Homélie du 10 avril 2020 (Jean 18, 1 – 19, 42)

Frère Claude Bonaïti OP – Eglise St-Paul, Cologny, GE

Chaque jour de cette Semaine Sainte est pour nous l’occasion de retrouver la présence du Seigneur dans nos existences : il y a deux questions à se poser : où donc est Dieu et où suis-je par rapport à Lui ?

Nous sommes très souvent dans l’incertitude par rapport à Dieu et nous aimerions entendre la parole que Blaise Pascal a attribué au Christ en reprenant une intuition de saint Augustin : « Console-toi, tu ne me chercherais pas, si tu ne m’avais trouvé » . A toutes nos interrogations une seule réponse : « Il est là » . Celui qui peut affirmer cela aura fait un grand pas dans sa vie chrétienne.

« Où en suis-je par rapport à Jésus ? »

Il reste ensuite la question que nous pouvons nous poser à titre personnel : « où en suis-je par rapport à Jésus ? » 

Le jour de la fête des Rameaux, chacun de nous aurait pu dire : « si j’avais été là je me serais mêlé à la foule pour acclamer ce roi qui n’a ni trône ni char triomphal… »  il est sur le dos d’un petit âne… comme il était parti en Égypte avec Marie et Joseph pour échapper à la mort mais aujourd’hui il entre à Jérusalem pour être conduit à la mort .

Au pied de la croix

La Semaine Sainte nous conduit à la croix avant de découvrir le Christ ressuscité. Avant de chanter alléluia, il nous faut nous poser la question de notre présence aux côtés de Jésus pendant cette semaine… Chacun peut s’interroger sur sa situation aux côtés de Jésus… car il y avait bien au pied de la croix, Marie, la mère de Jésus, Marie, femme de Cléophas, Marie Madeleine et Jean le disciple que Jésus aimait, mais où sont passés les autres ?

Il y avait aussi des soldats, une foule au moins en partie hostile et deux brigands qui vont être aussi mis en croix.

Pendant ce temps Jésus supplie son père « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font » … il s’adresse aussi à l’un des brigands : « Aujourd’hui avec moi tu seras au Paradis »

Cette semaine rappelle l’essentiel de notre Foi : celui qui était né en prenant notre chair a souffert, est mort mais il est ressuscité.

Il est venu pour être avec vous

Vous souffrez doublement de solitude en cette période d’épidémie, ouvrez les yeux sur celui qui vous rejoint dans vos souffrances. Privés de visites vous pouvez ouvrir les yeux sur celui qui est venu pour être avec vous. Personne ne mérite la présence de Jésus et pourtant il est là avec vous… sur la Terre comme au Ciel il vous veut avec Lui.

Nous pouvons ressentir en nous une certaine indignité à une telle proximité de Dieu. Pour cela j’aime me redire la parole que le Christ a adressé au 14e siècle à sainte Catherine de Sienne : « C’est vrai tu n’es pas digne, mais moi je suis digne d’habiter en toi » . Nous pouvons aussi porter en nous la souffrance de savoir nos proches et nos contemporains si éloignés de Dieu et reprendre le cri de saint Dominique dans la nuit : « Mon Dieu, ma miséricorde, que vont devenir les pécheurs ! »

Chacun d’entre nous a quelque chose à se faire pardonner mais soyons réconfortés ; Jésus est venu parmi nous pour nous apporter le pardon de son Père… parce que nous sommes aimés de lui. C’est la bonne nouvelle de cette célébration de la Passion de Jésus et il ne faut pas en douter. Par sa Croix, Jésus nous manifeste l’amour du Père. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».

Notre vie est plus belle que nous pouvons l’imaginer.

CÉLÉBRATION DE LA PASSION ET DE LA MORT DU SEIGNEUR
Lectures bibliques : Isaïe 52, 13 – 53, 12; Psaume 30 (31), 2ab.6, 12, 13-14ab, 15-16, 17.25; Hébreux 4, 14-16 ; 5, 7-9; Jean 18, 1 – 19, 42

Homélie du 5 avril 2020 (Mt 26, 14–27, 66)

Fr. Guy Musy OP – Église St-Paul, Cologny, GE

Au terme de cette lecture poignante qui nous relate les souffrances infligées à un innocent, me remonte en mémoire un vers du poète Paul Claudel : « Ils reviennent du calvaire et ils parlent de température ! » Combien de fois nous est-il arrivé le dimanche après la messe de converser sur le parvis de la pluie et du beau temps, alors que nous venions de commémorer un drame qui a marqué l’histoire du monde et la nôtre aussi.

L’absence ce dimanche de célébration publique de l’eucharistie nous fait souffrir. Mais n’oublions pas qu’il n’y aurait jamais eu de messe ni même de dimanche, s’il n’y avait eu d’abord cette croix plantée un certain vendredi sur ce monticule que les habitants de Jérusalem appelaient lieu du crâne parce qu’il en présentait la forme.

Cette croix qui a porté le salut du monde, comme nous avons l’habitude de le chanter distraitement fut d’abord un événement anodin. Même pas un fait divers de la Gazette de Jérusalem, si elle avait existé en ce temps-là. Crucifier deux hors la loi et un obscur illuminé n’était qu’une corvée supplémentaire ajoutée à l’ordre du jour d’un peloton de mercenaires à la solde  d’un pouvoir policier. Monnaie courante. Pas de quoi s’affoler. Pendant deux ou trois siècles le grand public a ignoré ce détail. Jusqu’au jour où certains ont prétendu que cet événement n’était pas banal mais qu’il apportait le salut du monde.

Mais pourquoi cette notoriété ? Vous me répondez avec raison : « Parce l’un des trois suppliciés a été vu et reconnu vivant deux jours plus tard» Bien sûr. Ce prochain dimanche nous aurons l’occasion de nous pencher sur ce fait extraordinaire qui est à la base de notre foi.

Un miroir qui reflète les ignominies qui se commettent dans notre humanité

Mais une autre raison nous convainc de nous arrêter aujourd’hui sur ce récit. Il est le miroir qui reflète les ignominies qui se commettent dans notre pauvre humanité. Mais aussi le miroir du bien qui se cache sous les replis du mal.

Les violences dont Jésus est l’objet nous sont hélas bien connues. Certaines nous sont même familières : procès inique, faux témoignages, manipulation de l’opinion, lâcheté du pouvoir en place, trahison et fuite des proches, tortures sadiques dans la cour d’un corps de garde.

Le comble fut la dérision de la foi du condamné pour l’amener à désespérer de Dieu et de lui-même. « Où est-il ton Dieu ? Qu’ll vienne te descendre de ta croix ! ».

Il me semble entendre des ricanements contemporains : Votre Dieu dort-il ? Qu’attend-il pour nous libérer de cette maudite épidémie ? ». 

Des touches d’humanité

Mais il y a aussi dans ce tourbillon maléfique des touches d’humanité : la femme de Pilate qui voudrait éloigner son mari de cette affaire, d’autres femmes qui ont suivi le rabbi depuis la Galilée et qui se tiennent à distance de son gibet, deux d’entre elles plus courageuses montent la garde devant son tombeau, Simon, un paysan qui passait par là, réquisitionné pour porter la croix d’un inconnu, Joseph le riche notable qui s’affiche disciple de Jésus jusqu’à lui prêter ce tombeau tout neuf qu’il avait fait creuser pour lui…

Du bien et du mal, de la lâcheté et du courage s’entremêlent et se confondent chez les acteurs et spectateurs de ce drame. Comme le glaive qui devait transpercer l’âme de Marie, le chemin de croix de Jésus révèle le débat de bien des cœurs.

Oserais-je ajouter pour finir qu’il en est de même dans l’épreuve qui nous frappe aujourd’hui ? Où et comment nous situer ? Quelle est notre juste place ?  
Les femmes et les hommes courageux qui escortaient Jésus vers le Calvaire devraient nous servir de modèles ; les autres nous dissuader de les imiter.
Un fol espoir vient à notre secours. Nous croyons que le crucifié est revenu à la vie. La mort et le coronavirus n’auront donc pas le dernier mot.

Il me semble entendre déjà résonner cette hymne pascale :  
« Brillez déjà lueurs de Pâques
Scintillez au jour de demain »

Lectures bibliques :
Isaïe 50, 4-7; Psaume 21, 8-9, 17-18a, 19-20, 22c-24a; Philippiens 2, 6-11; Matthieu 26, 14–27, 66