
Homélie du 19 avril 2020 (Jn 20, 19-31)
Mgr Charles Morerod – Église St-Maurice, Ursy, FR
On voit l’acte de foi de l’apôtre Thomas: alors qu’il doutait, Jésus l’invite à toucher. On ne sait pas s’il touche, mais sa réaction consiste à dire « mon Seigneur et mon Dieu! » Chaque fois que je pense à ce texte je me rappelle, et certains d’entre vous m’ont déjà entendu le dire récemment, comment saint Thomas d’Aquin citant saint Grégoire le Grand commente cette déclaration de l’apôtre Thomas: voyant Jésus ressuscité : Thomas voit une chose et il en dit une autre. Ce qu’il voit c’est un homme vivant dont il pensait qu’il était mort. Il y avait bien des moyens de réagir à cela. Dire « mon Seigneur et mon Dieu » c’est avoir la foi : cet homme ressuscité est Dieu !
Qu’est-ce que ça change pour moi que le Christ soit ressuscité ?
Cette résurrection du corps, celle de Jésus et la nôtre à sa suite, c’est vraiment le cœur de la foi chrétienne. Comme le dit S. Paul, « Si les morts ne ressuscitent pas, mangeons et buvons, car demain nous mourrons » (1 Corinthiens 15,32). Nietzsche ironisait en disant qu’on ne voyait pas la résurrection sur le visage des chrétiens. Il y a quelque chose dans cette remarque… Posons-nous la question: qu’est-ce que ça change pour moi que le Christ soit ressuscité ? On peut y répondre à l’aide de quelques exemples.
Méditer sur la mort et la résurrection
On trouve des exemples dans les lectures bibliques de cette messe. Saint Pierre, dans la deuxième lecture, nous dit d’une part « même s’il faut que vous soyez affligés pour un peu de temps encore par toutes sortes d’épreuves », d’autre part « vous exultez d’une joie inexprimable remplie de gloire car vous allez obtenir le salut des âmes qui est l’aboutissement de votre foi ». Nous pouvons exulter d’une joie inexprimable ! Le temps de Pâques est bien l’occasion d’y songer, mais le temps d’épidémie nous pousse aussi à méditer sur la mort et la résurrection. Ce n’est pas la même chose de vivre sa vie tout entière, plus particulièrement des moments où on pense au risque de mourir bientôt, en croyant ou en ne croyant pas à la résurrection. Je sais que dans une visite à une paroisse de Rome, le pape a répondu à des questions, notamment à celle d’une jeune fille qui lui a dit : « Je suis revenue à la foi, mais toute ma famille se moque de moi. Qu’est-ce que je peux leur répondre ? » Le pape lui a répondu : « Laisse-les voir la joie de ta foi ! »
Dieu agit. Laissons-le agir !
La première lecture nous montre d’une autre manière comment la foi a un impact sur la vie. On a un texte qui semble presque une forme d’utopie: « Tous les croyants vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun ; ils vendaient leurs biens et leurs possessions, et ils en partageaient le produit entre tous en fonction des besoins de chacun ». Utopie? Disons que sans des buts élevés on ne va pas loin… Et qu’il ne faut pas limiter les possibilités de la vie chrétienne à nos propres forces : Dieu agit. Laissons-le agir !
En tout cas c’est le principe de vie des communautés religieuses : mettre les biens en commun et évidemment aussi ce qui suit dans le texte des Actes des Apôtres : fréquenter le temple, rompre le pain dans les maisons (ce qui inclut la célébration de la messe), aussi prendre le repas avec allégresse et simplicité du cœur : c’est possible, puisque ça existe, vraiment, même si pas parfaitement, et j’en suis témoin ! Certaines familles confinées font maintenant la même expérience, y compris dans la prière commune. Et combien d’exemples de personnes à qui la foi en la résurrection a permis de joyeusement donner leur vie pour que d’autres vivent. Je pense à saint Damien de Molokaï qui est allé sur une île de l’archipel d’Hawaii, où il n’y avait que des lépreux et dont il savait qu’il ne pourrait pas repartir. Ou encore à saint Maximilien Kolbe qui s’est offert à Auschwitz pour remplacer un père de famille choisi pour être exécuté. C’est le type de changement que la résurrection amène dans nos vies, dans notre rapport à la vie et à la mort. Et ce changement permet la vie des autres. Certes parmi les personnes qui risquent leur vie en soignant des malades de nos jours, la générosité ne se trouve pas que chez des croyants. Il y a des saints qui s’ignorent, et cette ignorance est une grandeur.
La référence à Dieu
Pâques accouche-t-il donc d’une utopie ? je me souviens du récit qui m’avait été fait par le P. Georges Cottier qui avait participé à une rencontre entre délégués du Vatican et philosophes communistes dans les derniers temps de l’Union soviétique. Cette rencontre avait eu lieu à Budapest, et ces philosophes communistes avaient une question : nous essayons de convaincre les gens de partager, pour que la société soit plus juste, mais ça ne marche pas. Est-ce que vous pouvez nous aider ? C’est donc là la perspective d’incroyants probablement sincères – ce n’était évidemment pas le cas de tous dans le système soviétique – mais ce système visait quand même un peu ce que décrivent les Actes des Apôtres. Ils avaient perçu que la différence entre leur idée de mise en commun des biens (au besoin par la violence) et la mise en commun des chrétiens, c’est la référence à Dieu.
Dieu nous a créés pour que nous vivions, sinon il ne nous aurait pas faits. S. Irénée disait, au 2ème siècle : « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant, et la vie de l’homme, c’est de voir Dieu ». Seigneur, nous attendons de te voir, dans la foi nous t’entrevoyons, aide-nous à vivre pleinement et à aider notre prochain à vivre !
2e DIMANCHE DE PÂQUES ou DE LA MISÉRICORDE
Lectures bibliques. : Actes 2, 42-47; Psaume 117, 2-4, 13-15b, 22-24; 1 Pierre 1, 3-9; Jean 20, 19-31
Les orthodoxes ont fêté Pâques selon des dispositifs variés
Le nouveau souffle des églises clandestines en Asie
Comment le coronavirus profite aux djihadistes de Boko Haram en Afrique
Le Coronavirus aura-t-il raison des rites collectifs?

Homélie TV du 12 avril 2020 (Jn 20, 1-9)
Mgr Eric de Moulins-Beaufort,
archevêque de Reims et président de la Conférence des Évêques de France
Studio du « Jour du Seigneur », Paris
« Nous sommes, en ce moment, tous un peu sonnés, un peu décontenancés, et certains sont meurtris et douloureux, d’autres épuisés. Ce matin, frères et sœurs, Dieu lui-même vient nous consoler, il vient à nous avec tendresse. En célébrant la Résurrection, en fêtant le Ressuscité, nous ne marquons pas un anniversaire qui s’éloigne dans le temps ; nous nous livrons à l’action puissante et douce de Dieu, celle qui s’est manifestée en Jésus pour s’exercer désormais pour chacun de nous et en chacun de nous.
Un passage de la vie à la vie
D’abord, goûtons, si vous le voulez bien, la délicatesse que relève le récit de saint Jean. Par la résurrection, celui qui paraissait vaincu, éliminé, dont on s’était débarrassé, celui qui était enfermé dans le tombeau – le confinement le plus total et irrémédiable – a été tiré vers la vie en plénitude. Mais voyez comme chacun y accède à son rythme : Pierre constate et rien ne se produit ; le disciple que Jésus aimait a pu regarder de l’extérieur puis, une deuxième fois, entré dans le tombeau, mieux voir et, d’un coup, voir pour de vrai : « Il vit et il crut ». Le cadavre n’est plus là, mais tout est en ordre et Pierre est là et lui aussi. D’un coup, la cohérence de l’histoire lui saute aux yeux : la résurrection n’est pas une violence, un coup de force, un vol, elle n’est pas un fait aberrant, le privilège d’un seul. La Résurrection de Celui-là, de Jésus qu’ils ont suivi et aimé, accomplit l’Écriture : elle ouvre pour tous les hommes le passage de la vie à la vie, de la vie qui conduit à la mort à la vie toujours plus vivante et vivifiante.
Laissons-nous conduire dans la vérité de la Résurrection
En Pierre et l’autre disciple, nous le voyons : du temps nous est donné. Tel est éclairé en un instant ; tel autre aura besoin de signes nombreux. La pierre enlevée du tombeau est une porte ouverte qui ne se refermera pas. D’année en année, frères et sœurs, selon les événements de notre vie, les choix que nous faisons ou auxquels nous nous dérobons, laissons-nous conduire dans la vérité de la Résurrection, selon notre rythme et la manière que Dieu veut pour nous. Ensuite, entendons saint Pierre. Quelques mois plus tard, il proclame à Césarée : « Là où il passait il faisait le bien ». Lui, Pierre, en a été témoin. Il est témoin aussi que Jésus est allé jusqu’à la mort pour nous faire le plus grand bien, celui de nous choisir devant le Père comme ses frères et ses sœurs, alors même que nous lui résistons ou que nous le rejetons ou que nous l’esquivons, et Pierre est témoin encore que le Père fait du bien à son Fils, avec toute sa tendresse, en le tirant de la mort et nous appelant à lui par-delà la mort et notre péché. Enfin, saint Paul nous l’affirme : « Notre vie reste cachée avec le Christ en Dieu », jusqu’à ce qu’il paraisse dans la gloire. Notre vie reste cachée ; elle ne nous est pas dérobée. Au contraire. Lui, le Ressuscité, entré dans la gloire du Père, recueille tout ce qu’il y a à retenir de notre vie à chacun, pour que tout nous soit rendu dans sa plénitude, le moment venu.
Beaucoup, en ce moment, souffrent de ne pouvoir accompagner les mourants et les défunts. Cette souffrance est redoutable mais elle est noble. Elle traduit une grandeur de notre condition humaine. Recevons ce matin cette promesse : ce que nous n’aurons pu mener à son terme sur cette terre, est recueilli par le Christ vivant, et porté par lui et en lui à son accomplissement pour devenir notre plénitude le moment venu.
Nous sommes les « témoins choisis d’avance »
Frères et sœurs, le jour de Pâques, nous sommes d’habitude les uns pour les autres des témoins du Ressuscité. Les catéchumènes, lorsqu’ils sont plongés dans la mort et la résurrection de Jésus, rajeunissent notre joie de vivre dans le Christ. Elle nous manque, ce matin, l’allégresse du rassemblement pascal ; l’eau baptismale n’a pas touché votre front, et vous n’avez pas reçu sacramentellement le corps vivifiant du Christ. Pourtant, nous sommes ce matin, réunis par les ondes, les « témoins choisis d’avance » dont parle saint Pierre. Nous sortirons du confinement et l’épidémie finira par disparaître.
Dès aujourd’hui, soyons des témoins du Ressuscité. Soyons-le chacun pour lui-même, soyons-le pour ceux et celles avec qui nous sommes confinés, préparons-nous à l’être pour celles et ceux que nous retrouverons bientôt. « Il a passé en faisant le bien » ; il a fait ce bien jusqu’à l’extrême, il s’est remis à son Père, et il a reçu la puissance d’ouvrir pour tous les portes de la vie où tous seront vivants. Osons nous regarder les uns les autres comme des frères et des sœurs appelés à la vie pour toujours et soyons les uns à l’égard des autres pleins de délicatesse, de patience, d’espérance, à l’exemple de Dieu lui-même. N’ayons pas peur de perdre lorsque nous donnons, ne comptons pas ce qui nous est donné en retour. Mais aussi sachons puiser notre force en Jésus et être patients avec nous-mêmes. Car, vraiment, « quand paraîtra le Christ, votre vie, vous paraîtrez vous aussi dans la gloire », Amen. »
DIMANCHE DE PÂQUES – LA RÉSURRECTION DU SEIGNEUR
Lectures bibliques : Actes 10, 34a.37-43; Psaume117, 1-2, 16-17, 22-23;Colossiens 3, 1-4 ou 1 Co 5, 6b-8;: Jn 20, 1-9

Homélie du 12 avril 2020 (Jn 20, 1-9)
Abbé Guy Augustin Heffa – Église Ste-Marguerite,Vérossaz, VS
Bien aimés en Jésus Ressuscité,
L’Eglise nous donne d’exprimer la ferveur de notre foi en vivant annuellement le mémorial de la Pâques de notre Seigneur. Une belle occasion ainsi offerte pour laisser nos cœurs battre au rythme du Cœur de Dieu. Est-il encore besoin de rappeler que le Cœur de notre Seigneur Jésus-Christ fonctionne à la densité de l’unique Amour du Père ? Par son Fils donné et offert pour chacun de nous il nous invite à partager sa propre vie. A vivre d’un dynamisme nouveau par l’Esprit pour parvenir par sa miséricorde à la plénitude de l’éternelle musique de la Vie. Nous devons de ce fait, nous laisser entraîner par le flux de grâces de l’Auteur de nos vies. Et comme des fleuves qui convergent pour former mers et océans, nos cœurs assoiffés de Dieu se rejoignent en cette joyeuse messe de la résurrection pour être pacifiés de la force transformatrice et purificatrice de notre baptême par l’Esprit de vérité et de paix.
Vaincre avec la force du Ressuscité
Le saint père François nous exhortait le 27 mars dernier à avancer par ces temps de pandémie avec espérance et confiance, car Jésus est aux commandes de la barque qu’est l’Eglise pour nous affranchir de nos peurs et soulager nos attentes d’un retour à la vie normale. Que de vagues et vents contraires avons-nous connus ces jours partout dans le monde ? Ces tristes expériences loin de nous distraire, car Dieu n’est pas distrait, devraient renforcer nos convictions individuelles et collectives pour laisser s’exprimer l’espérance qui est en nous. L’impatience est là. Le désarroi et même le découragement. Ne nous laissons pas vaincre. C’est à nous de vaincre solidairement avec la force du Ressuscité. Laissons même nos cœurs se déchirer comme le rideau du Temple. C’est la condition pour ouvrir les fenêtres de nos cœurs depuis nos balcons comme nous le faisons ces jours-ci avec nos bougies allumées, professant ainsi la force de la foi pour que la vie et la Lumière de Dieu viennent éclairer la nuit de nos peurs, de nos soucis individuels et communautaires.
Sans doute, nous en sortirons grandis et formerons une fraternité nouvelle qui changera notre vivre-ensemble et portera bien au-delà du simple souvenir, la mémoire toujours vivante de ceux qui nous ont quittés ces temps derniers. Avec confiance et espérance comme une famille de baptisés, laissons-nous convaincre de ce que le grain jeté en terre germera pour la vie éternelle et que les cœurs blessés refleuriront dans le cœur de notre Père qui est aux cieux.
Travaillons à changer nos coeurs
Avançons sans peur ni pour les projets retardés ou non réalisés et mesurons nos succès et nos performances futurs dans le temps de Dieu qui est espace de grâce. Après avoir vécu ce temps de carême assez spécial dans un confinement spirituel et de remise en question, d’interrogations et d’acceptation de notre fragilité humaine, fortifiés par le renouvellement de notre engagement baptismal, ensemble travaillons à changer nos cœurs en profitant de la miséricorde qui, comme l’a si bien souligné la pape François, est la « maladie de Dieu ».
Inventons de nouveaux rapports sociaux
Améliorons et au besoin, inventons de nouveaux rapports sociaux pour un nouvel ordre mondial qui sache refréner notre envie infinie de possession. Dans cette mouvance, nous ne devons pas perdre de vue une autre pathologie bien actuelle et autant dévastatrice qui confine nos frères et sœurs à vivre dans les conditions inhumaines. Il s’agit de nos frères et sœurs, fugitifs et migrants de tout bord abandonnés à eux-mêmes et vivant presque dans la poubelle de l’histoire. Nous ne pouvons ne pas penser à ces dizaines de milliers de personnes qui vivent dans les camps bondés et fermés exposés au danger de la violence, de la faim, des maladies sur les îles et la terre ferme de la Grèce et dans les pays en guerre. (cf. Charte de la migration et Appel de Pâques de milieux d’Eglise au Conseil fédéral du 08.4.20). Notre organisation et notre solidarité devraient aussi en tenir compte pour offrir à toutes ces personnes des possibilités de vie meilleure et d’accueil. C’est la condition pour repartir du Ressuscité et inscrire notre vivre-ensemble dans une dynamique qui assume les différences et non les silences complices des indifférences.
Alors notre joie pascale sera nourrie par ces mots de Paul « (…) La création tout entière gémit (…) Elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore (…) Pourtant elle a gardé l’espérance – Comme nous les hommes – d’être elle aussi libérée de l’esclavage et de la dégradation, pour connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu » (Romains 8, 20-22). En nous laissant renouveler dans cette éternelle nouveauté de la Parole de Dieu, devenons des « hommes nouveaux » par des politiques novatrices en marche sous la Lumière et l’Esprit du Ressuscité pour nous libérer et libérer le monde. Amen!
DIMANCHE DE PÂQUES – LA RÉSURRECTION DU SEIGNEUR
Lectures bibliques : Actes 10, 34a.37-43; Psaume 117, 1-2, 16-17, 22-23; Colossiens 3, 1-4 ou 1 Co 5, 6b-8;: Jn 20, 1-9

Basilique St-Pierre, Rome – 12 avril 2010
Pape François – Bénédiction de Pâques Urbi et Orbi
(traduction en français et commentaires sur TSR 1 : Emmanuel Tagnard)
Chers frères et soeurs, bonne fête de Pâques !
Aujourd’hui retentit dans le monde entier l’annonce de l’Eglise : “ Jésus Christ est ressuscité ! ” – “ Il est vraiment ressuscité !”.
Comme une nouvelle flamme, cette Bonne Nouvelle s’est allumée dans la nuit : la nuit d’un monde déjà aux prises avec des défis du moment et maintenant opprimé par la pandémie, qui met à dure épreuve notre grande famille humaine. En cette nuit la voix de l’Eglise a résonné : « Le Christ, mon espérance, est ressuscité ! ».
Victoire de l’amour sur la racine du mal
C’est une autre “contagion”, qui se transmet de coeur à coeur – parce que tout coeur humain attend cette Bonne Nouvelle. C’est la contagion de l’espérance : « Le Christ, mon espérance, est ressuscité ! » Il ne s’agit pas d’une formule magique, qui fait s’évanouir les problèmes. Non, la résurrection du Christ n’est pas cela. Elle est au contraire la victoire de l’amour sur la racine du mal, une victoire qui “ n’enjambe pas” la souffrance et la mort, mais les traverse en ouvrant une route dans l’abime, transformant le mal en bien : marque exclusive de la puissance de Dieu.
Le Ressuscité est le Crucifié, pas un autre. Dans son corps glorieux il porte, indélébiles, les plaies : blessures devenues fissures d’espérance. Nous tournons notre regard vers lui pour qu’il guérisse les blessures de l’humanité accablée.
Aujourd’hui ma pensée va surtout à tous ceux qui ont été frappés directement par le coronavirus : aux malades, à ceux qui sont morts et aux familles qui pleurent la disparition de leurs proches, auxquels parfois elles n’ont même pas pu dire un dernier au revoir. Que le Seigneur de la vie accueille avec lui dans son royaume les défunts et qu’il donne réconfort et espérance à ceux qui sont encore dans l’épreuve, spécialement aux personnes âgées et aux personnes seules. Que Sa consolation ne manque pas, ni les aides nécessaires à ceux qui se trouvent dans des conditions de vulnérabilité particulière, comme ceux qui travaillent dans les maisons de santé, ou qui vivent dans les casernes et dans les prisons. Pour beaucoup, c’est une Pâques de solitude, vécue dans les deuils et les nombreuses difficultés que la pandémie provoque, des souffrances physiques aux problèmes économiques.
Cette maladie ne nous a pas privé seulement des affections, mais aussi de la possibilité d’avoir recours en personne à la consolation qui jaillit des Sacrements, spécialement de l’Eucharistie et de la Réconciliation. Dans de nombreux pays il n’a pas été possible de s’approcher d’eux, mais le Seigneur ne nous a pas laissés seuls ! Restant unis dans la prière, nous sommes certains qu’il a mis sa main sur nous (cf. Ps 138, 5), nous répétant avec force : ne crains pas, « je suis ressuscité et je suis toujours avec toi » (cf. Missel romain) !
Que Jésus, notre Pâque, donne force et espérance aux médecins et aux infirmiers, qui partout offrent au prochain un témoignage d’attention et d’amour jusqu’à l’extrême de leurs forces et souvent au sacrifice de leur propre santé.
A eux, comme aussi à ceux qui travaillent assidument pour garantir les services essentiels nécessaires à la cohabitation civile, aux forces de l’ordre et aux militaires qui en de nombreux pays ont contribué à alléger les difficultés et les souffrances de la population, va notre pensée affectueuse, avec notre gratitude.
Au cours de ces semaines, la vie de millions de personnes a changé à l’improviste. Pour beaucoup, rester à la maison a été une occasion pour réfléchir, pour arrêter les rythmes frénétiques de la vie, pour être avec ses proches et jouir de leur compagnie. Pour beaucoup cependant c’est aussi un temps de préoccupation pour l’avenir qui se présente incertain, pour le travail que l’on risque de perdre et pour les autres conséquences que la crise actuelle porte avec elle. J’encourage tous ceux qui ont des responsabilités politiques à s’employer activement en faveur du bien commun des citoyens, fournissant les moyens et les instruments nécessaires pour permettre à tous de mener une vie digne et pour favoriser, quand les circonstances le permettront, la reprise des activités quotidiennes habituelles.
Ce temps n’est pas le temps de l’indifférence, parce que tout le monde souffre et tous doivent se retrouver unis pour affronter la pandémie. Jésus ressuscité donne espérance à tous les pauvres, à tous ceux qui vivent dans les périphéries, aux réfugiés et aux sans-abri. Que ces frères et soeurs plus faibles, qui peuplent les villes et les périphéries de toutes les parties du monde, ne soient pas laissés seuls. Ne les laissons pas manquer des biens de première nécessité, plus difficiles à trouver maintenant alors que beaucoup d’activités sont arrêtées, ainsi que les médicaments et, surtout, la possibilité d’une assistance sanitaire convenable.
En considération des circonstances, que soient relâchées aussi les sanctions internationales qui empêchent aux pays qui en sont l’objet de fournir un soutien convenable à leurs citoyens, et que tous les Etats se mettent en condition de faire front aux nécessités majeures du moment, en réduisant, si non carrément en remettant, la dette qui pèse sur les budgets des plus pauvres.
Une pensée spéciale à l’Europe
Ce temps n’est pas le temps des égoïsmes, parce que le défi que nous affrontons nous unit tous et ne fait pas de différence entre les personnes. Parmi les nombreuses régions du monde frappées par le coronavirus, j’adresse une pensée spéciale à l’Europe. Après la deuxième guerre mondiale, ce continent bien-aimé a pu renaître grâce à un esprit concret de solidarité qui lui a permis de dépasser les rivalités du passé. Il est plus que jamais urgent, surtout dans les circonstances actuelles, que ces rivalités ne reprennent pas vigueur, mais que tous se reconnaissent membres d’une unique famille et se soutiennent réciproquement. Aujourd’hui, l’Union Européenne fait face au défi du moment dont dépendra, non seulement son avenir, mais celui du monde entier. Que ne se soit pas perdue l’occasion de donner une nouvelle preuve de solidarité, même en recourant à des solutions innovatrices. L’alternative est seulement l’égoïsme des intérêts particuliers et la tentation d’un retour au passé, avec le risque de mettre à dure épreuve la cohabitation pacifique et le développement des prochaines générations.
Appel à un cessez le feu mondial
Ce temps n’est pas le temps des divisions. Que le Christ notre paix éclaire tous ceux qui ont des responsabilités dans les conflits, pour qu’ils aient le courage d’adhérer à l’appel pour un cessez le feu mondial et immédiat dans toutes les régions du monde. Ce n’est pas le temps de continuer à fabriquer et à trafiquer des armes, dépensant des capitaux énormes qui devraient être utilisés pour soigner les personnes et sauver des vies. Que ce soit au contraire le temps de mettre finalement un terme à la longue guerre qui a ensanglanté la Syrie, au conflit au Yémen et aux tensions en Irak, comme aussi au Liban. Que ce temps soit le temps où Israéliens et Palestiniens reprennent le dialogue, pour trouver une solution stable et durable qui permette à tous deux de vivre en paix. Que cessent les souffrances de la population qui vit dans les régions orientales de l’Ukraine. Que soit mis fin aux attaques terroristes perpétrées contre tant de personnes innocentes en divers pays de l’Afrique.
Ce temps n’est pas le temps de l’oubli. Que la crise que nous affrontons ne nous fasse pas oublier tant d’autres urgences qui portent avec elles les souffrances de nombreuses personnes. Que le Seigneur de la vie se montre proche des populations en Asie et en Afrique qui traversent de graves crises humanitaires, comme dans la région de Cabo Delgado, au nord du Mozambique. Qu’il réchauffe le coeur des nombreuses personnes réfugiées et déplacées, à cause de guerres, de sécheresse et de famine. Qu’il donne protection aux nombreux migrants et réfugiés, beaucoup d’entre eux sont des enfants, qui vivent dans des conditions insupportables, spécialement en Libye et aux frontières entre la Grèce et la Turquie. Qu’il permette au Vénézuela d’arriver à des solutions concrètes et immédiates pour accorder l’aide internationale à la population qui souffre à cause de la grave conjoncture politique, socio-économique et sanitaire.
Chers frères et soeurs,
Indifférence, égoïsme, division, oubli ne sont pas vraiment les paroles que nous voulons entendre en ce temps. Nous voulons les bannir en tout temps ! Elles semblent prévaloir quand la peur et la mort sont victorieuses en nous, c’est-à-dire lorsque nous ne laissons pas le Seigneur Jésus vaincre dans notre coeur et dans notre vie. Lui, qui a déjà détruit la mort nous ouvrant le chemin du salut éternel, qu’il disperse les ténèbres de notre pauvre humanité et nous introduise dans son jour glorieux qui ne connaît pas de déclin.

Homélie du 10 avril 2020 (Jean 18, 1 – 19, 42)
Frère Claude Bonaïti OP – Eglise St-Paul, Cologny, GE
Chaque jour de cette Semaine Sainte est pour nous l’occasion de retrouver la présence du Seigneur dans nos existences : il y a deux questions à se poser : où donc est Dieu et où suis-je par rapport à Lui ?
Nous sommes très souvent dans l’incertitude par rapport à Dieu et nous aimerions entendre la parole que Blaise Pascal a attribué au Christ en reprenant une intuition de saint Augustin : « Console-toi, tu ne me chercherais pas, si tu ne m’avais trouvé » . A toutes nos interrogations une seule réponse : « Il est là » . Celui qui peut affirmer cela aura fait un grand pas dans sa vie chrétienne.
« Où en suis-je par rapport à Jésus ? »
Il reste ensuite la question que nous pouvons nous poser à titre personnel : « où en suis-je par rapport à Jésus ? »
Le jour de la fête des Rameaux, chacun de nous aurait pu dire : « si j’avais été là je me serais mêlé à la foule pour acclamer ce roi qui n’a ni trône ni char triomphal… » il est sur le dos d’un petit âne… comme il était parti en Égypte avec Marie et Joseph pour échapper à la mort mais aujourd’hui il entre à Jérusalem pour être conduit à la mort .
Au pied de la croix
La Semaine Sainte nous conduit à la croix avant de découvrir le Christ ressuscité. Avant de chanter alléluia, il nous faut nous poser la question de notre présence aux côtés de Jésus pendant cette semaine… Chacun peut s’interroger sur sa situation aux côtés de Jésus… car il y avait bien au pied de la croix, Marie, la mère de Jésus, Marie, femme de Cléophas, Marie Madeleine et Jean le disciple que Jésus aimait, mais où sont passés les autres ?
Il y avait aussi des soldats, une foule au moins en partie hostile et deux brigands qui vont être aussi mis en croix.
Pendant ce temps Jésus supplie son père « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font » … il s’adresse aussi à l’un des brigands : « Aujourd’hui avec moi tu seras au Paradis »
Cette semaine rappelle l’essentiel de notre Foi : celui qui était né en prenant notre chair a souffert, est mort mais il est ressuscité.
Il est venu pour être avec vous
Vous souffrez doublement de solitude en cette période d’épidémie, ouvrez les yeux sur celui qui vous rejoint dans vos souffrances. Privés de visites vous pouvez ouvrir les yeux sur celui qui est venu pour être avec vous. Personne ne mérite la présence de Jésus et pourtant il est là avec vous… sur la Terre comme au Ciel il vous veut avec Lui.
Nous pouvons ressentir en nous une certaine indignité à une telle proximité de Dieu. Pour cela j’aime me redire la parole que le Christ a adressé au 14e siècle à sainte Catherine de Sienne : « C’est vrai tu n’es pas digne, mais moi je suis digne d’habiter en toi » . Nous pouvons aussi porter en nous la souffrance de savoir nos proches et nos contemporains si éloignés de Dieu et reprendre le cri de saint Dominique dans la nuit : « Mon Dieu, ma miséricorde, que vont devenir les pécheurs ! »
Chacun d’entre nous a quelque chose à se faire pardonner mais soyons réconfortés ; Jésus est venu parmi nous pour nous apporter le pardon de son Père… parce que nous sommes aimés de lui. C’est la bonne nouvelle de cette célébration de la Passion de Jésus et il ne faut pas en douter. Par sa Croix, Jésus nous manifeste l’amour du Père. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».
Notre vie est plus belle que nous pouvons l’imaginer.
CÉLÉBRATION DE LA PASSION ET DE LA MORT DU SEIGNEUR
Lectures bibliques : Isaïe 52, 13 – 53, 12; Psaume 30 (31), 2ab.6, 12, 13-14ab, 15-16, 17.25; Hébreux 4, 14-16 ; 5, 7-9; Jean 18, 1 – 19, 42