Homélie du 19 juillet 2020 (Mt 13, 24-43)

Chne Jean-Michel Lonfat – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

Celui qui a des oreilles qu’il entende…! Les paraboles employées en ce jour nous invitent à entendre certes, mais aussi à voir. L’ouïe et la vue ne sont-ils pas deux sens extrêmement importants pour notre vie?

A l’époque du Christ, l’enseignement se fait d’une manière orale. Et cet enseignement est soutenu par les images de la nature, image vivante souvent.

Jésus nous parle de Dieu il nous parle du Royaume, de lui-même et surtout de notre vie et de notre relation avec Dieu. Pour lui c’est capital. Il est Fils de Dieu il sait que sont Père veut notre bien. Il veut nous faire comprendre et expérimenter la vie de Dieu dans notre existence.

Cette vie de Dieu n’est pas uniquement à l’extérieur de nous-même dans le ciel où je ne sais où! Non elle est en nous, elle fait partie de notre propre vie. Les paraboles nous apprennent cela. Et plus particulièrement celles de ce jour. Il y en a trois. Et les trois nous disent combien Dieu est proche de nous, en nous, et qu’il peut avec nous faire des choses magnifiques.

Dieu est un partenaire fiable

Le Royaume de Dieu est à la fois là, présent et il est surtout en croissance et il est aussi à venir. La collaboration ou même l’alliance sont indispensables pour que nous puissions avancer, croître. Dieu est un partenaire fiable il veut notre bien et notre prospérité il désire qu’avec lui nous bâtissions le Royaume. Les images proposées aujourd’hui nous signifient sa grandeur de cœur et notre petitesse à grandir avec LUI.

Oui sa grandeur de cœur et sa patience envers nos difficultés humaines nos lourdeurs, nos péchés. Quelle délicatesse pour nous que ce Dieu si grand et si puissant soit si proche si aimant si humain. Notre vie a un tel prix à ses yeux qu’il est constamment à nos côtés et qu’il se sert même de nous pour faire grandir l’humanité.

La parabole de la graine de moutarde et celle du levain dans la pâte nous le montre bien. Il y a comme une immense disparité entre ce qui est petit et ce qui est grand, entre ce qui est caché et ce qui est mis au grand jour et tout cela dans un processus de développement, de croissance d’évolution vers une finitude. Nous touchons là à la réalité du Royaume, il est en transformation permanente. Notre existence est ainsi en perpétuel mouvement et croissance.

Dans la montagne, lieu de l’alliance

Et Dieu comme un athlète de haut niveau va s’adapter à notre train de vie il va jusqu’à nous être semblable, petit, humble, mais ô combien lumineux et aimant. Lorsque nous marchons dans la montagne, nous expérimentons un peu cette grandeur de Dieu et celle de l’homme capable avec toute sa pauvreté de gravir le sommet et de grandir en lui-même.

Dans la marche tout cela compte, tout participe d’une certaine manière à l’avancement à la croissance dans une approche petit à petit du but, du sommet. La montagne est ainsi le lieu de l’alliance, lieu de la prière, lieu de désert intérieur lieu de la révélation.

Pour mieux et bien savourer le but ou la réussite, pour goûter à la joie et au plaisir final il semble indispensable de passer ou de prendre aussi en compte les moments plus difficiles de nos vies, les échecs, les souffrances endurées. Faut-il parler d’enfouissement, de mort à soi-même comme la semence pour que grandisse la plante ? Les paraboles de la semence et ce thème de la croissance nous y invitent certainement.

Avec les paraboles de ce jour frères et sœurs, nous pouvons percevoir que le Royaume de Dieu est effectivement comparable à quelque chose ou quelqu’un dans un premier temps de petit qui doit se donner totalement, s’enfouir, mourir, pour faire grandir un ensemble.

Le Royaume de Dieu n’est donc pas un lieu en dehors du monde en dehors de l’homme en dehors de tout. Il est la proximité même de Dieu, il est l’être même de Dieu, il est aussi, par ma vie et ma personne, le lieu de la révélation divine d’une certaine manière. Il est surtout un état une manière d’être qui fait que quelque chose à l’intérieur de moi-même et au cœur de la communauté se construit, grandit, se transforme se développe s’ouvre et rayonne pour le bien de tous.

Oui que celui qui a des oreilles entende!

16e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques:
Sagesse 12, 13.16-19; Psaume 85 (86), 5-6, 9ab.10, 15-16ab; Romains 8, 26-27; Matthieu 13, 24-43

Homélie du 12 juillet 2020 (Mt 13, 1-9)

Mgr Jean Scarcella – Abbaye de Saint-Maurice, VS

Mes sœurs, mes frères,

Quand on parle d’un homme de terrain on a vite tendance à le considérer comme plus utile à la collectivité que quelqu’un perdu derrière un bureau occupé à ses paperasses. Ainsi on va reprocher à une catégorie de prêtres d’être des administrateurs et non des hommes de terrain, même chose pour certains papes qui ”voyagent trop”, dit-on encore… Alors posons-nous la question : en tant que chrétien, quel homme de terrain être ?

Regardons tout d’abord Jésus de Nazareth, ce juif qui a parcouru les routes à pied et à dos d’âne. Regardons-le et écoutons-le. Assurément il est un homme de terrain, mais ça veut dire quoi pour nous ? Quelqu’un qui se promène toute la journée, portant la Bonne Nouvelle aux quatre coins des cités et des pays ? Peut-être, mais est-ce suffisant ? Est-il facilement écouté quand il nous aborde dans la rue, au café ou ailleurs ; et puis est-ce qu’on se rend facilement à l’église pour l’entendre ? Que faut-il à cet homme de terrain que je dois être pour être accrocheur comme Jésus l’était ?

Les paraboles : des récits imagés

Jésus parle à ses contemporains, qui sont des gens de la terre, avec des paraboles, c’est-à-dire avec des récits imagés. Des récits qui utilisent des images du quotidien du peuple, des images qui peuvent favoriser la rencontre entre les personnes. Aujourd’hui, plus que jamais nous employons l’image ; combien nos paraboles passent-elles par la vidéo, internet et les réseaux sociaux : on rencontre l’entier de la planète en un clic… Pourtant ce n’est pas encore ça être dans le terrain. Comment faire alors ? Regardons Jésus.

En fait Jésus n’est pas seulement un homme de terrain, il est lui-même le terrain. Et c’est en cela que nous avons à réfléchir pour savoir comment faire pour l’imiter, afin de comprendre comment devenir nous aussi de bons terrains. Si je me pose cette question, c’est parce que c’est sur le terrain qu’est accueilli l’accueil, qu’on rencontre la rencontre. Ainsi faut-il se faire terrain fertile de la foi de l’autre, de la recherche de l’autre, de sa révolte et de ses questions multiples, de sa souffrance aussi.

Des terrains fertiles pour les autres

Alors, à la lecture de l’Évangile d’aujourd’hui, demandons-nous auquel des quatre terrains évoqués par Jésus nous appartenons. Sommes-nous, chacun d’entre nous, non seulement des hommes de terrain, mais aussi de bons terrains, fertiles pour les autres, afin de produire trente, soixante ou cent pour un ? Car là est la pointe de cette parabole du semeur sorti pour semer : le rendement inouï de la récolte. Ainsi l’initiative divine renvoie les destinataires de la parabole à leurs propres responsabilités d’être des terrains qui ”permettent à la prodigalité du semeur la réponse d’une semence étonnamment féconde”.

Oui, frères et sœurs, le semeur ne cesse de sortir pour semer ; le grain de la parole est répandu sans compter et il tombe partout, au risque de se perdre. Par sa Parole faite homme et par son Esprit, Dieu continue d’agir dans le monde. Alors demandons-nous sincèrement de quel terrain nous sommes faits : n’hésitons pas de vérifier la qualité de notre accueil de la Parole.

Sommes-nous simple chemin ? C’est déjà très bien, car ainsi nous pouvons aider les autres à suivre le chemin tracé par Jésus. De ce fait on peut être des parents soucieux de l’éducation religieuse de l’enfant, demander pour lui le baptême et l’ouvrir à l’amour. Oui, tout cela est très bien, mais il convient dans ce cas-là d’exercer la vie chrétienne en famille, par la prière, le suivi de la catéchèse, la pratique dominicale. Car sans cela, oui les grains tomberont sur un terrain, mais plutôt celui de la bonne conscience d’avoir fait ce qu’il fallait, mais sans le vivre, et les grains ne vont que très péniblement donner du fruit. Et combien sommes-nous, prêtres, catéchistes, parents engagés à nous rendre compte du désert spirituel qu’il y a dans le cœur de tant d’enfants… qui pourtant ont tout reçu, comme on aime à dire ! Mais nous le savons maintenant, il ne suffit pas de semer, il faut préparer un bon terrain d’accueil pour pouvoir recevoir et s’engager à son tour.

Le sol pierreux où la semence germe pour aussitôt être brûlée par le soleil, c’est le terrain qui, ayant accueilli la parole avec joie, succombe dès que survient une détresse ou une difficulté. L’épreuve de la maladie ou de la souffrance, par exemple. Pour quoi dès lors souvent en donner à Dieu la responsabilité et oublier que nous pouvons être un terrain fertile où notre foi fécondera la souffrance ?

Les ronces, quant à elles, sont pour une grande part le souci du monde et la séduction de la richesse et du pouvoir qui étouffent la parole. Comme il est difficile parfois de ne pas être de ce terrain-là ; comme il est difficile de témoigner de sa foi dans certaines couches de la société ou certaines administrations : étouffer sa foi pour éviter une faillite financière ou un simple qu’en-dira-t-on, c’est très facile à faire. Alors comment réagir pour être terrain fécond dans ces milieux qui peuvent être hostiles, sinon en restant reliés au Seigneur et Maître de toutes les richesses par la prière ; ainsi nous pourrons plus facilement vivre debout dans ces milieux qui trop souvent écrasent et étouffent les faibles.

Enfin, c’est dans la bonne terre que la semence aura sa vraie force de fructification ; le semeur est infatigable, la semence irrésistible ! Car c’est en écoutant la Parole que nous devenons cette bonne terre en coopérant – comme dit un auteur, et je conclurai par là – : « en coopérant à nous laisser ensemencer profond pour qu’il y ait racines et récolte. Les terrains peuvent être défectueux, les témoins découragés, la parole qui sort de la bouche de Dieu ne lui revient pas sans résultat. C’est la parole qui travaille, que le cultivateur veille ou sommeille. C’est la parole qui transforme le terrain pour en tirer la meilleure part.

Mission accomplie. Moisson assurée. »

15e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques:
Isaïe 55, 10-11; Psaume 64, 10abcd, 10e-11, 12-13, 14; Romains 8, 18-23; Matthieu 13, 1-9