Homélie du 20 juillet 2025 (Lc 10, 38-42)

Chanoine José Mittaz Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

Chers frères et soeurs,

A l’heure la plus chaude du jour, quand le soleil brûlant impose un repos nécessaire à l’ombre du grand chêne, Abraham et Sara se tiennent à l’entrée de la tente pour accueillir avec prévenance et empressement trois étrangers qui n’auront pas à décliner leur identité. Leur visite sera une bénédiction pour le couple et le sein de Sara s’ouvrira enfin. Isaac sera le nom de leur futur enfant, ce qui signifie : le sourire de Dieu. Au Moyen-Orient comme dans les pays du Sud, l’hospitalité est aujourd’hui encore un devoir sacré.

Le sourire de Dieu

Alors que j’effectuais un stage en milieu carcéral en Valais, c’était il y a trois ans, je me souviens de cet homme algérien que j’ai rencontré dans une cellule du centre de détention administrative à Sion, une cellule exigüe qu’il partageait près de 22h sur 24h avec un latino dont il ne comprenait la langue. Cet homme du Sahara que la Suisse ne voulait accueillir m’a offert l’hospitalité avec le peu qui était à sa disposition. Il m’a simplement demandé si je voulais un café. Reconnaissant de mon acquiescement, il est allé nettoyer la petite cuillère et son unique tasse avant d’y mettre un peu de café soluble et d’y verser de l’eau chaude grâce à la bouilloire qu’il a pu acheter en prison et qu’il partageait avec son compagnon d’infortune. Avant de me servir le café, il l’a longuement brassé avec la cuillère, comme s’il me préparait une recette maison, spécialement pour moi. Le café qu’il m’a servi a ouvert un échange qui a nourri en chacun une bienveillance humaine et un début de mutualité ou de fraternité retrouvée. Dans cette cellule administrative, par un homme étranger que la Suisse ne voulait accueillir, moi aussi j’ai rencontré Isaac, c’est-à-dire le sourire de Dieu.

Célébrer ensemble cette amitié en laquelle Jésus-Christ se livre

L’évangile de Marthe et Marie se vit au quotidien à l’Hospice du Grand-St-Bernard. Oui, comment ne pas nous reconnaître en Marthe qui se laisse déborder par les multiples tâches au risque d’en oublier son hôte ? Mais aussi, comme ne pas nous laisser inspirer par Marie qui cherche à écouter l’hôte de passage ? Car sans lui, notre maison n’aurait aucun sens. Et d’ailleurs ce matin, grâce aux ondes de la radio, nous sommes heureux de pouvoir vous accueillir, chers frères et sœurs qui partagez avec nous ce temps de célébration. Au milieu de nous, vous êtes signe de la présence silencieuse de Jésus auprès de Marthe et Marie. Oui, le Christ est présent au milieu de nous ce matin, et vous aussi, vous êtes là, avec nous. Grâce aux ondes d’Espace 2, c’est-à-dire grâce aux techniciennes et techniciens du son dont nous ne pouvons voir le visage ou entendre la voix. Et pourtant, ils sont là, eux aussi. Sans leur présence, nous ne pourrions célébrer ensemble cette amitié en laquelle Jésus-Christ se livre, cette humanité chaleureuse qui nous rend accueillant, tous ensemble, au sourire de Dieu.

Un autre lieu frontière

Du Grand-St-Bernard, avec vous ce matin, je souhaite vous emmener vers un autre lieu frontière situé à l’est du Congo-RDC, sur la frontière douloureuse avec le Rwanda. Depuis 3 ans, j’ai la joie d’être accueilli pour des séjours de plusieurs mois par an dans le sud Kivu, à Bukavu et sur l’ile Idjwi. En janvier 2025, les forces du M23 affiliées à l’armée rwandaise se sont emparées de Goma (RDC) y faisant plus de 7’000 morts. Puis ils sont descendus sur Bukavu. Je vous laisse imaginer la terreur aux ventres des habitants, la peur viscérale de subir les maltraitances dégradantes et les crimes affreux qui deviennent malheureusement l’ordinaire partout où sévit la guerre. Prions pour eux et avec eux, car un traité de paix vient d’être signé hier au Qatar entre les forces du M23 et l’état congolais.

C’était en février dernier, moins de 48h avant l’entrée des forces armées à Bukavu, j’ai eu la possibilité de faire un appel en visio avec mon confrère et ami Paul Bulyalugo. En contemplant son visage quelque peu amaigri, j’ai ressenti en moi une grande paix. Et je lui ai demandé : comment tu fais ? Il m’a expliqué qu’il avait renoncé aux réseaux sociaux, notamment aux images qui circulaient sur le conflit à Goma. Je retraduis avec l’évangile du jour : alors qu’il aurait pu se faire happer comme Marthe, il a choisi d’écouter comme Marie. Et Paul me dit : « l’autre armée ne veut certainement pas tous nous tuer, alors on va rester calme. » Le choix des mots est important. Il ne s’agit pas des ennemis, mais de l’autre armée. Bien choisir les mots dispose le cœur au meilleur de lui-même.

Et Paul m’explique ensuite avoir passé son après-midi avec les enfants orphelins du foyer Ushirika construit à côté de la cure. Mon ami Paul a cherché à faire sourire ces enfants, car l’angoisse ambiante les étreignait aussi. Et à la fin de son animation, Paul a demandé à chaque enfant d’aller s’asseoir à côté de qui la relation a été plus difficile aujourd’hui. C’est alors que le petit Mulambo est allé s’asseoir à côté de la Sœur directrice, car ça avait été difficile avec elle. Et c’est à ce moment que tout le foyer a souri de tendresse. Oui, rappelez-vous ! Issac : c’est encore le sourire de Dieu.


L’association amis de Bukavu (www.amisdebukavu.com) soutient depuis 25 ans des actions concrètes au service des plus vulnérables dans cette région du monde. Comment cette association est-elle née ? Lorsque l’abbé Adrien, aumônier de la prison de Bukavu est venu faire une conférence en Valais, une petite fille a demandé à ses parents : « On peut inviter à la maison l’abbé Adrien ? » Et depuis une amitié est née. Aujourd’hui l’association soutient par exemple la construction d’une école pour les enfants des familles pygmées sur l’ile Idjwi. Plusieurs fois chassées, elles se sont aujourd’hui installées sur leurs terres achetées grâce à l’association Amis de Bukavu. Et c’est émouvant de penser que toutes ses familles vulnérables sont bénéficiaires d’un papa et d’une maman de Martigny qui ont entendu l’appel de leur petite fille. Oui, l’hospitalité ouvre des chemins de vie insoupçonnés.

16e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Genèse 18, 1-10; Psaume 14; Colossiens 1, 24-28; Luc 10, 38-42

Homélie du 13 juillet 2025 (Lc 10, 25-37)

Chanoine Jean-Jacques Martin – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice

Je pense que vous serez d’accord avec moi pour dire que, en nous racontant la parabole que nous venons d’entendre, le Christ voudrait nous provoquer à un renversement dans le regard que nous portons sur les autres.

Suis-je un bon prochain ?

Désormais, la question n’est plus : « Qui est mon prochain ? » mais « de qui je me fais le prochain ? »
Le prochain ce n’est pas toujours les autres ; c’est aussi moi quand je me rapproche d’eux, quand je me rapproche de ma famille, de ceux et celles avec qui je travaille, des membres de ma chorale liturgique, des blessés de la vie, des malades, des déprimés. Actuellement, les moyens de communication modernes nous permettent de nous faire proches du monde entier. En toutes circonstance, nous pouvons nous poser cette question : « Suis-je un bon prochain ? Suis-je capable de donner des raisons de vivre et d’espérer ?

Aujourd’hui, plus que par le passé, à cause de la déchristianisation, on parle de synodalité, le pape François nous a dit de nombreuses fois d’aller dans les périphéries !

Mais, finalement, qu’est-ce que cela change ?
Il y a de moins en moins de personnes lors des célébrations dans les églises, il y a de moins en moins de personnes qui sont d’accord de s’engager en Eglise. Il y a de moins en moins de personnes dans nos chorales liturgiques.

Alors on baisse les bras ?
Alors on retrousse les manches ?

Adopter le regard même de Jésus

La première réflexion, le premier réflexe, c’est d’adopter le regard même de Jésus. Ce n’est donc pas d’abord de recruter pour l’institution Eglise. Ce n’est pas non plus de la publicité pour le produit Evangile, pour le chant grégorien ou les messes avec orchestre. Ce n’est pas une entreprise pour faire des programmes de conquêtes idéologiques.

C’est une attitude du cœur, du cœur de Jésus : nous sommes au cœur même de la foi. Jésus n’est pas seulement un guide ou un compagnon, Jésus est ma vie.

Le bon samaritain nous donne un bel exemple justement de la vie, et des raisons d’espérer. Il ne faut pas prendre sa place, ne pas résoudre pour lui le problème de son avenir. Ce n’est pas savoir à sa place et pour lui ce qu’il y a à faire.
A un certain moment il faut apprendre à s’effacer, à disparaître pour laisser autrui être lui-même.
C’est en nous aimant à l’extrême que Jésus s’est fait notre prochain. Et aujourd’hui, il nous adresse son commandement : « Va et toi aussi, fais de même ! »

Le premier ouvrier que Dieu ait sous la main c’est chacune et chacun d’entre nous

D’accord… mais il n’en reste pas moins le constat : « regardez-nous, voyez notre âge… est-ce que les Céciliennes vont continuer ? On est parfois bien démotivé puisque l’on ne voit plus de jeunes… ».

Alors que faire : comme je vous le disais : on baisse les bras ou on se retrousse les manches ?

Le premier ouvrier que Dieu ait sous la main c’est chacune et chacun d’entre nous, et j’ose ajouter si l’on prie ! On parle de crise du nombre de membres de nos chorales liturgiques et si, au fond, ce n’était que la crise de la prière ?

Je le sais bien, et j’entends même plusieurs d’entre vous penser si fort que cela arrive à mes oreilles : mais chaque fois que l’on chante on prie… Ah oui… toujours ?

Mais cela vaut la peine de se retrousser les manches. Vous, les participants à la semaine romande de musique et de liturgie, vous êtes présent parce que vous êtes d’accord de vous retrousser les manches et ne pas désespérer mais garder toujours confiance !
Donc vivre quelque chose ensemble et faire envie, être enthousiaste.
Il faut que les choristes se surpassent un moment pour atteindre autre chose que le vécu quotidien, prient et fassent prier. La musique liturgique n’est pas un art d’agrément, mais un art qui fait que les gens s’expriment autour d’une idée. On se réunit pour exprimer quelque chose ensemble : sa foi.

Et c’est beaucoup moins ringard que l’on croit.

Alors, chers amis choristes et musiciens, continuez à croire à persévérer… cela en vaut la peine !
Et n’oublions pas que Dieu a besoin de chacun et chacune d’entre vous pour se dire dans le monde d’aujourd’hui !

Alors merci, oui vraiment merci pour votre magnifique engagement !
AMEN !

15e dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : Deutéronome 30, 10-14; Psaume 68; Colossiens 1, 15-20; Luc 10, 25-37

Homélie du 6 juillet 2025 (Lc 10; 1-9)

Père Luc Ruedin – Chapelle de La Pelouse, Bex, VD

Chères sœurs, chers amis, chers auditeurs,
Nous venons d’entendre la Parole de Dieu. Mais l’avons-nous vraiment écoutée ? A-t-elle eu un impact sur nous ? Avons-nous senti des motions spirituelles ? Je veux dire des affections et des pensées qui nous mettent en mouvement :


– Joie, Exultation, Consolation, à la 1ère lecture
– Louange, avec le Psalmiste
– Incompréhension peut-être : comment la croix peut-elle être la seule fierté de Paul ?
– Interrogation sans doute : voyager sans bourse, ni sac, ni sandales et ne saluer personne en chemin ?
Pour le dire en un mot, cette Parole a-t-elle résonné en notre cœur au point de nous affecter, nous émouvoir, nous transformer ? Notre relation au Seigneur et au monde en est-elle modifiée ?

L’appel à la liberté


Si tel est le cas, sentons-nous alors, confusément ou distinctement, l’appel à la liberté ? L’appel à la liberté et du coup… un envoi en mission puisqu’il est dans la nature de l’Amour libérateur de rayonner et de se diffuser ! Sont alors traversées toutes violences, toutes divisions, tout mal – les démons soumis et Satan qui tombe du ciel – car le Royaume de Paix, d’Amour, d’Unité, de Bien se fait présent. N’est-ce pas là notre plus grand désir ? Ne plus être divisés mais unis par l’Amour ? Invités à quitter la violence de nos esclavages – le monde est crucifié pour moi dit Saint Paul ! – nous goûterons alors à la vraie liberté des enfants de Dieu !
Cette liberté, pour celui, celle, qui consent à se laisser transformer par la Parole, a un goût unique. Comme pour Saint Paul sur le chemin de Damas, l’excès de l’Amour qui sur la croix a vaincu tout mal, ouvre un immense espace relationnel : un espace de liberté proportionnel à la densité du mal subi. Entrer et vivre en cet espace ne va cependant pas sans souffrances. À la suite et avec le Crucifié, cet espace meurtri se révèle pourtant empreint d’une joie au goût unique. Un goût de joie à la fois grave et légère, d’une gravité légère et joyeuse aussi paradoxal que celui puisse paraître !

Se réjouir ? Non pas tant que les esprits nous soient soumis mais bien que nous soyons, par la grâce du baptême, à la racine de notre être, aimés par Celui qui est venu dans nos abîmes pour nous sauver et faire de nous des créatures nouvelles. « Réjouissez-vous nous dit Jésus parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux » c’est-à-dire dans cet espace divin infini d’Amour et de Miséricorde !

La vie est entachée par le mal


Une expression imagée peut illustrer cela : le ver est dans la pomme ! Traduisez : la vie est entachée par le mal. Plusieurs attitudes existentielles sont alors possibles :

  1. On peut croquer la vie à pleines dents ignorant… qu’il y a un ver dans la pomme. Pourtant, tôt ou tard, nous goûtons la déliquescence et l’amertume du fruit pourri. Le mal est certes affronté mais à quel prix ! Il demeure un obstacle sur notre route. Un sentiment de l’absurde, du désespoir, du à quoi bon nous envahit alors…
  2. On peut aussi en connaissance de cause éviter de manger la pomme, de croquer à pleines dents la vie et ainsi… rester sur notre faim en fuyant le monde. Evitant à tout prix le mal nous oublions alors de vivre ! À la fin, que reste-t-il ? Un goût d’inachevé, un sentiment d’avoir manqué à sa vie.
  3. On peut encore, sachant combien la vie est tragique, n’en manger que ce qui est bon et ne pas toucher au reste. Suivant la maxime stoïcienne qui fait la distinction entre ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas, nous concentrons nos efforts et notre attention sur ce que l’on peut contrôler (nos pensées, nos jugements, nos actions) tout en acceptant avec sérénité ce qui échappe à notre influence (les événements extérieurs, les actions des autres, etc.). Avec sérénité ? Le peut-on vraiment ? Une telle sagesse est-elle possible ? Ne perdons-nous pas l’élan vital, le mouvement même de la vie, sa saveur ?
  4. Enfin, et c’est la voie chrétienne, on peut à l’exemple d’Etty Hillesum aborder la mort non comme une fin, mais comme une partie intégrante de la vie, une réalité à intégrer pour l’enrichir. « L’éventualité de la mort est intégrée à ma vie ; regarder la mort en face et l’accepter comme partie intégrante de la vie, c’est élargir cette vie » écrit-elle et lui donner ainsi son sens le plus profond. Par et dans l’Esprit-Saint, le chrétien découvre que la déliquescence et l’amertume de la vie sont transfigurées par l’Esprit de Celui qui a assumé ce qui divise et défigure l’homme. Il vit alors sa Pâque. En ce mouvement pascal à nul autre pareil, lui est donné le goût inouï de la liberté désentravée de tout mal par l’Amour.

    Celui qui se risque sur cette voie peut alors aller sans défense – sans bourse, ni sac, ni sandales – tel un agneau au milieu des loups ; aller de par le monde en proclamant la Paix dont il a perçu la force et la profondeur. Et si l’accueil est refusé, il enlèvera la poussière de la ville collée à ses pieds, la laissera semer le royaume de la division, tout en continuant de proclamer que le règne de Dieu s’est approché.

    Telle une musique céleste…, laissons résonner la Parole qui creuse en nous cet espace relationnel de liberté et dévorons la vie à pleines dents dans l’Amour de Celui qui donne la joie parfaite : « Réjouissez-vous avec Jérusalem ! Exultez en elle, vous tous qui l’aimez ! Avec elle, soyez pleins d’allégresse, vous tous qui la pleuriez ! »


    Alors comme le chante Jean-Joseph Surin jésuite du XVIIe siècle, il nous suffira que l’Amour nous demeure :
    1. Je veux aller courir parmi le monde,
    Où je vivrai comme un enfant perdu ;
    J’ai pris l’humeur d’une âme vagabonde,
    Après avoir tout mon bien dépendu.
    Ce m’est tout un que je vive ou je meure,
    Il me suffit que l’Amour me demeure…

    2 Déchu d’honneur, d’amis et de finance,
    Amour, je suis réduit à ta merci,
    Je ne puis plus mettre mon espérance
    Qu’au seul plaisir d’être à toi sans souci.
    Ce m’est tout un…

    3. Pauvre et content j’irai chercher fortune,
    Par un chemin que je n’ai jamais su ;
    J’ai pour logis la Campagne commune,
    Où je serai toujours le bien reçu.
    Ce m’est tout un…

    4. Si de la mer je touche le rivage,
    Et que l’amour d’y voguer m’ait permis,
    Dans un vaisseau sans voile et sans cordage,
    J’irai partout malgré mes ennemis.
    Ce m’est tout un…

    5. J’aime bien mieux souffrir l’injuste blâme
    De ces prudents qui craignent de périr ;
    Qu’en conservant trop chèrement mon âme « ‘
    Ne rien risquer et ne rien conquérir.
    Ce m’est tout un…

    6. Dans ce profond d’Amour inexplicable,
    Mille secrets à mon cœur sont ouverts ;
    Et du plus secret d’un Enfer effroyable,
    Viennent sur moi mille monstres divers.
    Ce m’est tout un
    .
    7. Mais faudra-t-il que ma bouche décrive
    Le grand abîme où je suis descendu ;
    C’est un état qui n’a ni fonds, ni rive,
    Et de bien peu je serais entendu.
    Ce m’est tout un…

    8. Au revenir de cet heureux naufrage
    Je veux parler à la face des Rois,
    Je veux paraître en ce monde un sauvage,
    Et mépriser ses plus sévères lois.
    Ce m’est tout un…

    9 Je ne veux plus qu’imiter la folie
    De ce JESUS, qui sur la Croix un jour
    Pour son plaisir perdit honneur et vie,
    Délaissant tout pour sauver son Amour.
    Ce m’est tout un que je vive ou je meure,
    Il me suffit que l’Amour me demeure.

    Amen.

14ème dimanche ordinaire
Lectures bibliques : Isaïe 66,10-14c ; Psaume 65; Galates 6,14-18; Luc 10,1-12.17-20

Homélie du 29 juin 2025 (Mt 16, 13-19)

Abbé François-Xavier Amherdt – Chapelle de la Pelouse, Bex, VD

Saints Pierre et Paul, Apôtres

LES DEUX CLÉS
Pour devenir directeur, chef de chœur ou chef d’orchestre, il faut maîtriser au moins deux clés : celle de fa, pour les voix de barytons et de basses ou les instruments graves, et celle de sol pour les autres voix plus élevées ou les instruments aigus.

Au début de la portée


La clé établit la hauteur des sons inscrits sur les cinq lignes de la portée. Les notes demeurent indéterminées tant que la clé ne fixe pas leur nom : la note placée sur la troisième ligne s’appelle ré pour la clé de fa et si pour les soprani en clé de sol. La mélodie est comme suspendue entre ciel et terre jusqu’à ce que le compositeur dessine la clé au début de chaque système. Ou plutôt l’établissement de la clé est un acte fondateur qui
précède l’écriture des différentes parties.

Les deux clés de l’Église


Le divin compositeur, Jésus-Christ, a légué à son Église une partition à voix multiples. Des profondes et des élevées, des massives et des légères. En livrant son Esprit à ses Apôtres, il a pris le risque démesuré de leur confier ses clés. Celles de son Règne. Celles du chant de sa Parole, de la mélopée de son pardon, de la mélodie de son bonheur. Et pour que tous s’y retrouvent, il a fait des choix parmi ses disciples. Il en a privilégié deux, que nous célébrons de concert aujourd’hui, aussi importants l’un que l’autre : Pierre, le fondement, le garant de l’unité et de la durée, le serviteur de la communion, la pierre de fondation. Il reçoit les clés du Royaume, comme son successeur Léon XIV, il est le socle sur lequel le Christ édifie son Église.
Et Paul, le fonceur, le prophète tonitruant et innovateur, l’apôtre des gentils, le chanteur de la la récompense promise ; Paul le soliste impénitent, disposé à entonner les airs les plus audacieux au point de se faire broyer par les puissants de ce monde ou mordre par la gueule du lion.

Clé de Pierre


Que serait notre Église sans Pierre ? Il confesse le Messie à Césarée, il prend la parole de manière intempestive au nom des Douze, il est le premier à reconnaître en Jésus le Fils du Dieu vivant. Et pourtant, il nous ressemble tant lorsqu’il renie son Seigneur à trois reprises dans la tourmente de la Passion. Pierre, la base, Pierre le renégat. Pierre la basse, la clé de fa. Pierre le pécheur pardonné qui transmet le pardon dont il a bénéficié, la tendresse qu’il a reçue. Pierre qui, dans les Actes des Apôtres que nous avons travaillés durant cette session, se fait arrêter par le roi Hérode Agrippa, puis libérer miraculeusement par l’ange du Seigneur et la prière des frères. Pierre le prisonnier, qui témoigne de la délivrance lumineuse dont il bénéficie.

Clé de Paul


Que serions-nous sans Paul, le témoin vigoureux, passionné d’Évangile, torturé par une écharde dans la chair de son cœur ? Paul qui se donne en modèle. Paul qui s’offre en victime sainte, à l’exemple de son Maître, en « sacrifice vivant ». Paul tout donné à la volonté du Père, tout abandonné à la grâce de l’Esprit, pour qui seule compte la cause de la Bonne Nouvelle. Paul le théologien des hauts sommets, le ténor de la justice divine. Paul de la clé de sol, le chantre de la miséricorde. Paul qui va au bout de sa course en gardant la foi. Paul prêt à recevoir la couronne de la justice qui ne se flétrit pas, contrairement à celle des vainqueurs des concours musicaux et sportifs.

Une seule partition dans l’Esprit


Et puisque leurs tombeaux se trouvent côte à côte en la cité de Rome, réjouissons-nous de chanter à deux poumons, le pétrinien et le paulinien, en l’Église une, dans l’attente que tous les chrétiens s’unissent enfin en une seule partition, celle de l’Esprit Saint.
Puisse le nouveau pontife nous faire jubiler à de multiples voix et en une même harmonie, celle des pèlerins de l’espérance et de l’année sainte.

Saints Pierre et Paul, Apôtres
Lectures bibliques : Actes 12, 1-11; Psaume 33; 2 Timothée 4, 6-18; Matthieu 16, 13-19

Homélie du 22 juin 2025 (Lc 9, 11-17)


Père Philippe M. Schönenberger – Eglise Sainte-Claire, Genève

Chers amis,
Jeudi, je me suis rendu à Fribourg pour la grande procession de la Fête-Dieu. J’ai été très touché par des petites filles, des scouts, qui cheminaient juste entre nous, les prêtres concélébrants et notre évêque qui portait le Saint-Sacrement. Ces petites filles portaient de grandes corbeilles pleines de pétales de roses qu’elles lançaient tout au long du chemin pour que Jésus passe sur un tapis de fleurs du début à la fin de la procession.


C’était vraiment très beau et cela m’a rappelé une anecdote concernant sainte Jacinte, la voyante de Fátima. Au Portugal, comme à Fribourg et partout dans le monde où l’on organise des processions de la Fête-Dieu, on donne les mêmes instructions à différents groupes d’enfants : dès que vous voyez Jésus, faites-lui honneur, lancez-lui les pétales de rose que vous portez dans vos corbeilles.
C’est aussi ce que l’on avait dit à Jacinte de Fátima, âgée de 5 ans. Cependant, elle semblait attendre. Les pétales de roses restaient dans sa corbeille. Ses catéchistes lui faisaient constamment des signes : vas-y, lance tes fleurs. Rien n’y faisait. Jacinte restait impassible.
À la fin de la procession, voilà que l’on fait des reproches à Jacinte. Mais enfin, pourquoi n’as-tu pas lancé tes pétales de rose ? Nous t’avons fait signe à de nombreuses reprises. Alors, Jacinte a répondu : vous m’aviez dit qu’il fallait que je lance les pétales à Jésus, dès que je le verrais ; mais moi, je ne l’ai pas vu !
Ces paroles de la future sainte Jacinte de Fátima touche le centre même de notre foi : quand nous prions, nous voulons rencontrer Jésus ; et pendant la messe, et plus encore le jour de la Fête-Dieu, nous voulons voir Jésus.

Nous voyons effectivement Jésus dans l’Eucharistie


J’espère que vous n’êtes pas comme la future sainte Jacinte de Fátima et que vous avez tous compris, que vous croyez tous que nous rencontrons et que nous voyons effectivement Jésus dans l’Eucharistie. Certes, l’Eucharistie est à la fois une grande joie et une épreuve pour notre foi. Une grande joie, car rencontrer et voir Jésus sur cette terre, c’est déjà comme une anticipation du ciel. En même temps, cela reste une épreuve : les yeux de notre corps ne voient que du pain et du vin, pourtant nous croyons, nous sommes convaincus que ce n’est plus ni du pain, ni du vin, mais le Corps, le Sang, l’Âme, la Divinité de Jésus.

Notre foi vient des paroles de Jésus


D’où vient notre foi ? Tout simplement des paroles de Jésus. Nous savons que nous pouvons lui faire confiance. Il l’a dit, il continue à le dire à travers les paroles du prêtre : Ceci est mon Corps, Ceci est mon Sang. S’il le dit, c’est que c’est vrai. C’est vraiment son Corps, c’est vraiment son Sang.

Depuis les tout débuts de l’Église, forts de cette foi en la présence de Jésus dans l’Eucharistie, les chrétiens ont voulu prolonger leur temps d’action de grâce, si court pendant la messe après la communion, en passant de longs moments à l’église. Ici, à Sainte-Claire, des personnes de toute la ville de Genève et même de plus loin se relaient quasiment tous les jours pour adorer le Christ eucharistique dans la petite chapelle latérale sur votre droite. C’est impressionnant !

Jésus est l’unique nécessaire


Il me semble d’ailleurs que l’adoration eucharistique nous rappelle les deux aspects essentiels de notre relation avec Jésus.
Tout d’abord, il est l’unique nécessaire. Sans lui, nous ne pouvons rien faire. De manière très intéressante, le Christ a choisi le pain comme élément de base pour célébrer l’Eucharistie. Sans pain, pas de messe. Dans le texte de l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus nourrit une foule immense en multipliant quelques morceaux de pain. Sans ce pain, toutes ces personnes auraient défailli sur le chemin. Le pain, dans le pays de Jésus à son époque comme aujourd’hui sous nos latitudes, est un peu l’aliment de base. Tout le monde, ou presque, mange du pain. À mon avis, il est probable que Jésus ait choisi le pain pour l’Eucharistie pour nous rappeler que nous avons besoin de lui. À la messe, pendant nos temps d’adoration, il nous donne la force nécessaire pour aller de l’avant !

Jésus est la raison de notre joie


Et le vin alors ? Ce n’est certainement pas une boisson dont nous avons besoin pour vivre. D’ailleurs, personnellement, je n’aime pas trop le vin et je me méfie de toutes les boissons alcoolisées. Je préfère de très loin le coca-cola. Évidemment, je célèbre quand même la messe avec du vin, suivant la volonté de Jésus. D’ailleurs, je crois deviner pourquoi le Christ a justement choisi le vin comme deuxième matière de base pour célébrer l’Eucharistie.
Le vin est la boisson de la fête. D’habitude, quand on organise une fête, on pose des bouteilles de vin sur la table. Jésus n’est pas seulement l’unique nécessaire. Il est aussi la cause, la raison de notre joie. Il nous donne son amour, il nous donne tout avec une immense générosité. Grâce au Christ, nous sommes dans l’allégresse, nous sommes en fête aujourd’hui, maintenant et toujours.

En ce jour de la Fête-Dieu, remercions le Christ : grâce à lui, nous avons force et courage pour aller de l’avant ; grâce à lui, nous sommes dans la joie. Jetons-lui donc les pétales de rose de nos prières, de notre respect et de notre amour comme signe de notre reconnaissance de sa présence parmi nous.

Fête du Saint-Sacrement du corps et du sang du Christ
Lectures bibliques : Genèse 14, 18-20 ; Psaume 109 ; 1 Corinthiens 11, 23-26 ; Luc 9, 11-17