Homélie du 12 octobre 2025 (Lc 17, 11-19)

Père Patrice Gasser – Chapelle Saint-Joseph, Ecole des Missions, Le Bouveret, VS

Naaman était un général syrien lépreux ; il était furieux d’obéir à un ordre aussi stupide que cela : se baigner sept fois dans l’eau saumâtre du Jourdain ; est-ce que l’eau des fleuves de Syrie n’est pas bien meilleure ? et en plus ce n’était que le serviteur du prophète Elisée qui lui avait transmis cet ordre. Mais, en repartant, ses serviteurs lui disent : « s’il t’avait demandé quelque chose de difficile, tu l’aurais fait ! alors, pourquoi refuser de faire quelque chose de facile ? » Il les écoute et se plonge dans cette eau, et à la 7ème fois, il est guéri de sa lèpre : il a dépassé sa colère et écouté les petits, et en obéissant à cet ordre simple, il a reçu la puissance du Dieu de l’univers qui l’a touché et guéri. Nous devons dépasser nos colères et nos préjugés pour laisser Dieu nous guérir.

Laisser Dieu nous guérir

En Israël la lèpre était une maladie honteuse, très contagieuse, et en plus, signe du péché de la personne ; les prêtres devaient l’identifier, déclarer les lépreux impurs et les renvoyer dans la brousse où ils vivaient une vie de sauvage, loin de tout. Et c’était aussi les prêtres qui devaient constater la guérison et permettre la réintroduction du lépreux dans le peuple de l’alliance.

Jésus dans sa dernière montée vers Jérusalem sait qu’il va au-devant de sa condamnation, sa passion, sa mort et sa résurrection. Accompagné de ses disciples, il croise ces dix lépreux qui l’ont cherché et trouvé ; comme la loi le leur demande, ils se tiennent à distance et implorent sa pitié. Jésus leur commande de partir se montrer aux prêtres, ils lui obéissent et, en chemin tous sont guéris.

Jésus admire la foi de cet homme

Un seul, un étranger samaritain qui ne partageait pas la foi d’Israël revient sur ses pas, heureux il remercie Jésus à pleine voix.  Lui seul a reconnu Dieu en Jésus qui l’a guéri ; la face contre terre il le remercie pour sa guérison. Déjà il pressent Celui qui va ressusciter des morts. Les habitués des rites juifs, eux, ne l’ont pas reconnu. Jésus admire la foi de cet homme : « Ta foi t’a sauvé ! »

Ces textes nous parlent de comment Dieu se révèle et nous parle, souvent en-dehors des rites : Heureusement qu’il y a de nouvelles personnes qui s’approchent de nos églises et des étrangers plus sensibles à ce que Dieu leur donne ; ils réveillent notre foi et notre louange quand ils découvrent la puissance de Dieu. Car la grâce et le salut sont donnés à tous les êtres humains sans aucune exception. Et la vocation du peuple de l’Alliance et de l’Eglise est de reconnaitre sa lèpre et d’accueillir la grâce divine qui renouvelle tout.

Laissons-nous interpeller…

Les rites sont les moyens que l’Eglise a gardés pour recevoir la grâce de Dieu, mais souvent, nous nous perdons dans les détails… Demandons à Dieu la force de pouvoir obéir sa voix et de Le rencontrer en vérité afin de recevoir la santé et le salut ! Nous qui sommes mal-croyants, laissons-nous interpeller par la foi de cet étranger au peuple de Dieu, et par la foi de Paul qui s’est réellement converti.

28e Dimanche du temps ordinaire                
Lectures bibliques : 2 Rois 5, 14-17 ; Psaume 97 ; 2 Timothée 2, 8-13 ; Luc 17, 11-19    

Homélie du 5 0ctobre 2025 (Lc 17, 5-10)

Père Jean-Louis Rey – Chapelle Saint Joseph, Ecole des Missions, Le Bouveret, VS

En ce dimanche qui ouvre le mois de la Mission universelle, saint Paul nous dit comme il disait à son collaborateur Timothée : Réveille en toi le don que tu as reçu de Dieu quand je t’ai imposé les mains.

Le don de l’Esprit-Saint

Quel est ce don de Dieu reçu par imposition des mains ?
Déjà au moment de notre baptême, le célébrant a posé la main sur nous… Mais c’est surtout au moment de notre confirmation que l’Evêque a posé sa main sur ceux et celles qui viennent à lui, en leur disant : ‘Recevez l’Esprit-Saint, le don de Dieu.’ Donc, ce geste de l’imposition des mains est lié au don de l’Esprit-Saint, et cela dès le baptême.
Et Saint Paul nous explique ce que fait en nous cet Esprit-Saint : Dieu ne nous a pas donné un esprit de peur mais plutôt un esprit de force, d’amour et de pondération pour rendre témoignage à Jésus-Christ.’

Rendre compte de notre foi avec amour

Donc, d’abord plus question d’avoir peur. Ensuite, soyons prêts, à tout moment et partout, soyons prêts à rendre compte de notre foi en Jésus-Christ, avec conviction, certes, mais surtout avec douceur et avec amour. Et saint Paul va plus loin, il rappelle à son collaborateur Timothée l’enseignement solide qu’il a reçu de lui : la foi en Jésus-Christ ressuscité, l’espérance d’un monde nouveau selon le cœur de Dieu et le commandement de l’amour, l’amour de Dieu et l’amour des autres, à cause de Jésus-Christ. Et il lui demande, comme il demande à chacun de nous : Tout ce que vous dites, tout ce que vous faites et tout ce que vous croyez, mettez-le en accord avec l’enseignement que vous avez reçu.

« Seigneur, augmente en nous la foi ! »

C’est bien beau mais, en regardant ce qui se passe dans notre monde, à Gaza, en Ukraine, au Soudan, en République Démocratique du Congo, nous sommes confrontés à des événements et des situations qui peuvent nous décourager. Dans nos familles ou dans nos paroisses, nous pouvons également vivre des situations de mésentente qui nous paralysent. Et, dans tous ces moments-là, nous pouvons avoir l’impression que le Seigneur n’entend pas nos prières, qu’il ne s’intéresse plus à nous. Et nous sommes alors dépassés.
‘Seigneur, augmente en nous la foi !’ Telle est la prière des Apôtres. Telle doit être aussi notre prière dans ces moments-là.
Et le Seigneur nous répond comme il a répondu aux Apôtres : Quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été demandé, dites :‘Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir’ » Et le Seigneur viendra lui-même faire progresser et aboutir nos efforts, comme il a nourri la foule à partir des 5 pains et 2 poissons présentés par le jeune homme.

L’Esprit-Saint est à l’origine de toute l’évolution dans l’Eglise


Voilà où nous conduit cette invitation à ‘réveiller en nous le don de l’Esprit-Saint’.
Le Saint Esprit, redécouvert au Concile Vatican 2, si l’on peut dire, c’est Lui qui est à l’origine de toute l’évolution de l’Eglise : son ouverture au monde, son engagement pour plus de justice sociale, de liberté et de respect des droits de tous les hommes et femmes de bonne volonté.
C’est lui qui fortifie les chrétiens du Bangladesh, du Myanmar et du Laos, en Asie du Sud et du Sud-Est : minorités défavorisées, confrontées à la pauvreté, à l’insécurité et à la discrimination. Et pourtant, l’Église ne cesse de croître et de témoigner avec foi et courage, apportant espérance et soutien aux personnes dans le besoin.
C’est encore l’Esprit-Saint qui inspire notre Pape Léon quand il nous appelle à regarder l’avenir avec confiance et à prononcer des paroles de réconfort et d’espérance, malgré tout.
En ce début d’octobre, mois consacré à la Vierge Marie, rassemblons-nous en Eglise autour de Marie, et ouvrons-nous toujours plus, avec Marie, à l’Esprit-Saint. Lui seul peut nous renouveler de l’intérieur et nous fortifier pour mieux témoigner, mieux rendre compte de notre foi et de notre espérance, en communion avec tous les chrétiens, particulièrement avec ceux et celles du Sud et du Sud-Est de l’Asie, mieux rendre compte de notre foi et de notre espérance, dans nos familles, dans nos paroisses, dans ce monde en recherche, non pas par des grands discours, mais en actes et en vérité comme des témoins vrais, spirituels, alliant l’action à la parole…

Oui, Seigneur Jésus-Christ, tu veux bien avoir besoin de chacun de nous
pour être tes témoins, tes porte-paroles dans ce monde. Merci.
Merci pour ton Esprit-Saint, Feu d’Amour,
reçu à notre baptême et renforcé à notre confirmation :
il nous rassemble en Eglise, il nous conduit à toi, Jésus-Christ.
Il continue de nous faire progresser ensemble pour mieux transmettre ce que nous avons reçu dans ce monde tourmenté où tu nous précèdes,
toi Jésus-Christ qui chemines avec nous à chaque instant de notre vie. AMEN.

27e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Habacuc 1, 2-3; 2, 2-4; Psaume 94; 2 Timothée 1, 6-14; Luc 17, 5-10

Homélie du 28 septembre 2025 ( Lc 16, 19-31)

Abbé Maurice Queloz -Eglise de Vendlincourt, JU

La messe TV des patoisants du Jura

Version en patois :

I n’aî p’fâte de dichtiutaie bïn grand de lai prophétie d’Amos, èlle djase tot de pai lé ! Ça bïn mâleyerou, cque nôs ai dénoncie lo profète Amos, nôs l’vétchiant encoé adj’d’heû !

I veus putôt m’airrataie tchu l’évangile que nôs v’niant d’oyi. Bïn soi, nôs musans que l’hanne rètche tchairboéne en enfie po ne peut s’étre ottiupè, di temps de sai vétçhaince, de ci pouere Lazare que ne poyait piepe se neurri  de ç’que tchoyait de lai tâle de ci rètche hanne. Li encoé, malhèyrous’ment, çte parabole yât aidé valabye adj’d’heû !

Taint de rétches ne ravoète pe les poûres dgents d’vaint yôte poûetches !Mains chi nôs écotans bïn, l’Evangile ne djase pe de l’enfie, mains di sédjou dés moûes. Bïn chûr, ç’t’hanne s’ât léchie enfremaie dains sai rétchaince chi foûe qu’è ne poyait pe vouere ci pouere Lazare en sai poûetche. Â sédjou dés moûes, èl ât oblidgie d’euvie lés eûyes èt de soûetchie de son empréjeun’ment, mains ç’n’âpe aîgie de lo r’coégnâtre. Ç’n’ât’pe aîgie de r’coégnâtre qu’èl ât péssè â long di vrâ bonhèye di temps de sai vétçhaince. Poûeche que, dains lo sédjou dés moûes, ès n’y é pu d’airdgent.

Dïnche, ci pouere hanne, é tot proudju, enfremè dains sai rétchaince, è n’é’pe pris de tieusain poi lés âtres dgens. Qu’ât-ce qu’an peut tirie de çte parabole ?L’hanne rétche n’ép’ de nom, â contrére di poûere, nammè Lazare. Dïnche ç’ât totes nôs rétchainces que vaint â sédjou dés moûes, mains lai dgens r’trove Abraham èt Lazare.

Ç’ât lo grand ébîme entre lo tiûere veud de l’hanne rétcheèt lai Djoûe de l’Aimouè di Tiûere de Dûe. Aittenchion, dés côps, ç’ât l’mairi que ne voit’pe sai pouere fanne. Lo Djosèt, que n’était djemais en l’hôtâ, ât moûe ïn djûedi. « Nôs lo v’lans entèrraie yundi, déchide sai fanne. Dïnche, è péss’ré â moins ïn dûemoinne en l’hôtâ. »


Version française :

Je n’ai pas besoin de commenter la prophétie d’Amos, elle parle d’elle-même ! C’est bien malheureux, ce qu’a dénoncé le prophète Amos, nous le vivons encore aujourd’hui !

Je veux plutôt m’arrêter sur l’Évangile que nous venons d’entendre. Spontanément, nous pensons que l’homme riche grille en enfer pour n’avoir pas pris soin, durant sa vie, de ce pauvre Lazare qui ne pouvait même pas se nourrir de ce qui tombait de la table de cet homme riche. Là encore, malheureusement, cette parabole est d’actualité.

Tant de riches ne voient pas les pauvres gens devant leurs portes ! Mais, dans une écoute attentive, l’Évangile ne parle pas de l’enfer, mais du séjour des morts. Certes, cet homme s’est laissé enfermer dans sa richesse à tel point qu’il était incapable de voir le pauvre Lazare à sa porte. Au séjour des morts, il est obligé d’ouvrir les yeux et de sortir de son enfermement, mais c’est humiliant de le reconnaître. C’est humiliant de reconnaître qu’il est passé à côté du vrai bonheur durant sa vie. En effet, dans le séjour des morts, il n’y a plus d’argent. Ainsi, ce pauvre homme est dépouillé de tout, enfermé dans sa richesse, il n’a pas tissé de relations humaines. 

Que peut-on conclure de cette parabole ? L’homme riche n’a pas de nom, contrairement au pauvre nommé Lazare.
Ainsi, ce sont toutes nos richesses qui vont au séjour des morts, mais les gens retrouvent Abraham et Lazare. C’est le grand abîme entre le cœur vide de l’homme riche et la Joie de l’Amour du Cœur de Dieu. Attention, parfois, c’est le mari qui ne voit pas sa pauvre femme.  Le Joseph, qui n’était jamais à la maison est mort un jeudi. « Nous voulons l’enterrer lundi » dit sa femme, « ainsi il passera au moins un dimanche à la maison ! ».

26e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Amos 6, 1-7; Psaume 145; 1 Timothée 6, 11-16: Lc1 6, 19-31

Homélie du 21 septembre 2025 (Lc 16, 1-13)

Abbé Boniface Bucyana – Eglise Saint-Joseph, Lausanne

Enrichir par la pauvreté !

Cela fait sourire à la fois ceux qui se croient riches et ceux qui se voient pauvres. Mais il y a pauvreté et pauvreté. La pire des pauvretés n’est pas celle de l’avoir, de ne rien posséder mais bien celle de l’être, de ne plus savoir, de ne plus reconnaître celui qu’on est et qu’on doit être, et devenir tout sauf humain. Être pauvre de cœur, voilà qui est une valeur d’humanité, une valeur évangélique, chrétienne. Avec un tel cœur, on évite la pauvreté du cœur qui ne veut rien donner, ni rien recevoir. Ce cœur est plein de lui-même, donc pratiquement vide. Cependant, il est avide et veut arracher au lieu de demander. Il cherche à accaparer par tous les moyens, la ruse, la corruption, la violence, bref l’injustice.

Un jeûne, un partage, qui enrichit chacun et tous

En ce dimanche, en Suisse, nous fêtons une valeur héritée de nos ancêtres. C’est le jeûne fédéral. Quand ils l’ont institué ce n’était pas pour une cure d’amaigrissement, mais pour le partage au nom de l’évangile et de l’humanité. Ils voulaient un jeûne, un partage qui enrichit chacun et tous, donc fédéral. Ce jeûne se devait être, par conséquent fédératif, inclusif, qui rapproche les gens et crée des liens, qui nourrit les relations humaines au-delà des différences de toutes sortes. Qu’en est-il aujourd’hui ? Que reste-il de cet héritage ? Qu’en avons-nous fait ? Le message du Conseil d’Etat de Vaud pose en quelque sorte ces questions et implore une vraie communion comme base du vivre ensemble basée sur des valeurs humaines universelles et intemporelles de paix, de justice. Ces valeurs sociales germent sur les racines spirituelles qui nourrissent de leur sève divine. Le jeûne du partage nous invite à ne pas nous déconnecter de ces racines vitales et de nous replonger les valeurs spirituelles sans honte. Sinon ce serait une trahison fatale.

Toutes, les lectures d’aujourd’hui nous questionnent et nous interpellent en ce sens. Oui, nous jeûnons pour avoir une taille de guêpe, mais nous devenons encore plus des guêpes de taille qui piquent avec une langue acérée ! Au lieu d’enrichir, nous appauvrissons les pauvres en leur arrachant le peu qu’ils avaient. Même l’aide au développement est devenue l’aide à l’appauvrissement. Mais au fait celui qui appauvrit l’autre avec condescendance est déjà lui-même un pauvre type qui ne sait pas partager avec considération et respect. Écraser le malheureux n’a rien d’héroïque, se hisser sur les épaules des humbles n’a rien de glorieux. Tricher, manipuler les faibles qui ont le seul tort d’être de bonne foi, n’est pas signe d’intelligence. Ce méfait s’appelle idiotie et refuse le partage de la confiance.

Amos, prophète de la charité

Amos que j’appelle le prophète de la charité nous avertit que Dieu ne tolère pas cette exploitation des fragilités des autres et ne veut en aucun cas en être complice. Lui, le Juste, il relève plutôt le faible, nous rassure le psaume 112. Si nous sommes vraiment ses serviteurs, nous n’avons pas à nous servir de lui, mais à le servir humblement dans nos frères et sœurs qui sont chers à son cœur, et donc dignes de notre charité fraternelle.

L’Evangile nous met devant un choix

Nous sommes invités à nous donner, donner de notre vie comme le Christ pour faire vivre et non empoisonner la vie. Oui, le jeûne, pour porter du fruit doit s’accompagner de la prière qui nous relie à Dieu pour demander le meilleur à partager, qui nous rassemble avec les autres pour intercéder d’une même voix et élargir notre regard, dire merci à l’unisson pour tous les bienfaits reçus et à recevoir. C’est ce que nous exprimons dans le notre Père en implorant et en acceptant que sa volonté d’enrichir tout le monde se réalise. C’est dans ce sens qu’il attend respectueusement pour honorer nos demandes essentielles sans les imposer et combler nos besoins vitaux : « donne-nous, aujourd’hui notre pain de ce jour. » Nos attentes fondamentales, il les connaît. Lui, le maître de la vie, il a mis à notre disposition les biens pour vivre, au service d’une vie digne. Se laisser asservir par ces choses, comme l’argent, c’est en faire des idoles et renoncer à Dieu. C’est préférer l’esclavage à la liberté des enfants de Dieu. Aujourd’hui l’évangile nous met devant un choix, au nom de notre foi. Opter pour la confiance ou la malhonnêteté, servir le Créateur ou la créature, faire de l’argent un maître ou un instrument. « Vous ne pouvez servir pas servir à la fois Dieu et l’argent. » Le choix sage est de servir Dieu, ce Père ce qui nourrit vraiment notre quotidien, nous garde en communion avec Dieu, avec les autres pour et par le partage de l’amour.

En ce jour, il nous est rappelé que Jésus-Christ s’est fait pauvre, lui qui était riche, pour que vous deveniez riches par sa pauvreté. Nous n’avons rien que nous n’ayons reçu, il nous enrichit pour un partage réciproque, une communion intime. Nous partageons maintenant la parole du Christ et nous allons partager son corps. Nous recevons le Christ, le pain vivant, pour être mieux et plus ce que nous sommes et ce que nous devons être, c’est à dire des chrétiens, porteurs du Christ, témoins et serviteurs fidèles et humbles de son amour pour tous, surtout les plus faibles. Amen

25e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Amos 8, 4-7; Psaume 112; 1 Timothée 2, 1-8; Luc 16, 1-13

Homélie du 14 septembre 2025 (Jn 3, 13-17)

Abbé Philippe Matthey – Eglise Saint-Bernard de Menthon, Plan-les-Ouates, GE

Il faudrait mettre un soleil sur toutes les croix ! S’il y a une parole qui m’a marqué pendant mon catéchisme, c’est celle-là. Le curé nous avait amenés dans l’église et, en nous désignant le grand crucifix, il nous avait demandé : que voyez-vous ? Cette question, c’est celle de notre foi, celle aussi qui conduit cette année encore neuve dans notre Unité pastorale : venez et vous verrez !

Nous avons donc cherché et chacun essayait de décrire la grande croix et le Christ plutôt mal en point qui lui était suspendu. Quand ce fut le tour du curé Georges il nous dit : moi, je vois une lumière plus brillante que le soleil. Notre étonnement fut grand et nous avons cherché à comprendre. Il voulait nous montrer que cette croix, symbole de supplice et de violence, était le lieu du don de la vie : Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique. Autrement dit la vie qui vient de lui pour rayonner d’amour sur nous. Depuis, j’aime les croix et ce qu’elles nous donnent à voir.

Curiosité, recherche, étonnement… trois étapes de notre foi chrétienne

Curiosité, recherche, étonnement… ce sont trois étapes de notre foi chrétienne. Curiosité parce sans désir nous ne verrons rien. Recherche parce que Dieu se donne à trouver dans le mystère de nos vies. Etonnement parce la surprise nous rend encore plus curieux… et ça recommence…  La foi, ce n’est pas une évidence affirmée et déposée une fois pour toutes dans nos raisonnements, c’est une relation par laquelle l’amour se fraye un chemin en nous, comme en tout être humain.

Oui, la croix du Christ est le signe le plus radical de son amour pour toute l’humanité. Si nous fêtons la croix glorieuse aujourd’hui c’est bien parce que de la croix du Christ resplendit de l’amour de Dieu. Elle est ce point de repère qui donne à voir le chemin de la lumière de Dieu, le signe qui transfigure toute vie et même toute violence. S’il y a des croix dans nos maisons, à notre cou, sur nos routes et carrefours et sur nos sommets, c’est bien pour nous donner à voir par où passer et nous guider vers l’amour. Comme les yeux de notre corps sont attirés par la lumière du soleil, les yeux de notre cœur sont attirés par la splendeur de l’amour de Dieu.

Nous savons, par expérience que c’est bien beau de parler d’amour mais que, dans ce monde qui en a tant besoin, il est obscurci et même caché par trop de soucis, de peurs et de violence. Jésus n’est pas un mage qui transformerait le mal comme par enchantement. Il est descendu et s’est même anéanti comme nous le révèle l’apôtre Paul pour venir jusqu’au fond de nos existences et nous conduire à y voir la lumière de son amour. Et c’est cela qui a été élevé, pour que nous aussi en le contemplant nous soyons relevés.

En prenant notre condition humaine Jésus a assumé tout ce qui la maltraite

En prenant notre condition humaine Jésus a guidé notre recherche et assumé tout ce qui la maltraite. Plongé jusque dans la mort il a été relevé par l’amour de son Père. Voilà le mystère de notre foi, afin que quiconque croit en lui ne se perde pas mais gagne la vie. C’est cela la gloire de Dieu que déjà chantaient les anges dans la nuit de Palestine… Cette même Palestine qui aujourd’hui met notre foi et notre espérance à rude épreuve. Saurons-nous y discerner une lumière d’amour qui défie toute forme de haine et de convoitise ?

C’était déjà l’expérience du peuple hébreu : désespéré et déçu par un Dieu qui semble absent et par la mémoire de leur libération de la terre d’esclavage qui semble n’être plus qu’une belle illusion. Et que fait Dieu par la voix de Moïse ? Il leur dit : regardez, levez les yeux et vous verrez le signe de votre liberté ! Signe si paradoxal, comme la croix du Christ, c’est un serpent qui leur est désigné.

Il nous faut oser voir le mal en face pour entreprendre un chemin de guérison

Ils connaissent bien leur histoire biblique : Symbole du mal par excellence, de la tentation des premiers humains d’échapper à leur humanité pour devenir des dieux, le serpent rôde autour de sa proie comme un dangereux prédateur. Alors pourquoi Dieu le leur donne-t’il à voir ? Ce serpent de bronze, c’est l’image de leur mal et de leurs peurs. Nous savons bien qu’il nous faut oser voir le mal en face pour entreprendre un chemin de guérison. Si nous cherchons à échapper à notre condition humaine en la niant nous ne pourrons pas l’affronter dans les moments difficiles. Celui qui se tournait vers ce signe était sauvé. Ne serait-ce qu’une histoire du passé ?

Je reviens à ma leçon de caté, ou plutôt à cette vraie révélation qui a marqué mon existence : nous avons besoin de voix actuelles de ces Moïses qui continuent à faire résonner en nous la voix de Dieu : levez les yeux et vous verrez le signe éblouissant d’un amour donné gratuitement et généreusement ! Se tourner vers le Christ crucifié aujourd’hui c’est ne pas fermer les yeux sur les horreurs du monde et sur toutes ces croix où des humains souffrent, mais c’est aussi chercher avec curiosité et étonnement celui qui nous apprend à devenir de vrais humains et à nous tourner vers le Fils de l’homme.
C’est là qu’il nous attend !

Fête de la Croix glorieuse
Lectures bibliques : Nombres 21, 4-9; Psaume 77; Philippiens 2, 6-11; Jean 3, 13-1