Homélie du 16 décembre 2018 (Lc 3, 10-18)

Didier Berret, diacre – Église St-Jean-Baptiste,  Montfaucon

Pour que la joie se lève, intime comme le levain fait lever la pâte,
pour qu’elle s’éveille, à l’appel de la prière instante de saint Paul : « soyez toujours dans la joie ! »,
pour la puiser aux sources-mêmes du salut avec le prophète Isaïe
pour qu’elle puisse déployer tous ces parfums comme sous la plume exubérante du prophète Sophonie qui exulte et utilise, en 3 versets, 7 verbes différents pour la chanter!
pour que la joie se lève,
Jean le Baptiste nous attend encore, comme dimanche dernier, au cœur du désert et il nous propose une sorte de chemin vers la joie en 4 étapes.

Chercher l’essentiel

La première étape commence avec une mise en route.
Accepter de changer, accueillir un appel qui nous entraine ailleurs, comme Abraham, le père des croyants. Loin des acquis et des certitudes de toutes sortes, à l’image de ce peuple en attente qui prend la route du désert. Le désert n’est pas un lieu de promenade, mais un lieu d’approfondissement, de simplicité et d’authenticité. Le silence du désert ne permet pas qu’on triche. S’y aventurer, c’est prendre le risque de se retrouver dépouillé, contraints à de nouveaux repères, face à face avec son histoire, la vérité, l’infini. Le désert offre un rendez-vous avec l’essentiel. Accepter de se mettre en route et chercher l’essentiel, c’est ouvrir la porte à la joie !

S’ouvrir à l’inattendu et accueillir ce qui vient

La deuxième étape renvoie au monde. Le désert n’est pas un refuge mais un carrefour. L’expérience solitaire invite à l’expérience solidaire. « Celui qui a deux vêtements – pas 10, mais 2 ! – qu’il partage, celui qui a de quoi manger qu’il fasse de même » L’expérimentation des soifs et de la vie à ras terre conduit à la fraternité, la fraternité conduit à l’empathie et l’empathie conduit à la justice : « n’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé »
D’autre part, dans le désert, la découverte de la rareté de la vie donne de la valeur à chaque plante, rend attentif à chaque insecte. L’observation silencieuse et l’émerveillement devant de toute forme de vie, si rare, si précieuse enseigne le respect de la vie et donc la non-violence : « ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ». En faisant l’expérience de la vie au jour le jour, de la manne offerte et du pain quotidien, l’homme du désert s’ouvre à l’inattendu et accueille ce qui vient. « Contentez-vous de votre solde » suggère Jean. La pratique de la justice, la découverte de la simplicité et de la beauté de la vie donnent accès à la joie.

S’enraciner en Christ

Après ces deux premières étapes, praticables par tous les hommes et les femmes de bonne volonté, Jean invite à une troisième qui va encore plus loin et s’inscrit dans le baptême d’eau et d’Esprit : autrement dit dans l’enracinement dans la vie du Christ. Apprendre à le connaître, donner sens à ses paroles, suivre ses traces soigneusement, s’étonner, le contempler, le regarder être avec les autres, observer ses gestes, ses déplacements, l’écouter parler, raconter, interpeler, dénoncer, se taire… se laisser toucher. Le regarder tendre la main, relever, s’arrêter, s’assoir, pleurer, s’indigner… et s’en imprégner ; désirer devenir son disciple, pour lui ressembler toujours mieux et vivre d’Evangile… parce que devenir son disciple donne la joie !

Le feu d’une passion amoureuse

La dernière étape – parce qu’il y en a encore une ! – est celle du baptême par le feu. Qu’est-ce que le baptême de feu ? Il n’est jamais vraiment décrit sinon un peu à la Pentecôte, mais l’évangéliste nous donne une piste : trois éléments du texte d’aujourd’hui apparaissent déjà dans un autre texte de la bible : le désert, les sandales à délier et le feu qui ne s’éteint pas : c’est le récit qui raconte l’expérience de Moïse au buisson ardent. Il est invité à délier ses sandales comme on le fait quand on rentre à la maison, comme on ne le faisait que quand on rentrait à la maison, là où l’on n’a plus besoin de protection ;

Moïse est appelé à l’intérieur pour y vivre une expérience profondément intime. Il découvre la présence de Dieu en lui comme un feu qui brûle et ne mange pas, un feu qui brûle et ne détruit pas, un feu qui brûle et qui envoie et qui donne suffisamment d’élan pour traverser la mer Rouge, suffisamment de force pour porter à bout de bras un peuple, suffisamment de courage pour affronter leurs cris et suffisamment d’humour pour tenir le coup durant 40 années de désert.

Ce feu est celui de la passion amoureuse, le feu des mystiques et de ceux qui aspirent à l’union avec Dieu. Le feu qui brûle le cœur des prophètes et des disciples d’Emmaüs, le feu qui fait dire à sainte Thérèse de Lisieux qu’elle veut aimer l’amour et que l’aimer c’est tout donner. Parce que l’union amoureuse à Dieu est source de la plus grande joie.


3e DIMANCHE DE L’AVENT, de Gaudete, Année C
Lectures bibliques : 
Sophonie 3, 14-18a; Isaïe 12, 2-3, 4bcd, 5-6; Philippiens 4, 4-7; Luc 3, 10-18


 

Homélie du 9 décembre 2018 (Lc 3, 1-6)

Didier Berret, Diacre – Eglise St-Jean-Baptiste, Montfaucon

Tandis que trônent les grands de ce monde en l’an 15 de l’empereur Tibère, un homme se lève, quitte Jérusalem et se met en route. Il ne part pas n’importe où. Jean le Baptiste parcourt la région du Jourdain, la longue frontière à l’est du pays.

Ce n’est pas très peuplé, mais c’est un haut lieu de l’histoire du peuple d’Israël. C’est là que jadis, après 40 ans d’exode les tribus sont entrées en Terre Promise. C’est par là que le peuple d’Israël a été expulsé de cette même terre par les armées de Nabuchodonosor au moment de son exil forcé à Babylone. C’est par là encore que 50 ans plus tard les rescapés de cet exil et leurs descendants sont rentrés à la maison. Le Jourdain est la porte d’entrée de la Maison d’Israël, le seuil de la Terre Promise.

Tout ce qui éloigne de Dieu est un exil

Jean Baptiste se déplace donc au lieu où se tient en quelque sorte le maître de maison, là où se trouve aussi le père prodigue de la parabole. L’un et l’autre scrutent l’horizon, ils attendent que le fils, que le peuple reviennent à la maison. Le veau gras des noces mijote ! Jean le Baptiste part à la frontière comme pour rappeler à ses contemporains – qui habitent le pays – ! qu’il y a d’autres formes d’exil : tout ce qui éloigne l’homme de Dieu, et le conduit loin de lui-même.

Lève-toi, mets-toi en route

La parole de Jean n’invente pas mais situe. Il reprend la parole de ses prédécesseurs les prophètes Baruc dont nous avons lu un extrait et Isaïe qu’il cite. Il ne le cite pas pour faire du genre ou exhiber sa culture biblique. En le citant il convoque les auditeurs au même endroit : c’est comme au temps d’Isaïe au moment du retour d’exil, vous vous souvenez ? Il s’agit aujourd’hui de se préparer de la même manière… autrement dit se convertir signifie se préparer pour les retrouvailles : Lève-toi, mets-toi en route, comme le fils prodigue, reviens vers ton Père et porte ton regard sur celui qui t’espère.

Regardez plus loin, plus haut

Abaissez les montagnes, comblez les ravins, construisez des chemins, demandaient Baruc et Isaïe… Autrement dit : enlevez ce qui vous borne la vue, ce qui vous bouche l’horizon, sortez des ravins qui vous enferment, des trous qui isolent, regardez plus loin, plus haut.

Un ami m’a partagé il n’y a pas longtemps qu’il avait découvert à 50 ans un truc pour aller mieux : lorsqu’il marche au lieu de regarder en bas, il s’applique à relever la tête et à regarder au loin !

Se convertir résonne alors comme un appel à regarder plus loin, à contempler et espérer celui qui nous attend. La partie du livre d’Isaïe citée par Jean-Baptiste s’appelle le livre de la consolation. Consolez, consolez mon peuple, dites-lui que c’est bon, que je ne lui en veux pas, dites-lui de revenir… Se convertir consiste d’abord à redécouvrir à quel point Dieu veut nous consoler, nous rétablir, nous remettre debout.

Une forme de contrainte, de menace ?

Peut-être à la première écoute de l’évangile d’aujourd’hui ou de manière générale dans notre monde lorsque l’on parle de conversion, peut-être qu’il y a quelque chose qui résiste un peu, quelque chose qui apparaît comme une forme de contrainte ou de menace. Peut-être voyez-vous comme moi surgir devant vous le prophète Philippulus. Vous vous souvenez dans l’Etoile mystérieuse de Tintin de ce vieux fou qui vient, lugubre avec son tambourin casser les oreilles des foules et que personne n’écoute ?! L’appel à la conversion de ce genre de faux prophètes ne résonne qu’en termes de peur et de catastrophe.

Se convertir = préparer les noces

Jean-Baptiste en disant exactement la même chose tient un tout autre langage. A cause des lieux où il se trouve : le Jourdain et le désert. Le Jourdain comme le lieu du retour, le désert comme le lieu des fiançailles. Se convertir ressemble alors à se réjouir de la rencontre qui s’annonce. Se convertir consiste à préparer les noces. Convertissez-vous ! Mettez dans vos cœurs le désir de rencontrer Celui qui vient, faites-vous beaux pour l’accueillir. Comme on rend la maison propre et belle pour ceux qu’on aime, comme on prend du temps et du soin pour préparer la chambre du nouveau-né…

Quitte ta robe de tristesse, drape-toi du manteau de droiture qui t’arrive de Dieu, mets sur ta tête une couronne de roi. Baruc, le béni, clame de cette magnifique manière l’appel à la conversion.

L’exil, le péché, est ce qui fait oublier la dignité des fils de Dieu… Certaines voix du monde nous mettent en exil de la beauté que Dieu dépose en nous… Elles nous font croire qu’il faut avoir toujours plus, elles nous racontent que nous ne sommes pas rentables, elles nous jettent du bling bling et de la poudre aux yeux, elles crient qu’on ne sert à rien, que la vie n’a pas de sens, qu’on perd sa dignité dès que l’on perd son indépendance… Ces voix exilent la joie de la Présence !

Lève-toi ! Reviens. L’ami de l’époux, Jean-Baptiste t’appelle à venir préparer les noces et à rendre belle une place pour qu’y demeure le Christ Sauveur.


2e DIMANCHE DE L’AVENT, année C
Lectures bibliques : Baruc 5, 1-9; Psaume 125; Philippiens 1, 4-6.8-11; Luc 3, 1-6