Homélie du 28 juillet 2019 (Lc 11, 1-13)

Chanoine Raphaël Duchoud – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

Frères et sœurs dans le Christ,

L’été se poursuit et voilà que nous vivons le deuxième pèlerinage alpin organisé par l’Hospice du Grand-Saint-Bernard sur un thème qui nous concerne tous : la sainteté avec une invitation pressante à devenir un saint par cette injonction : “Viens, il t’appelle”. “Devenir un saint”, n’est-ce pas un langage qui peut paraître dépassé dans l’esprit de beaucoup de nos contemporains ? En tout cas, à en juger par des réflexions comme celle-ci, entendues au cours de conversations, on se rend compte à quel point le concept de sainteté est perçu chez beaucoup de personnes, même chez celles qui s’affirment chrétiennes.

Devenir ami de Dieu

Lors d’une préparation au baptême d’un  petit enfant, nous étions arrivés à parler sur le thème de la vocation à la sainteté et j’avais demandé aux parents de chercher deux définitions de la sainteté, l’une en deux mots et la deuxième en trois mots. Il n’était pas évident pour eux de donner une réponse aussi succincte mais tout de même, il en est sorti que la sainteté pourrait être le fait d’être “pécheur pardonné” et, par conséquence, devenir “ami de Dieu” ; d’où la réflexion de la maman : « Mais alors, cela nous concerne tous !! » Voilà une perception de la sainteté appréciée à son juste niveau.

Etre ami de Dieu nous inscrit dans une relation qui demande, de notre part, bien plus qu’un simple souvenir intellectuel d’un rapport avec quelqu’un qu’on n’a jamais vu de ses propres yeux. Et pourtant, saint Jean affirme que « Dieu, personne ne l’a jamais vu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, est venu nous le faire connaître. » (Jn 1, 18) La révélation divine par la personne de Jésus-Christ est essentielle pour stimuler notre foi en un Dieu Père, révélé par Jésus-Christ, reconnu comme Dieu et enseigné par l’Esprit-Saint reconnu également comme Dieu, dans la communauté des baptisés qu’est l’Eglise. La foi chrétienne ainsi exprimée oriente notre point de vue sur la vocation à la sainteté.

Appeler Dieu “Père”

Quand on parle d’amitié, on s’inscrit dans une relation avec l’être aimé. Etre ami de Dieu implique donc une relation avec le divin qui se concrétise d’une manière ou d’une autre par le lien de la prière. Trop perçue souvent comme une action réservée à des personnes qui ont consacré leur vie dans une vocation particulière, la prière peut paraître comme désuète chez beaucoup de nos contemporains. Pourtant, dans l’Evangile de ce dimanche, les disciples restent frappés de voir Jésus en prière, au point qu’ils en viennent à lui demander : « Seigneur, enseigne-nous à prier, comme Jean-Baptiste l’a enseigné à ses disciples. » (Lc 11,1) Jésus ne va pas commencer à faire des théories sur la manière de prier et sur les positions à prendre pour favoriser cet élan du cœur vers Dieu, il va directement à l’essentiel en invitant ses disciples à appeler Dieu “Père”. Cette première parole nous introduit directement dans la relation intime dans laquelle nous sommes impliqués, non pas parce que nous faisons quelque chose, mais parce que nous existons. Si j’appelle Dieu “Père”, je me reconnais automatiquement comme “fils”.

Une relation communautaire

La prière du Notre Père est donc donnée en réponse à la demande des disciples : « Seigneur, enseigne-nous à prier ». Elle est l’unique prière que Jésus nous a enseignée personnellement. Elle se vit dans une relation communautaire puisqu’on s’adresse à Dieu comme le Père de tous les hommes. Même si dans l’Evangile de ce jour tiré de saint Luc Dieu est nommé directement “Père ”, la dimension communautaire de la prière n’y est pas moins présente. Le Notre Père est en quelque sorte un abrégé de l’Evangile, la prière chrétienne par excellence. Quand on le prie, et ceci d’une façon vraie et authentique, on exprime, en disant : “que ton nom soit sanctifié”, le désir que l’ensemble de l‘humanité reconnaisse en Dieu le principe de la création, la source de la vie de laquelle toute créature découle. L’invocation “que ton règne vienne” est l’expression dans la confiance que les promesses de Dieu se réalisent dans notre monde comme dans l’autre. Celles-ci le feront que dans la mesure où l’être humain consent pleinement à accueillir le message de l’Evangile en se laissant aimer par Dieu et en l’aimant de tout son être.

Saint Augustin enseigne que “Dieu qui t’a créé sans toi ne veut pas te sauver sans toi”. Le Seigneur respecte notre propre liberté dans notre réponse à son amour ; un saint, un ami de Dieu s’inscrit donc dans ce dynamisme de liberté : on ne peut obliger quelqu’un à aimer. L’invocation “donne-nous aujourd’hui notre pain de chaque jour” fait prendre conscience que tout ce que nous avons vient de Lui et ce que nous recevons chaque jour doit être vu comme un don de Dieu, à l’image du pain présenté pendant l’Eucharistie durant l’offertoire, sur lequel sont prononcées ces paroles : « Tu es béni, Dieu de l’univers, toi qui nous donnes ce pain, fruit de la terre et du travail des hommes… ».

Quand nous demandons au Seigneur de pardonner nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui ont des torts envers nous, que demandons-nous sinon d’avoir les mêmes sentiments que le Christ Jésus à notre égard, lui qui s’engage envers nous pour nous faire confiance malgré nos limites au point de nous pardonner tous nos péchés. Encore là, nous sommes invités à nous laisser pardonner de nos fautes en les reconnaissant humblement et en nous engageant  à en faire de même à l’égard de ceux qui ont des torts envers nous. La dernière demande “ne nous laisse pas entrer en tentation” fait prendre conscience de nos propres faiblesses : nous avons besoin de la force de Dieu pour poursuivre notre pèlerinage à la suite du Christ sur les chemins de la sainteté. Au moment de la tentation, demandons la force divine pour être forts dans l’adversité, autrement dit, de ne pas sombrer dans l’esclavage du péché, mais de rester des enfants de Dieu libres sous l’effet de la grâce.

Persévérance et confiance

Il convient donc de persévérer dans la prière et ceci avec audace quelquefois, à l’exemple d’Abraham dans le livre de la Genèse, même s’il nous semble impossible à vue humaine, que celle-ci puisse être exaucée. Toute prière faite au nom de Jésus reçoit une réponse dans le concret de notre histoire, même si apparemment rien ne semble se passer. Jésus nous invite à persévérer dans la démarche de la prière ; la parabole de l’ami importun qui fait suite au Notre Père dans le texte évangélique de ce jour invite à une attitude de persévérance et de confiance : « Demandez et vous recevrez, cherchez et vous trouverez, frappez et on vous ouvrira… » (Lc 11,9).

Frères et sœurs dans le Christ, l’appel à la sainteté implique donc une démarche de prière ; les lectures de ce dimanche nous le rappellent : en commençant par Abraham qui, par sa demande d’obtenir grâce pour les villes de Sodome et de Gomorrhe découvre que le Seigneur se laisse toucher par la prière et se révèle prêt à accorder sa miséricorde à tout le monde par égard aux justes qui se trouvent dans ces villes, puis l’enseignement du Notre Père, vraie prière chrétienne, enfin aboutir à la découverte d’un Dieu qui exauce toute demande faite au nom de son Fils Jésus-Christ, au point de devenir lui-même péché pour nous, puisque, comme le dit saint Paul, « Il a effacé le billet de la dette qui nous accablait en raison des prescriptions légales pesant sur nous : il l’a annulé en le clouant à la croix. » (Col 2,14). Découvrons ou redécouvrons donc la beauté de la vocation à la sainteté, chemin de liberté et de joie profonde à la suite du Christ, car la sainteté, malgré toutes les apparences, c’est faire la volonté de Dieu avec un bon sourire. Amen.


17ème dimanche du Temps Ordinaire, année “C”

Lectures bibliques : Genèse 18, 20-32; Psaume 137, 1-2a, 2bc-3, 6-7ab, 7c-8; Colossiens 2, 12-14;Luc 11, 1-13


 

Homélie du 21 juillet 2019 (Lc 10, 38-42)

Chanoine Jean-Michel Lonfat – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

« Viens ! Il t’appelle… »

Clin d’œil du Seigneur en ce jour où nous méditons l’Évangile communément appelé l’Évangile de Marthe et Marie, et en première lecture la visite à Abraham au chêne de Membré.

Frères et sœurs chers auditeurs, du col du Grand-St-Bernard nous vous retrouvons et vous adressons ces quelques paroles un peu comme une visite, depuis ce lieu où il n’y a que peu de végétation,  pas d’arbre pas même de chêne… mais du rocher, de la pierre et encore du rocher… un petit plan d’eau et toujours du rocher… et encore quelques névés même.

Lieu de rencontre, la montagne et son rocher restent un endroit privilégié pour cela. Et qui plus est, aujourd’hui particulièrement, puisque les ondes nous permettent ce bel échange en communion les uns les autre.

Où que nous soyons et quoique nous fassions nous sommes là les uns à côté des autres en accueil mutuel, à l’écoute, en réflexion.

Lieux de rencontre

Au chêne de Mambré, dans la maison de Marthe et Marie, au col du Grand-St-Bernard, dans nos lieux d’écoute et de partages, au travers les ondes de la radio, c’est bien là que le Seigneur passe ! c’est bien là qu’a lieu la rencontre. Le lieu est donc sacré.

« Viens, Il t’appelle… » en ce dimanche matin le son des cloches nous le rappellent. Le Ressuscité nous invite à nous retrouver en Église, à nous mettre à son écoute, d’une manière ou d’une autre comme Marthe et Marie.

A l’image d’Abraham il nous appelle à lui faire bonne hospitalité.

Quand Dieu s’invite chez nous, que va-t-il se passer ? Vais-je avoir peur ? Vais-je être à la hauteur de la visite ? Vais-je me faire remarquer par les autres ? Vais-je être ridiculisé ? Vais-je être affermi dans ma foi ? Vais-je avoir le courage d’écouter  au cœur de cette rencontre ? Que de questions ! Il nous faut toujours un certain temps pour réaliser l’ampleur de cette visite.

Dieu, pèlerin

« Viens, Il t’appelle… » oui viens ne crains pas, n’aie pas peur mets-toi en route,  fais confiance ! Vivre le pèlerinage c’est aussi cela.

En plus avec cette dimension humaine très forte  de la rencontre et de la marche en communauté, il y a la rencontre avec DIEU lui-même le pèlerin par excellence qui vient à notre rencontre qui vient nous mettre en valeur qui vient nous dire sa joie de la bonne nouvelle : «  tu auras une descendance » tu porteras du fruit. Je ne te laisse pas seul. Je suis l’Emmanuel Dieu avec toi.

« Viens, Il t’appelle…! » Voilà un impératif engageant. Pour se l’entendre dire ne faut-il pas écouter la parole de l’autre. Celle de l’Esprit. Une parole si exigeante, si douce, si percutante.

Une parole prononcée par un ami, un frère, une amie, un familier, un inconnu même ! Un membre d’une communauté, la communauté elle-même peut t’appeler, oui.

« Viens, Il t’appelle… »Il t’appelle à accueillir la nouvelle, Il t’appelle à ouvrir ton cœur à te dé-saisir ou te ressaisir pour lui donner une place.

Voyez que finalement soit au Chêne de Membré, soit dans la maison de Marthe et Marie, même ici sur la montagne ou chez vous au plus profond de votre être, c’est là que le Seigneur vient si délicatement ! Le lieu de la visite  ou de la rencontre reste privilégié. C’est maintenant qu’il vient à l’instant même.

Pour LUI aucune retenue,

pour LUI tout est possible,

pour LUI la visite est toujours porteuse de fruits.

En ce jour de la Résurrection, de pèlerinage… frères et sœurs, chers auditeurs, notre accueil de la parole se vit à l’instant même.

Belle et merveilleuse rencontre !

Inoubliable et beau moment de la visite de notre BIEN-AIMÉ !

Temps de grâce et de reconnaissance pour CELUI qui ose venir jusqu’à nous. Quelle audace ! Quelle bienveillance a-t-il pour descendre en nous ?

« Viens, Il t’appelle… » nous dit l’Esprit. Debout ! Regarde, regarde en toi, regarde autour de toi, n’aie pas peur, n’aie pas honte.

Tu es le Bien aimé il frappe à ta porte.

Pour toi et toi seul il fait le déplacement et t’invite à regarder le ciel à scruter les étoiles comme ton père Abraham.

Il t’invite aussi à l’image de Marie assise aux pieds du Maître à regarder vers le haut, à faire confiance à oser croire en toi et à oser croire en LUI.

Reprendre la route

Pèlerins que nous sommes nous voilà inviter à reprendre notre bâton à reprendre la route avec LUI.

Il est venu nous visiter nous appeler à poursuivre notre œuvre de Salut. Et comme pour Abraham et Sara, comme pour Marthe et Marie c’est ensemble que nous repartons pour l’aventure avec LUI.

La halte et la rencontre bienfaisantes de ce matin avec le Seigneur nous invite donc à repartir plus fort, plus généreux, plus confiant dans notre propre histoire et celle de nos frères et sœurs. Nous avons été visités, comblés de sa présence.

Oui, « Viens, Il t’appelle… » pour qu’avec lui nous puissions nous réjouir et rendre grâces, seul en famille en Église !

Bon pèlerinage à vous…il ne se termine pas ce matin non, il commence !

Bonne route à vous chers auditeurs et à chacun ici présent sur la montagne que le chemin qui vous fera descendre en plaine soit également celui qui vous fera lever les yeux vers le plus haut sommet. Crée par amour pour aimer, oui je le sais, tu mets en moi toute ton audace et ton adoration Seigneur !  AMEN


16e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques
: Genèse 18, 1-10a; Psaume 14, 2-3a, 3bc-4ab, 4d-5; Colossiens 1, 24-28; Luc 10, 38-42