Claude Ducarroz

Sémaphore œcuménique

Vous connaissez peut-être la plaisanterie -un peu bête, mais pas méchante- autour des feux de circulation qui bordent nos routes. Pour les Allemands, ils sont impératifs; pour les Français, ils sont indicatifs; pour les Italiens…décoratifs! Et pour les Suisses? me direz-vous. Eh! bien, ça dépend des cantons!

Et voilà -bizarre!- qui me fait penser à l’enjeu oecuménique du prochain Synode romain sur la synodalité comme chemin de «communion, de participation et de mission» dans notre Eglise. Comme jadis lors du Concile Vatican II (1962-1965), le pape actuel a invité des observateurs des autres Eglises chrétiennes pour ces assises réparties sur deux années. C’est dire que la dimension œcuménique est non seulement souhaitée, mais aussi pleinement assumée. Mais comment?

Si la présence de ces délégués est limitée à des échanges de type diplomatique, le feu rouge va dominer les débats. La forteresse catholique va se renforcer dans la conscience d’être la seule véritable Eglise du Christ. On peut aussi imaginer que les participants venus d’ailleurs puissent s’exprimer librement et soient écoutés et même entendus. C’est le feu orange des clignotants de l’espérance œcuménique. Il faudrait alors continuer le dialogue, aussi rapidement que possible et aussi lentement que nécessaire!

Et si l’on passait à une vitesse supérieure, celle qu’implore la prière de Jésus pour son Eglise «Que tous soient un afin que le monde croie!» (Jn 17,21). Ce serait un feu vert qui consonnerait parfaitement avec le thème même de ce synode. Car son dessein réformateur implique l’œcuménisme en son cœur vivant et vibrant.

«Pour progresser sur ce chemin d’une plus grande fidélité au message christique, nous avons besoin les uns des autres»

La synodalité, c’est s’enraciner tous ensemble dans l’unité essentielle telle que l’évangile la promet et la promeut, à savoir sur le modèle trinitaire, qui marie cette unité basique avec des diversités légitimes et même désirables.

Incontestablement, dans l’Eglise catholique, l’ADN de l’unité a dominé au cours de son histoire. Elle est servie surtout par le ministère de l’évêque de Rome «principe perpétuel et visible, et fondement de l’unité», comme le rappelle le concile Vatican II. (Lumen gentium no 23). Encore faut-il que le pôle de la diversité, en toutes ses richesses possibles, soit aussi honoré et favorisé.

Le centralisme romain n’a-t-il pas confondu parfois l’unité et l’uniformité? La redécouverte de la synodalité, qui inclut un certain respect des différences et un juste usage du principe de subsidiarité, ne fournit-elle pas une opportunité providentielle pour booster la réconciliation entre Eglises? Pas au détriment de l’unité théologale dans la foi au Christ, mais par l’accueil de nouveaux témoignages de la riche fécondité évangélique. On devrait la constater avec reconnaissance, que ce soit dans les expressions de cette foi, dans la beauté des spiritualités et liturgies, dans la variété des ministères, dans la mosaïque des implantations culturelles.

Pour progresser sur ce chemin d’une plus grande fidélité au message christique, nous avons besoin les uns des autres. C’est ce que le pape saint Jean Paul II avait compris quand, à propos de son office singulier, il invita humblement les autres Eglises à lui venir en aide pour que ce ministère puisse enfin être perçu comme un service d’amour universel. (Ut unum sint no 95).

Quelle image l’Eglise catholique donnera-t-elle d’elle-même à la fin du synode (2024)? Feu rouge à l’immobilisme du statu quo? Feu vert à la communion inclusive, en vue de la mission renouvelée dans notre monde, en tendant une main fraternelle aux autres Eglises?

Autant de grâces que nous pouvons nous préparer à recevoir de l’Esprit, en transformant nos ardents désirs en ferventes prières.

Claude Ducarroz

6 septembre 2023

Le synode sur la synodalité tendra-t-il une main fraternelle aux autres Eglises? | photo: la Fraternité oecuménique de Romainmôtier lors de la messe du pape à Genève (2018) © Raphaël Zbinden
6 septembre 2023 | 07:10
par Claude Ducarroz
Temps de lecture: env. 2 min.
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