Mgr Alain de Raemy – Col du Saint-Gothard
Saint Paul a bien raison :
Peut-être – même si c’est difficile – quelqu’un accepterait de mourir pour un juste… Peut-être – mais c’est encore moins évident – quelqu’un oserait donner sa vie pour une personne bonne. Peut-être – mais seulement dans des circonstances exceptionnelles – quelqu’un accepterait de mourir pour sa patrie…
Peut-être. Mais logiquement, mourir pour quelqu’un de mauvais, mourir pour un ennemi, pour quelqu’un qui te hait… ça, personne ne le fait !
Ça n’existe pas !
Dieu ne nous attend pas convertis pour nous aimer jusqu’à mourir
Et pourtant…
C’est justement là, dit saint Paul, que se révèle le trésor de notre foi : Dieu prouve son amour envers nous en ceci : alors que nous étions encore pécheurs, le Christ est mort pour nous. Et il insiste encore : Alors que nous étions ennemis de Dieu, nous avons été réconciliés avec lui par la mort de son Fils.
Dieu ne nous attend pas convertis pour nous aimer jusqu’à mourir !
Jésus ne meurt pas uniquement pour ses amis, mais aussi pour ses ennemis !
Alors imagine un peu ! Tu es aimé par quelqu’un qui est capable d’aimer même celui qui le hait, qui aime même celui qui veut le tuer… et qui le tue !
Cela dépasse tout ce que l’on peut concevoir ! Mais sommes-nous conscients de ce que cela implique ?
Toi, qui ne te considères pas comme un ennemi de Dieu – loin de là !
Toi, qui n’es même pas indifférent à Dieu. Ou toi, qui es peut-être agnostique, tu ne sais pas trop quoi penser, mais tu ne rejettes pas Dieu pour autant.
Et toi, de bonne volonté, qui n’as jamais voulu faire sciemment du mal à autrui…
Sais-tu que toi aussi, tu es aimé avec la même puissance incroyable de l’Amour d’un Dieu qui aime même ceux qui le refusent ? Et que tu en es, toi aussi, le bénéficiaire ?
Cette force d’amour est pour toi, même si tu n’es ni opposé, ni ennemi, ni fermé…
Et pourtant, la croix du Christ, c’est aussi pour toi.
La surabondance de l’amour de Dieu
C’est ça, la surabondance de l’Amour de Dieu : une exagération divine !
Il t’aime plus que nécessaire.
Il t’aime au-delà du raisonnable.
Il t’aime au-delà du normal.
Il t’aime jusqu’à la folie.
Il t’aime à en mourir.
Celui qui tombe amoureux pense parfois aimer ainsi, « à en mourir »…
Mais une personne amoureuse aime généralement quelqu’un qui l’aime en retour,
ou au moins, quelqu’un qu’elle admire pour ses qualités et non pour ses défauts ou son rejet.
Dieu, Lui, meurt d’amour pour celui qui le hait. Et Il t’aime, toi aussi, avec la même intensité.
Saint Paul le dit ainsi : Si, alors que nous étions ennemis, nous avons été réconciliés avec Dieu par la mort de son Fils, combien plus serons-nous sauvés, maintenant que nous sommes réconciliés, par sa vie !
Mon Jésus, comme tu es vivant et fou!
Fou d’amour, fou de moi, fou de nous tous.
Tu aimes même ceux qui restent enfermés dans une haine totale.
Peut-être que l’enfer, c’est justement cela :
ne pas supporter cet amour infini qui continue à nous être offert, même quand on ne veut pas en entendre parler… L’amour ne s’impose pas.
Il aime. Et c’est tout.
Avec Jésus, s’accomplit et se révèle définitivement la folie de l’amour démesuré de Dieu pour nous.
Un chrétien ou une chrétienne peut donner sa vie pour la patrie, oui – mais ils ne le feront en vrais chrétiens que s’ils savent aussi qu’ils sont appelés à « aimer jusqu’à mourir » même celui qui les combat.
Il n’y a pas d’humanité plus haute : c’est l’amour chrétien.
Lectures bibliques : Romains 5, 5-11; Psaume 88; Luc 4, 16-21