Thierry Collaud

Repérer émerveillés les traces de Dieu dans un monde imparfait

Crise écologique, inégalités économiques, crise des migrations, abus dans l’Église. Le monde dans lequel nous vivons est loin d’être parfait et pourrait être désespérant. Cependant les époques qui nous ont précédés ne l’étaient ni plus ni moins.

Que dire par exemple du XIIIe siècle de François d’Assise, un monde de guerres fratricides dans toute l’Europe, avec une Église cléricalisée quasiment en ruine et profondément déchirée. Où, dit avec les mots d’un chroniqueur de l’époque: «La foi chrétienne était très affaiblie par les grands et abominables péchés qui se faisaient à cette époque où le monde presque entier était plein de tyrans et de malandrins et où les hérésies s’étaient accumulées dans la chrétienté en grande quantité.»

Saint François pourtant, au soir de sa vie, malade, probablement aussi atteint par les dissensions qui n’ont pas épargné son ordre, chantait et faisait chanter le Cantique des créatures. «Loué sois-tu mon Seigneur, avec toutes tes créatures!». Sont ainsi convoqués le soleil, la lune et les étoiles, le vent, l’eau ou le feu ou la terre mère. Face à eux, représentant l’entier du monde créé, l’attitude franciscaine est fondamentalement celle de l’émerveillement. À la louange de François d’Assise fera écho quelques années plus tard la conviction de Bonaventure qu’il n’est pas possible de ne pas s’émerveiller devant la création: «Celui que toutes ces œuvres ne poussent pas à louer Dieu est un muet …».

«Il y a dans toute créature une ›beauté limitée’ à reconnaître»

Au-delà de l’émerveillement et de la joie qu’elles procurent, les créatures sont un élément indispensable du chemin de l’homme vers Dieu. Comme une œuvre porte en elle la «patte» de l’artiste qui l’a créée, la création porte en elle la trace de son Créateur. Sa beauté nous fait voir la beauté de Celui-ci. Comme en un miroir, elle nous fait remonter à Dieu afin de le connaître, de l’aimer et de le louer.

On pourrait admettre qu’une créature en sa beauté nous amène à Dieu. Mais qu’en est-il lorsqu’à nos yeux, elle perd cette beauté? Là encore, Saint Bonaventure nous interpelle sur notre rapport à l’imperfection des corps. En postulant la présence d’un vestige divin en toute créature, il nous incite, à mon sens, à poser ce regard émerveillé sur chaque chose indépendamment de son état. «Si peu d’être qu’elle ait», il y a dans toute créature une «beauté limitée» à reconnaître, à dé-couvrir et à attester parce ce qu’elle renvoie à la beauté sans limites du Créateur.

«Dieu est toujours présent et continuellement continue de créer (Ps 129,)»

Dieu n’a pas créé le monde un beau matin puis est passé à autre chose. Non, la création du monde ne s’arrête jamais. Dieu est toujours présent et continuellement continue de créer (Ps 129,). On parle en théologie de «création continue». Et celle-ci continuellement nous parle de ce potier qui ne cesse de la façonner (Jr 18,6).

Cette présence constamment agissante et créatrice de Dieu, elle se trouve aussi, dit le concile Vatican II, «chez tous les humains de bonne volonté dans le coeur desquels, invisiblement agit la grâce». Ne serait-ce pas là une clé de lecture pour nous faire comprendre la notion de synodalité? Il y a des traces de Dieu à l’œuvre en chacun et la démarche synodale a pour but de les repérer, de s’en émerveiller et de les mettre ensemble, pour composer l’image de l’humanité que Dieu veut, celle qui lui ressemble et qui a la forme du corps de son Christ.

Thierry Collaud

21 juin 2023

La création porte en elle la trace de son Créateur | © Gary Bendig/Unsplash
21 juin 2023 | 08:37
par Thierry Collaud
Temps de lecture: env. 2 min.
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