Homélie du 19 août 2018 (Jn 6, 51-58)

Diacre Frédéric Gaillard – Hospice du Grand-Saint-Bernard

Chers frères et sœurs présents ici dans cette église du Grand Saint Bernard à 2472 m d’altitude, ou auditeurs au loin qui êtes en communion avec nous, par la magie des ondes de la radio (dans votre lit d’hôpital, dans votre cellule de prison, dans votre maison, dans votre voiture… ou ailleurs).

AUJOURD’HUI Jésus veut nous dire qu’il se fait présent au milieu de nous déjà par l’Assemblée que nous formons. On l’appelle aussi « Eglise », Corps du Christ tout entier, c’est-à-dire Tête et Membres. Jésus-Christ est présent dans la miséricorde qu’Il nous offre quand nous la lui demandons avec vérité et foi. C’est le rite du pardon qui suit celui de l’accueil dont je n’ai pas vraiment parlé.

La Parole à dévorer

Il est évidemment présent aussi dans sa Parole qu’Il nous donne à dévorer… Oui, vous avez bien entendu « à dévorer » ! « Le Verbe – c’est-à-dire la Parole – s’est fait chair et Il a habité parmi nous » …  Dans l’Ancien Testament on voit déjà les Prophètes qui « dévorent » la Parole de Dieu, comme par exemple dans Jérémie 15, 16 : « Dès que je trouvais Tes paroles, je les dévorais », ou ailleurs, plusieurs fois, le Seigneur demande à des prophètes de mâcher le Livre de la Loi avant d’aller prophétiser…

La Consécration : secret d’amour

Puis, il y a le temps de la Consécration : Dieu se fait présent par l’Assemblée, par son pardon qu’Il nous offre, par sa Parole… Et voilà qu’après la Liturgie de la Parole, Dieu veut se faire présent en prenant le pain et le vin que nous Lui offrons. Ce pain et ce vin, c’est-à-dire ces oblats : ce sont nos travaux, nos joies, nos peines, nos souffrances, nos vies… Celles de toute l’humanité (d’hier, d’aujourd’hui et de demain). Nous les déposons sur l’autel – par le ministre ordonné – pour qu’ils deviennent le Corps et le Sang du Christ ! Quel mystère, quel secret d’amour !

Pour comprendre un peu de ce Mystère Eucharistique, rappelons-nous le récit de Zachée et l’invitation de Jésus : « Il faut que j’aille demeurer chez toi ». Jésus nous le rappelle aussi dans l’Evangile de Jean qui nous est offert aujourd’hui : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui ».

Nous pourrions rester longtemps à méditer ce Dieu présent qui veut venir chez Zachée, chez les disciples d’Emmaüs, chez saint Paul, chez les premiers chrétiens réunis pour la fraction du Pain, chez nous aujourd’hui dans l’Eucharistie de ce jour à l’église du Grand-Saint-Bernard, dans votre maison, dans votre voiture, dans votre chambre de malade ou dans votre cellule !

Le « Notre Père »

Après le temps de la Consécration, il y a le temps de la Communion qui commence par le « Notre Père ». Quelle belle prière enseignée par Jésus pour nous rappeler que « je » ne suis pas chrétien tout seul. « Je » n’ai pas à rester un membre isolé du Corps du Christ… quand « je » prie le « Notre » Père, je devrais plutôt dire « nous » prions le « Notre » Père, car c’est vraiment le Corps du Christ tout entier qui prie. Alors je comprends mieux ce que saint Augustin dit pour la Communion : « Deviens ce que tu contemples, contemple ce que tu reçois, reçois ce que tu es : le Corps du Christ ».

Habités par Quelqu’un qui nous transforme

Eh, oh ! L’Eucharistie ne s’arrête pas à la Communion… Il y a l’Envoi. Zachée n’est pas resté les bras croisés après avoir reçu Jésus qui a voulu demeurer chez lui. Ce n’est pas dit que Jésus a passé chez Zachée… Il n’est pas passé, Il est allé « demeurer » chez Zachée. C’est pourquoi il y a eu transformation pour Zachée – ce collecteur d’impôts. Il n’est plus du tout le même car il est habité par Quelqu’un qui le transforme.

Je pense là que chacun a pu voir – surtout chez les autres – que des personnes ont été complètement changées par la présence dans leur cœur d’une amitié forte qui a transformé leur vie !

Jésus n’a pas vraiment quitté Zachée quand Il est parti de sa maison : Il est bien sûr resté présent dans le cœur de Zachée pour y demeurer et continuer à le transformer. Ce récit de « Repas Eucharistique » (comme nous pourrions l’appeler, je crois), nous pourrions en trouver bien d’autres dans le Nouveau Testament, comme par exemple avec les Apôtres, les disciples d’Emmaüs, saint Paul, les premiers chrétiens… Dans toutes ces expériences humaines racontées, mais aussi dans toutes celles qui se sont vécues depuis 2000 ans, je pense que de nombreuses personnes auront pu dire, à l’exemple de saint Paul : « Ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi ! ».

Et nous, ne serions-nous pas appelés à rayonner le Corps du Christ là où nous sommes par des œuvres de miséricorde ? Visites de malades, de prisonniers, de familles, de personnes seules… aumônes, gestes de solidarité et de partage. Alors nous pourrons dire en vérité que l’éternité commence aujourd’hui, car – vous avez bien entendu l’Evangile de ce jour – « Celui qui mange de ce pain vivra éternellement ».


20e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

Lectures bibliques : Proverbes 9, 1-6; Psaume 33;  Ephésiens 5, 15-20; Jean 6, 51-58


 

Homélie TV du 15 août 2018 – Assomption (Lc 1, 39-56)

Père Philippe Cochinaux, provincial des dominicains de Belgique – Collégiale Saint-Jacques, Liège

 

«Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur… Le Puissant fit pour moi des merveilles.  Saint est son nom». 

Par ces mots, Marie nous convie à chercher à exprimer notre reconnaissance en tout temps et en tous lieux. Il est vrai qu’il est aisé de chanter de telles phrases quand tout va bien, quand la vie nous sourit abondamment, quand tout nous paraît si simple.

Mais qu’en est-il lorsque nous avons le sentiment que tout est grisaille, que le sort s’acharne sur nous, que nous nous sentons prisonniers de solitude, que les êtres chers nous manquent car ils sont déjà de l’autre côté de la vie ou qu’ils ne prennent plus le temps de nous rencontrer ? Est-il encore si aisé de les chanter et d’exprimer notre reconnaissance pour tout ce que nous traversons et qui nous paraît tellement lourd à porter ? N’est-ce pas lorsque nous sommes privés de tout cela que nous découvrons la douleur du manque ?

Découvrir la vie comme un don

En nous appropriant les mots du Magnificat, nous sommes ainsi conviés à redécouvrir que la vie est avant tout un don et qu’il est donc fondamental de pouvoir rendre grâce et d’exprimer notre reconnaissance pour tout ce qu’il y a ou qu’il y a eu de beau dans nos existences même si cela se redécouvre dans un passé lointain.

Cherchons à retrouver dans nos souvenirs, tous ces beaux moments d’amitié et de tendresse réconfortante. Nourrissons notre avenir de tout ce qu’il peut encore nous offrir et ce, malgré les fragilités de notre existence. Rendons grâce à Dieu d’être ce Dieu qui nous accompagne par le biais de tant d’autres êtres humains.

Percevoir les signes de l’amour de Dieu

Rendons grâce à Dieu d’être ce Dieu que nous pouvons à tout instant rencontrer dans l’intime de notre cœur. Portons un regard nouveau sur nos vies pour percevoir les signes de l’amour de Dieu à notre égard.  Exprimons notre reconnaissance pour tous ces petits bonheurs qui ponctuent nos journées. Rendons grâce pour tout ce que nous venons de vivre et demandons l’accompagnement de l’Esprit Saint pour tout ce que nous aurons à vivre.

Quelle que soient nos vies, ne nous laissons jamais voler l’espérance.  Car l’espérance est une grâce, un don de Dieu qui nous porte en avant et qui nous permet à notre tour de rendre grâce.

Et c’est précisément ce que Marie fit alors qu’elle était enceinte du Fils de Dieu. Elle ne s’enferme pas dans son bonheur.  Bien au contraire, elle se met immédiatement en route. A notre tour, nous sommes invités à faire de même, c’est-à-dire à aller de visitation en visitation. Nos visitations personnelles consistent à toujours partir à la rencontre de l’autre et à oser témoigner de celui qui habite au plus profond de notre être. Mission impossible dans un monde sécularisé comme le nôtre, penseront peut-être certains ?

Témoigner de la foi

Ne nous décourageons pas devant l’ampleur de la tâche et osons, chacun à notre manière, avec nos dons reçus, témoigner partout où nous sommes, de cette foi qui nous fait vivre. Devenons comme Marie, des êtres humains capables de toucher le cœur des autres, mieux encore capables de les faire tressaillir.  Que par nos attitudes, par nos paroles et par nos gestes, les gens puissent à leur tour tressaillir de joie, c’est-à-dire être bouleversés au plus profond de leur être comme Jean-Baptiste le fut dans le ventre de sa mère.

Il y a toujours un espérance en Dieu

Et bienheureux sommes-nous, car l’évangéliste Luc nous donne la source de cette joie. Il s’agit de l’Esprit-Saint qui utilise un fil d’or de tendresse pour réparer nos blessures les plus profondes.  L’aiguille de la douceur, tenue par une main d’amour, vient caresser la béance de certaines parties de notre être et de notre histoire pour la recouvrir à nouveau d’un point qui relie, d’un mouvement qui réconcilie, d’une attention qui attendrit.  En Dieu, je vous le disais, il y a toujours l’espérance.

Et c’est ce même Esprit qui nous remplit de joie chaque jour lorsque nous croyons et nous proclamons que Jésus est Seigneur, c’est-à-dire le Messie, le Sauveur.  Notre joie dépend de la force avec laquelle nous croyons en ce mystère. Nous sommes ainsi appelés à vivre la joie de croire. C’est cette dernière qui doit nous faire tressaillir.

Que nous puissions alors visiter et revisiter chaque jour le mystère de la Visitation de Marie à Élisabeth pour devenir à notre tour ces porteurs de la Bonne Nouvelle. Pour ce faire, il nous suffira tout tendrement de conjuguer à foison les verbes «rendre grâce, rencontrer et être joyeux» lors de nos prochaines visitations.

Belle fête de l’Assomption!

Amen


Fête de l’Assomption de Marie

Lectures bibliques : Apocalypse 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab; Psaume 44; 1 Corinthiens 15, 20-27a; Luc 1, 39-56


 

Homélie du 12 août 2018 ( Jn 6, 41-51)

 Chanoine José Mittaz – Hospice du Grand-Saint-Bernard

 

« Maintenant, c’en est de trop ! » (1 R 19,4)

 

C’est le cri d’Elie dans le désert, le cri d’Élie au nom de toutes celles et de tous ceux qui aujourd’hui ne peuvent peut-être pas le dire mais l’éprouvent.

« Maintenant, c’en est de trop ! »

C’en est de trop de se retrouver dans un désert, chassé de son pays,

c’en est de trop de cette situation professionnelle où je me fais avoir, où je suis déconsidéré,

c’en est de trop de ces conflits de famille qui n’en finissent pas.

C’en est de trop !

Accueillir ce cri

Que notre célébration de ce jour nous donne d’ouvrir un espace d’hospitalité pour accueillir ce cri qui peut-être à certaines heures est aussi le nôtre. Accueillir ce cri qui peut-être à certaines heures est le nôtre, c’est devenir une présence universelle, capable au travers de l’épreuve de notre existence d’être compagnon, de partager le même pain que celui qui ère dans le désert.

Offrir un peu d’ombre

« Maintenant, c’en est de trop ! » crie Elie, « reprends ma vie, Seigneur ! »

Élie a déjà une sacrée force c’est que dans sa souffrance, il se tourne vers quelqu’un, vers le Seigneur. Mais aussi dans ce désert, il ne s’arrête pas n’importe où, il va chercher l’ombre d’un buisson. Aussi quand Élie dit « reprends ma vie Seigneur », il nous faut écouter son corps, la parole de son être.  Il ne va pas chercher le soleil brûlant et où il pourrait en finir plus rapidement avec cette vie, il cherche l’ombre, il cherche la la présence d’un buisson. Et si notre présence de bienveillance était dans le désert, d’oser être ce buisson. Ce buisson il ne peut rien faire par rapport à ce que vit Élie mais il est là et parce qu’il est là, simplement là ; il peut offrir une ombre qui atténue la brûlure de l’épreuve.

Une vraie culpabilité

« Je ne vaux pas mieux que mes frères » Ah, oui, dans l’épreuve d’Élie, il y a le jugement qu’il se donne à lui-même.  « Je pensais peut-être valoir plus mais eh bien, non, je ne vaux pas plus. »  Il se sent coupable et je puis vous assurer que ce n’est pas une fausse culpabilité, c’est une vraie culpabilité car s’il fuit la reine Jézabel c’est parce qu’il a témoigné du seul Dieu par rapport au Baal, les dieux de la réussite, de l’efficacité, de l’argent à tout prix, s’il fallait le traduire en mots d’aujourd’hui. Il est dans ce mouvement de colère, il a trucidé tous les faux prophètes, donc mis à mort.  Sa culpabilité est vraie, oui, il s’est perdu.  A l’ombre du buisson, celui qui s’est perdu et qui se juge est appelé à rencontrer un Dieu, qui est comme nous l’avons partagé hier soir à la veillée, celui du « peut-être ».  « Peut-être », c’est aussi la présence de la bienveillance. Alors qu’Élie dit « reprends ma vie », Dieu dit : « peut-être qu’il voudra encore vivre, alors je vais m’engager pour cela. »

Une présence de bienveillance

Dans son sommeil, celui de l’anesthésie pour avoir moins mal, l’ange du Seigneur est là. Il nous invite aussi à oser nous reconnaître dans la présence de l’ange du Seigneur, de devenir ce visage-là pour nos frères. Et humblement, l’ange lui dit : « Lève-toi et mange ! » (1 R 19,5)  « Debout », c’est la posture de la vie, du Ressuscité, et « mange ». Élie commence par regarder et il voit une galette cuite sur une pierre brûlante et une cruche d’eau. La bienveillance, c’est aussi de reconnaître la bienveillance de l’autre envers moi. Si la pierre est brûlante c’est que l’ange du Seigneur a pris le temps de faire un feu pendant qu’il dormait, qu’il a pris le temps de rassembler la farine, de pétrir la pâte. Autrement dit, quand nous sommes dans l’épreuve, n’oublions pas qu’il y a une présence qui œuvre discrètement au service de notre vie. Parfois, elle prend visage humain, cette présence de bienveillance, je l’espère le plus souvent possible. Et donc, il n’y a pas que ce que je perçois, il y a la présence de l’autre, « prends, mange, lève-toi et mange !»

Orienter la parole de mort vers la vie

Autrement dit, vous entendez aussi que le Seigneur ne dialogue pas avec le désir de mort d’Élie. Il s’engage comme présence de vie. La présence de bienveillance ne dialogue pas avec la mort mais accueille la parole de mort pour l’orienter vers la vie. Elie se rendort. L’ange du Seigneur continue de veiller, de bien veiller en façonnant une galette qui est comme une prière d’intercession, qui ressemble à ce pain de l’eucharistie que nous partageons.

Un pain qui ouvre un avenir

Et dans sa deuxième parole l’ange lui dit « Lève-toi, mange, car sinon le chemin serait trop long.» (1R 19,7)  Tout d’un coup, c’est un pain qui ouvre un avenir là où Élie ne voyait plus qu’un passé. C’est comme ça que l’on peut se libérer de la culpabilité, c’est lorsqu’une présence nous donne d’orienter notre regard non pas vers le passé qui enchaîne mais vers l’avenir qui s’ouvre.

Et Élie va marcher 40 jours et 40 nuits, fortifié par cette nourriture qui est celle d’une présence qui marche avec lui, qui est compagnon de route, qui a partagé son pain. Élie a partagé le pain de Dieu, il en est fortifié pour monter sur la montagne de Dieu. La montagne de Dieu qui s’appelle l’Horeb. L’Horeb, c’est le mont de la désolation, sa traduction de l’hébreu.  Là où il y a désolation, il peut y avoir pain de présence, révélation d’un souffle ténu qui fait du bien là où nous en avons besoin.


19ème dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques :  1 Rois 19, 4-8; Psaume 33, 2-3, 4-5, 6-7, 8-9; Ephésiens 4, 30–5, 2; Jean 6, 41-51