Guy Musy

Vivre et mourir, avec ou sans Exit

Il s’est donc trouvé plus de 75% de votants valaisans pour autoriser Exit à exercer son art dans les EMS de leur canton. Non, je ne rêve pas. Cela ne s’est pas produit à Genève, à Bâle ou à Zurich, mais bien dans une région où il y a peu le vieux bon parti conservateur-catholique, modernisé en PDC, s’affichait sans complexe et donnait le ton à toute la vallée, depuis la source du Rhône jusqu’à son embouchure dans les eaux du Léman.

Et comme pour augmenter mon taux d’adrénaline, voici que j’apprends qu’une pétition émanant d’un groupe de libres penseurs de ce canton vient d’être lancée pour annuler la subvention allouée par les autorités en faveur de la réfection de la caserne de la Garde suisse du pape.

Sans aucun doute, je suis décalé de la politique valaisanne et demeure enfermé dans mes préjugés vieillots et périmés. J’accepte volontiers cette critique, mais qu’à moitié. On peut reprocher au Genevois que je suis devenu de n’avoir rien compris aux mutations sociales et politiques de mes confédérés valaisans. Je refuse toutefois d’être traité de rétrograde quand je prétends qu’un malade, même moribond, garde sa «dignité humaine». Non que je veuille exalter la souffrance. J’encourage plutôt ceux et celles qui la côtoient à la diminuer et même à la faire disparaître. Sans pour autant supprimer le malade qui en est affecté ou contribuer à cet acte mortifère.

J’imagine même qu’un sentiment de réelle compassion peut conduire à envisager ou à conseiller cette solution extrême. Je me garderai bien de juger les personnes qui acceptent ce processus ou qui décident d’y entrer. C’est la «solution» proposée qui me fait problème, même si je comprends les circonstances douloureuses qui peuvent conduire à l’envisager.

«Les pensionnaires des EMS pourraient-ils faire encore confiance au personnel médical qui a pourtant reçu mission de veiller sur leur santé?»

Car le cœur humain est complexe. Des sentiments peu avouables peuvent se glisser dans ses meilleures motivations. Ainsi, voir souffrir un proche peut sembler insoutenable. De même qu’offrir (?) à ceux qu’on aime le triste spectacle de sa dégradation physique.

Mais il y a plus grave. Le malade incurable peut devenir une lourde charge pour les siens et même un poids financier pour les services médico-sociaux déjà déficitaires. A quoi bon dès lors se fatiguer à le faire survivre puisque de toute façon il va vers sa fin?

Dans un univers où Exit tend à devenir la règle, comment éviter que la personne âgée ne cède à la pression sociale qui chuchote derrière son dos que le temps est venu pour elle d’abréger le cours de son existence? Le fait de vivre encore pourrait faire naître en elle un sentiment de culpabilité dont seule la mort peut l’en libérer. J’imagine enfin les incitations sournoises qui pourraient s’exercer sur les pensionnaires des EMS. Pourraient-ils faire encore confiance au personnel médical qui a pourtant reçu mission de veiller sur leur santé?

Je ne suis pas né au temps des dinosaures, mais je me souviens d’une photo présentant Mgr von Galen, évêque de Münster, au temps de l’Allemagne nazie. Le prélat revêtu de ses ornements pontificaux, dénonçait sur une place publique l’extermination des infirmes, des handicapés et des malades mentaux, autant de «bons à rien» budgétivores selon le régime hitlérien. Il n’est pas nécessaire aujourd’hui de disposer d’une loi eugénique pour en arriver là. L’opinion publique, qui désormais tient lieu de loi, peut sécréter ce genre de venin. A petites doses, bien entendu.

Radotages de vieux que ce discours ringard? Pensez ce que vous voudrez. Je sais bien que «comparaison n’est pas raison». Mais j’estime qu’il est urgent que nous réapprenions à marcher. La tête bien droite sur nos épaules.

Guy Musy

7 décembre 2022

«Dans un univers où le suicide assisté tend à devenir la règle, comment éviter que la personne âgée ne cède à la pression sociale qui chuchote derrière son dos que le temps est venu pour elle d’abréger le cours de son existence?» (Guy Musy) | © Bret Kavanaugh/ Unsplash
7 décembre 2022 | 07:13
par Guy Musy
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