Père Denis Tosser, Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS
« Apprend-nous à prier »
Frères et Sœurs, qui un jour ne s’est jamais demandé comment progresser dans la prière. Progresser dans sa prière personnelle. Quelle que soit notre expérience, notre habitude, notre rythme de prière, qui d’entre nous ne s’est jamais tourné vers le Seigneur en se demandant comment progresser dans cette respiration qu’est la prière et c’est la question que les disciples posent à Jésus alors qu’ils sont avec lui en un certain lieu et que Jésus lui -même est en prière. Je ne résiste pas ce matin à partager quelques éléments de la longue lettre de saint Augustin sur la prière, puisqu’ici dans cet hospice du Grand-Saint-Bernard, les chanoines sont des chanoines réguliers de saint Augustin et c’est donc leur maître spirituel. Et dès la fin du 4ème siècle saint Augustin a donc écrit une très longue lettre sur la prière de nature à commenter l’évangile de ce dimanche et à nous éclairer. Deux éléments peut-être particuliers.
Le premier c’est que même si Jésus nous le dit avec insistance : ‘demandez, vous obtiendrez. Frappez, on vous ouvrira’, saint Augustin commente que la prière n’est pas d’abord affaire de demande, n’est pas d’abord affaire de besoin, n’est pas d’abord affaire de répétition. Saint Augustin commente que la prière est d’abord affaire de relations et que la prière est gratuite. Saint Augustin dit cela : ‘pourquoi donc aller à tant de choses et chercher ce que nous avons à demander, de peur de ne pas prier comme il faut ? Pourquoi ne pas dire tout de suite avec le Psalmiste j’ai demandé une chose au Seigneur et je la redemanderai : habiter dans la maison du Seigneur tous les jours de ma vie’. Saint Augustin ajoute ‘dans le but d’acquérir la vie éternelle, la vie heureuse, celui qui est la vraie vie nous a appris à prier non pas en beaucoup de paroles. Ce n’est pas parce que nous aurons beaucoup parlé que nous serons exaucés parce que celui que nous prions sait ce qui nous est nécessaire avant que nous le lui ayons demandé’.
La prière est d’abord une relation
Oui la prière donc est d’abord une relation. Par la prière nous nous établissons docilement, gratuitement, en présence du Seigneur. La première chose donc sans doute dans la prière est de prendre un rythme et de la vivre pour elle –même : chaque dimanche en participant à la messe ; chaque jour ; chaque matin ; chaque soir ; quel que soit notre prière la première dimension est d ‘y être présent et de nourrir ainsi notre relation à notre père. Et bien sûr, toutes les autres formes de prière n’ont pas d’autre but que de nous établir dans cette relation de fils avec son père comme en famille on peut être heureux d’être ensemble sans avoir beaucoup de choses toujours à se dire ou à faire. Ainsi contempler la création, rendre grâce au Seigneur pour ce que l’on vit, lui confier ce dont on a besoin, tout cela entretient notre relation filiale, notre relation de confiance. Oui la première dimension de la prière… c’est d’être en prière ! C’est d’être avec le Seigneur. C’est d’être enfant de Dieu. Cependant, bien sûr, nous avons besoin, notre corps a besoin, notre vie a besoin, de ce que le Seigneur nous donne. Et c’est bien ce dont Jésus parle dans la page d’évangile de ce jour : ‘Demandez : vous recevrez’.
Tout ce dont nous avons besoin est contenu dans le Notre Père
En commentant le Notre Père et l’évangile de ce jour, saint Augustin fait une remarque extraordinaire. Saint Augustin affirme qu’il n’y a rien en ce monde dont nous ayons besoin qui ne soit contenu dans les sept demandes du Notre Père : tout ce dont nous avons besoin est contenu dans les sept demandes du Notre Père (que ton nom soit sanctifié, que ta volonté soit faite, donne-nous notre pain, apprends-nous à pardonner). Une des grandes demandes par exemple : ‘donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien’ : saint Augustin fait remarquer que dans cette demande, nous demandons au Seigneur le don de force, les aliments dont nous avons besoin. Dans la demande, par exemple, ‘que ton règne vienne’ : saint Augustin fait remarquer que cette demande demande le don de piété, c’est à dire cette grâce de confiance en Dieu. Dans la demande ‘que ton nom soit sanctifié’ saint Augustin fait remarquer que nous demandons la crainte de Dieu, le respect, c’est à dire cette conscience que nous sommes créatures et que notre père est Dieu. Ainsi il n ‘y a rien que nous puissions demander qui ne soit présent dans les demandes du Notre Père, ce qui fait conclure saint Augustin, et sans doute c’est ce que l ‘on peut retenir ce matin de cette page d ‘évangile, c’est que nous n ‘avons pas besoin de déployer des trésors d’imagination pour prier le Seigneur.
Dans la prière du Notre Père, il y a tout ! En revanche il est bon d’expliciter auprès du Seigneur ce dont nous avons besoin et toute prière, finalement, nous dit saint Augustin, n’est rien d ‘autre que de scruter en nous nos besoins, pour déployer ce qui est déjà présent dans la prière du Notre Père. Ainsi donc, ce matin nous pouvons contempler, mais nous le savons bien, parce que nous en avons l’habitude sans même nous en rendre compte, que si chaque dimanche, chaque jour, dans chaque chapelet ou chaque fois que nous prions, lorsque nous redisons le Notre Père, c’est le Seigneur qui vient lui -même façonner en nous notre prière. C’est lui qui vient nous apprendre à prier chaque fois que nous reprenons cette prière, qui est la sienne, qui est la prière centrale et dominicale de l’Eglise, et que nous sommes appelés à faire nôtre.
Alors, peut –être, pour conclure, il est bon de redécouvrir, parce que sans doute nous l’oublions, que si à chaque Eucharistie nous refaisons les gestes mêmes du Seigneur pour avoir part à son Eucharistie (ceci est mon corps livré pour vous, ceci est mon sang versé pour vous), lorsque nous prions la prière du Notre Père, nous reprenons aussi les mots mêmes de Jésus, la prière même de Jésus, l’attitude filiale même de Jésus, et que cette prière du Notre Père, notre prière quotidienne, régulière, habituelle, est donc le don inouï, précieux, où le Seigneur nous livre sa propre prière d’homme, de fils du Père, de fils de Dieu. Et en nous la confiant, il nous fait cette grâce extraordinaire de petit à petit apprendre à prier parfaitement, en ne demandant rien d’autre au Seigneur que les sept demandes dont il veut nous combler. Amen.
17e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Genèse 18, 20-32; Psaume 137; Colossiens 2, 12-14; Luc 11, 1-13