Homélie du 10 mai 2020 (Jn 14, 1-12)

Chanoine Alain Chardonnens – Église St-Loup, Versoix, GE

« Seigneur, mais on va où là ?!? » C’est la question – paraphrasée c’est vrai – que pose Thomas à Jésus. C’est la même question que nous pourrions lui poser aujourd’hui. On va où, Seigneur ? Nos églises sont certes encore ouvertes, mais la communauté chrétienne ne peut plus s’y retrouver comme elle en a la si douce habitude. Tout reprend : les écoles et tous les commerces ouvrent à nouveau demain, et nous, on doit rester chez soi. Alors, Seigneur, on va où là ?

Si ces questions sont légitimes, elles pourraient toutefois recevoir la même réponse de la part du Christ. On va où ? On va vers le Père – toujours si on marche avec le Christ– et vers le Royaume où le Seigneur nous prépare une place.

Marcher avec le Christ

Oui chers Amis, même si le chemin de nos églises n’est plus accessible comme on le souhaite, le Christ nous montre d’autres voies pour le rejoindre, pour le retrouver, pour rester en communion avec Lui et les uns avec les autres. Cette messe, radio et télédiffusée, en est un exemple. Quelles que soient les circonstances que nous devons affronter, le Seigneur EST le chemin, il nous conduit et il nous accompagne. Et même, plus ce chemin est difficile ou tortueux, plus le Seigneur est avec nous ! Mais paradoxalement, souvent, on le remarque moins.

Bon, là d’accord, ça y va fort ! On sort bien des sentiers battus. On sort loin de notre « zone de confort » comme on dit maintenant. Alors Seigneur, on va où là ? Eh bien, parce qu’on chemine avec le Christ, je reste convaincu – même dans les circonstances que nous connaissons maintenant, même dans ces conditions nouvelles et exceptionnelles – je reste convaincu qu’avec le Christ, nous sommes sur un chemin de Vie et de Vérité, comme il nous l’a dit lui-même.

Un chemin qui mène vers le Père

Le Seigneur nous montre donc un autre chemin, c’est vrai. Mais ce chemin mène vers le Père, vers la place qu’il nous a préparé. Ce chemin, nouveau, parce que nous y cheminons avec le Christ, ne sera jamais un chemin où nous nous achopperons (cf 2ème lecture). Ce chemin nous permet de découvrir la richesse et la beauté de notre chemin ordinaire. Le Seigneur nous donne de prendre un peu de recul sur notre manière habituelle de vivre notre foi, de vivre la dimension communautaire de notre foi.

« Seigneur, mais on va où là ?!? » On va vers le Père, avec l’opportunité de redécouvrir ce sur quoi s’appuie notre foi, ce dont elle se nourrit.  En ces temps où le Seigneur nous conduit sur des chemins de traverse, renouvelons notre confiance en lui : « OK Seigneur, tu es le chemin, alors je te fais confiance pour savoir où on va. ».

Cherchons en quoi ce qui nous manque est important pour notre foi, en quoi ce qui nous fait défaut aujourd’hui est véritablement pour nous ce qui nous permet d’avancer vers le Père. Regardons aussi tout ce qu’il y a de nouveau et qui nous permet de cheminer avec le Christ, seul ou en famille, depuis chez soi, de là où nous sommes. Faisons de ce chemin un chemin qui nous élève !

« Seigneur, mais on va où là ?!? » Parce que tu es le Chemin, la Vérité et la Vie, même si je ne comprends pas tout, je me réjouis de marcher avec toi Seigneur, jusqu’à cette place que tu as préparée pour nous.

5e DIMANCHE DE PÂQUES
Lectures bibliques :
Actes 6, 1-7; Psaume 32, 1-2, 4-5, 18-19; 1 Pierre 2, 4-9; Jean 14, 1-12

Homélie du 3 mai 2020 (Jn 10, 1-10)

Chanoine Roland Jaquenoud – Abbaye de Saint-Maurice

Dimanche du bon Pasteur

Chers frères et sœurs,

Le dimanche du bon pasteur, dans l’église catholique, est traditionnellement consacré à la prière pour ces vocations si spécifiques dans l’Eglise que sont l’appel au sacerdoce et l’appel à la vie religieuse. Jésus lui-même a confié d’une manière toute particulière à ses Apôtres la proclamation de sa bonne nouvelle (Evangile) et la sanctification des hommes par les sacrements. Et ceux-ci ont ensuite imposé les mains à des successeurs, ceux qu’on appelle aujourd’hui des évêques, à des anciens, qu’on appelle aujourd’hui des prêtres, et à des diacres, afin que le ministère apostolique continue après leur mort.

La mission apostolique de l’Eglise ne repose pas uniquement entre les mains de ceux qui ont été ordonnés, mais ceux-ci doivent y consacrer leur vie entière. C’est aussi Jésus qui, dans une page ou l’autre des évangiles, fait l’éloge de la chasteté pour le Royaume, Jésus qui montre l’importance de confier toute sa vie dans les mains de Dieu en travaillant à l’avènement du Royaume, Jésus encore qui se présente comme pauvre parmi les pauvres, et qui devient ainsi l’initiateur de la vie consacrée, religieuse, présente dans l’église depuis les premiers siècles de son existence.

Or dans l’Evangile de ce jour, Jésus nous parle non de plusieurs pasteurs, mais d’un seul : lui-même. Toute la première partie de notre texte nous parle d’une relation très délicate, on pourrait dire très intime, entre le pasteur et chacune de ses brebis.

« Ses brebis à lui, il les appelle par son nom » (Jn 10, 3)

Le nom, le nom propre, dans l’Ecriture sainte, est quelque chose de très intime. Dans l’Ancien Testament, on n’appelle pas Dieu par son Nom. Il a fallu que Dieu lui-même nous révèle le nom de Jésus pour que nous ayons un nom propre par qui nous adresser à lui. Lorsque saint Jean nous dit que le Pasteur appelle ses brebis par son nom, cela veut dire qu’il a une relation personnelle avec chacune d’elle : aucune n’est anonyme à ses yeux. Dans les rites liés au baptême, il y a un moment où on demande le nom du futur baptisé : la liturgie de l’Eglise signifie par là ce lien personnel, intime, que Dieu a avec chacun de nous.

Quant aux « brebis » de la parabole de Jésus, c’est comme si elles reconnaissaient intérieurement la voix de celui qui vient les chercher. Il n’y a pas eu besoin de les enseigner. Quelque chose de connaturel fait que, dès que le berger arrive, elles le reconnaissent et elles le suivent.

Jésus, à travers cette image pastorale de berger et de brebis, nous parle de vie intérieure, de la vie de l’âme. Souvent, de nos jours, on n’aime pas trop utiliser dans la pastorale le mot « âme ». Cela sonne un peu trop « désincarné ». Et pourtant, c’est bien de l’âme, ce sommet de notre être, dont nous parle l’Ecriture en ce jour, du moins si on en croit le fin de la lecture de saint Pierre que nous avons entendue tout à l’heure :

« Mais à présent vous êtes retournés vers votre berger, le gardien de vos âmes » (1P 2, 25)

D’ailleurs, le mot « gardien » est une traduction du mot grec « episcopos » : évêque. Intéressant, non ?

C’est en méditant sur ces textes que je comprends mieux le rôle des « episkopoi » humains, c’est-à-dire les évêques, les prêtres, les diacres, mais aussi tous ceux qui sont engagés dans le ministère pastoral, religieux ou laïcs. Ils sont au service de la rencontre entre l’unique pasteur et les brebis, c’est-à-dire entre Jésus et chaque âme. Mieux encore : ils sont des instruments privilégiés (il y en a d’autres, bien sûr) que Jésus utilise pour rencontrer lui-même chaque âme. Jésus nous connaît, il sait que nous sommes fait de chair et que nous avons besoin de médiations humaines pour aller au lieu où il nous rencontre, au plus intime de notre intime. C’est pourquoi il a institué les différents ministères dans l’Eglise.

Cela veut dire plusieurs choses pour nous, c’est-à-dire pour toute l’Eglise. D’abord, nous devons prier pour que ces « médiations humaines » continuent à œuvrer parmi nous. Concrètement, nous devons prier pour les vocations au ministère pastoral, qu’elles soient sacerdotales, religieuses ou laïques : elles sont toutes indispensables à la vie de l’Eglise, à la vie de nos âmes. Si l’une de ces vocations vient à disparaître, il nous manquera quelque chose.

Ensuite, nous devons prier afin que ceux qui sont choisis pour le ministère pastoral soient les premiers à vivre en profondeur la rencontre entre le berger et ses brebis. Sans quoi ils risquent de tomber sous le coup des paroles que Jésus a dites quelque part dans l’Evangile :

Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Donc, tout ce qu’ils peuvent vous dire, faites-le et observez-le. Mais n’agissez pas d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas (Mt 23, 2-3)

Ce n’est pas pour rien que notre Pape François demande régulièrement qu’on prie pour lui. Les pasteurs sont les premiers à devoir vivre ce qu’ils prêchent. Or la rencontre entre le berger et ses brebis, entre Jésus et chacune de nos âmes, qui a lieu au plus intime de nous-mêmes est l’œuvre de la grâce. Dieu nous a donné, en quelque sorte, le privilège de pouvoir participer à son œuvre de grâce chez les autres par nos prières. Alors, mes frères mes sœurs, prions les uns pour les autres. Prions pour nos pasteurs, qui sont faillibles comme chacun de nous, et prions pour que le Seigneur nous accorde de saintes et belles vocations.

Amen

4e DIMANCHE DE PÂQUES
Lectures bibliques : Actes 2, 14a.36-41; Psaume 22, 1-2ab, 2c-3, 4, 5, 6; 1 Pierre 2, 20b-25; Jean 10, 1-10