
Homélie du 5 janvier 2020 (Mt 2, 1-12)
Abbé Claude Pauli – Café du Col de Torrent, Villa, Evolène, VS
Mes frères et mes sœurs bien-aimés,
Même s’ils captivent l’imaginaire des enfants, ces mages venus d’orient, viennent en ce jour solennel éclairer notre vie et notre foi d’une lumière nouvelle.
Après avoir fait un si long voyage, guidés par une étoile, les voilà tombant au pied de l’enfant Jésus et l’évangile de préciser qu’ils se réjouirent d’une très grande joie.
A l’instar de toutes les personnes présentes autour de Jésus, ils se sont mis en route non pas touchés par une révélation divine manifestée par un message angélique mais en suivant un astre qui les a guidés jusqu’à l’endroit où se trouvait l’enfant.
L’universalité du salut
La longue marche qu’ils ont accomplie à la lumière de la raison humaine et en s’appuyant sur leur connaissance du monde nous montre que l’acte de foi n’est pas opposé à la raison lorsqu’elle se passionne pour la vérité. Ils passent par Jérusalem parce qu’ils cherchent le roi des juifs. Ils ont recours à la connaissance des Écritures qu’ils n’ont pas eux-mêmes. Voilà ce que Dieu veut nous faire comprendre dans cette merveilleuse page d’évangile : l’homme de bonne volonté fidèle à sa conscience et guidé par son intelligence peut être conduit vers Dieu parce que, frères et soeurs, Dieu a créé l’homme à son image et cette image de Dieu qui repose en lui ne le rend pas seulement capable de rencontrer Dieu mais désireux de le rencontrer. L’universalité du salut est manifestée en ce jour de l’épiphanie et confirmée par Paul dans la 2ème lecture : « Dans le Christ, les païens sont associés au même héritage, au même corps et à la même promesse. » Cette universalité nous invite à être solidaire d’une mondialisation divine !
Une joie qui met dans une béatitude indescriptible
L’évangile nous livre encore un autre secret qui doit être pour chacun de nous motivant. Lorsqu’ils ont trouvé l’Enfant Roi, les mages se réjouirent d’une grande joie. Ce pléonasme volontaire ne signifie pas simplement la joie de la fin de leur voyage.
C’est la joie de l’homme qui découvre Dieu en ayant pré-senti quelque chose au plus profond de son être. Vous savez ce genre d’état qui nous met dans une béatitude indescriptible.
C’est la joie du chrétien qui découvre la Parole de Dieu et qui comme Marie la médite dans son coeur.
Ils sont nombreux, frères et soeurs, nos contemporains qui ne se laissant pas envahir par une routine étouffante et à long terme guère épanouissante, comme les mages ont accepté que leur coeur soit provoqué par des questions qui en définitive cherchent une solution à une seule inquiétude profonde : Que dois-je devenir? Mieux encore : Qui dois-je devenir ?
Trouveront-ils en nous des êtres habités par cette joie, respectueux et désireux de découvrir en eux le visage même de Dieu, capables de les aider dans leurs recherches en sachant d’abord ECOUTER leurs attentes avant de vouloir y répondre ?
L’étoile n’a rien dit, elle n’a fait que désigner le lieu de la rencontre….
Tirer les rois !
Permettez moi de poursuivre cette méditation avec une touche d’humour.
Ces jours, pour la plus grande joie des commerçants qui jubilent devant ce massacre culinaire : nous allons tirer les rois !
Etrange expression qui heureusement n’a rien à voir avec la solennité de ce jour puisque les mages n’étaient en aucun cas des rois. A ce petit jeu païen la chance ou le hasard mais en aucun cas la providence veut que l’un des convives ayant la perle rare dans sa tranche de gâteau ou de frangipane soit couronné ! Quelle supercherie ! Pourtant je me plais à penser que l’on peut faire de cette dégustation une démarche spirituelle si nous revenons au message de l’évangile :
La couronne que nous recevrons
La couronne, nous la tirerons pas, nous la recevrons peut être un jour et cela par pure grâce divine.
Elle sera la récompense pour avoir, en étant humble dans notre quotidien, su nous mettre à genoux devant le Christ en l’ayant aimé et servi, nourris de ses sacrements.
Elle sera la récompense pour toutes les couronnes d’épines que nous aurons portées avec courage à sa suite.
En cette fête de l’Epiphanie elle sera la récompense pour notre charité universelle qui nous impose à voir en tout étranger venu chez nous, par choix ou par survie, un enfant de Dieu.
Oui cette récompense sera le fruit d’une vie nourrie par l’Écriture Sainte ouvrant nos yeux aux innombrables signes de la présence de Dieu
Frères et sœurs bien-aimés, toi mon ami à l’hôpital, au home, dans ta voiture, en voyage ou chez toi, quelque soit ton orientation religieuse, ton origine, la couleur de ta peau : MERCI d’être là ! Ne te sens pas seul : ce qui est beau ce matin, c’est qu’à genou devant la crèche avec nous, quelque soit ton parcours de vie et de foi, Dieu seul peut en mesurer toute la valeur qui ne peut être à ses yeux qu’amplifiée, parce qu’Il t’aime.
Sois sûr de cela et repars toi aussi par un autre chemin, celui d’une confiance renouvelée qui te permettra d’éviter les Hérodes d’aujourd’hui, ceux là même qui veulent nous faire croire que Dieu est mort et donc que le visage de l’Enfant Dieu qui est en chacun de nous n’existe pas.
Face à ces tristes sires, en ce jour de fête, il n’est de plus bel hommage que celui de vouloir être un mage ! Mon frère, ma soeur en humanité de partout et pour toujours, puisses-tu désirer avec moi que Dieu couronne notre Foi dont la quête amoureuse, à l’instar de celle des mages, n’aura de fin qu’au jour de la rencontre avec le Christ Sauveur. AMEN.
SOLENNITÉ DE L’ÉPIPHANIE
Lectures bibliques : Isaïe 60, 1-6; Psaume 71, 1-2, 7-8, 10-11, 12-13; Ephésiens 3, 2-3a.5-6; Matthieu 2, 1-12
L’importance de la gratitude
Pas de place à l’Uni de Fribourg pour une chrétienne de Bethléem
Noël selon…Béatrice Métraux (3/3)

Homélie du 29 décembre 2019 (Mt 2, 13 – 15.19 – 23)
Abbé Wolfgang Birrer – Basilique Notre-Dame, Lausanne
« Prends l’enfant et sa mère, et fuis en Egypte » dit l’ange à saint Joseph. Aujourd’hui, c’est le descendant du roi David, saint Joseph, qui va nous aider à grandir dans notre lien à Jésus.
Un adage dit : « Qui se ressemble, s’assemble ». Il pourrait être appliqué à saint Joseph : comme son épouse, c’est un silencieux et un écoutant. Saint Joseph est le modèle de celui qui, silencieux, écoute Dieu par ses messagers les anges. La sainte Vierge est elle aussi d’abord une femme du silence et d’écoute : écoute notamment de l’ange Gabriel et des bergers lors de la Nativité, écoute aussi de son Fils Jésus. De même pour Jésus : lui aussi, les évangiles nous Le montreront comme se retirant très régulièrement seul, dans le silence, en étant sans cesse à l’écoute du Père.
Un climat de silence habité
Saint Joseph comme Notre-Dame sont pour nous des modèles de croyants qui d’abord écoutent Dieu, dans un climat de silence, un silence habité. Puis ils agissent en fonction de la Parole de Dieu qu’ils ont reçue. Dans notre évangile, l’écoute de saint Joseph le conduit à poser des actions courageuses. Il faut du courage pour fuir et s’installer pour une période prolongée dans un pays étranger. Il faut aussi du courage pour revenir et recommencer à neuf, une deuxième fois en relativement peu de temps, par sa réinstallation dans sa région d’origine.
La persévérance de Joseph : un exemple
Aujourd’hui, à notre tour, dans notre vie à la suite de Jésus, nous pouvons nous inspirer de l’exemple de saint Joseph et de la Sainte Famille. En écoutant d’abord la Parole de Dieu de ce dimanche, nous sommes encouragés à agir : dans la 1ère lecture, c’est honorer nos parents, ce qui est l’œuvre – dans la mesure du possible – de toute notre vie. Quant à la 2ème lecture, notre écoute nous conduit à agir à la manière du Christ dans nos relations les uns avec les autres, au sein de nos familles humaines et dans nos liens entre chrétiens – ce qui est aussi l’œuvre de toute une vie. Être persévérants et endurants dans cette dynamique demande parfois beaucoup de courage, selon la diversité des réalités et situations vécues. L’exemple de persévérance de saint Joseph peut nous inspirer et nous soutenir.
Un plus de vie
Être à l’écoute, dans un climat d’un silence habité, à l’exemple de saint Joseph, cela engendre un « plus » de vie. Pour la Sainte Famille, cela a été la vie sauve en exil ainsi que sa subsistance au quotidien, tant durant l’exil en Egypte qu’à son retour pour de nombreuses années à Nazareth.
Pour nous, le silence et l’écoute peuvent aussi servir à un « plus » de vie à plus d’un titre. C’était la conviction du pape saint Paul VI, dans son homélie si actuelle donnée à Nazareth le 5 janvier 1964 : « Que renaisse en nous l’estime du silence, cette admirable et indispensable condition de l’esprit, en nous qui sommes assaillis par tant de clameurs, de fracas et de cris dans notre vie moderne, bruyante et hypersensibilisée. O silence de Nazareth, enseigne-nous le recueillement, l’intériorité, la disposition à écouter les bonnes inspirations et les paroles des vrais maîtres ; enseigne-nous le besoin et la valeur des préparations, de l’étude, de la méditation, de la vie personnelle et intérieure, de la prière que Dieu seul voit dans le secret ».
C’est dans un climat d’un silence habité et actif que la Sainte Famille a vécu. Cette réalité peut nous inspirer encore aujourd’hui.
Humilité et vulnérabilité de Dieu
Enfin, cette fête liturgique nous ouvre aussi une fenêtre sur l’humilité de Dieu. C’est saint Joseph, un simple homme, qui « sauve » Dieu, le Christ, en mettant l’Enfant-Jésus à l’abri. Dieu accepte de se remettre en ses mains pour être mis à l’abri. Nous croyons en un Dieu infiniment humble : humble et vulnérable dans sa naissance, dans son exil, dans sa dépendance envers Joseph et Marie. Aujourd’hui encore, le Christ se remet en nos mains en laissant à l’Eglise le don extraordinaire de la sainte Eucharistie. Il est là, présent, avec la même dépendance, humilité et vulnérabilité que jadis, confié aux soins de Joseph et Marie.
Que le Christ, dans le don de la sainte Communion, nous donne de vivre quelque chose de l’intériorité active de saint Joseph : nous Lui redisons ce qui nous tient à cœur et nous nous laissons combler par le Christ présent, vivant et agissant dans sa sainte Eucharistie. Aujourd’hui encore, le Christ se remet en nos mains. Dans sa sainte Communion, Il se fait lui-même notre nourriture et notre soutien.
Merci Seigneur, de rester proche de nous et présent à nous, comme tu le fus jadis avec Joseph et Marie. Amen.
FÊTE DE LA SAINTE FAMILLE
Lectures bibliques : Siracide 3, 2 – 6.12 – 14 ; Psaume 127 ; Colossiens 3, 12 – 21 ; Matthieu 2, 13 – 15.19 – 23
Noël selon… Rosette Poletti (2/3)
Noël selon… Matthieu Fournier (1/3)

Homélie TV de Noël, 25 décembre 2019 (Jn 1, 1-18)
Don Italo Molinaro – Basilique du Sacré-Cœur, Lugano (TI)
Il y a un don, une grâce, une lumière, qui sont à jamais cachés dans le cœur du monde : Jésus. Dieu l’a envoyé et l’a mis au monde parmi nous, comme la lumière toujours plus forte de nos ténèbres. Et aujourd’hui nous avons chanté que toute la terre a vu cette lumière, qui est le salut de notre Dieu. C’est notre bonne nouvelle en ce jour de Noël, la fête de la naissance de Jésus à Bethléem.
Nous, chrétiens, cependant, en disant cela, nous ne sommes pas des triomphalistes. Et nous ne sommes pas naïfs non plus. En fait, nous croyons certainement en la Lumière qui illumine chaque homme, mais nous voyons aussi, dans le monde et dans nos cœurs, les effets des ténèbres. Au contraire, il nous semble parfois que les ténèbres éteignent l’une après l’autre les lumières dont nous avons besoin pour vivre.
Comment croire encore en la lumière ?
Par exemple, nous sommes alarmés par les conflits et les problèmes sociaux qui en sont la cause. Nous sommes en colère parce que dans le monde, la distance entre les pauvres et les riches s’accroît. La crise écologique nous inquiète et nous estimons que sur ces questions, la vérité est l’otage d’immenses intérêts économiques. La révolution numérique ouvre d’énormes possibilités mais risque de nous transformer en consommateurs manipulables à volonté. Et parfois, ceux qui ressentent le fardeau de l’échec se sentent désespérés.
Pourtant, malgré l’obscurité, nous sommes ici pour célébrer à nouveau la naissance de la Lumière et nous voulons être une « ville de Noël » ! Comment est-il possible de croire encore en la Lumière ?
Pour voir la lumière, il faut peut-être d’abord reconnaître les ténèbres ! Le chemin de la lumière part en effet de la capacité à comprendre que nous souffrons dans les profondeurs : quelles sont les blessures à la base de tout ce qui nous fait souffrir aujourd’hui ? Quelle est notre vraie obscurité qui éteint la lumière ?
Un manque d’humanité
Peut-être que les humains souffrent tellement aujourd’hui parce que nos vies manquent d’humanité. Les peurs et les désirs frustrés qui marquent notre époque nous enlèvent les plus belles qualités humaines et nous sommes comme une crèche où l’on vole, une à la fois, toutes les figurines. Et à la fin, la crèche de cette crèche qui est notre vie, reste vide : l’enfant a disparu au centre de notre crèche ! L’humain a disparu !
Il est important de voir et de comprendre en quoi consiste ce manque d’humain, ce manque de lumière. Il est important de comprendre ces ténèbres et d’avoir le courage de les porter devant le Christ, la lumière qui vient dans le monde ! Parce que si nous ne reconnaissons pas nos ténèbres, nous ne pouvons jamais imaginer de quelle lumière nous avons besoin ! C’est peut-être aussi pour cela que nous voulons encore construire les crèches, comme le Pape François nous l’a enseigné cette année : vivre l’expérience d’être devant un signe de Jésus, un « admirable signum », auquel nous pouvons aussi présenter notre obscurité.
Prions donc aujourd’hui pour recevoir la lumière ! Nous voulons nourrir notre désir de lumière et nous demandons à Jésus d’éclairer notre humanité en nous donnant l’occasion de redécouvrir une plus belle manière d’être humain.
Deux ailes pour voler : aimer et nous laisser aimer
Mais concrètement, qu’est-ce que l’humain ? Nous découvrons que la lumière de Jésus nous attire à l’empathie et à l’amour, et nous montre la beauté d’une vie qui reconnaît la dignité de tout être vivant, dans la justice et la liberté. La lumière de Jésus nous montre le potentiel de la miséricorde pour rendre nos relations plus sereines. La lumière de Jésus allume les espoirs et les perspectives, et nous motive à être un don pour les autres. La lumière de Jésus nous enseigne à être ensemble et à nous accueillir dans la diversité des cultures, des religions, des couleurs, des sexes, des âges et des conditions sanitaires. La lumière de Jésus nous donne deux ailes pour voler : aimer et nous laisser aimer.
L’évangéliste Jean dans l’Évangile d’aujourd’hui résume cette humanité pleine de lumière par une parole : les enfants ! Jean nous rappelle que ceux qui acceptent la Lumière reçoivent le pouvoir de devenir enfants de Dieu. Nous sommes tellement habitués à ces expressions que nous ne comprenons plus leur force. S’il y a des enfants, cela signifie que la vie continue et peut s’épanouir. S’il y a des enfants, cela signifie que la réalité humaine est encore ouverte à un avenir et à une croissance. S’il y a des enfants, il y a aussi des relations et des liens de famille et d’amour. Et puis, si nous sommes enfants de Dieu, cela signifie que notre cœur humain a en lui une véritable ressemblance divine, un gène divin pour ainsi dire, une lumière divine ! Si nous sommes enfants, enfants de la Lumière, la crèche de notre vie se transforme et nous la découvrons avec émerveillement, habitée par de nombreuses personnes, et peut peut-être aussi accueillir le Fils de Dieu !
Si nous sommes dans les ténèbres, même une petite lumière divine dans le fond de notre cœur peut faire une différence. Et comme l’a écrit le poète américain Augustine OG Mandino: « J’aimerai la lumière parce qu’elle illumine mon chemin, et je supporterai les ténèbres parce qu’elles me montrent les étoiles ». Parfois, nous avons aussi besoin d’obscurité ! Que les ténèbres nous montrent les étoiles, et que l’étoile du Christ rallume les lumières de l’être humain dans notre ville. Pour que ce soit vraiment la ville de Noël.
Amen.
NATIVITÉ DU SEIGNEUR, messe du jour
Lectures bibliques : Isaïe 52, 7-10; Psaume 97, 1.2-3ab, 3cd-4, 5-6; Hébreux 1, 1-6; Jean 1, 1-18

Homélie de Noël 25 décembre 2019 (Jn 1, 1-18)
Abbé Jean-Marie Oberson – Eglise Notre-Dame de la Paix, La Chaux-de-Fonds, NE
La voici arrivée, la merveilleuse fête de Noël, tant attendue des enfants, tant préparée dans nos familles. Mais Noël, c’est aussi un moment difficile pour celles et ceux qui se sentent seuls, car un conjoint, un être cher n’est plus là ; car l’argent manque, la situation est précaire. Il y a quelques jours, une maman avec ses deux enfants me disait : « je suis triste ; je ne peux rien acheter pour mes enfants, même pas un sapin de Noël ». Elle m’a avoué avoir pensé mettre fin à ses jours. Les pleurs de son plus jeune enfant qui sans doute a perçu que quelque chose n’allait pas, l’ont sauvée. Je l’ai aidée comme j’ai pu avec des bons « caritas », une petite aide qui doit rester notre secret, car je ne veux pas me donner en exemple. Chacun fait comme il peut, comme il pense bien faire.
Oui, il y a des mamans seules pour qui Noël signifie des jours encore plus difficiles. Je pense aussi à vous qui passez ce Noël à l’hôpital, en EMS, en prison ou dans tout autre lieu où vous n’auriez pas aimé être pour vivre cette fête. Dans les institutions, finalement, c’est encore pas si mal, car il y a le plus souvent quelque présence, un signe d’attention du personnel, une visite toute de bienveillance. Merci à nos consœurs et confrères de l’Armée du Salut qui chantent Noël dans les EMS dans nos Montagnes neuchâteloises en tout cas, et sûrement ailleurs. Merci à toutes celles et ceux qui donnent simplement un peu d’amour et d’attention à qui en a besoin. Là est le vrai Noël.
Noël, c’est la naissance, la vie. Tout ce qui célèbre la vie, c’est Noël !
Pourtant, la pauvreté évoquée par la naissance du Fils de Dieu dans une crèche reste une réalité de notre monde. Pour certains, il faut se contenter du strict nécessaire. Alors, les ouvertures prolongées des magasins, les vitrines garnies et scintillantes, les pubs à la TV et qui remplissent nos boîtes-à-lettres, peuvent donner l’impression d’avoir été oublié des hommes, de Dieu ?
J’imagine que certaines et certains parmi les auditeurs, écoutent cette messe seuls ou à la maison, et que vous vous sentez un peu les oubliés de cette fête de Noël.
Mais justement, cette fête, la vraie, la fête chrétienne est faite pour vous, les premiers. Je remercie les services de la radio de me permettre de vous rejoindre cette année. Avec vous tous, ce Noël, pour moi, gagne en authenticité. Je dis au Seigneur : « plus que jamais, donne-moi la grâce de ne pas décevoir celle ou celui qui m’écoute parce qu’il a allumé la radio par hasard ou parce qu’il en sent le besoin et attendait ce rendez-vous. Sers-toi de mes paroles, de mes pauvres paroles humaines pour le rejoindre et lui faire sentir que tu l’aimes. »
« Mais si le Seigneur m’aime, ne devrait-il pas me tirer de ma solitude, de ma situation ? » penses-tu peut-être. Il le fait à sa façon. J’en suis sûr. Mais en même temps, il vient d’abord partager notre pauvreté. C’est le mystère de Noël.
Il vient partager notre pauvreté
Permets-moi (le lien des ondes me permet de m’adresser à toi avec ce ton familier) permets-moi de te lire un beau passage de l’abbé Maurice Zundel. Ce prêtre, né à Neuchâtel en 1897 a reçu le don de bien parler de Dieu, au point que le pape Paul VI lui avait demandé de prêcher une retraite spirituelle au Vatican en 1972, 3 ans avant que le Seigneur rappelle à lui cet abbé.
Donc, l’abbé Zundel écrit : « il y a deux manières d’aborder le mystère de Noël : Selon la première, Dieu, en se faisant homme, abandonne une part de ce qu’il est, sa grandeur, sa majesté, sa toute-puissance. Selon la deuxième, l’enfant nouveau-né dans une crèche, fragile, dépendant de Marie, tout petit, ne trahit pas le visage de Dieu, mais nous dévoile précisément quelque chose de ce visage, et quelque chose de fondamental : la fragilité, la pauvreté de Dieu. »
Pour
l’abbé Zundel, on peut donc penser Noël de deux façons :
Selon la première façon : Dieu se fait pauvre pour nous rejoindre dans la
pauvreté. Il se fait solidaire. C’est gentil, mais ça ne me fait pas sortir de
ma pauvreté, pensera justement le pauvre.
La fragilité de Dieu
Selon la deuxième façon : Dieu ne se fait pas pauvre, mais révèle sa vraie pauvreté devant l’humanité qu’il vient sauver. Ecoutons encore l’abbé Zundel : « Je crois à la fragilité de Dieu parce que, s’il n’y a rien de plus fort que l’amour, il n’y a rien de plus fragile. Dieu fragile, c’est la donnée la plus émouvante, la plus bouleversante, la plus neuve et la plus essentielle de l’Évangile : un Dieu fragile est remis entre nos mains. » « La grandeur de Dieu, c’est qu’il est tout Amour et la grandeur de Dieu, c’est qu’il n’a rien. La grandeur de Dieu, c’est qu’il donne tout. (…) Et c’est justement à cette grandeur que Dieu nous appelle. »
Dieu nous appelle à cette grandeur : tout donner comme lui. Pour donner, il faut qu’il y ait une raison de donner, il faut qu’il y ait un vide, une pauvreté à combler. Alors, toi qui es pauvre, toi qui te sens seul, Dieu te donne à nous « les riches », pour que nous apprenions à donner. Si tu restes dans ta solitude, ta misère, c’est à cause de nos cœurs qui ne veulent pas entrer dans la seule vraie richesse : tout donner par amour.
« Oui, mais Dieu, tu aurais pu choisir quelqu’un d’autre pour vivre ce que je vis ! » diras-tu. « Et tu aurais dû me donner les richesses, car moi, je donnerais tout. » Ça c’est souvent notre lecture des choses : on croit savoir. On croit qu’on est du bon côté. En fait, on a tous à apprendre de Dieu. Saint Jean dit : Le Verbe était la vraie lumière qui éclaire tout homme en venant dans le monde. Il était dans le monde, et le monde était venu par lui à l’existence, mais le monde ne l’a pas reconnu. Il est venu chez lui et les siens ne l’ont pas reçu ».
Voilà la pauvreté de Dieu. L’amour ne s’impose pas. L’amour se fait pauvre, l’amour est pauvre par nature. Toi qui es pauvre, en fait, tu ressens la pauvreté du Dieu d’amour. Toi qui es en colère particulièrement en ces jours, car tu vois que l’humanité, loin de comprendre le vrai message de Noël, se jette encore plus dans la consommation effrénée de tant de choses superflues alors que la planète crie sa souffrance, en fait, tu éprouves la pauvreté du Dieu d’amour qui s’arrête devant l’espace sacré de la liberté de nos cœurs.
Nous avons vu sa gloire
Mais saint Jean voit aussi l’autre côté des choses, les choses que le Fils de Dieu fait déjà renaître par sa présence d’amour accueillie : « à tous ceux qui l’ont reçu, il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu… Et nous avons vu sa gloire. »
Nous avons vu sa gloire ! Pourtant, Celui qui vient manifester sa gloire ne naît pas dans un palais embaumé de subtils parfums, mais dans une étable emplie de l’odeur du fumier. Le pape Benoît XVI soulignait que « Dieu montre ainsi qu’il vient pour redonner à chaque homme, mais aussi à la création, au cosmos, sa beauté et sa dignité : c’est ce qui est engagé à Noël et qui fait jubiler les anges » dit-il encore.
Oui, Noël, c’est déjà la fête de la création restaurée, car, depuis la naissance de l’enfant dans une étable, des hommes sont sortis de leur froideur, de leur dureté pour devenir des enfants de Dieu et ils savent qu’ils sont sur le vrai chemin de la vie, de la joie.
En regardant l’enfant de la crèche, demandons au Seigneur de savoir reconnaître les enfants de Dieu qui travaillent parmi nous pour plus que la sauvegarde de la création : pour son renouvellement dans la grâce de l’amour de Dieu capable de tout habiller de sa gloire.
LA NATIVITE DU SEIGNEUR, messe du jour
Lectures bibliques : Isaïe 52, 7-10; Psaume 97, 1.2-3ab, 3cd-4, 5-6; Hébreux 1, 1-6; Jean 1, 1-18