Brésil: Le théologien belge de la libération Joseph Comblin est décédé à l’âge de 88 ans

Un porte-drapeau de la théologie de la libération disparaît

Joao Pessoa, 28 mars 2011 (Apic) Le théologien belge Joseph Comblin, qui vivait depuis de nombreuses années au Brésil, est décédé à l’âge de 88 ans, dimanche 27 mars, à Pedro Simoes, dans l’Etat brésilien de Bahia. Porte-drapeau de la théologie de la libération, ce prêtre du diocèse de Malines-Bruxelles, en Belgique, avait décidé de vivre et travailler en Amérique latine en 1958. Sous la dictature militaire, il fut expulsé du Brésil en 1972, avant d’y revenir quelques années plus tard.

L’abbé Comblin s’y est imposé comme l’un des plus brillants analystes de la théologie de la libération, associant message évangélique et combat politique et social. Ordonné prêtre en 1947, ami proche de Mgr Helder Camara, le prêtre belge avait notamment créé le Centre Rural de Formation Théologique. Il n’avait cessé de critiquer le désengagement de l’Eglise auprès des plus pauvres.

Le Père Comblin, très impliqué dans la réalité sociale brésilienne, a créé dans les années 1970 le Centre Rural de Formation Théologique dans lequel il a enseigné et formé des générations de missionnaires laïcs en milieu rural à la «Theologia da Enxada», que l’on traduit en français par «théologie de la pioche», une méthode permettant aux étudiants de bénéficier d’un enseignement théologique combiné à l’apprentissage des rudiments de l’agriculture. Objectif ? Préparer des responsables pastoraux engagés auprès des paysans dans le monde rural. Le prêtre d’origine belge a été expert pour le Conseil épiscopal latino-américain (CELAM) de 1968 à 1972. Il a enseigné la théologie notamment à Quito, en Equateur, et à Louvain, en Belgique.

Proche de Mgr Helder Camara, le Père Joseph Comblin avait également enseigné à Recife, dans l’Etat de Pernambouco, et écrit de nombreux livres, dont «La Résurrection de Jésus-Christ», la «Théologie de la paix» ou encore la «Théologie de la ville». Des ouvrages souvent critiques à l’égard d’une Eglise catholique auquel le religieux belge a longtemps reproché l’immobilisme, regrettant qu’elle soit de moins en moins proche des plus pauvres.

«Nous venons de perdre un guide soucieux et exigeant comme les vieux prophètes», a déclaré le Père Beozzo, autre théologien de la Libération réputé et ami proche du défunt. «Depuis son ordination, en 1947, il n’a cessé de dénoncer les incohérences de l’Eglise qu’il accusait d’oublier les préférés de Dieu: le pauvre, l’orphelin, la veuve, l’étranger, etc.… Il a travaillé toute sa vie pour une église prophétique au service des plus vulnérables».

«La théologie de la libération est devenue celle des vieux»:

Dans les dernières années de sa vie, le Père Comblin s’était retiré dans sa maison située dans un quartier populaire de Joao Pessoa, capitale de l’Etat de Paraiba, au Nord-Est du Brésil. Dans un entretien accordé en 2009 au bulletin «Chemins d’espérance», il n’avait pas caché sa déception face une Eglise de moins en moins proche des plus pauvres. «Mon espérance, y disait-il, est que le Seigneur éveille une génération de prophètes parmi les laïcs!» Car, estimait-il, «la théologie de la libération est devenue celle des vieux»: ” la nouvelle génération ne s’y intéresse pas. La formation actuelle ne permet pas de développer une pensée critique. Les séminaristes ignorent le monde».

Conformément aux souhaits qu’il avait exprimés, le Père Comblin, inhumé mardi 29 mars, reposera à Solânea, une municipalité située dans la région aride du Sertão, dans le Nordeste. La semaine dernière, le Père Comblin s’y était d’ailleurs rendu et y avait planté un arbre, assurant que ce dernier «permettra à sa tombe d’avoir un peu d’ombre».

Né en 1923, prêtre du diocèse de Malines-Bruxelles, docteur en théologie, collaborateur de Dom Helder Camara, Joseph Comblin fut professeur à l’Institut de théologie à Recife, au Brésil. Après avoir publié «La Résurrection de Jésus-Christ» (1958), il se fit connaître par sa «Théologie de la paix» (2 volumes, 1960-1963) et sa «Théologie de la ville» (1968) dans la lignée de la théologie des réalités terrestres inaugurée par le théologien dominicain Marie-Dominique Chenu (1895-1990). (apic/jcg/be)

28 mars 2011 | 14:39
par webmaster@kath.ch
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