Bernard Litzler

Un avant et un après

Un cadre d’une grande entreprise est mis à l’écart. Aussitôt, il se déverse dans la presse, critiquant son patron. Le cas est, hélas, courant. Sauf quand le cadre en question est le cardinal Gerhard Ludwig Müller, 69 ans, ex-responsable de la Congrégation pour la Doctrine de la foi, un des dicastères-clé du Vatican. Et que son chef s’appelle François…

Le 5 juillet, le cardinal allemand, évincé au terme d’un mandat de cinq ans, a vidé son sac dans la Passauer Neue Presse, un journal bavarois. «Le pape m’a informé en une minute de sa décision de ne pas prolonger mon mandat, a indiqué le prélat démis. Il ne m’a pas donné de raisons…». Et il ajoute: «Je ne peux pas accepter ce style»… Il impute même au pontife la responsabilité indirecte du décès inattendu du cardinal Meisner, ancien archevêque de Cologne, blessé, semble-t-il, par ce départ forcé.

La Curie n’a pas l’habitude de méthodes brusques

Pour le pape François, ce départ est… naturel. Il estime que les mandats des chefs des dicastères doivent se limiter à cinq ans. Le cardinal Müller, nommé par Benoît XVI, serait le premier à en faire l’expérience. Son contradicteur ne semble pas convaincu. Toutefois, le prélat reste volontiers à disposition pour travailler à l’unité de l’Eglise. Notamment en organisant des rencontres avec les opposants à l’exhortation apostolique Amoris Laetitia, parue en 2016.

Les leçons de cette histoire? D’abord que la Curie n’a pas l’habitude des méthodes brusques. Dans ce monde feutré, le management du pape ne fait pas l’unanimité, on s’en doute. Les couloirs en bruissaient déjà. La réaction du cardinal Müller le confirme aujourd’hui. Ensuite, les mandats à durée limitée sont effectivement dans la ligne du pape. Et les gens familiers avec les affaires et la gestion de personnel ne s’étonneront pas de la méthode. Mieux vaut éloigner un cadre qui ne se prive pas de contester la ligne du patron.

Enfin, l’éviction du cardinal Müller atteste des tensions énormes régnant au Vatican. Un pontificat qui fait bouger les mentalités se heurte fatalement à des résistances. François, pape «rusé» (c’est lui qui se qualifie ainsi), sait qu’il n’a pas que des amis dans son entourage romain. Une chose reste sûre: il y aura un avant… et un après-François.

Bernard Litzler | 13 juillet 2017

Le cardinal Gerhard-Ludwig Müller, préfet émérite de la Congrégation pour la doctrine de la foi (photo: Flickr Catholic Church of England and Wales CC BY-NC-SA 2.0)
13 juillet 2017 | 15:04
par Bernard Litzler
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