Bernard Litzler, diacre – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice, VS
Frères et sœurs, mes amis,
« Dis-moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es » : cette sentence de Jean Anthelme Brillat-Savarin, auteur culinaire, peut s’appliquer à nos consommations médiatiques. Dis-moi ce que tu consommes, médiatiquement parlant. Car notre consommation prend des allures de boulimie, quand on évoque les réseaux sociaux. Qui n’a pas le nez pointé sur l’écran de son téléphone portable dans les transports ou dans les endroits publics ?
Notre consommation de médias est en expansion continue, relèvent les sociologues. Du coup, existe aussi le phénomène inverse : celui des anorexiques, qui fuient ostensiblement les informations sous toutes leurs formes. Pourtant, en matière médiatique – comme dans nos habitudes alimentaires -, l’important c’est l’équilibre : pas trop peu, pas trop non plus.
Du temps de cerveau disponible…
Pour nous chrétiens, ce type de nourriture ne doit pas être seulement équilibré, mais aussi « éclairé ». Car ce que nous consommons en textes et en images imprègne notre esprit. L’ancien PDG de TF1, Patrick Le Lay, avait avoué un jour : « Nos émissions ont pour vocation de rendre le téléspectateur disponible, le divertir, le détendre pour le préparer entre deux messages publicitaires. Ce que nous vendons à nos annonceurs, c’est du temps de cerveau humain disponible ».
Du temps de cerveau disponible… Alors question : suis-je ouvert à cette nouveauté-là, celle des publicités, ou à celle de l’Esprit saint ? Quelle plus-value spirituelle y a-t-il à fréquenter un canal ou un réseau social qui distille des rumeurs, qui entretient la rivalité ou propage la haine, et qui oublie la vertu d’espérance ? Pourquoi – c’est juste un exemple – nos médias exhibent-ils si souvent les richesses ostentatoires d’un petit nombre et oublient la solidarité qui existe, tout aussi souvent, dans des groupes humains
Le Dimanche des Médias : un moment d’alerte et un moment de recul
Mes amis, le Dimanche des médias que nous fêtons aujourd’hui est à la fois un moment d’alerte et un moment de recul. Alerte comme le fait le défunt pape François dans son message pour la Journée des communications sociales en pointant le défi de la désinformation. Moment de recul aussi lorsque le pape s’adresse aux journalistes, en cette année centrée sur l’espérance, en leur demandant, je le cite, de « partager avec douceur l’espérance qui est dans vos cœurs ».
Car le métier de journaliste, de surcroît de journaliste chrétien, est exigeant : comment concilier la vérité de l’information, les souhaits du public et la diffusion de l’espérance ? Comment lutter contre les manipulations de l’information, les fausses nouvelles, les doutes sur les faits ? 550 journalistes sont actuellement emprisonnés de par le monde. Et en 2024, 54 journalistes ont été tués en exerçant leur métier.
C’est le public qui fait les médias
Les messages annuels du pape François, à l’occasion des Journées des communications sociales, soulignent un aspect important des échanges médiatiques. Pour l’Église, le regard que nous portons sur le monde, l’écoute des joies, des défis et des conflits, notre responsabilité en tant que consommateur de médias, tout cela interpelle. Et les messages du Vatican ne sont pas uniquement destinés aux professionnels, mais s’adressent à un public plus large.
Car c’est bien le public qui fait les médias. A travers les canaux qui imprègnent mon cerveau, je construis mes représentations du monde et des réalités. En ce domaine, chacun voit midi à sa porte. Chacun ou chacune perçoit les choses selon son point de vue. Or il s’agit, aujourd’hui, de changer d’heure, de passer – si vous me permettez l’expression – de midi à 13 heures.
Car nous sommes porteurs d’un autre monde, les garants de la Bonne Nouvelle. C’est vrai, le public que nous formons, aimerait avoir davantage de bonnes nouvelles. Or nous sommes les porteurs de « la » Bonne Nouvelle, celle que nous a encore rappelée le livre de l’Apocalypse, en ce jour : « Je suis l’Alpha et l’Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin », dit le Christ.
Nous pouvons former communauté autour de thèmes porteurs, d’informations positives
Le Christ nous aide, par son Esprit, à modifier nos comportements de consommateurs médiatiques. Car nous pouvons former communauté autour de thèmes porteurs, de gestes de solidarité, d’informations positives.
« Le chrétien a un cœur qui voit », écrivait le pape François. Demandons à l’Esprit saint de nous aider, dans la clairvoyance, à choisir le bon régime médiatique. Il y va de notre équilibre spirituel. Amen
7e dimanche de Pâques – Dimanche des Médias
Lectures bibliques Actes 7, 55-60; Psaume 96, 1-9; Apocalypse 22, 12-20; Jean 17, 2-26