Homélie de la messe de minuit, 25 décembre 2018 (Lc 2, 1-14)

Abbé Pascal Desthieux –  Basilique Notre-Dame, Genève

En cette nuit de Noël, nous fêtons plusieurs anniversaires.

Il y a 70 ans, la première messe télévisée ; c’était à Noël 1948 à Notre-Dame de Paris.

20 ans avant, le 24 décembre 1928, la toute première messe radiodiffusée en Suisse, et pratiquement de toute l’Europe[1]. C’était à Genève, à l’église Saint-Joseph de Genève, voisine de la basilique Notre-Dame. Il y a donc tout juste 90 ans.

Cet anniversaire est l’occasion de vous redire, chères auditrices et chers auditeurs, que nous sommes heureux de vous rejoindre grâce à la radio. Vous faites partie ce soir de notre communauté qui célèbre Noël. Avec toutes les personnes présentes ici à la basilique, nous vous souhaitons un très joyeux Noël !

En cette nuit de Noël, nous célébrons encore un autre anniversaire, encore plus ancien. Il y a tout juste 200 ans, jour pour jour, heure pour heure, était interprété pour la première fois dans une petite église près de Salzburg en Autriche, un chant qui allait devenir très connu. Je suis sûr que vous le connaissez. Écoutez…

Jean-Christophe Orange joue le chant à l’orgue

Vous l’avez reconnu ?

Douce nuit, sainte nuit;

Tout au loin dort sans bruit,
Seuls les anges dans les airs

chantent leurs plus doux concerts.
À l’Emmanuel, à l’Emmanuel.

Quand il compose ce chant, Josef Franz Mohr n’a évidemment pas conscience que Douce nuit deviendrait le chant le plus connu de Noël. La vie même de ce prêtre et les circonstances de la composition sont une belle histoire de Noël : fils illégitime d’un père déserteur qui a quitté sa mère avant sa naissance, Joseph Mohr a grandi dans une grande pauvreté, jusqu’à ce qu’un prêtre l’aide à avoir une meilleure éducation. Il va pouvoir entrer au séminaire et être ordonné prêtre en 1815.

En des temps troublés, le jeune abbé entend les peines de ses paroissiens ; cela lui inspire un poème destiné à redonner de l’espoir. Il l’intitule « Stille Nacht ! Heilige Nacht ! ».

L’année suivante, il est envoyé à Oberndorf où il fait connaissance de l’instituteur Franz Gruber, qui officie comme organiste.

Dans l’après-midi du 24 décembre 1818, il demande à son ami de mettre son poème en musique, avec une partition pour deux voix, chœur et guitare, l’orgue ayant rendu l’âme. « Douce nuit, sainte nuit » est probablement chanté par ses auteurs, le jour même lors de la messe de minuit, dans la petite église Saint-Nicolas. Il est chanté en allemand, et non pas en latin, ce qui n’était pas si habituel à l’époque, et surtout accompagné de la guitare.

Quelques temps plus tard, un facteur d’orgue tyrolien emmène la partition avec lui, et elle va rapidement partir à la conquête du monde entier, jusqu’au Etats-Unis, traduite en 300 langues et dialectes, connue et chantée aujourd’hui dans le monde entier.

Il y a plusieurs traductions en français. L’une des plus belles dit ceci :

Douce nuit, sainte nuit,
Dans les cieux, l’astre luit.
Le mystère annoncé s’accomplit
Cet enfant sur la paille endormi
C’est l’amour infini
C’est l’amour infini.

La lumière du Christ

En cette douce et sainte nuit, comme l’avait annoncé le prophète Isaïe, la lumière vient briller dans le pays des ténèbres. Saint Jean, dans le prologue de son Evangile, dira que « Le Verbe est la vraie Lumière, qui éclaire tout homme en venant dans le monde » (Jean 1, 9). Qu’en cette nuit de Noël, nous puissions accueillir en profondeur la lumière du Christ qui vient illuminer tout ce qui est encore ténèbres en nous !

Le mystère annoncé s’accomplit. Le Messie tant attendu, annoncé par les prophètes, se fait l’un de nous pour nous sauver. Le signe donné aux bergers pour le reconnaître, c’est un « enfant sur la paille endormi ». Cet enfant, c’est l’amour infini ! Dieu nous donne son fils. Accueillons, aujourd’hui, cet amour infini !

Une autre strophe dit :

Ô nuit d’espoir, sainte nuit,
L’espérance a relui
Le Sauveur de la terre est né,
C’est à nous que Dieu l’a donné.
Célébrons ses louanges,
Gloire au Verbe incarné.

Nuit d’espoir

C’est un magnifique chant d’espérance. Spécialement pour tous ceux d’entre nous pour qui cette année a été difficile, endeuillée par la perte d’un proche, alourdie par la maladie, surchargée par des soucis financiers ou le stress.

Que Noël soit pour nous une nuit d’espoir, où l’espérance reluit.

Car un Sauveur nous est donné, c’est Jésus, l’Emmanuel !

Justement, dans la version plus courante, chaque strophe se termine par l’Emmanuel :

– Les anges dans les airs chantent leurs plus doux concerts à l’Emmanuel

– Les bergers sont accourus adorer l’Enfant Jésus, doux Emmanuel

Emmanuel signifie Dieu avec nous.

J’aime beaucoup ce nom, qui est tout un programme.

Dans Emmanuel , il y a Dieu (el), il y a nous (en hébreu : anou), et entre les deux, ce petit mot tout simple, presque insignifiant, mais tellement important (ime) : « avec ».

Dieu est « avec » !

Il est avec nous, nous ne sommes donc jamais seuls.

Nous aussi, nous sommes « avec ». Nous sommes avec Dieu, avec nos proches, avec toutes celles et tous ceux que nous croisons sur notre route.

Noël, c’est Dieu « avec » nous ! Que nous puissions tous ressentir en cette nuit de Noël combien Dieu est avec nous.


[1] A cette date, il y a eu une seule autre messe de minuit radiodiffusée en Europe, c’est celle de Poznan en Pologne. C’était donc une première, avant que les messes radio se multiplient en Europe dans les années 30, et deviennent régulières sur Radio-Lausanne et Radio-Genève dès 1940.

 


La Nativité du Sauveur

Lectures bibliques : Isaïe 9, 1-6; Psaume 95; Tite 2, 11-14; Luc 2, 1-14


 

Homélie TV de la messe de minuit, 25 décembre 2018 (Lc 2, 1-14)

Abbé Derek Derby – Eglise d’Ashbourne-Donaghmore

Je sais qu’il est un peu tard maintenant, mais apparemment, écouter trop de musique de Noël est mauvais pour votre santé.
Bien que les airs de la saison puissent vous mettre l’esprit en fête, Linda Blair, une psychologue clinicienne, prévient que jouer trop de musique de Noël peut être mauvais pour votre santé mentale. (Sky News, 7 novembre 2017)
Apparemment, cela donne l’impression d’être pris au piège – c’est un rappel des cadeaux à acheter, des personnes à prendre en charge et des lourdes tâches à accomplir avant Noël. 

Pensez aussi à ceux qui travaillent dans les magasins et qui écoutent ces chansons qui repassent constamment ! Pour les chefs d’entreprise, ça vaut la peine de faire vivre cette angoisse mentale à leurs employés, car d’autres études ont démontré que la musique des fêtes met les consommateurs dans une humeur dépensière et les pousse à acheter davantage.

Selon Linda Blair, l’influence de la musique de Noël est si forte qu’elle nous fait abandonner toute rationalité et de nous laisser guider uniquement par nos émotions. Donc, si certains d’entre vous pensent que vos cadeaux de Noël sont en dessous de la norme…blâmez la musique !

Il est intéressant de noter que dans toute cette étude, il y a peu de choses qui répand l’idée que la musique nous rappelle le vrai sens de Noël, qu’elle élève notre esprit et notre cœur vers le mystère de l’Incarnation – Dieu, fait chair sous la forme d’un enfant, vivant parmi nous.

Mais cela ne devrait pas être une surprise totale quand on sait que des recherches récentes, au Royaume-Uni (Daily Mail du 6 décembre 2014), ont révélé qu’un tiers des enfants entre 10 et 13 ans ne savent pas que Noël célèbre la naissance de Jésus et que 10% des adultes ne peuvent pas citer correctement quatre faits concernant la naissance de Jésus.

Une nuit silencieuse, lumineuse

Cependant, il y a un morceau de musique qui a immortalisé l’histoire de la naissance de Jésus et qui ne sera pas retiré de la playlist de Noël. Il a apporté un répit aux combats en 1914. La version chantée par Bing Crosby a été la plus vendue de tous les temps depuis son lancement entre 1948 et 1998. Il a été traduit en 300 langues.  Je parle bien sûr du bel hymne Douce nuit, Silent Night, Stille Nacht, Oíche Chiúin.
Cette nuit-là, la veille de Noël, il y a 200 ans, Douce nuit a été chanté pour la première fois en l’église Saint-Nicolas d’Oberndorf, près de Salzbourg. Ecrit par le révérend Joseph Mohr, un jeune prêtre d’Oberndorf, il a été mis en musique par son ami Franz Gruber. Mohr l’a chanté et Gruber l’a joué à la guitare pour les fidèles réunis ce soir-là pour la messe.
Imaginez la scène que Mohr décrit dans l’hymne : la nuit est silencieuse, tout est calme, tout est lumineux. Le Livre de la Sagesse décrit davantage la scène par ces mots (18, 14-18) : « Un silence paisible enveloppait toute chose et la nuit était au milieu de son cours rapide ». C’est presque comme si, pendant une fraction de seconde, le ciel et la terre retenaient leur souffle ! »

Puis, dans ce silence, on nous dit : « Ta Parole toute-puissante est descendue du ciel ».  Le Christ est né dans le temps, dans le cœur de toute l’humanité.

Malgré les efforts de certains, nous ne pouvons pas faire disparaître la naissance de notre Messie de l’histoire, car cela revient à enlever le sens du salut de la mémoire collective.

Noël permet à Dieu de naître dans notre cœur

Comme le disait le Pape François, « Noël devient réel quand il touche notre cœur, notre âme, notre esprit et tout notre être, quand il permet à Dieu de naître et de renaître dans la mangeoire de notre cœur, quand l’étoile de Bethléem nous guide vers le lieu où repose le Fils de Dieu, non parmi les rois et les riches, mais parmi les pauvres et les humbles ». (Le Pape s’adressant à la Curie romaine, en décembre 2017).

Le cœur de l’humanité touché

Je vous invite donc, en ce Noël, à contempler la crèche en silence et dans l’émerveillement. Réalisez qu’à un moment donné, Dieu a visité le monde avec son amour, son fils, Jésus Christ.

À ce moment-là, il a touché le cœur de l’humanité. La seule façon d’aimer Dieu, d’aimer le Christ, d’aimer son Église, c’est de se laisser toucher par « la lumière pure de l’amour ».

Quand nous regardons la « sainte face » de cet enfant innocent, comment ne pas tomber amoureux ? Il se fait lui-même si petit ! Il devient enfant, pour nous attirer par l’amour, pour toucher nos cœurs par son humble bonté, pour attirer l’attention par sa pauvreté, par le plus grand de tous les trésors, le don du salut.

Prions donc pour que les traits rayonnants de ce saint visage et la grâce rédemptrice de Dieu nous aident à créer, dans notre vie, un espace pour que le Christ grandisse en nos cœurs.

Amen.


Messe de Minuit

Lectures bibliques : Isaïe 9, 1-6; Psaume 95; Tite 2, 11-14; Luc 2, 1-14

Homélie du 23 décembre 2018 (Lc 1, 39-45)

Didier Berret, diacre – Église St-Jean-Baptiste, Montfaucon

En français, pour parler des enfants, des petits-enfants, des arrières petits-enfants, et de tous ceux qui suivent, on utilise vraiment un terme étrange : on parle de descendants ! Avouez que ça ne suggère pas franchement une notion de progrès ! Comment garder sereinement l’espoir que l’humanité s’améliore quand, dans le langage, les générations qui viennent ne cessent de descendre ?! Dans beaucoup d’autres langues, on ne parle pas comme ça : beaucoup d’autres langues ont créé un mot à partir de l’idée de « venir après », d’être « né de », d’être « issus de », de « sortir de » – c’est le mot hébreu qu’utilise le prophète Michée – « de toi sortira celui qui doit gouverner Israël » On voit presque une plante pousser quand écoute cette phrase…

Nous, nous disons  « les descendants »… on pourrait bien imaginer un sketch à la Raymond Devos  sur la complexité de l’éducation en pensant qu’en français les parents sont invités à élever leurs descendants ! Il y a quelque chose de cocasse !

Toute vie vient de Dieu

Et en même temps quelque chose de profondément théologique !

Jésus le fils du Très-Haut ne peut que descendre sur terre ! Et du point de vue des hommes, cette idée rappelle peut-être mieux que dans d’autres langues, que toute vie vient de Dieu, descend de Dieu à travers les générations… Aucun de nous ne sommes origine de nous-mêmes.

Notre vocation : nous élever jusqu’à Dieu

L’évangile de Matthieu commence par le rappeler à travers l’exposé d’une généalogie qui part d’Abraham pour arriver jusqu’à Jésus. Cela accentue ce sentiment de descente sur terre du Fils de Dieu, marche après marche, siècle après siècle… Mais l’incarnation n’est que la moitié de la révélation. Luc, en écho dans son évangile, donne le mouvement inverse… il fait remonter la généalogie de Jésus jusqu’à Dieu comme pour révéler l’Ascension  et dire, qu’avec Jésus, la vocation de l’humanité posée sur terre est de monter, de grandir, de s’élever jusqu’à Dieu.

Dans l’évangile, juste après l’Annonciation – c’est le texte que nous venons d’entendre d’aujourd’hui – dès que l’ange, descendu du ciel, a quitté Marie, le premier acte qu’elle pose est de « se lever.» Les deux phrases se suivent comme ça – ce n’est pas du très beau français mais c’est traduit comme ça – :« Et l’ange la quitta. Elle se leva Marie en ces jours-là… » Sans transition, il n’y a pas d’espace de respiration. L’ange part. Elle se lève.

Marie se tient de bout

Comme si Marie, en parfaite éducatrice, ne perdait pas une seconde pour élever celui qui vient de descendre en sa chair. La traduction liturgique dit « se mit en route », mais littéralement elle se lève… et même un peu plus : le verbe utilisé en grec est le verbe anistémi qui a donné le prénom Anastasie qui veut dire résurrection… Marie se dresse, comme le berger de Michée, elle se dresse comme le ressuscité, elle se tient debout  comme le sont tous ceux qui sont remplis de la présence de Dieu ! Et sa joie contagieuse, l’emmène en hâte sur les hauteurs du pays. Comment en serait-il autrement après une telle annonce ? Vous imaginez, Marie et un ange, quelle rencontre insolite ! Comment dès lors ne pas partir à toutes jambes partager cette incroyable nouvelle ?  D’autant que cette nouvelle-là est attendue depuis des siècles par un peuple entier. Marie, comme Marie-Madeleine à Pâques ressemble à Philippidès, le premier marathonien de l’histoire qui avait couru jusqu’à Athènes pour annoncer la victoire de son peuple ! Le mouvement de l’incarnation de Jésus qui descend pour nous élever dessine comme un immense V tout neuf, un signe éternel de Victoire !

Dieu se souvient de sa promesse

Marie court et elle monte. La rencontre entre Marie et Elisabeth est une rencontre au sommet de l’histoire. Bien sûr sa première confidente est sa cousine, dit le texte, mais pas seulement, son prénom et celui de son mari évoquent en deux mots toute l’histoire d’Israël… Elisabeth, l’épouse d’Aaron portait déjà ce prénom, Elisabeth signifie « mon Dieu a fait serment » : « mon Dieu a promis » tandis que  Zacharie veut dire « Dieu se souvient. » Le nom de ce couple rappelle donc que Dieu se souvient de sa promesse. Elle peut bien faire monter sa voix la mère de Jean-Baptiste en accueillant Marie et chanter comme nous le ferons tout à l’heure : tu es bénie entre toutes les femmes…

Les deux femmes s’embrassent comme l’histoire du monde en elles s’embrasse ; ce baiser est le passage de témoin entre l’ancienne et la nouvelle alliance. Quelque chose de tout neuf se prépare. Jésus vient !


4ème dimanche de l’Avent – Année C

Lectures bibliques : Michée 5, 1-4a; Psaume 79; Hébreux 10, 5-10; Luc 1, 39-45