Un sarment de vigne sur un chapiteau de la cathédrale de Bagrati, à Kutaissi, en Géorgie | © Maurice Page
Homélie

Homélie du 28 avril 2024 (Jn 15, 1-8)

Abbé Boniface Bucyana – Eglise Saint-Joseph, Lausanne, VD

« Demeurez en moi … »

Après nous avoir révélé et rappelé qu’Il est le pain de la vie, les dimanches précédents, le Christ ressuscité semble nous supplier : « Demeurez en moi, comme moi en vous ».

1- Quand on se coupe du Seigneur et quand on coupe Dieu de ses enfants, on lui fait un coup d’état en lui volant son pouvoir sur les nations, fondé sur l’amour fidèle, et le remplacer par la dictature de l’homme contre Dieu et contre l’homme. On viole ainsi le droit de Dieu, celui d’aimer tous et chacun. C’est le règne de l’injustice, du mensonge, de la corruption, du vol et de la violence. Et moi, est-ce que je vis pour lui, est-ce mes enfants et petits-enfants sont préparés à le servir. Le Psaume 21 vient nous rappeler que c’est Dieu qui reste source de la vie, la vraie et de la joie véritable.

2- Le coup de maître de Damas sur Saul n’aurait suffi s’il n’avait été suivi d’une foi engagée et durable. La puissance de l’amour de Dieu s’est déployée pour Saul sur la route de la criminalité et de la persécution pour la transformer en un chemin du salut. En confessant le Christ, il devient l’instrument non plus de mort, mais du salut de toute l’Eglise. Il a demeuré comme tel jusqu’à offrir sa vie comme témoignage de sa fidélité. C’est ce que nous ont rappelé les Actes des apôtres où l’amour de Dieu a triomphé de la terreur et de la mort pour l’Eglise naissante pour offrir la paix, par l’Esprit Saint.

Dieu est plus grand que notre coeur…


3- Le commandement de tous les défis (1Jn3,18-24) : mettre notre foi dans le nom de Jésus Christ et nous aimer les uns les autres.
Cela veut dire que la foi en lui doit nous pousser à invoquer son nom avec une confiance totale et agir en son nom, suivant son exemple d’amour qui n’exclut personne, même pas les pécheurs. Dieu est plus grand notre cœur et pourtant il accepte d’entrer dans notre cœur pour le purifier et le remplir de son amour.

4- Demeurer en lui pour vivre en communion avec lui.
S’attacher à lui n’est pas un exploit momentané ou un élan affectif, jailli de la sympathie sentimentale. Il s’agit d’un lien durable, un attachement vital à l’exemple du sarment sur la vigne. Le « Demeurez en moi » que le Christ attend n’est pas un bricolage individuel. On ne peut demeurer en lui comme bon nous semble, mais comme lui en vous, en nous. Ce lien résulte de son offrande pour être en nous et y demeurer. Et quand nous l’accueillons, nous nous offrons en retour à lui. C’est ce que nous appelons la communion. Et quand cette communion demeure, grâce à l’Esprit du Christ, nous pouvons produire des fruits et des fruits de toutes les saisons, permanents et nourrissants. Nous accueillons donc le Christ par la foi et en acceptant son commandement comme l’a rappelé la première lettre de saint Jean : nous aimer les uns les autres, en paroles et en vérité.

L’amour, fruit de la communion avec le Christ


L’amour ne se contente pas de déclarations à tue-tête, de berceuses enivrantes, de sérénades dans toutes les langues, mais par des gestes et des paroles vraies, dans la durée et sous tous les temps. Le fruit de la communion avec le Christ est cet amour. D’autres fruits qui vont avec, tels que le respect, la justice, la fraternité, le pardon, la compassion, la bienveillance, la paix, la joie, l’humanité sont attendus.
Mais comment demeurer, avec notre société devenue allergique au durable, plus encline au jetable et au provisoire, plus ballotée par le virtuel et l’artificiel ! L’obsolescence est omniprésente et déstabilisante. Comment demeurer dans l’amour dans notre monde où toute relation est relativisée, où tout effort et persévérance est vue comme une corvée ! Comment demeurer dans l’amour quand on est plus collé aux écrans, plus présent à son smartphone qu’à son conjoint, qu’à son enfant ! Comment demeurer dans notre univers traversé par des vents contraires où la confusion révèle l’absence de repères et le rejet des valeurs spirituelles ! Comment demeurer quand on ne contrôle rien, quand on ne peut pas se projeter dans un futur proche. C’est traumatisant, surtout pour les jeunes !

Le Christ nous précède et nous accompagne


Et pourtant le Christ insiste pour que nous demeurions dans son amour. Il nous indique à nouveau qu’il est la source de l’amour qui se communique à chacun et tous, comme la sève, de l’intérieur, cœur à cœur, pour nous faire vivre et produire des fruits dignes de lui. Si nous nous coupons de lui, nous ne sommes plus arrosés, nous sommes asséchés, sans vie et sans rien faire de bon. Le commandement d’aimer comme lui exige que nous l’assumions comme une mission de confiance malgré nos faiblesses, mais quand il nous envoie il nous précède et nous accompagne pour demeurer en nous et nous en lui, grâce à son Esprit.

Pour conclure, le Christ invite tout le monde à croire en lui pour avoir la vie. La foi en lui n’est pas un acte isolé, ponctuel. Elle est appelée à demeurer, à durer dans le temps et l’espace, à être persévérante dans la fidélité et s’incarner dans un engagement fructueux.
Et le « demeurez en moi » que requiert Jésus Christ n’est pas une invention du croyant, un coup de maître, fruit de son ingéniosité, ni une attitude dictée par son bon vouloir ou ses caprices. Il doit demeurer en Jésus Christ comme Celui-ci demeure en lui.
Ce lien réciproque est vital pour le fidèle, plus fort que l’attachement du sarment au cep, à la vigne. C’est une communion intime qui communique la vie éternelle. Elle permet l’échange entre l’humain et le divin. Elle produit des fruits qui ne se gâtent pas au moindre coup de vent. Lesdits fruits demeurent intacts, donc nourrissants, tant que la communion perdure jusqu’à être une alliance éternelle comme nous le célébrons à chaque messe. Ces fruits traduits et soutenus par l’amour de Dieu et du prochain. C’est le commandement que le Christ lui-même a suivi comme envoyé du Père. Il demeure en communion avec son Père et le Saint Esprit qu’il donne à tous ceux qui croient en lui.
Puissions, à notre tour supplier le Christ, « demeure en nous pour que nous demeurions en toi et produire de bons fruits vivifiants. » Amen.

5e Dimanche de Pâques
Lectures bibliques : Actes 9, 26-31 ; Psaume 21 ; 1 Jean 3, 18-24 ; Jean 15, 1-8

Un sarment de vigne sur un chapiteau de la cathédrale de Bagrati, à Kutaissi, en Géorgie | © Maurice Page
28 avril 2024 | 09:35
Temps de lecture: env. 4 min.
Partagez!

plus d'articles de la catégorie «Homélie»