Homélie TV de la Pentecôte, 8 mai 2025 (Jn 14, 15-26)

Abbé Lukas Hidber et Patricia Staub, assistante pastorale – Eglise St-Maurice, Appenzell

(Abbé Lukas Hidber)
A vous qui fêtez avec nous, ici dans l’église, ou à la télévision,

« Es-tu abandonnés de tous les bons esprits ? » – Cette expression n’est pas inconnue ici à Appenzell. « Mais enfin ! Qu’as-tu fait ?! » – Beaucoup d’entre nous l’ont sans doute déjà entendue ou même prononcée. Et je pose immédiatement la question : notre monde, notre société, l’être humain… sont-ils abandonnés de tous les bons esprits ?

On pourrait bien le penser, à en juger par les nouvelles régulières de destruction de la planète, de violence, d’abus, de corruption, de guerres, d’exploitation et d’oppression. Il n’y a plus que le « toujours plus, toujours plus vite » qui compte, la recherche effrénée du profit, l’individualisme ou l’égoïsme ? Quelle place reste-t-il à l’être humain en tant qu’être humain, à une communauté solidaire ? Où l’homme peut-il encore puiser sa force et trouver la paix intérieure ?

A la Pentecôte, nous ne sommes pas abandonnés

À la Pentecôte, nous ne sommes justement pas abandonnés de tous les esprits : nous célébrons la venue de l’Esprit Saint sur les disciples, sur ceux qui prient, sur les baptisés et les confirmés. Nous parlons de la naissance de l’Église, car des personnes d’origines très diverses se rassemblent alors en une communauté, là où il n’y en aurait pas autrement.

La Pentecôte, avec l’Esprit Saint, n’est pas aussi tangible que Noël. L’envoi de l’Esprit n’a pas la même évidence que la naissance d’un enfant, qui porte l’espoir, la joie, et qui signifie le début d’une vie. Et même si le livre des Actes des Apôtres – écrit par l’évangéliste Luc – décrit avec force d’images cet événement de la Pentecôte, dans la vie quotidienne, cela semble moins évident. Il en va de même pour les textes théologiques et les définitions. Que faire, par exemple, d’une phrase telle que « L’Esprit Saint est la troisième personne de la Trinité » ?

Ce qui frappe, en revanche, dans les chants de la Pentecôte et à l’Esprit Saint, c’est qu’ils ne proclament pas tant des dogmes que l’action et la puissance de l’Esprit. Ils utilisent des images issues de l’expérience humaine, comme le vent, le feu, le souffle, la rosée — des images concrètes et vivantes.

(Assistante pastorale Patricia Staub)

A vous qui fêtez avec nous,

Il y a, dans ma vie, des moments où je me demande : « Mais que faisons-nous sur cette terre ? » Comment la traitons-nous, ainsi que tout ce qui y vit ? La vie est anéantie, ses fondements sont détruits. Sommes-nous abandonnés de tous les bons esprits ? Où est ce bouton qui permettrait d’arrêter le monde, pour tout recommencer ?

Le rêve d’un changement

La poétesse allemande Hilde Domin (1909–2006), fille d’un avocat juif, étudiait la philosophie à Cologne avant de fuir l’Allemagne nazie dans les années 1930. Elle a écrit ce poème :

« Qui pourrait
lancer le monde en l’air
pour que le vent
puisse le traverser. »

Ce rêve, celui de Hilde Domin, que le monde puisse être projeté en l’air pour qu’un vent salvateur le traverse, c’est le rêve d’un changement – d’un renversement de l’immobile, de l’enraciné, du destructeur. C’est l’aspiration à une vie digne, en paix, en justice pour tous. Se complaire dans l’apitoiement et pleurer l’absence d’avenir n’est pas une option ; cela contredit l’appel de l’Évangile à agir.

Pendant un temps, l’une de mes filles rentrait de l’école en se plaignant bruyamment de tout ce qui l’avait agacée durant la journée. J’ai remarqué que moi aussi, je me mettais alors à ne voir que le négatif. J’ai donc passé un accord avec elle : dorénavant, elle devait me raconter trois choses qui l’avaient vraiment rendue heureuse ce jour-là, avant de parler du reste. Au début, elle devait réfléchir longtemps pour trouver ces choses belles de la journée. Mais après avoir énuméré les trois, quand je lui demandais : « Et alors, de quoi t’es-tu plainte aujourd’hui ? », elle répondait de plus en plus souvent : « Oh, en fait, ce n’est plus si important. »

Aiguiser notre regard pour le beau et le précieux dans nos vies

Nous n’avons pas besoin de lancer tout le monde en l’air pour laisser passer l’Esprit. Il suffit de laisser le Saint-Esprit agir à petite échelle, dans notre quotidien, et d’aiguiser notre regard pour le beau et le précieux dans nos vies. Là où nous vivons la communauté, là où nous ne cachons pas nos talents mais les mettons en œuvre avec courage et générosité – là où nous allons au-delà de nous-mêmes pour agir avec amour du prochain – là où je porte un regard bienveillant sur mes propres blessures et failles, où j’amorce un processus de guérison sans rejeter mes frustrations sur les autres – là, des galaxies entières se soulèvent, et le changement a lieu.

Quel esprit voulons-nous laisser vivre en nous et suivre ? Cette fête de la Pentecôte est une invitation à écouter attentivement quel esprit nous conduit vers la liberté, vers la paix, et vers plus de vie.

(Abbé Lukas Hidber)

Le désir de paix, celui de ne pas être abandonné de tous les bons esprits, est immense aujourd’hui. Cela se reflète sur le cierge pascal que vous voyez ici, utilisé pendant le temps de Pâques : une grande colombe de la paix y plane au-dessus du monde. Lors de son élection, le pape Léon a salué la foule en liesse avec les mots : « La paix soit avec vous ». C’est aussi la salutation d’ouverture de tout évêque lors de la messe. Cette phrase vient de l’Évangile que nous avons entendu : ce sont les premiers mots que Jésus adresse à ses disciples le soir de Pâques, alors qu’ils sont enfermés, tristes et terrifiés. Il aurait eu bien des raisons de leur faire des reproches, de leur dire : « Êtes-vous donc abandonnés de tous les bons esprits ?»

Mais Jésus leur souhaite la paix, leur offre une expérience de confiance et d’encouragement, car les disciples ressentent sa présence. Puis, il souffle sur eux et dit : « Recevez l’Esprit Saint ». Ce geste rappelle le souffle de vie insufflé à Adam par Dieu au début de la Création. Les disciples ne sont donc plus seuls – ils sont remplis du Saint-Esprit.

Les sept dons du Saint Esprit ne sont pas de vieilles formules !

Et qu’en est-il des sept dons du Saint-Esprit ? Ce ne sont pas de vieilles formules oubliées. Il faut les traduire pour aujourd’hui :

  • Sagesse : distinguer ce qui est essentiel de ce qui ne l’est pas, ce dont j’ai vraiment besoin ou non.
  • Intelligence : ne pas s’arrêter aux apparences, mais voir en profondeur, découvrir les liens, y compris avec nos propres actes.
  • Conseil : personne ne sait tout, personne n’est bon à rien. Utilise tes dons et écoute les autres.
  • Force : reste fort, même quand tout pousse à fuir et que tes projets s’effondrent.
  • Science : les émotions sont importantes, mais ne te laisse pas diriger uniquement par elles. Garde aussi ton discernement.
  • Crainte de Dieu : ce n’est pas la peur de Dieu, mais la conscience que Dieu veut agir dans ta vie, y être présent.
  • Piété : cela ne veut pas dire passer ses journées les mains jointes, mais rester connecté, parler à Dieu, écouter, voir sa vie à la lumière de la foi – en d’autres termes : prier.

Chers frères et sœurs,

Depuis le début de la Bible, les hommes et les femmes ont expérimenté l’Esprit Saint comme une force créatrice, vivifiante, encourageante, fortifiante, ‘rassemblante’, inspirante, motivante. À la Pentecôte en particulier : les gens se rencontrent, se comprennent malgré les langues différentes, sont touchés par Dieu, osent témoigner de Lui, débordent de joie, de courage, de force et d’espérance.

Aujourd’hui, c’est nous qui en sommes les témoins. À travers notre pensée, nos paroles, nos actes, montrons que le monde n’est pas abandonné de tous les bons esprits – mais bien rempli de l’Esprit. Amen.

(Traduction)

Fête de la Pentecôte
Lectures bibliques : Actes 2, 1-11; Psaume 103; Romains 8, 8-17; Jean 14, 15-26

Homélie de la Pentecôte, 8 juin 2025 (Jn 14, 15-26)


Abbé Bernard Miserez – Chapelle du Vorbourg, Delémont

Il existe, paraît-il, pour les enfants de 2 ans déjà, un jeu qui tente d’éveiller chez eux la notion de contraire. Par exemple, la nuit-le jour, triste-content, grand -petit. L’enfant observe les images et s’amuse à reconstituer par paire les réalités opposées. Rien de tel pour développer chez l’enfant son sens de l’observation tout en enrichissant son vocabulaire.

Deux univers apparemment contraires et opposés

La fête de la Pentecôte nous suggère, elle aussi, de repérer deux univers apparemment contraires et opposés. Nous les rencontrons dans la Parole de Dieu ce matin. D’ailleurs, les avez-vous repérés ? Regardons ensemble si vous le voulez bien :

Dans l’Évangile, une aventure tout INTERIEURE… « si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole et mon Père l‘aimera, et nous viendrons chez lui » : une demeure de Dieu en nous, en chacune et chacun de nous en tout homme, en toute femme quelle que soit sa vie.

Dans les Actes des Apôtres, une aventure tout EXTERIEURE… l’événement de la Pentecôte, un grand coup de vent, du feu, une aventure qui projette dehors, hors de la maison, et là, des étrangers de toutes langues et nations, le grand vent de l’Évangile commence à souffler.

L’Esprit est la Vie, comme une respiration, un échange, dedans, dehors

Intérieur et extérieur, dedans, dehors. Le Vent souffle où il veut. L’Esprit est sans frontières, sans contraires. Il est la Vie, la vie comme une respiration, un échange, dedans, dehors.

Pentecôte nous dit jusqu’où va le mystère de Pâques. Par le Christ ressuscité, le Père des cieux nous donne et nous communique son Esprit. Cet Esprit va jusqu’aux extrémités de la terre, toute langue, toute culture, toute nation comme il va jusqu’au plus profond de nous-mêmes, jusqu’à l’intime de nos vies pour nous guérir, nous vivifier, nous renouveler.

La Pentecôte célèbre la résurrection des disciples

Si Pâques célèbre la Résurrection de Jésus, le Christ, la Pentecôte, elle, célèbre la résurrection des disciples. Autrement dit, la nôtre, maintenant et chaque fois que nous osons nous ouvrir à ce don inconditionnel de Dieu.

Ce don que nous recevons du Père nous met en relation avec lui et avec le Christ. L’Esprit-Saint est, si vous voulez, comme la mémoire rendant présent ce mystère de Dieu qui choisit de demeurer en nous. Et puis, ce don de l’Esprit, reçu gratuitement, nous permet de nous transformer, c’est-à-dire, de nous changer nous-mêmes. Bien sûr il ne s’agit pas d’une transformation illusoire pour améliorer notre bien-être par exemple. Il s’agit de se recevoir de Dieu lui-même, comme fille et fils du Père, autrement dit d’accueillir mon histoire telle qu’elle est comme un chemin de liberté, à inventer à la suite de Jésus. Enfin, ce don de l’Esprit nous fait vivre en communion avec l’humanité entière. Dans le Christ, il n’y a que des sœurs et des frères à aimer.

Notre existence : une page d’Evangile à vivre

Chacune de nos existences est une page d’Évangile à vivre, en laissant l’Esprit-Saint mener l’aventure. Au dedans pour connaître l’intimité du Père, au dehors pour faire connaître la bonté et la tendresse de Dieu au monde entier. C’est encore la Parole de Dieu qui se donne à voir et à entendre par les témoins d’aujourd’hui de cet Esprit.

Le Musée jurassien d’art et d’histoire ferme ses portes ce soir sur l’exposition exceptionnelle de la Bible de Moutier-Grandval. Une œuvre du 9ème siècle conservée au British Museum de Londres. Une foule dense et impressionnante est venue de partout visiter ce chef d’œuvre, participant pour beaucoup aux activités organisées à l’occasion de la présence de cette Bible. Cette Bible est bien plus qu’un manuscrit chargé d’histoire. Elle est la Parole qui aujourd’hui encore donne le sens à chacune de nos vies.

Vous me permettez de terminer en citant une femme poète, assistante sociale et mystique en même temps, Madeleine Delbrêl, décédée il y a 61 ans. Elle décrivait dans un de ses ouvrages la mission qui s’ouvre devant nous : « Une fois que nous avons connu la parole de Dieu, nous n’avons pas le droit de ne pas la recevoir ; une fois que nous l’avons reçue, nous n’avons pas le droit de ne pas la laisser s’incarner en nous ; une fois qu’elle s’est incarnée en nous, nous n’avons pas le droit de la garder pour nous : nous appartenons dès lors à celles et à ceux qui l’attendent ». Amen

Fête de la Pentecôte
Lectures bibliques : Actes 2, 1-11; Psaume 103; Romains 8, 8-17; Jean 14, 15-26

Homélie du 1er juin 2025 (Jn 17, 20-26)

Bernard Litzler, diacre – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice, VS

Frères et sœurs, mes amis,

« Dis-moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es » : cette sentence de Jean Anthelme Brillat-Savarin, auteur culinaire, peut s’appliquer à nos consommations médiatiques. Dis-moi ce que tu consommes, médiatiquement parlant. Car notre consommation prend des allures de boulimie, quand on évoque les réseaux sociaux. Qui n’a pas le nez pointé sur l’écran de son téléphone portable dans les transports ou dans les endroits publics ?

Notre consommation de médias est en expansion continue, relèvent les sociologues. Du coup, existe aussi le phénomène inverse : celui des anorexiques, qui fuient ostensiblement les informations sous toutes leurs formes. Pourtant, en matière médiatique – comme dans nos habitudes alimentaires -, l’important c’est l’équilibre : pas trop peu, pas trop non plus.

Du temps de cerveau disponible…


Pour nous chrétiens, ce type de nourriture ne doit pas être seulement équilibré, mais aussi « éclairé ». Car ce que nous consommons en textes et en images imprègne notre esprit. L’ancien PDG de TF1, Patrick Le Lay, avait avoué un jour : « Nos émissions ont pour vocation de rendre le téléspectateur disponible, le divertir, le détendre pour le préparer entre deux messages publicitaires. Ce que nous vendons à nos annonceurs, c’est du temps de cerveau humain disponible ».
Du temps de cerveau disponible… Alors question : suis-je ouvert à cette nouveauté-là, celle des publicités, ou à celle de l’Esprit saint ? Quelle plus-value spirituelle y a-t-il à fréquenter un canal ou un réseau social qui distille des rumeurs, qui entretient la rivalité ou propage la haine, et qui oublie la vertu d’espérance ? Pourquoi – c’est juste un exemple – nos médias exhibent-ils si souvent les richesses ostentatoires d’un petit nombre et oublient la solidarité qui existe, tout aussi souvent, dans des groupes humains

Le Dimanche des Médias : un moment d’alerte et un moment de recul

Mes amis, le Dimanche des médias que nous fêtons aujourd’hui est à la fois un moment d’alerte et un moment de recul. Alerte comme le fait le défunt pape François dans son message pour la Journée des communications sociales en pointant le défi de la désinformation. Moment de recul aussi lorsque le pape s’adresse aux journalistes, en cette année centrée sur l’espérance, en leur demandant, je le cite, de « partager avec douceur l’espérance qui est dans vos cœurs ».
Car le métier de journaliste, de surcroît de journaliste chrétien, est exigeant : comment concilier la vérité de l’information, les souhaits du public et la diffusion de l’espérance ? Comment lutter contre les manipulations de l’information, les fausses nouvelles, les doutes sur les faits ? 550 journalistes sont actuellement emprisonnés de par le monde. Et en 2024, 54 journalistes ont été tués en exerçant leur métier.

C’est le public qui fait les médias

Les messages annuels du pape François, à l’occasion des Journées des communications sociales, soulignent un aspect important des échanges médiatiques. Pour l’Église, le regard que nous portons sur le monde, l’écoute des joies, des défis et des conflits, notre responsabilité en tant que consommateur de médias, tout cela interpelle. Et les messages du Vatican ne sont pas uniquement destinés aux professionnels, mais s’adressent à un public plus large.
Car c’est bien le public qui fait les médias. A travers les canaux qui imprègnent mon cerveau, je construis mes représentations du monde et des réalités. En ce domaine, chacun voit midi à sa porte. Chacun ou chacune perçoit les choses selon son point de vue. Or il s’agit, aujourd’hui, de changer d’heure, de passer – si vous me permettez l’expression – de midi à 13 heures.
Car nous sommes porteurs d’un autre monde, les garants de la Bonne Nouvelle. C’est vrai, le public que nous formons, aimerait avoir davantage de bonnes nouvelles. Or nous sommes les porteurs de « la » Bonne Nouvelle, celle que nous a encore rappelée le livre de l’Apocalypse, en ce jour : « Je suis l’Alpha et l’Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin », dit le Christ.

Nous pouvons former communauté autour de thèmes porteurs, d’informations positives

Le Christ nous aide, par son Esprit, à modifier nos comportements de consommateurs médiatiques. Car nous pouvons former communauté autour de thèmes porteurs, de gestes de solidarité, d’informations positives.

« Le chrétien a un cœur qui voit », écrivait le pape François. Demandons à l’Esprit saint de nous aider, dans la clairvoyance, à choisir le bon régime médiatique. Il y va de notre équilibre spirituel. Amen

7e dimanche de Pâques – Dimanche des Médias
Lectures bibliques Actes 7, 55-60; Psaume 96, 1-9; Apocalypse 22, 12-20; Jean 17, 2-26

Homélie TV du 29 mai 2025, Ascension (Lc 24, 46-53)

Chanoine Luc Van Hilst, curé – Basilique Notre-Dame de Montaigu, Belgique

Frères et sœurs bien-aimés,

Nous sommes entrés dans le sanctuaire, ce lieu où le ciel touche la terre. Les deux pieds sur terre, nous voyons au-dessus de nous la coupole parsemée d’étoiles à l’intérieur et à l’extérieur. Depuis l’ascension du Christ qui est entré dans le vrai sanctuaire, nous avons une autre vision de la vie. Jésus nous a précédés auprès du Père pour nous préparer une place, afin que nous puissions être là où Il est. Cette promesse, que nous célébrons aujourd’hui avec reconnaissance, fait de notre vie un pèlerinage vers le vrai sanctuaire, le Ciel.

Dans ce lieu où sont arrivés d’innombrables pèlerins au fil des siècles, on peut déjà se représenter le Ciel. Non seulement par les étoiles de la coupole, mais surtout par la présence de Jésus-Christ et de sa mère, Marie, et la nôtre.

Nous découvrons, dans le Christ, que nous sommes les enfants bien-aimés du Père

C’est ici que nous rencontrons, à plusieurs, le Seigneur ressuscité dans la célébration des sacrements. En particulier, la célébration de l’Eucharistie, à travers laquelle Jésus nous parle et par laquelle Il rompt et partage sa vie pour nous. Ici, nous découvrons, dans le Christ, qui nous sommes aux yeux du Père : ses enfants bien-aimés. Ici, en frères et sœurs, nous devenons des pèlerins de l’espérance, des témoins de l’amour de Dieu, et nous impliquons tous ceux que nous rencontrons dans cette élection par de bonnes paroles et de bons actes.

Marie nous encourage à faire confiance aux promesses e Dieu

Ici, Marie nous accueille comme une sœur dans la foi. Elle se tient à nos côtés, avec son grand « Oui », et nous encourage à faire confiance aux promesses de Dieu.
Ici, Marie, comme une mère donnée par Jésus sur la croix, est toujours prête à nous écouter et à nous rapprocher de son Fils.

Ici, nous nous sentons reliés à tant de personnes que nous portons dans nos cœurs, tant de personnes qui nous ont précédés en pèlerins sur le chemin de l’espoir, de la guérison, du bonheur et de la paix. Ici, nous nous sentons reliés aux saints, à tous ceux qui ont été rachetés par le Seigneur lors de leur baptême, à tous ceux qui ont été baptisés dans l’Esprit Saint.

Nous venons ici en pèlerins et nous repartons, portés par l’espérance que cette fête exprime. Le ciel a touché la terre, il m’a touché et m’a mis en chemin, il nous a touchés et nous a unis pour témoigner au monde entier que c’est vrai : le ciel est ouvert et le Christ nous a préparé une place pour que nous puissions être avec Lui, ensemble, dans le sanctuaire céleste de Dieu. Amen.

(Traduction du flamand)

Fête de l’Ascension
Lectures bibliques : Actes 1, 1-11 ; Psaume 46 ; Hébreux 9, 24-28 ; 10, 19-23 ; Luc 24, 46-53

Homélie du 29 mai 2025, Ascension (Lc 24, 46-53)

Frère Nicolas-Jean Porret, OP – Eglise Saint-Paul, Cologny, GE

Le ciel, c’est le ciel du Seigneur ; la terre il l’a donnée aux fils d’Adam

« Le ciel, c’est le Ciel du Seigneur – dit un psaume – ; la terre il l’a donnée aux fils d’Adam » (Psaume 115, 16). Cette séparation entre ciel et terre cesse avec l’Ascension de Jésus. Désormais, si vous me passez l’expression, Ciel et terre ne se regardent plus « en chiens de faïence ». Déjà à Noël le Ciel s’était penché sur la terre — Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de sa faveur —, mais avec l’Ascension un pont solide arrime définitivement la terre au Ciel. Ce n’est certes pas le fameux « pont de l’Ascension » au sens où en parlent les médias ou les coiffeurs, ni un aqueduc d’une semaine, ou plutôt si : l’« Aqueduc de l’Église » qui fait le pont 365 jours par an, liant terre et Ciel. 

Notre humanité devient participante de la sainte Trinité

Le Seigneur Jésus, exalté au Ciel, siège désormais à la droite du Père. En lui, notre humanité est unie à la sienne, elle devient participante de la sainte Trinité. Voilà pourquoi les Onze étaient dans la joie, sans cesse au temple, unis dans la louange de Dieu Trinité. Avec Marie, Mère de Jésus, et ses proches, ils vivaient l’aurore d’une humanité nouvelle que l’on appelle l’Église. Tendue entre terre et Ciel, cette Église est l’Épouse des noces de l’Agneau : « L’Esprit et l’Épouse disent viens […] que l’être de désir reçoive l’eau de la vie » (Apocalypse 22, 17).

Dès à présent, selon l’épître aux hébreux, « nous pouvons entrer dans le véritable sanctuaire, grâce au sang de Jésus ». Ce sanctuaire n’est plus celui du temple de Jérusalem, mais celui du Ciel, mystère de communion avec Dieu. On y entre par la foi, les sacrements et toute la vie ecclésiale. On y entre « en avançant vers Dieu avec un cœur sincère et purifié ». Il n’y a plus le rideau ancien et opaque du Saint des saints, car le voile s’est déchiré. « Nous avons en Jésus un chemin nouveau et vivant, le rideau de sa chair ». Oui, un rideau qui est devenu un pont, la chair même de Jésus offerte pour notre Salut, toujours présente et agissante, prolongée dans le mystère de l’Église. Car si le corps historique de Jésus, né de Marie, échappe à nos regards nés 2000 ans trop tard, ce même corps de Jésus se laisse toucher à travers les Écritures lues en Église, se laisse goûter sous les espèces du pain eucharistique, se laisse vivre au sein de nos assemblées ecclésiales.

« En Lui Jésus, l’unique, nous sommes un. »

Le Ciel donc s’est ouvert : il aimante la terre donnée aux hommes, terre nouvelle devenue l’Église. Jésus demeure notre prêtre à jamais, souverain pontife intercédant depuis le Ciel pour nous, nous attirant vers lui. Connaissez-vous la devise de son vicaire sur la terre, notre nouveau pape Léon ? In illo uno unum — en français : « En Lui — Jésus — qui est un, nous sommes un. » L’expression vient de saint Augustin à qui emprunte toujours volontiers notre pape Léon : « Les chrétiens eux-mêmes, avec leur Tête qui a fait son Ascension au Ciel, sont un seul Christ : il n’est pas seul et nous plusieurs ; mais, bien que plusieurs, nous sommes un en lui qui est un (in illo uno unum) » (Enarratio in Psalmum 127).

Fasse le Seigneur Jésus que nous soyons toujours trouvés ensemble en lui, comme lui, le Fils, est un avec le Père et l’Esprit : que nous soyons fortifiés dans l’unité, membres de l’unique Église bien-aimée conduite sur la terre par le successeur de Pierre !

Fête de l’Ascension
Lectures bibliques : Actes 1, 1-11 ; Psaume 46 ; Hébreux 9, 24-28 ; 10, 19-23 ; Luc 24, 46-53

Homélie du 25 mai 2025 (Jn 14, 23-29)

Marc-Olivier Girard, diacre – Eglise Saint-Joseph, Lausanne

Chers frères et sœurs, bientôt quarante jours se sont écoulés depuis Pâques. Pendant tout ce temps, le Seigneur Jésus ressuscité a bu et mangé avec nous ses disciples. Pendant tout ce temps, il nous a instruits avec patience sur le Royaume. Pendant tout ce temps, sa gloire est Chers frères et sœurs, bientôt quarante jours se sont écoulés depuis Pâques. Pendant tout ce temps, le Seigneur Jésus ressuscité a bu et mangé avec nous ses disciples. Pendant tout ce temps, il nous a instruits avec patience sur le Royaume. Pendant tout ce temps, sa gloire est restée encore voilée sous les traits d’une humanité ordinaire.

Dans quelques jours, cette humanité va entrer à jamais dans la gloire divine. Le Seigneur Jésus va monter aux cieux. Son départ est imminent.

Mais, Seigneur, reste avec nous ! Oui, reste avec nous ! « Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse ». Seigneur, pourquoi devrais-tu partir ? Nous avons besoin de toi. La guerre, le réchauffement climatique, l’économie, l’intelligence artificielle… toutes ces choses : elles nous inquiètent.
Qu’est-ce que le Seigneur répond ?
« Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé. Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m’en vais, et je reviens vers vous ».

Le Seigneur part mais il revient vers nous

Oui, chers frères et sœurs, le Seigneur part mais il revient vers nous. Il revient vers nous dans un mystère d’intimité, un mystère de joie, un mystère de paix : le mystère de Dieu Trinité qui se donne, qui habite en nous et qui nous apaise vraiment.

Entrons dans ce mystère d’amour en écoutant Jésus dans l’Évangile.

« Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure ».

Aujourd’hui, Jésus nous promet qu’il ne va pas s’éloigner de nous en partant, qu’il ne va pas nous abandonner à nos angoisses. Au contraire, en gardant sa parole et en accueillant son Esprit, c’est Dieu-Trinité tout entier qui va venir en nous et nous apaiser.

Garder la parole de Jésus

Aujourd’hui, Jésus nous demande de garder sa parole. Garder sa parole pour s’ouvrir à quelque chose d’infiniment plus grand que notre humanité. Garder sa parole pour devenir la demeure de Dieu. Garder sa parole pour laisser habiter la Très Sainte Trinité en nous.

Jésus a lui-même gardé la parole de son Père qui donne la vie éternelle. Vie éternelle qu’il est venu nous annoncer comme un époux déclare son amour à son épouse. Soyons attentifs aux signes de son amour. Laissons-nous séduire par ses marques de tendresse. Écoutons fidèlement sa parole. Cette parole qu’il nous demande de garder, frères et sœurs.

Aux noces de Cana, qu’est-ce qui est gardé jusqu’à la fin du repas ? Qu’est-ce que Marie-Madeleine garde en vue de l’ensevelissement de son Seigneur ? Quelle est la fête hebdomadaire que les Juifs tiennent tant à garder ? C’est le bon vin qui est gardé à Cana pour être versé aux convives tout au long de la noce. C’est un parfum très pur et de très grande valeur qui est gardé par Marie-Madeleine pour être versé sur les pieds de Jésus en vue de son ensevelissement. C’est le septième jour qui est gardé par les Juifs en mémoire de la création du monde et de la libération d’Égypte.

Le bon vin, le parfum très pur et de très grande valeur et le sabbat sont autant de signes de l’amour du Christ. Amour que nous recevons aujourd’hui, ici et maintenant, en écoutant sa parole. Gardons les paroles de Jésus comme le vin, le parfum et le sabbat ont été gardés. Ils sont précieux. Ils sont la garde des paroles de Jésus. Ces paroles, « elles sont esprit et elles sont vie ».

Un ultime don : l’Esprit Saint

Aujourd’hui, Jésus nous annonce l’envoi d’un ultime don : l’Esprit Saint, le Défenseur, le Don en personne. Un don est par définition quelque chose que l’on reçoit. Qui d’entre nous, chers frères et sœurs, peut prétendre accueillir par lui-même une personne divine par ses propres forces ? Cela doit nous être donné d’ailleurs, d’en haut, par grâce. Pour le dire en un mot, la personne divine se donne pour être reçue. La personne divine se donne pour être reçue.

Le vrai don implique la gratuité. Ici, une gratuité parfaite. Dieu nous aime. Dieu nous veut du bien. Dieu nous donne. L’amour est non seulement la source de tous les dons, mais il est lui-même le premier don. Dieu qui aime parfaitement, qui donne parfaitement, nous donne son propre amour : l’Esprit Saint. L’Esprit Saint qui est personnellement le Don parce qu’il est personnellement l’Amour parce que le premier don c’est d’aimer. Le don découle de l’amour.

Frères et sœurs, Jésus nous le dit : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure ».
Le Père et le Fils et l’Esprit Saint viennent habiter en nous. En gardant la parole de Jésus, en recevant le Don de l’Esprit Saint, nous pouvons accueillir Dieu-Trinité et être apaisé dans le mystère.
L’humanité trouve ici son vrai bonheur : l’adhésion à son but ultime, la communion avec son créateur et sauveur, l’union avec Dieu. C’est un mystère profond. Ce sens du mystère, ce sens de la beauté du salut dans le Christ, ce sens de l’émerveillement devant la grandeur du Père, ce sens de la venue aimante de l’Esprit dans nos cœurs. Voilà ce qui nourrit la joie et la paix qui nous est promise aujourd’hui dans l’Évangile.

6e Dimanche de Pâques
Lectures bibliques : Actes 15, 1-2. 22-29; Psaume 66; Apocalypse 21, 10-23; Jean 14, 23-29