Homélie du 14 décembre 2025 (Mt 11, 2-11)

Marie-Dominique Minassian – Eglise du Sacré-Cœur, Lausanne

Voilà l’image qui nous est offerte pour nous réjouir en ce troisième dimanche de l’Avent : Jean-Baptiste au fond de sa cellule, en proie au doute… Il envoie ses disciples chercher des réponses auprès de Jésus. Et la réponse de Jésus est nette : « Dites-lui ce que vous entendez et voyez » !

La « revanche de Dieu », c’est la vie retrouvée, c’est la joie


Écouter et voir… Jésus renvoie les disciples de Jean-Baptiste. Ce sont eux qui vont lui redonner espoir en lui rapportant ces signes des temps qui font écho à la prophétie d’Isaïe. La « revanche de Dieu », c’est le salut des pauvres de tous poils. La revanche de Dieu, c’est la vie retrouvée, c’est la joie. Jean-Baptiste était perdu, enferré en lui-même dans la nuit de sa foi, en butte avec son impuissance et son échec apparent, perdu dans ses questions, sans horizon. Il était perdu et il est retrouvé. Jésus lui redonne le sens de ce qu’il était venu vivre et annoncer. Il réveille son identité. Il est bien celui qui était chargé de préparer les chemins du Seigneur. Et Jésus est bien celui qui devait venir, celui qui redonne la vie. La longue patience de tant et tant de générations trouve en lui son point d’orgue. Un nouveau monde est inauguré. Le Royaume s’est immiscé sur la terre. Un bout de ciel est venu mettre un terme à l’errance des croyants. Jésus est bien celui qui était attendu. Toutes les prisons s’ouvrent par lui désormais.

Ecouter et voir… être les témoins des merveilles accomplies par le Seigneur


Écouter et voir… C’est ce qui peut nous arriver de mieux, ici, aujourd’hui. Être les témoins des merveilles accomplies par le Seigneur. Maurice Zundel l’avait bien dit : « Si nous étions conscients du don de Dieu, toute notre vie serait un pèlerinage vers l’Ami qui demeure en nous. Car Jésus n’est chez lui qu’à l’intérieur des autres ». Nous voilà donc projetés dans le voyage immobile, intérieur et extérieur, qui nous relie les uns aux autres. Jean-Baptiste était relié aux autres par la mission confiée un jour de Visitation. Dans le ventre d’Elisabeth, il avait tressailli de joie. Dieu l’avait visité et il était le vis-à-vis intra-utérin de celui qui venait dans le monde : Jésus, « Dieu sauve ». Marie et Elisabeth en faisaient l’expérience dans leurs propres entrailles. Dieu est à l’œuvre. Il fait fi de nos stérilités et de nos impossibilités. Il crée la vie, la multiplie. Et la trace de son passage, c’est la hâte, comme Marie après l’Annonciation, d’aller voir les merveilles qu’il accomplit aussi chez l’autre. Le pèlerinage de Marie ne s’est pas terminé chez Elisabeth, il s’est poursuivi à Nazareth, à Cana, à Jérusalem, … pour écouter et voir les merveilles de Dieu.

Dieu nous envoie écouter et voir chez les exilés, les stigmatisés, invisibles…


Et puis, il y a eu cette journée terrible accomplissant la prophétie du vieillard Syméon. Ce glaive planté dans son cœur au moment où la lance perce celui de son fils. Ce cœur d’où jailliront le sang et l’eau, le don de Dieu pour irriguer toute la terre et abreuver tous les assoiffés de justice. Marie est là, au pied de la croix. Elle ne peut pas le savoir ni le vivre comme cela, d’emblée, mais c’est le jour de la revanche de Dieu. C’est le jour de sa victoire éclatante sur le meurtre de l’innocent, c’est sa revanche sur la souffrance de tant et tant de femmes et d’hommes de tous les temps. Cette vie donnée, en pure grâce, à nous tous, c’est le témoignage de l’Ami venu demeurer chez nous un jour du temps, et pour chaque jour de tous les temps. Il est cette présence éternelle qui ne se dédit pas aux jours de malheurs. Il fait Dieu aujourd’hui. La vie refleurit. C’est ce que Jésus fait dire à Jean-Baptiste par ses disciples. C’est le motif de notre joie pascale, c’est la mort dépassée pour entrer dans le sillage et l’élan du Fils de Dieu qui éternise tout sur son passage. Aucune de nos prisons n’aura raison de cette espérance qui réside au cœur des pauvres. Allons écouter là où Dieu fait revivre les humiliés, les blessés de la vie. Il nous envoie écouter et voir chez les effacés, les exilés, les déplacés, les stigmatisés, les invisibles et les inaudibles, et puis redire ses merveilles à qui veut entrer dès aujourd’hui dans le paradis avec tous ces larrons de nos vies. Dieu ne fait pas acception des personnes. Le Royaume est pour tous.

Cet enfant « désarmé et désarmant » vient ressusciter nos envies d’aimer malgré tout


C’est l’heure de ta grâce, Seigneur. Ce temps de l’Avent nous parle d’une naissance. La tienne, la nôtre et celle de tous ces autres qui, s’ils connaissaient ton visage, ce don que tu nous fais de ta vie, s’empresseraient d’entamer ce pèlerinage vers toi, l’Ami, qui n’en finit pas de venir demeurer en nous, et qui nous presse de te découvrir, Dieu caché, dans le cœur de tous ces autres que tu aimes. Tu nous presses de devenir des contemplatifs les uns des autres. Mais pour l’heure, c’est de nuit qu’il nous faut ressourcer nos yeux et nos oreilles, attentifs à la lumière qui va poindre, à l’étoile qui mènera à la crèche. C’est un enfant qu’il nous sera donné de découvrir. C’est lui qui vient remettre nos existences au diapason de l’amour. Cet enfant, si fragile, « désarmé et désarmant », vient ressusciter nos envies d’aimer, quand même, malgré tout. La paix et la joie sortiront vainqueur du combat qu’il va mener. Alors, n’ayons pas peur, approchons-nous de lui. Entamons le pèlerinage essentiel pour la joie et la vie du monde…

3e Dimanche de l’Avent
Lectures bibliques : Isaïe 33, 1-10 ; Psaume 145 ; Jacques 5, 7-10 ; Matthieu 11, 2-11

Homélie du 7 décembre 2025 (Mt 3, 1-12)

Philippe Becquart – Eglise du Sacré-Cœur, Lausanne

L’Avent est le temps de l’Espérance

Un rameau jaillira… d’une souche…
Quel jardinier n’a jamais espérer faire cette expérience ? Celle d’un arbre que l’on croit mort – le tronc fendu, les branches desséchées, nues et tordues. Il faut se résigner. C’est la fin. Et pourtant, au printemps, un mince rameau, une pousse verte apparaît, fragile, timide. D’où vient-il ? Tiendra-t-il ? Ce rameau ressemble à notre vie : combien de fois avons-nous cru que tout était perdu ? Combien de fois avons-nous vu nos rêves s’effondrer, nos forces s’épuiser ? Combien de fois avons-nous pensé que tout était mort ? Est-ce que ce rameau ne pourrait pas être la clé de notre Avent ?
Alors même qu’autour de nous tout peut sembler stérile, insignifiant, inquiétant, la vie de Dieu cherche un passage et fait naître l’espérance là où tout peut paraître mort.

Dieu promet une vie nouvelle

Cette image est d’ailleurs celle qu’utilise le prophète Isaïe : « Un rameau sortira de la souche de Jessé » (Is 11,1). Au cœur d’un peuple brisé, Dieu promet une vie nouvelle.
Rien de spectaculaire : un simple rameau, une pousse de tige, un commencement presque invisible. Mais c’est précisément là que la puissance de Dieu se révèle : dans l’humilité.
Ce rameau, c’est le Christ. C’est aussi, mystérieusement, chaque espace de notre vie où nous laissons l’Esprit souffler. C’est ainsi que l’Avent n’est pas l’attente d’un Dieu lointain qui viendrait de l’extérieur ; c’est l’éclosion intérieure d’une présence déjà là, encore discrète, que nous n’avons pas encore découverte ou pleinement accueillie.

Jean-Baptiste : libérer l’espace du cœur


Dans l’Évangile que nous venons d’entendre, Jean-Baptiste nous conduit au désert et lance un cri : « Préparez le chemin du Seigneur !… Convertissez-vous ! » (Mt 3,3). Bien sûr, il y a là comme une menace – « déjà la cognée se trouve à la racine des arbres ». Mais cette parole, plus qu’un avertissement, peut être entendue comme un appel à la liberté.
Mon désert, c’est à chaque fois que je me sens dispersé, encombré, occupé de mille choses qui me coupent de l’essentiel. Le désert est ce lieu où tombent les illusions, où le cœur peut enfin entendre.
Mais comment préparer le chemin du Seigneur ? Comment se préparer ? Car préparer le chemin, ce n’est pas « produire » quelque chose. C’est consentir à ce que Dieu éveille en nous.
Comme ce rameau jailli de l’arbre que l’on croyait mort, il suffit parfois de peu : un geste de pardon, un moment de silence, un souffle de prière. La conversion véritable à laquelle nous invite fortement le baptiste est une ouverture, beaucoup plus qu’une performance. C’est cette ouverture qui rend possible de libérer l’espace de notre cœur à une présence qui est notre véritable espérance.

L’Espérance est ce qui porte le monde


Le psaume 71 chante un roi juste, qui « délivre le pauvre qui appelle ». Là encore, l’image est simple : un roi qui écoute, qui se penche, qui relève. L’espérance biblique n’est pas une idée, mais une relation. Là où quelqu’un est relevé, Dieu se manifeste.
Saint Paul, dans la lettre aux Romains, voit dans cette espérance un lien vivant entre les croyants : « Que Dieu vous donne d’être animés d’un même sentiment… pour que vous glorifiiez Dieu d’un seul cœur » (Rm 15,5-6). Autrement dit : le rameau du Christ devient comme un arbre accueillant quand il nous relie les uns aux autres.
Notre Espérance repose sur ce que signifie justement le temps de l’Avent : nous sommes précédés. Dieu n’attend pas que nous soyons parfaits pour venir ; il vient pour nous apprendre la beauté que nous avons oubliée, le pardon et la consolation à laquelle nous aspirons. Ce que Dieu propose, ce n’est rien moins qu’une naissance, car Il vient.

Une émotion : la douceur qui déplace


Il est difficile d’accueillir cette venue sans émotion. Non pas un sentiment passager, mais ce mouvement intérieur qui surgit quand on comprend que l’on est aimé par avance, sans condition, non pas pour ce que l’on fait, mais pour ce que l’on est. Devant ce rameau qui renaît, beaucoup ont ressenti une forme de paix : la preuve silencieuse que la vie peut revenir, que rien n’est jamais totalement perdu. Cette douceur est peut-être la signature de l’Avent : Dieu ne force pas, il éveille.

Une histoire vraie : la paix née d’un signe fragile


Pour illustrer cette force de l’Espérance qui nous précède et nous guide, je vous partage cette histoire en écho avec l’actualité tragique que nous traversons. Dans une petite communauté du Moyen-Orient, en pleine guerre, un prêtre raconte qu’un jour, trouvant son église détruite, il voit un enfant ramasser un débris de vitrail représentant la crèche. L’enfant murmure : « On peut recoller. Jésus reviendra. » Ce fragment de verre coloré était un rameau. Ils ont reconstruit une petite chapelle, pierre après pierre. Et la paix, un temps, est revenue autour d’eux.
L’Avent ressemble à cette confiance de l’enfant : même dans les ruines, Dieu prépare une naissance. Il nous reste à accueillir le rameau.

Alors, que faire durant cette 2ème semaine de l’Avent ? Peut-être simplement laisser naître ce rameau en nous. Comment ?
– Offrir un pardon.
– Créer un silence pour écouter la Parole.
– Réconcilier un lien blessé.
– Poser un acte d’attention envers le plus fragile.

L’Avent est le temps où nous laissons Dieu faire lever en nous son propre rameau, celui de la douceur, de la justice et de la paix. Que ce rameau fragile soit pour nous la promesse d’une joie authentique : le Seigneur vient, humblement, patiemment, puissamment.
Ouvrons-lui un chemin.

2e Dimanche de l’Avent
Lectures bibliques : Isaïe 11, 1-10 ; Psaume 71 (72) 1-17 ; Romains 15, 4-9 ; Matthieu 3, 1-12

Homélie du 30 novembre 2025 (Mt 24, 37-44)

Abbé Marc Donzé – Eglise du Sacré-Cœur, Lausanne
Introduction de la célébration :

« L’Avent est une attente, un soupir d’Amour, et déjà un tressaillement de joie, à cause de la lumière qui vient.
La nuit, l’ombre de la mort, c’est le règne du moi, le triomphe de l’égoïsme, où tout désordre a sa source : toute la tristesse du monde, tout son désespoir, et toute sa vieillesse.
Mais l’Amour peut tout sauver. Et déjà à l’horizon se lève, comme une aube merveilleuse, celui qui se révèlera comme le Soleil de Justice. »
Zundel en 1930

Homélie

L’Avent, c’est ce qui doit advenir, ce qui doit arriver, ce qui germe déjà.
L’Avent nous donne une ligne d’horizon, sur laquelle nous pouvons fixer notre regard, un regard plein d’espérance, un regard qui voit plus profond que l’écume des jours.

Cette ligne d’horizon est superbement annoncée par le prophète Isaïe. Les peuples vont se rassembler à la montagne du Seigneur… et de leurs épées ils forgeront des socs de charrue. Les peuples vont se rassembler dans la paix : « jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre ».

Invités à transformer les épées en socs de charrue

Nous sommes alors invités à porter notre regard en avant vers cet horizon de paix et d’harmonie. Zundel disait souvent : le vrai monde est en avant de nous (et non pas en arrière). Aujourd’hui, le monde est dans les douleurs de l’enfantement, selon les mots de saint Paul. Il y a tant de guerres armées, tant de guerres commerciales, tant de querelles intestines. La guerre est une défiguration de l’homme dans sa vocation profonde, qui est une vocation de paix et d’harmonie. Et c’est si triste de voir que l’on augmente (doive augmenter) les budgets militaires, alors que Dieu, à travers le prophète, invite à transformer les épées en socs de charrue. Si triste que cela pourrait être désespérant. De toutes ces horreurs, il ne faut pas détourner le regard, qui nous invite à la compassion, la solidarité, la prière… et, dans la mesure où nous le pouvons, à l’action.

Voir ce qui pousse, ce qui est promesse de vie

Mais nous sommes aussi invités à regarder autrement. Car Dieu, qui est la source de la paix, inspire le cœur des hommes, pour qu’ils travaillent à l’enfantement de la paix. Il leur en donne l’énergie, s’ils veulent bien l’accueillir. Et c’est pourquoi, même dans les zones les plus sinistrées, on voit des artisans de paix, des élans de solidarité, des énergies d’espérance. Cela a l’air petit, presque dérisoire ; cela fait peu de bruit, infiniment moins que les bombes. Mais tous ces germes de paix portent une puissance de vie et de renouveau. Et, comme ils sont portés par Dieu qui en est secrètement la source, ils vont être un jour plus forts que tout ce qui défigure la vocation de l’homme. C’est ce que je crois, c’est l’espérance dont je vis dans la Présence de Dieu. C’est ma ligne d’horizon, qui m’aide à ne pas tomber dans l’ironie, le cynisme ou le désespoir. Merci Isaïe. Merci de nous habituer à voir ce qui pousse, ce qui grandit, ce qui est promesse de vie ; merci de nous exercer à la finesse du regard pour chercher la lumière au-delà au-dedans de ce qui est spectaculaire.

C’est maintenant qu’il faut ouvrir les yeux, favoriser les chemins de lumière

Mais, avoir la paix comme ligne d’horizon, ce n’est pas une rêverie pour se consoler. C’est maintenant. Comme nous l’écrit saint Paul : « c’est le moment (…) rejetons les œuvres des ténèbres, revêtons-nous des armes de la lumière ». C’est maintenant qu’il faut ouvrir les yeux, c’est maintenant qu’il faut se réjouir de tout ce qui conduit à la paix, c’est maintenant qu’il faut favoriser les chemins de lumière, aussi petits soient-ils, car, dans la puissance de l’Esprit, ils peuvent produire de grandes choses. Nous pouvons penser à saint Charles de Foucauld, que nous fêtons demain. Son amitié avec les Touaregs, dans des coins perdus du Sahara, a porté tellement de fruits de paix jusqu’à maintenant et dans le monde entier.

Veiller : une attitude d’hommes et de femmes vivants et debout.

Le mot qui revient le plus souvent pendant l’Avent, c’est : « Veillez ». Veiller, c’est beaucoup plus fort qu’attendre en rêvassant à une paix lointaine et improbable. Quand on veille une personne gravement malade, qu’on lui tient la main, c’est une attention vivante. Plus que cela, c’est une communication d’énergie, de lumière et d’amour. Les gestes sont simples, mais ils sont porteurs de l’espérance essentielle. Il devrait en être de même, quand on veille sur la paix, sur la fraternité, sur l’harmonie. Veiller, c’est une attitude d’hommes et de femmes vivants et debout. Veiller, c’est prier pour que chaque personne accueille la source de paix qu’est la Présence de Dieu, même s’il ne sait pas l’origine de la source. Veiller, c’est aussi agir : devenir artisan de paix dans tous les chemins que la vie quotidienne nous offre ou nous impose. Le défi est rude, mais la paix ne peut advenir que si le cœur des personnes devient fidèle à ce qui fait le fond de la vocation humaine : le respect des personnes et des peuples, la fraternité, l’amour.

L’Avent nous dit qu’il y a urgence pour l’espérance et pour l’action. Zundel nous pose la question : « qu’est-ce que nous faisons de notre vie ? (…) On n’a pas le temps, la vie passe si vite, on est occupé par les soucis matériels et les divertissements… et finalement la mort arrive et l’on prend conscience que la vie aurait pu être quelque chose d’immense, de prodigieux, créateur… » Pour qu’il ne soit pas trop tard, il faut suivre l’invitation à être vivants du plus profond de son être.

Alors, que cet Avent soit pour nous un temps de renouveau, pour que, maintenant, nous devenions toujours plus vivants dans la recherche, de la paix et de l’amour. Et que la ligne d’horizon de ce moment où les épées deviendront des socs de charrue (et les avions de chasse des cerfs-volants) nous donne espérance et énergie. Le vrai monde est en avant de nous. Et à pas de silence, il vient. Amen

1er dimanche de l’Avent
Lectures bibliques : Isaïe 2, 1-5 ; Psaume 121 ; Romains 13, 11-14 ; Matthieu 24, 37-44

Homélie du 23 novembre 2025 (Lc, 23, 35-43)

Abbé Daniel Agbeti – Eglise Notre-Dame de l’Epine, Berlens, FR

Bien aimés du Seigneur,
Chers auditrices et auditeurs de la RTS,


Pour clôturer l’Année liturgique C, l’Église nous donne une image surprenante du Christ Roi : Jésus crucifié, faible, silencieux, humilié, dépouillé de tout attribut de puissance, pas d’armée, pas de victoire spectaculaire. Seulement un homme cloué à une croix, insulté par la foule.
Luc souligne cette contradiction par la triple interpellation ironique, trois groupes se moquent de Jésus : les chefs, les soldats, un malfaiteur. Tous répètent : « Sauve-toi toi-même ». À travers ces moqueries, c’est la compréhension humaine du pouvoir — domination, orgueil, auto-préservation — qui est interrogée.

Une forme de royauté radicalement autre

Or Jésus ne répond pas à cette logique. Il manifeste une forme de royauté radicalement autre : une royauté kénotique, fondée non sur la contrainte mais sur le don total de soi. La croix devient ainsi le lieu théologique où se révèle la souveraineté divine comme amour jusqu’à l’extrême.

Le larron repentant discerne le Royaume dans la faiblesse, l’autorité dans l’humilité, la vie dans la mort

Le larron repentant se fait le premier interprète de cette royauté paradoxale : reconnaissant en Jésus un Roi au moment même où toute apparence royale semble bafouée et anéantie, il professe une foi qui discerne le Royaume dans la vulnérabilité. Sa parole constitue le sommet théologique du passage : « Souviens-toi de moi lorsque tu viendras dans ton Royaume. » Il reconnaît en Jésus un Roi précisément au moment où tout signe extérieur de royauté semble aboli. Sa profession de foi est un acte herméneutique audacieux : il discerne le Royaume dans la faiblesse, l’autorité dans l’humilité, la vie dans la mort. La réponse du Christ : « Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le Paradis. » montre que le royaume messianique n’est pas d’abord un espace, mais une communion profonde fondée sur la présence du Seigneur. La croix n’est pas la preuve d’un échec. Elle est le trône où Dieu révèle désormais la profondeur de son amour inconditionnel.

Comme le larron, n’oublions pas de lui dire : Souviens-toi de moi, souviens-toi de tous ceux qui te cherchent, souviens-toi des malades, souviens-toi de tes enfants…

Cette fête nous invite donc à un discernement intérieur : qui règne en nous et sur nous ? Si le Christ est réellement notre Roi, alors sa manière de régner — par la miséricorde, la vérité et le service — doit devenir le principe structurant de notre existence. Amen.

Bon dimanche et belle fête du Christ Roi de l’Univers.

fête du Christ Roi de l’Univers
Lectures bibliques :
2 Samuel 5, 1-3; Psaume 121; Colossiens 1, 12-20; Luc 23,35-43