Mgr Rolando Alvarez ne peut pas sortir de l'évêché, dont l'entrée est bloqué par un cordon  de policiers | © Diocèse de Matagalpa
International

Un évêque du Nicaragua bloqué chez lui par la police

Depuis le 4 août 2022, Mgr Rolando José Álvarez Lagos, évêque de Matagalpa, au Nicaragua, fait l’objet d’une stricte surveillance policière permanente et ne peut plus quitter son évêché. Le régime du président Ortega l’accuse d’avoir planifié des violences et de vouloir déstabiliser le gouvernement.

L’image de l’évêque faisant face à des agents de la police nicaraguayenne en tenue anti-émeute l’empêchant de sortir de chez lui pour aller célébrer la messe, a fait le tour du monde. Du côté des autorités de l’Etat on affirme vouloir éviter que ses homélies ne provoquent des manifestations.

Selon la police, l’évêque aurait tenté d’organiser des groupes violents et d’inciter à des actes de haine pour déstabiliser le gouvernement du président Daniel Ortega. La police a également déclaré qu’une enquête a été ouverte pour déterminer la responsabilité pénale des personnes impliquées dans ces actes qualifiés de «criminels» et en raison desquels «les suspects resteront chez eux».

Il faut dire que Mgr Rolando José Álvarez Lagos n’a de cesse de dénoncer les violations des droits de l’homme, les persécutions religieuses et les abus de pouvoir du régime du président Daniel Ortega.

Policiers anti-émeute

Au moment de sortir de l’évêché, le 4 août 2002, pour aller célébrer la messe à la cathédrale Mgr Rolando Álvarez s’est trouvé face à une cordon de policiers anti-émeute menaçants, boucliers, casques et matraques à la main, bloquant le portail de la maison

«Les autorités supérieures n’ont pas donné leur autorisation», a-t-il déclaré dans une vidéo improvisée pour expliquer aux paroissiens de Matagalpa son absence à la messe. «Nous sommes six prêtres et six laïcs qui sont enfermés dans l’évêché. Nous allons rester ici sans manquer de respect à la police.»

Un cordon de policiers empêche l’entrée et la sortie de l’évêché de Matagalpa | © Diocèse de Matagalpa

Une des voix les plus critiques

Alvarez est l’une des voix les plus critiques au sein de la hiérarchie catholique du Nicaragua. Le président Daniel Ortega et sa femme Rosario Murillo accusent l’Église de soutenir la rébellion citoyenne qui a débuté en avril 2018, qu’ils qualifient de «tentative de coup d’État», et maintiennent une pression constante contre certains prêtres et évêques.

Fermeture de sept radios catholiques

Le 1er août 2022, le gouvernement a ordonné la fermeture de sept stations de radio catholiques dans le diocèse de Matagalpa, et les forces de police ont fait une descente dans la chapelle de Niño Jesús de Praga, dans la ville de Sébaco, dans l’intention de saisir le matériel de la station de radio catholique qui y fonctionnait. La fermeture des stations de radio et de télévision catholiques a été dénoncée par l’Union européenne et les États-Unis comme une «décision arbitraire».

Selon l’avocate Martha Patricia Molina, l’Église catholique du Nicaragua a subi, jusqu’à cette semaine, plus de 250 agressions de la part du régime de Daniel Ortega et de ses sympathisants, notamment des passages à tabac de prêtres, des profanations d’églises, des attaques armées, des incendies ou du vandalisme.

Soutien de la conférence des évêques

«Cette situation touche nos cœurs d’évêques et l’Église nicaraguayenne, parce que si un membre souffre, nous souffrons tous avec lui»», a indiqué le 7 août la Conférence épiscopale du Nicaragua. La déclaration a été lue dimanche pendant la messe par le cardinal Leopoldo Brenes, archevêque de Managua. (cath.ch/ag/mp)

Qui est Mgr Rolando Alvarez?
Rolando José Álvarez Lagos, 55 ans, est né à Managua dans un foyer chrétien. Dans les années 1980, il refuse d’effectuer le service militaire obligatoire imposé aux jeunes hommes par la révolution sandiniste. Arrêté à plusieurs reprises, il ne s’implique cependant pas en politique, seulement dans l’Eglise. Pour se mettre en sécurité, il fuit au Guatemala. C’est là qu’il décide d’entrer au séminaire. À 20 ans, avec sa petite amie, il est confronté au dilemme de sa vie. Il lui faut un an pour décider si Dieu l’appelle à servir comme prêtre ou à se marier. En décembre 1994, il est ordonné prêtre à Managua. Le 2 avril 2011, il prend la tête du diocèse de Matagalpa.
Médiateur en 2018
En mai 2018, Mgr Álvarez fait partie de l’équipe de la Conférence épiscopale qui a servi de témoin et de médiateur lors du premier dialogue national entre le régime de Daniel Ortega et l’opposition. À cette époque, le Nicaragua vit une rébellion civique qui paralyse le pays avec des centaines de barricades sur les routes et des marches de protestation de masse qui qui exigent la démission d’Ortega.
«Le dialogue national n’a qu’un seul objectif: le changement. Le changement est inévitable, il n’y a pas d’autre voie, pas d’autre objectif. Le changement arrive et avec lui la démocratisation de la République du Nicaragua», déclare l’évêque peu avant que les parties ne s’assoient à la table des négociations.
Daniel Ortega profite du dialogue pour trouver un second souffle, et organise alors  une répression sanglante qui fait plus de 350 morts. En mars 2019, un deuxième dialogue national a lieu, mais cette fois, le régime Ortega oppose son veto à la participation de Mgr Alvarez. Ce dialogue a également échoué et le régime a depuis maintenu une campagne de harcèlement et de persécution contre les évêques et les prêtres qu’il considère comme ayant soutenu la rébellion citoyenne de 2018. MP

Mgr Rolando Alvarez ne peut pas sortir de l'évêché, dont l'entrée est bloqué par un cordon de policiers | © Diocèse de Matagalpa
9 août 2022 | 11:51
par Maurice Page
Temps de lecture: env. 4 min.
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