Guy Musy

La revue «choisir» disparaît, éclipse au ciel des médias chrétiens

Une nouvelle éclipse dans le ciel des médias catholiques romands. Après plus de soixante ans de loyaux et fidèles services, choisir, la revue culturelle des Jésuites romands, annonce sa prochaine extinction. Nous avions déjà assisté aux obsèques de Sources, revue dominicaine de la même veine et de la même région et à la disparition de bien d’autres périodiques francophones où la réflexion se développait sous le regard de la tradition chrétienne.

Seules subsistent – pour l’instant – quelques publications spécialisées qui n’intéressent que les bibliothèques et des périodiques qui s’adressent à un lectorat idéologiquement typé. Les revues «générales» qui tentaient dans les années 1960 de jeter un pont entre l’Eglise conciliaire et une société qui cherchait ses marques sont désormais condamnées à disparaitre.

Il est facile de trouver des responsables à ce déclin. Surtout, n’accusons pas les responsables et les rédacteurs de ces médias, souvent bénévoles, qui croyaient à la portée de leur travail et ne ménageaient pas leurs forces pour atteindre cet objectif…

Il n’est pas suffisant non plus de s’en prendre à la révolution informatique capable de fournir sur le champ et en un tour de main des informations qui nécessiteraient une attention prolongée pour être lues sur du papier. Ne nous étonnons donc pas si les jeunes, familiers de ces techniques, ne se mobilisent pas pour assurer la survie de revues qui à leurs yeux ont dépassé la date de péremption.

«La disparition de nos revues catholiques obéit à une loi plus tragique.»

Demeurent les abonnés fidèles dont le nombre va s’effilochant au rythme des «irréparables outrages» du grand-âge et des décès qui s’en suivent. Privée de leurs apports financiers réguliers, la revue est condamnée à déposer son bilan. Elle aura tout de même répondu aux appels d’une ou deux générations. Elle peut donc quitter la scène avec dignité, consciente du devoir accompli.

Ceci dit, je ne me contente pas de cette oraison funèbre aux effets faciles et convenus. La disparition de nos revues catholiques obéit à une loi plus tragique.

Ces jours derniers, une thèse de doctorat a été défendue à l’Université de Lausanne consacrée aux «Itinéraires de militants d’origine chrétienne dans les années 68 en Suisse romande». La revue choisir est née dans cette foulée et l’auteur de ces lignes était à cette époque aumônier catholique à l’Université et à l’Ecole polytechnique de Lausanne. Il a vécu ce moment comme un réveil de la conscience chrétienne de centaines d’étudiants et de gymnasiens. Taizé et son célèbre «Concile des Jeunes» furent des éléments moteurs de ces événements. Sans parler du Concile qui se voulait une «mise à jour». D’autres jeunes s’y joignirent comme les Scouts et les adultes regroupés dans le mouvement «Vie Nouvelle». L’espérance et l’expérience œcuméniques étaient au zénith dans les célébrations dominicales d’Eglise en fête, dans ce qui était alors le Temple des Terreaux.

«Je ne veux pas céder au pessimisme nostalgique. Je crois à la force intérieure du grain qui meurt pour germer, mûrir et porter du fruit.»

Puis le charme fut rompu et la fête tomba comme un soufflé au fromage. Les «ci-devants» avaient sonné l’hallali pour ramener au bercail ces brebis égarées. Beaucoup de ces  «militants» déçus quittèrent le bateau sans dire mot. D’autres se laissèrent séduire par les perspectives économiques et financières des fameuses Trente Glorieuses qui miroitaient sous leurs yeux. Bref, la loi et l’ordre furent rétablis dans la société comme dans nos Eglises, délestées de leurs jeunesses embarrassantes, mais enthousiastes.

Certains persévérèrent tout de même et tentèrent de donner de la voix. choisir et d’autres magazines chrétiens se firent l’écho de leurs réflexions et propositions. Mais ils vieillirent sans laisser de descendance, citoyens d’un monde qui ne les lisaient plus.

Et maintenant? Je ne veux pas céder au pessimisme nostalgique. Je crois à la force intérieure du grain qui meurt pour germer, mûrir et porter du fruit.

Alors, «Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir?». Au conte de Barbe bleue, je préfère la parole encourageante de Jésus: «Levez les yeux et regardez: déjà les champs sont blancs pour la moisson» (Jean 4,35).

Serais-je donc devenu aveugle? Alors, ouvre mes yeux, Seigneur, aux merveilles de ton amour! A celles d’hier, à celles d’aujourd’hui et surtout à celles qui se profilent dans ton Eglise de demain.

Guy Musy

30 mars 2022

La revue culturelle «choisir» avait été lancée en 1959 | © choisir.ch
30 mars 2022 | 07:20
par Guy Musy
Temps de lecture: env. 3 min.
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