Guy Musy

«Ecoles de prédication», dites-vous?

Figurez-vous que nos évêques alémaniques ont «savonné» les assistants et assistantes pastoraux laïcs de leurs diocèses en leur rappelant le privilège concédé aux seuls prêtres ordonnés de présider l’eucharistie, d’oindre les malades et d’absoudre les pécheurs. Donc, une frontière à ne pas franchir.

Ces évêques se sont-ils faits remonter les bretelles par qui de droit (canonique!) pour en arriver là? On ne le saura jamais. Leur rappel à l’ordre est d’autant plus surprenant que leurs collègues «latins» de la Conférence épiscopale suisse se sont tus ou abstenus. A croire que ce genre de débordements n’existe pas sur leurs terres.

Nos évêques d’Outre-Sarine ne jettent pourtant pas l’anathème sur les prédications de laïcs au cours des liturgies. Une avancée qui semble être encore largement ignorée de ce côté-ci de la Sarine. Vérité en-deçà, erreur au-delà! Il n’y a pas que les Pyrénées qui servent de frontière.

En effet, mis au courant «d’Ecoles de prédication» ouvertes à tous, mises sur pied par nos frères dominicains français, j’avais rêvé, mais sans doute en couleurs, que la Romandie pouvait leur emboiter le pas. Que nenni! On me fit savoir que nos diocèses romands disposaient déjà d’un centre de formation à la prédication, mais que ses diplômés ne trouvaient pas de chaire pour exercer leur art. Donc, inutile d’augmenter le contingent des prédicateurs chômeurs.

«Et la poésie, parole intime mais de portée universelle, révèle par d’autres chemins d’essentielles vérités et beautés»

J’en pris mon parti, d’autant plus qu’une amie avertie de ma déconvenue vint à mon secours. Ses propos sont davantage qu’une consolation d’usage; ils pourraient ouvrir un chemin et même une avenue. Je les reproduis ici, avec son consentement.

«Une école de prédication? J’ai lu qu’on y acquiert des outils pédagogiques et oratoires et de solides connaissances bibliques. J’ai lu aussi que prêcher c’est rendre compte de sa foi par une parole publique. Mais sans témoignage personnel, en évitant la formulation en «je». Est-ce encore prêcher?

J’aime les paroles ‘privées’ qui peuvent contenir elles aussi une ‘bonne nouvelle’. A celles et ceux qui n’ont pas accès à la fonction publique de la parole, il reste donc tous ces messages à délivrer aux uns et aux autres, à chuchoter, à chanter, à crier. Et la poésie, parole intime mais de portée universelle, révèle par d’autres chemins d’essentielles vérités et beautés. J’aime toutes ces paroles-là, qui nomment, portent, aident, soignent, ouvrent et libèrent.»

A y réfléchir, cette amie nous conseille de jeter nos filets au grand large, plutôt qu’assis sur le rivage nous nous fatiguions à les rafistoler. Cet envoi nous concerne tous et toutes. Quelles que soient nos méthodes et manières de pêcher.

Et cette amie de clore ses propos par ce post-scriptum délicieux: «Le français a ceci de particulier qu’une seule lettre différencie ‘prêcher’ de ‘pêcher’ et encore de ‘pécher’. Comble de paradoxes ou de clins d’œil à la frontière si ténue! Entre le lien à l’Autre et la coupure de ce lien.»

Prêcheur par vocation et par profession, je n’en finis pas de méditer cette sagesse.

Guy Musy

18 janvier 2023

La prédication, une activité qui suscite la controverse | © Rod Long/Unsplash
18 janvier 2023 | 07:08
par Guy Musy
Temps de lecture: env. 2 min.
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