénomènes peuvent être décrits comme les résultats de processus antérieurs. Même la fécondation n’est pas un événement isolé. Elle est, selon Ronan O’Rahilly, «une séquence d’événements».

Le début de la vie en question

L’examen attentif du développement humain ne donne ainsi aucune indication du fait que «l’humanité» commencerait à un moment ultérieur à la fertilisation.

Il existe néanmoins des tentatives de déterminer un début à «l’humanité», soit à la fin de la première semaine (implantation), soit à la fin de la deuxième semaine (formation de la bande primitive) ou même après huit semaines. Mais aucune de ces déterminations ne peut être justifiée par l’embryologie, relève Günter Rager. Elles sont, pour le scientifique fribourgeois, «plutôt orientées par des intérêts particuliers». Il précise que ces tentatives de définir un début à la vie humaine ont changé suivant l’évolution des intérêts.

Il déplore ainsi que l’on parle encore aujourd’hui de l’embryon comme d’un «amas de cellules». Le professeur émérite évoque une édition de l’émission de télévision alémanique «Arena», dans laquelle le conseiller fédéral Alain Berset a déclaré que «L’embryon est un amas de cellules qui peut se transformer par la suite en être humain». «De ce point de vue, toutes les interventions possibles dans la vie embryonnaire peuvent bien sûr être justifiées, souligne Günter Rager». (cath.ch/nzz/rz)

Le développement humain est un processus continu
4 août 2018 | 17:13
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 3 min.
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