Didier Berret

Evangile de dimanche: A demeure

«J’veux pas de visite!» grogne en chanson la québécoise Linda Lemay qui énumère avec humour la liste des mauvaises raisons qui l’incitent à ne voir personne. En deux mots : rangements et dérangements, imprévus, intrusions, stress, désir de bien faire et risque de déception. Versus négatif aiguisé par la conscience qu’on ne peut ouvrir sa maison sans exposer ses goûts, livrer un peu de son intimité et les soumettre à la bienveillance de ses hôtes.

Les relations humaines se nourrissent pourtant de nos consentements à nous laisser accueillir et recevoir des autres. Les échanges de table dévoilent des pans de nos existences, révèlent nos manières de penser, réveillent nos passions, mettent au jour nos failles et nos limites.

La chanteuse a raison, on ne sort pas toujours indemne d’un vrai rendez-vous. Mais pour se donner la chance de grandir il vaut la peine de risquer quelques plumes. Les visites bien vécues enrichissent le terreau de la fraternité humaine.

«Jésus pousse la proposition de proximité encore un peu plus loin. Pas seulement être ensemble une fois de temps en temps pour une visite eucharistique.»

Celles et ceux qui aspirent à des liens d’amitiés plus denses peuvent planifier ensemble quelques jours de vacances. Le niveau de connivences augmente, le besoin d’ajustements aussi. S’adapter au rythme de chacun, se découvrir fripés au matin, un peu grognons aux coups de fatigue, étonnamment plaisantin, beaucoup plus décontractés qu’au boulot, surprenants… et s’aimer quand même. Les vacances mettent au jour des parts importantes de nos personnalités. Pouvoir les confier aux autres sans crainte de jugement donne aux relations humaines une saveur de jardin d’Eden.

Dans l’évangile du jour, Jésus pousse la proposition de proximité encore un peu plus loin. Pas seulement être ensemble une fois de temps en temps pour une visite eucharistique, pas seulement passer du temps pour quelques jours de vacances spirituelles, mais carrément s’installer chez nous! Tout le temps! Avec le Père, en plus! Et l’Esprit dans la lancée! Transcrit en langage courant sa demande ressemble à celles des amoureux: «Dis, puisque l’on s’aime, on pourrait habiter ensemble!?» En langage biblique: «si quelque m’aime, nous viendrons vers lui et nous nous ferons une demeure chez lui» Pour tout partager!

Bien sûr, si le spectre de la police des mœurs ou les soupçons d’inspection l’emportent sur le désir de la Présence, aucun des Trois ne saurait être le bienvenu. L’accueil suppose un changement d’image, un pas dans la confiance, une forme d’aban-don. Un des invités se nomme Paraclet, en français: Avocat ou Défenseur, l’Esprit-Saint capable de renouveler nos états d’esprit, d’embellir nos regards, de prendre notre défense lorsque des voix intérieures ou extérieures dénigrent notre valeur de fils et de filles de Dieu.

Il promet la paix, offre la joie et ouvre en perspective d’avenir le jour des noces. Le temps hors du temps de la Jérusalem céleste, illuminée de la gloire de Dieu, dans laquelle le Christ lui-même nous ouvre ses portes et nous convie à demeurer chez lui.

Didier Berret | Vendredi 20 mai 2022


Jn 14, 23-29

En ce temps-là,
Jésus disait à ses disciples :
    « Si quelqu’un m’aime,
il gardera ma parole ;
mon Père l’aimera,
nous viendrons vers lui
et, chez lui, nous nous ferons une demeure.
    Celui qui ne m’aime pas
ne garde pas mes paroles.
Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi :
elle est du Père, qui m’a envoyé.
    Je vous parle ainsi,
tant que je demeure avec vous ;
    mais le Défenseur,
l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom,
lui, vous enseignera tout,
et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.

    Je vous laisse la paix,
je vous donne ma paix ;
ce n’est pas à la manière du monde
que je vous la donne.
Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé.
    Vous avez entendu ce que je vous ai dit :
Je m’en vais,
et je reviens vers vous.
Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie
puisque je pars vers le Père,
car le Père est plus grand que moi.
    Je vous ai dit ces choses maintenant,
avant qu’elles n’arrivent ;
ainsi, lorsqu’elles arriveront,
vous croirez. »

« Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui» | Duccio di Buoninsegna vers 1308. Wikimedia Commons
20 mai 2022 | 17:00
par Didier Berret
Temps de lecture: env. 3 min.
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