La tombe de Jean Paul Ier, dans la nécropole du Vatican (photo:dr)
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Le Vatican insolite: Pas que des papes dans la nécropole papale

Reposer au plus près de la tombe de l’apôtre Pierre: voilà le souhait de la majorité des souverains pontifes. La basilique vaticane et, en-dessous, la nécropole papale, abritent pourtant onze hommes et femmes qui n’ont jamais été évêques de Rome. On y trouve notamment un cruel empereur du Saint-Empire, les rois déchus d’une dynastie britannique, de rares femmes dont une reine aux mœurs légères et un prêtre allemand ayant voté les pleins pouvoirs à Adolf Hitler.

«Attention ce lieu est un lieu sacré», préviennent les haut-parleurs. Trois mètres sous la basilique Saint-Pierre, une foule silencieuse de pèlerins et de touristes déambule sous les voûtes blanches d’une vaste crypte. Surnommée ›grottes vaticanes’, la nécropole rassemble autour des reliques du prince des apôtres les somptueux sarcophages de 21 pontifes, dont un nouveau venu en marbre sans inscription destiné à un prochain pape défunt. Les dépouilles des papes béatifiés et canonisés sont habituellement exposées à l’étage supérieur, directement dans la basilique. Certains personnages sulfureux, comme Alexandre VI Borgia (1492-1503), ne sont plus présents dans la crypte. Mais on y trouve également six laïques, trois hommes et trois femmes, ainsi qu’un prêtre et quatre cardinaux.

Otton le terrible

L’empereur du Saint-Empire Otton II (955-983), dit ›le sanguinaire’, repose au fond de la crypte dans une tombe rectangulaire sous un fragment de mosaïque de l’ancienne basilique vaticane. Couronné le jour de Noël 967 à Rome par le pape Jean XIII (965-972), son surnom lui vient du fait d’avoir convié les seigneurs romains qui voulaient rétablir la république à un grand festin afin de mieux pouvoir les assassiner. Devant interrompre une campagne contre les Sarrasins pour donner son consentement à l’élection du pape Jean XIV (983-984), le deuxième empereur de la lignée ottonienne meurt à Rome à 28 ans d’une crise de paludisme.

Dans l’aile gauche de la crypte, se trouve un sarcophage en travertin surmonté d’une couronne de bronze qui réunit depuis 1939 les trois derniers Stuart, prétendants catholiques au trône de Grande-Bretagne. Rois d’Ecosse depuis le 14e siècle, la dynastie des Stuart est renversée en 1688 par les anglicans. Exilé à Rome en 1717, Jacques III, après maintes tentatives de reconquête, passe le flambeau à ses fils: d’abord Charles Edouard Stuart, puis le cardinal Henri Benoît Stuart, archiprêtre de la basilique Saint-Pierre pendant plus d’un demi-siècle.

Reine des Vandales

A côté de la tombe de Paul VI (1963-1078) et Jean Paul Ier (1978) repose l’extravagante Christine de Suède (1626-1686) «reine des Goths, des Suédois et des Vandales» selon l’épitaphe en latin. La dernière héritière de la dynastie Vasa reçoit la même éducation qu’un homme, elle refuse d’être mariée et a de nombreux amants. De confession luthérienne, elle règne de 1632 jusqu’à son abdication en 1654, ayant dilapidé les finances du royaume et souhaitant se convertir. Symbolisant la contre-réforme, elle reçoit la première communion des mains d’Alexandre VII (1655-1667) à Rome. A sa mort, le pape refuse sa demande d’être enterrée au Panthéon. Alexandre VIII (1689-1691) dira d’elle qu ’elle est «reine sans royaume, chrétienne sans foi et femme sans honte».

Le prêtre qui vota les pleins pouvoirs à Hitler

En face de la reine scandinave repose Charlotte de Chypre (1444-1487) qui s’exile à Rome après que son demi-frère Jacques II de Lusignan, archevêque de Nicosie, s’allie au sultan mamelouk d’Egypte pour conquérir l’île. Dans la chapelle des saints patrons d’Europe, inaccessible au public, une pierre tombale emmurée fait référence à Agnesina Colonna (1538-1578), épouse d’Onorato Caetani, général de l’infanterie du pape pour la bataille de Lépante (1571).

Au fond de la crypte, devant le tombeau de l’empereur Otton II, se trouve à même le sol une plaque de granite rouge où repose un simple prêtre diocésain: Ludwig Kaas (1881-1952), patriote rhénan passionné de politique. Elu député à partir de 1919, il conseille en 1920 le nonce apostolique en Allemagne Eugenio Pacelli, futur Pie XII (1939-1958). Dirigeant un parti centriste de 1928 à 1933, il vote les pleins pouvoirs à Adolf Hitler. Il négocie avec ce dernier le concordat entre le Vatican et le Reich.

Accusé de conflit d’intérêt par sa famille politique, le prélat allemand se voit obligé de démissionner et de rejoindre la curie romaine. Pie XII le nomme en 1939 responsable des fouilles sous la basilique Saint-Pierre. Il redécouvre la tombe de Pierre pendant la Seconde Guerre mondiale. La sépulture de Mgr Ludwig Kaas sera déplacée dans la crypte à la demande du pape. (cath.ch-apic/imedia/gjes/rz)

La tombe de Jean Paul Ier, dans la nécropole du Vatican (photo:dr)
12 juillet 2016 | 13:49
par Raphaël Zbinden
Temps de lecture: env. 3 min.
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