Homélie du 9 août 2020 (Mt 14, 22-33)

Chne Frédéric Gaillard – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

« Confiance, c’est moi, n’ayez plus peur ! »

Chers sœurs et frères ici présents dans cette église de l’Hospice du Grand-Saint-Bernard, chers sœurs et frères en communion avec nous par la magie des ondes d’Espace 2, vous êtes peut-être à l’hôpital, en prison, à la maison, sur la route ou au travail. Jésus nous donne un beau cadeau au cœur de sa Bonne Nouvelle d’aujourd’hui. « Confiance, c’est moi, n’ayez plus peur ! »

Cette Parole donnée aux disciples il y a bientôt 2000 ans est pour aujourd’hui à tous ces “suiveurs de Jésus” qui sont en pleine tempête. Oui, l’appel à la confiance du Christ s’adressait à des hommes déboussolés, pleins de peur (…) qui se sentent perdus, “foutus”. Ils sont dans une barque qui symbolise l’Eglise et ils pensent que leur dernière heure est arrivée ! Jésus n’y est pas encore présent physiquement et les disciples ressentent vraiment l’absence du Maître.

Invités à croire

            Mais ce mot “confiance” vient affermir Pierre dans sa foi. Cet appel de Jésus veut inviter tous ses disciples à croire, croire à quoi ? à des objets ? à des forces magiques, à des idées ?… Non. Croire en quelqu’un : « Confiance, c’est Moi. » Cela veut dire que je peux me fier à Jésus comme l’alpiniste peut se fier au rocher, à telle ou telle prise. L’expression “C’est Moi” dans le langage biblique rappelle le nom de Dieu révélé à Moïse : “Yahvé”, c’est-à-dire : “Je suis qui je serai” ou encore : “Je suis Celui qui est” par opposition aux faux dieux qui ne sont pas ! Comment ne pas se souvenir dans nos moments de tempête – alors que tout va de travers, alors que l’Eglise a l’impression de vivre la pire de toutes ses crises, sa plus grosse tempête – rappelons-nous que Jésus nous dit aujourd’hui : « Confiance, c’est moi. » Ou encore avec d’autres mots comme à la fin de l’Evangile selon saint Matthieu : « Et moi, je suis avec vous jusqu’à la fin des temps. »

Porter le regard vers le sommet

            « N’ayez plus peur ! » En face d’un événement, nous pouvons voir tout de suite la plus grande catastrophe… qui va jusqu’à ne plus voir d’issue, plus voir de solution. Pierre commence à marcher sur les eaux parce qu’il fait confiance à Jésus, à sa Parole. Il a pleine confiance jusqu’à ce qu’il n’a plus Jésus comme point de mire, comme attraction. Alors, il est comme obnubilé par la tempête, par ce qui ne va pas : “Voyant la force du vent, il eut peur.” Quand quelqu’un est en pleine tempête, j’entends souvent dire : « Je n’ai jamais vécu quelque chose d’aussi difficile, d’aussi dur ! » Il ne voit que le mal, que l’insurmontable, que le négatif ! De même la personne pouvant être attirée par le vide ne doit pas regarder vers le vide, vers le néant, … mais porter son regard vers le sommet à gravir, vers le sommet qui est le Christ.

            Comme Pierre commençait à enfoncer, il cria vers Jésus : « Seigneur, Sauve-moi ! » Ces cris du pauvre sont nombreux dans les Psaumes et même dans l’ensemble de la Bible et ces cris sont suivis de la réponse de Dieu. Mais la réponse de Dieu est souvent déroutante ; regardez, par exemple, les choix de Dieu dans les appels de l’Ancien et du Nouveau Testament. Je n’en prends que quelques-uns, car il y en a beaucoup : choix d’Israël comme peuple ; il est petit et prêt à être exterminé. Par exemple du temps de Moïse, le choix de Moïse qui dit ne pas savoir parler… au lieu de prendre son frère Aaron, le lévite qui sait parler,… un “bon parleur”, le choix d’Esther alors que le Peuple d’Israël est tout prêt d’être exterminé. Il y a également le choix de David, le petit dernier de Jessé… et qui vaincra le géant Goliath. Il y a l’appel de Samuel et de Jérémie qui ne sont encore que des enfants lors de leur première mission… Dans le Nouveau Testament, le choix des premiers Apôtres qui sont de simples pêcheurs, saint Paul, persécuteur des premiers chrétiens… la liste est longue, alors je m’arrête là !

            Qui a la plus grande place dans la Bible ? C’est le petit, le pauvre, la veuve, l’orphelin… l’humble ! Jésus n’a-t-il pas rappelé une vérité déjà bien présente dans l’Ancien Testament par cette phrase : « Tout ce que vous avez fait à l’un de ces petits qui sont les miens, c’est à moi que vous l’avez fait. »

L’humble présence

            Rappelons-nous la première lecture tirée du premier Livre des Rois : « La présence de Dieu manifestée dans le murmure d’une brise légère. »

            Oui, la réponse de Dieu dans la tempête, c’est son humble présence. Saint Paul le dira aussi dans sa lettre aux Romains : « Soyez bien d’accord entre vous : n’ayez pas le goût des grandeurs, mais laissez-vous attirer par ce qui est simple. » (12, 16) Ou encore dans sa seconde lettre aux Corinthiens : « Quand je suis faible, c’est alors que je suis fort. » (II Co 12, 10) Saint Augustin dira aussi : « Si vous me demandez quelles sont les voies de Dieu, je vous dirai : la première, c’est l’humilité, la deuxième, c’est l’humilité et la troisième, c’est l’humilité. »

19e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : 1 Rois 19, 9a.11-13a; Psaume 84, 9ab.10, 11-12, 13-14; Romains 9, 1-5; Matthieu 14, 22-33

Homélie du 2 août 2020 (Mt 14, 13-21)

Chne Jean-Pierre Voutaz – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

Chers frères et soeurs,

La liturgie de ce jour nous invite à descendre au plus profond de notre cœur. Le prophète Isaie (Is 55) interpelle notre liberté : « Vous tous qui avez soif ». La manière de faire de Dieu, c’est de s’adresser à un égal : si tu as soif, viens, on entre en communication. Si tu n’as pas soif, je t’invite aussi, mais je t’avertis à l’avance que tu seras comblé à la mesure de ton désir. Dieu nous fait confiance, il s’adresse à nous d’égal à égal. Est-ce que nous en saisissons la mesure ?

1. Dieu prend soin de nous (Is 55)

Dieu y va, il se manifeste, il prend soin de nous. « Venez, voici de l’eau ». Nous sommes avec le peuple d’Israël, habitué aux traversées de déserts dans son histoire et dans sa vie. L’eau, c’est le bonheur, c’est la vie qui peut se manifester. Lorsque Dieu dit : Venez, voici de l’eau, le désir s’aiguise, l’homme s’approche. Dieu est présenté comme un bon papa, qui prend soin de nous. La lecture continue, voici du vin et du lait. Dieu est vigneron, il a planté la vigne, l’a travaillée, depuis plusieurs années, trois ans avant la première récolte, puis une année d’élevage du vin à la cave. Voici du vin signifie je t’aime, je prends soin de toi depuis longtemps et je me manifeste à toi. Voici du lait : je travaille au quotidien pour m’occuper des troupeaux. C’est du lait frais, il n’est pas en conserve ni en poudre. C’est ta nourriture d’aujourd’hui : que tu vives. Voici de bons plats de viandes savoureuses, tout est prêt pour toi. Je prends soin de toi, je prends soin de ta vie. Dieu prend soin de moi.

2.Toi, prends soin de te frères et sœurs

Jésus, en Matthieu 14, dit à ses amis, à ses apôtres, à ses disciples : « Donnez-leur vous-même à manger ». Autrement dit, ce que j’ai expérimenté avec Dieu – Dieu prend soin de moi en me disant voici de l’eau – je suis invité à le transmettre à mes semblables. Dieu me dit tourne-toi vers tes frères et sœurs et fais comme moi : Toi, prends soin de tes frères et sœurs. Jésus est saisi de compassion envers l’humanité. Que fait-il en voyant l’humanité qui peine ? Il vient les restaurer, dans les deux sens du terme (guérir et nourrir).

Il restaure en guérissant les malades. Nous connaissons des personnes qui ont été malades ou qui le sont, du coronavirus…. Nous connaissons des personnes qui souffrent de solitude, de confinement, des personnes qui souffrent depuis longtemps de maladie. Et le Seigneur nous dit : sois comme moi, saisi de compassion. Donnez-leur vous-même à manger. Prends-les dans ton cœur, prends-les vers moi dans l’eucharistie. Aujourd’hui nous prenons toutes ces personnes et nous disons à Jésus : Je te les donne. Seigneur, viens, viens les saisir, viens les restaurer, donne leur guérison, soutien. Donne-leur cette nourriture, cette vie à laquelle elles aspirent.

Donnez-leur vous-mêmes à manger. Nous sommes démunis, comme dans l’évangile. Nous n’avons presque rien, quelques pains et quelques poissons pour 5’000 hommes sans compter les femmes et les enfants. Comment est-ce que je vais faire ? Le Seigneur ne va pas répondre à cette question, mais il dit laisse ton cœur être saisi, comme avec ces gospels, ces chants des méprisés dont on a ravi la dignité et qui du plus profond de leur être se mettent à chanter, à faire des prodiges, à révéler la beauté de l’humanité.

Quand le Christ nous dit : donnez-leur vous-mêmes à manger, il nous dit : tourne-toi vers ton frère, vers ta sœur, donne-lui un regard d’amour. Souvent, dans les médias, ces dernières années, des personnes ont été dénoncées dans l’Eglise, à juste titre, pour avoir commis des actions mauvaises. Et le Seigneur nous dit – et c’est valable dans chacune de nos familles – tourne-toi vers tes frères et sœurs, donne-leur à manger. Révèle-leur leur dignité, donne-leur un avenir. C’est impressionnant. Comme le Seigneur nous dit : comme moi je te donne de l’eau, je te relève, toi, découvre que tu es faible et pauvre. Découvre que tu es démuni. Et ce n’est pas un inconvénient. Toi, révèle à tes frères et sœurs leur dignité.

3. Prendre soin du passant. La coupe de saint Bernard (11e siècle, en bois)

Prendre soin. Dieu prend soin de moi, le Christ m’envoie prendre soin de mes frères et sœurs. Dans cette maison, j’ai sorti ce matin un objet du trésor, le plus ancien. C’est une coupe en bois de 9 cm de hauteur et de 35 cm de diamètre, contenant une cuillère du 14e siècle en argent. C’est un plat, qui se situe entre la soupière, le plat à salade et la coupe de fruits, un des premiers plats en usage dans cette maison dans les années 1050. A cette époque, saint Bernard était confronté à des frères et sœurs qui mouraient en montagne. Il a fondé cette maison, cet hospice. Il y a apporté ce plat, cette écuelle pour dire : toi, mon frère, ma sœur, je prends soin de toi. Sois un vivant. Mange. Bois. Repart chez toi restauré. Le diacre dépose cette coupe vide sur l’autel, en y mettant vos noms, vos pensées, les personnes que vous avez dans votre cœur, pour dire au Seigneur prends soin de cette humanité, Viens restaurer mes frères et sœurs.

Saint Paul, dans l’épître aux Romains (Rm 8), nous dit que rien ne peut te séparer de l’amour de Jésus, la détresse, l’angoisse… toutes choses qui semblent être des entraves. Rien n’empêche Dieu de prendre soin de toi. Autrement dit, tu as une responsabilité aujourd’hui, prends soin de tes frères et sœurs. Amen.

18e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : Isaïe 55, 1-3; Psaume 144, 8-9, 15-16, 17-18; Romains 8, 35.37-39; Matthieu 14, 13-21