Homélie TV du 29 mai 2025, Ascension (Lc 24, 46-53)

Chanoine Luc Van Hilst, curé – Basilique Notre-Dame de Montaigu, Belgique

Frères et sœurs bien-aimés,

Nous sommes entrés dans le sanctuaire, ce lieu où le ciel touche la terre. Les deux pieds sur terre, nous voyons au-dessus de nous la coupole parsemée d’étoiles à l’intérieur et à l’extérieur. Depuis l’ascension du Christ qui est entré dans le vrai sanctuaire, nous avons une autre vision de la vie. Jésus nous a précédés auprès du Père pour nous préparer une place, afin que nous puissions être là où Il est. Cette promesse, que nous célébrons aujourd’hui avec reconnaissance, fait de notre vie un pèlerinage vers le vrai sanctuaire, le Ciel.

Dans ce lieu où sont arrivés d’innombrables pèlerins au fil des siècles, on peut déjà se représenter le Ciel. Non seulement par les étoiles de la coupole, mais surtout par la présence de Jésus-Christ et de sa mère, Marie, et la nôtre.

Nous découvrons, dans le Christ, que nous sommes les enfants bien-aimés du Père

C’est ici que nous rencontrons, à plusieurs, le Seigneur ressuscité dans la célébration des sacrements. En particulier, la célébration de l’Eucharistie, à travers laquelle Jésus nous parle et par laquelle Il rompt et partage sa vie pour nous. Ici, nous découvrons, dans le Christ, qui nous sommes aux yeux du Père : ses enfants bien-aimés. Ici, en frères et sœurs, nous devenons des pèlerins de l’espérance, des témoins de l’amour de Dieu, et nous impliquons tous ceux que nous rencontrons dans cette élection par de bonnes paroles et de bons actes.

Marie nous encourage à faire confiance aux promesses e Dieu

Ici, Marie nous accueille comme une sœur dans la foi. Elle se tient à nos côtés, avec son grand « Oui », et nous encourage à faire confiance aux promesses de Dieu.
Ici, Marie, comme une mère donnée par Jésus sur la croix, est toujours prête à nous écouter et à nous rapprocher de son Fils.

Ici, nous nous sentons reliés à tant de personnes que nous portons dans nos cœurs, tant de personnes qui nous ont précédés en pèlerins sur le chemin de l’espoir, de la guérison, du bonheur et de la paix. Ici, nous nous sentons reliés aux saints, à tous ceux qui ont été rachetés par le Seigneur lors de leur baptême, à tous ceux qui ont été baptisés dans l’Esprit Saint.

Nous venons ici en pèlerins et nous repartons, portés par l’espérance que cette fête exprime. Le ciel a touché la terre, il m’a touché et m’a mis en chemin, il nous a touchés et nous a unis pour témoigner au monde entier que c’est vrai : le ciel est ouvert et le Christ nous a préparé une place pour que nous puissions être avec Lui, ensemble, dans le sanctuaire céleste de Dieu. Amen.

(Traduction du flamand)

Fête de l’Ascension
Lectures bibliques : Actes 1, 1-11 ; Psaume 46 ; Hébreux 9, 24-28 ; 10, 19-23 ; Luc 24, 46-53

Homélie du 29 mai 2025, Ascension (Lc 24, 46-53)

Frère Nicolas-Jean Porret, OP – Eglise Saint-Paul, Cologny, GE

Le ciel, c’est le ciel du Seigneur ; la terre il l’a donnée aux fils d’Adam

« Le ciel, c’est le Ciel du Seigneur – dit un psaume – ; la terre il l’a donnée aux fils d’Adam » (Psaume 115, 16). Cette séparation entre ciel et terre cesse avec l’Ascension de Jésus. Désormais, si vous me passez l’expression, Ciel et terre ne se regardent plus « en chiens de faïence ». Déjà à Noël le Ciel s’était penché sur la terre — Gloire à Dieu au plus haut des cieux et paix sur la terre aux hommes de sa faveur —, mais avec l’Ascension un pont solide arrime définitivement la terre au Ciel. Ce n’est certes pas le fameux « pont de l’Ascension » au sens où en parlent les médias ou les coiffeurs, ni un aqueduc d’une semaine, ou plutôt si : l’« Aqueduc de l’Église » qui fait le pont 365 jours par an, liant terre et Ciel. 

Notre humanité devient participante de la sainte Trinité

Le Seigneur Jésus, exalté au Ciel, siège désormais à la droite du Père. En lui, notre humanité est unie à la sienne, elle devient participante de la sainte Trinité. Voilà pourquoi les Onze étaient dans la joie, sans cesse au temple, unis dans la louange de Dieu Trinité. Avec Marie, Mère de Jésus, et ses proches, ils vivaient l’aurore d’une humanité nouvelle que l’on appelle l’Église. Tendue entre terre et Ciel, cette Église est l’Épouse des noces de l’Agneau : « L’Esprit et l’Épouse disent viens […] que l’être de désir reçoive l’eau de la vie » (Apocalypse 22, 17).

Dès à présent, selon l’épître aux hébreux, « nous pouvons entrer dans le véritable sanctuaire, grâce au sang de Jésus ». Ce sanctuaire n’est plus celui du temple de Jérusalem, mais celui du Ciel, mystère de communion avec Dieu. On y entre par la foi, les sacrements et toute la vie ecclésiale. On y entre « en avançant vers Dieu avec un cœur sincère et purifié ». Il n’y a plus le rideau ancien et opaque du Saint des saints, car le voile s’est déchiré. « Nous avons en Jésus un chemin nouveau et vivant, le rideau de sa chair ». Oui, un rideau qui est devenu un pont, la chair même de Jésus offerte pour notre Salut, toujours présente et agissante, prolongée dans le mystère de l’Église. Car si le corps historique de Jésus, né de Marie, échappe à nos regards nés 2000 ans trop tard, ce même corps de Jésus se laisse toucher à travers les Écritures lues en Église, se laisse goûter sous les espèces du pain eucharistique, se laisse vivre au sein de nos assemblées ecclésiales.

« En Lui Jésus, l’unique, nous sommes un. »

Le Ciel donc s’est ouvert : il aimante la terre donnée aux hommes, terre nouvelle devenue l’Église. Jésus demeure notre prêtre à jamais, souverain pontife intercédant depuis le Ciel pour nous, nous attirant vers lui. Connaissez-vous la devise de son vicaire sur la terre, notre nouveau pape Léon ? In illo uno unum — en français : « En Lui — Jésus — qui est un, nous sommes un. » L’expression vient de saint Augustin à qui emprunte toujours volontiers notre pape Léon : « Les chrétiens eux-mêmes, avec leur Tête qui a fait son Ascension au Ciel, sont un seul Christ : il n’est pas seul et nous plusieurs ; mais, bien que plusieurs, nous sommes un en lui qui est un (in illo uno unum) » (Enarratio in Psalmum 127).

Fasse le Seigneur Jésus que nous soyons toujours trouvés ensemble en lui, comme lui, le Fils, est un avec le Père et l’Esprit : que nous soyons fortifiés dans l’unité, membres de l’unique Église bien-aimée conduite sur la terre par le successeur de Pierre !

Fête de l’Ascension
Lectures bibliques : Actes 1, 1-11 ; Psaume 46 ; Hébreux 9, 24-28 ; 10, 19-23 ; Luc 24, 46-53

Homélie du 25 mai 2025 (Jn 14, 23-29)

Marc-Olivier Girard, diacre – Eglise Saint-Joseph, Lausanne

Chers frères et sœurs, bientôt quarante jours se sont écoulés depuis Pâques. Pendant tout ce temps, le Seigneur Jésus ressuscité a bu et mangé avec nous ses disciples. Pendant tout ce temps, il nous a instruits avec patience sur le Royaume. Pendant tout ce temps, sa gloire est Chers frères et sœurs, bientôt quarante jours se sont écoulés depuis Pâques. Pendant tout ce temps, le Seigneur Jésus ressuscité a bu et mangé avec nous ses disciples. Pendant tout ce temps, il nous a instruits avec patience sur le Royaume. Pendant tout ce temps, sa gloire est restée encore voilée sous les traits d’une humanité ordinaire.

Dans quelques jours, cette humanité va entrer à jamais dans la gloire divine. Le Seigneur Jésus va monter aux cieux. Son départ est imminent.

Mais, Seigneur, reste avec nous ! Oui, reste avec nous ! « Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse ». Seigneur, pourquoi devrais-tu partir ? Nous avons besoin de toi. La guerre, le réchauffement climatique, l’économie, l’intelligence artificielle… toutes ces choses : elles nous inquiètent.
Qu’est-ce que le Seigneur répond ?
« Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé. Vous avez entendu ce que je vous ai dit : Je m’en vais, et je reviens vers vous ».

Le Seigneur part mais il revient vers nous

Oui, chers frères et sœurs, le Seigneur part mais il revient vers nous. Il revient vers nous dans un mystère d’intimité, un mystère de joie, un mystère de paix : le mystère de Dieu Trinité qui se donne, qui habite en nous et qui nous apaise vraiment.

Entrons dans ce mystère d’amour en écoutant Jésus dans l’Évangile.

« Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure ».

Aujourd’hui, Jésus nous promet qu’il ne va pas s’éloigner de nous en partant, qu’il ne va pas nous abandonner à nos angoisses. Au contraire, en gardant sa parole et en accueillant son Esprit, c’est Dieu-Trinité tout entier qui va venir en nous et nous apaiser.

Garder la parole de Jésus

Aujourd’hui, Jésus nous demande de garder sa parole. Garder sa parole pour s’ouvrir à quelque chose d’infiniment plus grand que notre humanité. Garder sa parole pour devenir la demeure de Dieu. Garder sa parole pour laisser habiter la Très Sainte Trinité en nous.

Jésus a lui-même gardé la parole de son Père qui donne la vie éternelle. Vie éternelle qu’il est venu nous annoncer comme un époux déclare son amour à son épouse. Soyons attentifs aux signes de son amour. Laissons-nous séduire par ses marques de tendresse. Écoutons fidèlement sa parole. Cette parole qu’il nous demande de garder, frères et sœurs.

Aux noces de Cana, qu’est-ce qui est gardé jusqu’à la fin du repas ? Qu’est-ce que Marie-Madeleine garde en vue de l’ensevelissement de son Seigneur ? Quelle est la fête hebdomadaire que les Juifs tiennent tant à garder ? C’est le bon vin qui est gardé à Cana pour être versé aux convives tout au long de la noce. C’est un parfum très pur et de très grande valeur qui est gardé par Marie-Madeleine pour être versé sur les pieds de Jésus en vue de son ensevelissement. C’est le septième jour qui est gardé par les Juifs en mémoire de la création du monde et de la libération d’Égypte.

Le bon vin, le parfum très pur et de très grande valeur et le sabbat sont autant de signes de l’amour du Christ. Amour que nous recevons aujourd’hui, ici et maintenant, en écoutant sa parole. Gardons les paroles de Jésus comme le vin, le parfum et le sabbat ont été gardés. Ils sont précieux. Ils sont la garde des paroles de Jésus. Ces paroles, « elles sont esprit et elles sont vie ».

Un ultime don : l’Esprit Saint

Aujourd’hui, Jésus nous annonce l’envoi d’un ultime don : l’Esprit Saint, le Défenseur, le Don en personne. Un don est par définition quelque chose que l’on reçoit. Qui d’entre nous, chers frères et sœurs, peut prétendre accueillir par lui-même une personne divine par ses propres forces ? Cela doit nous être donné d’ailleurs, d’en haut, par grâce. Pour le dire en un mot, la personne divine se donne pour être reçue. La personne divine se donne pour être reçue.

Le vrai don implique la gratuité. Ici, une gratuité parfaite. Dieu nous aime. Dieu nous veut du bien. Dieu nous donne. L’amour est non seulement la source de tous les dons, mais il est lui-même le premier don. Dieu qui aime parfaitement, qui donne parfaitement, nous donne son propre amour : l’Esprit Saint. L’Esprit Saint qui est personnellement le Don parce qu’il est personnellement l’Amour parce que le premier don c’est d’aimer. Le don découle de l’amour.

Frères et sœurs, Jésus nous le dit : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure ».
Le Père et le Fils et l’Esprit Saint viennent habiter en nous. En gardant la parole de Jésus, en recevant le Don de l’Esprit Saint, nous pouvons accueillir Dieu-Trinité et être apaisé dans le mystère.
L’humanité trouve ici son vrai bonheur : l’adhésion à son but ultime, la communion avec son créateur et sauveur, l’union avec Dieu. C’est un mystère profond. Ce sens du mystère, ce sens de la beauté du salut dans le Christ, ce sens de l’émerveillement devant la grandeur du Père, ce sens de la venue aimante de l’Esprit dans nos cœurs. Voilà ce qui nourrit la joie et la paix qui nous est promise aujourd’hui dans l’Évangile.

6e Dimanche de Pâques
Lectures bibliques : Actes 15, 1-2. 22-29; Psaume 66; Apocalypse 21, 10-23; Jean 14, 23-29

Homélie du 18 mai 2025 (Jn 13, 31-35)

Soeur Véronique Aubry – Carmel du Pâquier, FR

Centenaire de la canonisation de Thérèse de Lisieux

Dites-moi, lors de promenades en montagne, avez-vous déjà admiré, contemplé une cascade ? L’eau surgit, puis bondit dans un élan nouveau, pour rejaillir encore en bouillonnant. Jamais elle ne retourne ni ne remonte vers sa source.
Belle image de l’amour divin, qui se donne du Père au Fils, du Fils aux disciples, et des disciples à l’humanité entière. La manière divine d’aimer n’est jamais retour sur soi, repli, elle n’a jamais rien de captatif, alors que nous-mêmes espérons, attendons toujours la réciprocité dans nos relations d’amour et d’amitié.

Se livrer à Jésus sans réserve

Nous savons que Jésus souvent nous surprend, nous bouscule, nous désinstalle.
Aussi donne-t-il aujourd’hui un commandement nouveau à ses disciples, donc à nous-mêmes. Car si vous êtes à l’écoute de cette célébration ou présents dans cette chapelle du carmel, n’est-ce pas que vous êtes disciples ?
Or, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus écrivait : parmi ses disciples, Jésus trouve hélas peu de cœurs qui se livrent à lui sans réserve, qui comprennent toute la tendresse de son Amour infini.
Se livrer à lui sans réserve…
Serait-ce là ce commandement nouveau dont nous parle l’évangile de ce jour ? D’une nouveauté qualitative qui serait la marque de fabrique, l’originalité chrétienne ?

Comme je vous ai aimés…

Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. Tout est dit dans ce COMME Jésus a aimé ses disciples. Sainte Thérèse remarque très justement : ce n’était pas leurs qualités naturelles qui pouvaient l’attirer, ils étaient de pauvres pêcheurs, ignorants et remplis de pensées terrestres. Cependant Jésus les appelle ses amis.

Alors Thérèse s’interroge sur sa propre vie et poursuit avec lucidité : j’ai compris combien mon amour pour mes sœurs était imparfait. J’ai vu que je ne les aimais pas comme le Bon Dieu les aime.
Tous et toutes nous pouvons hélas établir le même constat quotidiennement. Nous n’aimons pas comme Dieu aime. Devons-nous pour autant hausser les épaules et nous décourager ?
Thérèse nous montre un chemin : Ah ! Seigneur, je sais bien que vous ne me demandez rien d’impossible : vous connaissez mieux que moi ma faiblesse, mon imperfection, vous savez que jamais je ne pourrai aimer mes sœurs comme vous les aimez, si vous-même, ô mon Jésus, ne les aimiez encore en moi.

Une issue : se tourner vers Jésus

Si vous-même… Dans ce SI se glisse tout le bon sens de la petite Thérèse, toute son audace aussi, toute sa soif de correspondre à la volonté de Dieu. Il lui demande quelque chose qui lui paraît impossible ? Elle ne se décourage pas (c’est une réalité qu’elle a banni de sa vie) ; elle a cherché et a trouvé une issue : se tourner vers Jésus… pour que lui fasse le travail en elle, pour elle, par elle.

Osons-nous mettre ainsi le Seigneur au défi pour qu’il agisse en nous et par nous ? Ce n’est point là dérobade ou facilité, car pour que Jésus puisse travailler en nous, nous devons apprendre l’abandon, le lâcher-prise, la confiance et Thérèse nous l’assure : c’est la confiance et rien que la confiance qui conduit à l’amour !
Mais cet amour ne doit pas se traduire seulement par des paroles, car ce ne sont pas ceux qui disent : Seigneur, Seigneur, qui entrent dans le Royaume des cieux mais ceux qui font la volonté de Dieu, nous dit-elle.

La charité ne doit pas rester enfermée dans le coeur

Alors, très concrètement, Thérèse comprend (ce verbe revient souvent sous sa plume car elle ne se contente pas de vérités toute faites, elle réfléchit) et donc elle comprend que la charité parfaite consiste à supporter les défauts des autres, à ne point s’étonner de leur faiblesse, à s’édifier des plus petits actes de vertus qu’on leur voit pratiquer, mais surtout j’ai compris que la charité ne doit pas rester enfermée dans le fond du cœur.

Merveilleuse Thérèse qui rejoint le commandement de Jésus : ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres.
Alors, pourquoi ne pas unir nos voix à la sienne lorsqu’elle chante :

Ma vie n’est qu’un instant, une heure passagère
Ma vie n’est qu’un seul jour qui m’échappe et qui fuit
Tu le sais, ô mon Dieu ! pour t’aimer sur la terre
Je n’ai rien qu’aujourd’hui !

Que notre amour dans tous nos aujourd’hui rayonne et se répande comme l’eau de la cascade… car nos frères et sœurs, dans le monde, ont soif.

5e Dimanche de Pâques
Lectures bibliques : Actes 14, 21-27; Psaume 144; Apocalypse 21, 1-5; Jean 13, 31-35

Homélie du 11 mai 2025 (Jean 10, 27-30)

Eric Monneron, diacre – Eglise Notre-Dame de l’Immaculée, Payerne, VD

Voilà une lecture d’évangile bien courte mais tout de même compliquée. Jésus s’y présente comme le berger qui guide son troupeau et le fait vivre. Ça c’est facile à comprendre…
Mais voilà qu’il est aussi question de vie éternelle. Et il y a cette phrase de Jésus qui peut nous paraître énigmatique : « Le Père et moi, nous sommes un. »

Jésus solidaire avec des gens déconsidérés


En Israël, on connaissait le thème de Dieu berger de son peuple, un thème richement développé par les prophètes, une image qui était devenue une sorte d’image pieuse, comme une récitation de catéchisme que tout le monde connaît par cœur et à laquelle nul ne prête plus attention.
Et puis, reconnaissons-le : pour nous, cette parabole du bon berger est pleine de douceur et de tendresse, et nous avons tous en tête l’image du berger portant sur ses épaules un frêle et gracieux agneau.

Eh bien, à l’époque de Jésus, cette image n’avait pas cours : les bergers étaient des gens déconsidérés qu’il valait mieux ne pas fréquenter. Des gens impurs toujours en contact avec les animaux, des gens sales et qui sentent le bouc (Pouah !!). Aucune confiance à avoir envers ces gars plus proches de l’animalité que de l’humanité.
Et voilà que Jésus bouleverse – une fois de plus – les codes sociaux et religieux de son temps (vraiment, pour qui se prend-il ?). Il se refuse à enfermer la personne ou un groupe social – ici les bergers – dans une identité toute faite et définitivement fermée.
Et c’est intolérable de voir que Jésus est solidaire avec ces pauvres types méprisés vivant avec leurs troupeaux et qui ne fréquentent guère les lieux de religion.

Et ce n’est pas la première fois que Jésus franchit ainsi la ligne rouge et donne à voir une image de Dieu qui fait scandale : on l’a vu manger avec des collecteurs d’impôts et des prostituées ; on l’a aperçu discuter avec une Samaritaine aux cinq maris ; on dit qu’il s’est laissé toucher par une femme qui saigne. Et pour lui, les étrangers païens sont à égalité avec les vrais juifs pieux.
Mais il va plus loin encore dans ce qui est perçu comme une provocation. Il déclare : « Je leur donne la vie éternelle. » Prétention insupportable et insensée…
Mais est-ce vraiment bien cela que Jésus promet ? Au Ve siècle, l’évêque d’Alexandrie, Cyrille, disait : « Par vie éternelle, nous ne comprenons pas cette succession interminable de jours, bons ou mauvais, mais cette vie où l’on demeure dans la joie. » Si on comprend bien Cyrille, la vie éternelle c’est donc aujourd’hui, c’est notre quotidien ici et maintenant. Et c’est là, dans cette vie, qu’il nous faut découvrir un don fait par Jésus le bon berger, un don de joie.
Avouons qu’une bonne dose de foi nous est nécessaire pour entendre cela…

La vie éternelle, cette vie où l’on demeure dans la joie


C’est que la vie, notre vie, n’est pas spécialement une partie de plaisir. Et chacun d’entre nous pourrait faire la triste litanie des souffrances subies, des humiliations, des vexations et peut-être plus encore du sentiment d’être méprisé, traité comme moins que rien, infantilisé. Oublié.
Combien de familles détruites par l’alcool, la violence ou la maladie des corps ou, pire encore, des esprits ? Combien de personnes qui tirent le diable par la queue pour survivre et manger, payer leur loyer, se chauffer, fournir le minimum aux enfants ? Plus loin de nous, c’est encore pire : Gaza, Ukraine, Haïti…
Et l’évêque Cyrille qui maintient : « La vie éternelle, c’est cette vie où l’on demeure dans la joie »… Malgré les apparences, il a sans doute raison, Cyrille… Car Jésus qui dit : « Je donne la vie éternelle », il sait ce que vivre veut dire. Comme beaucoup d’hommes et de femmes, il est allé au plus bas de l’humanité.

Jésus nous donne l’espérance d’un matin de Pâques


Ce berger n’est pas un chef, ni le président bling-bling d’une république où les courtisans sont légion. Mais il est celui qui donne sa vie, qui va jusqu’à la mort pour affirmer envers et contre tout et tous ce qui lui tient à cœur et qu’il dit recevoir de Dieu son Père. A savoir ceci: tout homme est une histoire sacrée, tout homme a valeur infinie alors même qu’il serait au plus bas de l’échelle sociale, tout homme est riche de possibilités et d’avenir. A tout homme est donné le salut de Dieu.

La voilà, la vie éternelle qu’il nous donne : il nous donne d’être humains, même parfois au cœur de l’inhumain. Il nous donne l’espérance d’un matin de Pâques.
Et tout cela, Jésus ose affirmer que c’est don de Dieu lui-même, celui qu’il appelle Père. Il ose cette formule scandaleuse : « Le Père et moi, nous sommes un. » C’est dire que Dieu est du côté de ceux (et celles) qui tâchent de vivre ou de survivre humainement malgré l’inhumain qui les entoure. Dieu est garant de cette petite lumière de vie qui luit au fin fond des ténèbres. Il est ce petit bonheur qui résiste au malheur.

Chers Amis, aux brebis auxquelles nous sommes comparés, il n’est demandé que deux choses : écouter la voix de ce berger et le suivre.
Ce n’est pas là passivité et démission. Au contraire… Écouter et suivre Jésus, c’est s’engager sur un chemin qui, parfois, est rude.
Écouter et suivre ce berger, c’est recevoir la Vie au cœur même de toutes les formes de mort qui nous menacent, surtout lorsqu’apparaît la vieillesse avec son lot de fragilités et de dépendances.

Et avancer. Quand même. Toujours… Car, ne l’oublions, nous sommes toutes et tous « tournés vers l’avenir » !
Amen. Alléluia !

4e dimanche de Pâques
Lectures bibliques : Actes 13, 14.43-52; Psaume 99; Apocalypse 7, 9-17; Jean 10, 27-30