Schiner l’européen

Mathieu Schiner, «le cardinal de Sion», connu pour avoir «échoué» de peu à l’élection pontificale de 1522, était également à la tête des troupes confédérées à la bataille de Marignan. Le 13 septembre 1515, c’est sous ses ordres que les soldats helvètes se ruaient à l’assaut de François I^e, dans une bataille déterminante pour l’histoire suisse. L’historien jésuite Jean-Blaise Fellay dresse le portrait de cet homme d’Eglise influent.

L’Europe aujourd’hui peine à se construire, au 16^e siècle Mathieu Schiner s’y mouvait à l’aise. Né dans la vallée de Conches, il étudie à Côme en Italie. Devenu évêque puis cardinal, il est le bras droit du pape Jules II lors des guerres d’Italie, organisant des alliances entre les Impériaux, les Suisses, les Vénitiens et les Anglais contre le roi François Ier.

Prince d’Empire, il est conseiller de l’empereur Charles-Quint qu’il a contribué à faire élire. Proche d’Érasme, qui lui dédie deux commentaires d’Écriture, il a interdit la prédication des indulgences dans son diocèse. Il est compagnon d’armes de Zwingli, qui lui doit sa nomination comme curé de Zurich. Il regarde d’abord d’un bon œil les thèses de Luther en 1517 mais lorsqu’il prend conscience que, derrière la réforme de l’Église, c’est un schisme religieux et politique qui se dessine, il prend vigoureusement position contre lui. Car il est lui-même passionnément voué à l’unité de la chrétienté sous la double conduite du pape et de l’empereur, les deux mains de Dieu. Il les sert tous deux malgré leurs intérêts parfois divergents.

Il croit en l’Europe chrétienne et se méfie des politiques nationalistes du roi de France et des princes allemands. C’est sur les presses personnelles du cardinal de Sion qu’est imprimée la mise au ban de l’Empire de Martin Luther lors de la diète de Worms. Fin politique, Schiner avait compris que les conflits nationaux deviendraient plus aigus quand ils se feraient religieux. Les siècles suivants le démontreront de manière sanglante.

Jean-Blaise Fellay | 14.09.2015