Bernard Litzler

Grandir avec Daech

Massacre de 50 personnes en Floride, assassinat d’un policier dans la région parisienne: les tueurs se revendiquant de l’Etat islamique semblent omniprésents dans l’actualité ces derniers jours. Comme est omniprésente notre attention à tout incident où apparaît, à tort ou à raison, le nom de Daech. L’obsession sécuritaire nous gagne. Et l’islam radical devient le monstre suprême, gagnant par Internet de nouveaux adeptes sur lesquels la mort ne semble pas avoir prise.

Grandir avec Daech: c’est le défi de notre temps. Grandir contre Daech, aussi. La partie militaire en Syrie ou en Lybie est loin d’être gagnée. Mais elle est engagée avec détermination. La partie idéologique, elle, n’est pas encore aboutie. Etendard de multiples revendications et frustrations, l’Etat islamique fait miroiter aux esprits juvéniles l’espoir d’une société idéale, réglée par une loi musulmane stricte. Pourtant grandir il faudra.

Le combat des nouvelles générations est aussi celui de notre courage.

Les générations d’après-guerre ont connu la Guerre froide, Mai 68. Puis il y eut la chute du mur de Berlin, l’argent-roi et la mondialisation. Les jeunes d’aujourd’hui vont grandir avec Daech comme leurs grands-parents ont grandi avec la guerre du Vietnam et la compétition dans l’espace. Tôt ou tard, Daech sera emporté par la vie. Car son idéologie mortelle, sous les formes diverses qu’elle a prises, n’a pas de racines profondes.

A moins que les inégalités ne cessent de se creuser. A moins que l’espoir d’une vie meilleure, si bien incarnée par les réfugiés qui frappent aux portes de l’Europe, ne soit déçu. A moins que les décisions politiques à venir, en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, en France, ne favorisent plus encore l’exclusion. Daech va disparaître lorsque nous cesserons de l’alimenter par le vide de tant d’existences.

Le communisme s’est effondré, miné de l’intérieur par une vacuité abyssale perçue par les penseurs chrétiens. Cette «idée chrétienne qui a mal tourné», selon l’expression du théologien Henri de Lubac, a pourtant sévi durant plus de 70 ans à l’est de notre continent, sous couvert de lutte des classes et l’idée d’une société égalitaire.

Combien d’années faudra-t-il avant que Daech ne s’effrite? Le combat des nouvelles générations est aussi celui de notre courage. Serons-nous assez forts pour disqualifier cette idéologie fascisante et morbide, tout en respectant l’islam, le terreau dont elle est issue?

Bernard Litzler | 14.06.2016

Novembre 2015, Rue de Charonne, devant le bar la Belle Équipe où 19 personnes ont perdu la vie, Paris
14 juin 2016 | 14:46
par Bernard Litzler
Temps de lecture: env. 2 min.
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