Homélie du 26 mars 2017 (Jn 9)

Chanoine Roland Jaquenoud – Abbaye de Saint-Maurice

 

Mes frères, mes sœurs, nous voici arrivés à notre quatrième étape de ce temps de carême. La semaine passée, nous faisions étape près du puits de la Samaritaine. Et avec elle, nous étions nourris, nous étions nourris de la boisson, de la source de vie qui sourd du Seigneur.

Aujourd’hui, nous voici l’aveugle-né. Oui, mes frères, mes sœurs, l’aveugle-né, c’est chacun d’entre nous. Serions-nous aveugles nous aussi ? Jésus leur répondit : « si vous étiez aveugles, vous n’auriez pas de péché ; mais du moment que vous dites : « nous voyons ! », votre péché demeure ».

Le sacrement du baptême : le début de notre guérison

Voilà bien le drame de notre cécité. Nous ne nous rendons même pas compte que nous sommes aveugles. Or il va bien falloir s’en rendre compte, mes frères, mes sœurs, pour que le Seigneur soit véritablement venu pour nous guérir. « Ni lui, ni ses parents n’ont péché » disait Jésus de l’aveugle -né « mais c’était pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui ». Voilà que si nous nous reconnaissons aveugles, mes frères, mes sœurs, nous sommes prêts pour que les œuvres de Dieu se manifestent en nous. Et comment se manifestent-elles en nous aujourd’hui ? Et bien elles se manifestent par notre guérison. Le sacrement du baptême, ce sacrement que l’on appelle aussi sacrement de l’illumination, voilà qu’elle fut le début de notre guérison, afin que nous puissions, petit à petit, voir.

La vision de la foi

Voir, qu’est-ce que cela signifie mes frères, mes sœurs ? Et bien, regardons ensemble ce qui se passe avec l’aveugle-né. Il voit, il ne sait pas très bien qui l’a guéri, mais finalement, à force de voir des faux-semblants, des gens qui lui posent mille douze questions, voici qu’il voit le Fils de l’homme, qu’il Le reconnaît et qu’il croit. La vision qui nous est offerte sur cette terre, mes frères, mes sœurs, c’est la vision de la foi. La foi qui n’est pas simplement une croyance en quelque chose ou en quelqu’un, en quelque tradition, la foi qui est ouverture, ouverture du cœur, ouverture de l’œil intérieur vers quelqu’un qui est tout près de nous et que nous ne voyons pas.

La foi nous illumine

Mes frères, mes sœurs, se reconnaître aveugle, c’est reconnaître que nous avons besoin d’être illuminés afin de vivre dans la lumière. Or cette illumination ne vient que dans la contemplation de Celui qui est venu nous guérir. Cette illumination ne vient que dans la foi en ce Jésus qui est vrai Dieu fait vrai homme, qui est notre voie vers Dieu, qui est notre intermédiaire, notre médiateur entre Dieu et les hommes. Voir, pour nous, c’est croire et croire doit nous ouvrir à quelque chose de neuf. Croire doit nous illuminer. Si la foi ne nous illumine pas, mes frères, mes sœurs, c’est que nous avons effectivement encore besoin d’être guéris, c’est que nous sommes effectivement encore aveugles.

Des hommes et des femmes de véritable bonté, justice, vérité

Qu’est-ce que cela signifie être illuminé ? Et bien une réponse nous est donnée dans la lettre de Saint Paul aux Ephésiens que nous avons lue tout à l’heure. «Conduisez-vous, disait Saint Paul, comme des enfants de lumière – or la lumière a pour fruit tout ce qui est bonté, justice et vérité. » Voilà mes frères, mes sœurs, que voir, voir le Christ par les yeux de la foi nous amène finalement à quelque chose de bien pratique. Il ne s’agit pas simplement d’une connaissance surnaturelle, que nous serions appelés à contempler de manière passive. Croire au Christ, le voir avec les yeux de la foi, c’est accepter qu’Il transforme notre vie pour que nous devenions, nous aussi, des enfants de lumière, c’est-à-dire des hommes et des femmes capables de véritable bonté, de véritable justice, de véritable vérité.

Le début d’une joie

Et voilà que nous apprenons que Jésus veut nous guérir, veut nous donner de voir afin que nous soyons renvoyés vers chacun de nos frères, pour être, pour chacun d’eux, non seulement des témoins, mais des reflets de cette lumière qui vient du Christ lui-même, de Celui qui est venu nous sauver, de Celui qui est venu nous guérir. Oui, mes frères, mes sœurs, nous sommes aveugles et finalement cela doit être pour nous le début d’une joie. Nous sommes aveugles et c’est pour cette raison là que le Christ nous donne de voir, nous donne de Le voir et de voir à travers Lui tous nos frères et sœurs, en particulier ceux qui ont le plus besoin de nous.

Voilà qu’en ce milieu de carême, nous sommes appelés à nous diriger vers le Christ ressuscité, à nous lever de notre mort, à nous lever de nos limites afin de pouvoir vivre avec Lui et en Lui et afin de pouvoir être son témoin parmi tous nos frères et sœurs. « Réveille-toi, oh toi qui dors, relève-toi d’entre les morts et le Christ t’illuminera ». Amen.


4e DIMANCHE DE CARÊME
Lectures bibliques : 1 Samuel 16, 1b.6-7.10-13a; Psaume 22; Ephésiens 5, 8-14; Jean 9, 1-41 (ou brève : 9, 1.6-9.13-17.34-38) – Année A

 


 

Homélie du 19 mars 2017

Chanoine Roland Jaquenoud – Abbaye de Saint-Maurice

Mes frères, mes sœurs, le premier dimanche de carême nous partions avec Jésus au désert, afin d’apprendre avec lui le combat spirituel. Dimanche passé nous montions avec lui sur la montagne afin de le rencontrer tel qu’il est, vrai Dieu et vrai homme. Et aujourd’hui, voici que Jésus se manifeste à nous auprès d’un puits.

Jésus nous rencontre là où nous allons tous les jours

Un puits, à l’époque de Jésus, c’est quelque chose de tout à fait banal. La Samaritaine venait y puiser l’eau sans doute plusieurs fois par jour, pour les besoins de son ménage. Or c’est auprès de ce puits qu’aujourd’hui Jésus nous rencontre en cette troisième étape de notre carême.  Cela veut dire qu’il nous rencontre là où nous allons tous les jours, à nos puits, à nos magasins, à nos lieux de travail. C’est là que Jésus se trouve et qu’il nous dit cette parole si importante : « Donne-moi à boire ».

Jésus a soif de toi

Comme la Samaritaine, nous risquons de comprendre qu’il s’agit véritablement de lui apporter quelque boisson ou quelque nourriture terrestre. Or il y aura plus tard un autre moment où Jésus dira quelque chose de très semblable. Ce sera au moment si essentiel, si central : celui de la Croix. Là il dira : « J’ai soif ». Et là aussi on sera tenté de lui apporter un peu de vinaigre sur une éponge. Et pourtant, ce n’est ni d’eau, ni de vinaigre que Jésus a soif. Dans le texte lu aujourd’hui, il y a un moment très important. Lorsque les Apôtres lui apportent de la nourriture, Jésus dit : « Je n’ai pas besoin de manger.  Ma nourriture, c’est de faire la volonté de mon Père ».  Jésus a soif de quelque chose d’autre. Lorsqu’il me dit à moi, lorsqu’il te dit à toi : « J’ai soif, donne-moi à boire », mon frère, ma sœur, c’est de toi qu’il a soif.

L’eau vive du baptême

La Samaritaine n’avait pas compris, elle était même étonnée qu’un juif lui demande à boire. Et vous vous rappelez la réponse de Jésus : « Si tu savais le don de Dieu, et qui est celui qui te dit donne-moi à boire, c’est toi qui le lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive ».  Jésus a soif de nous, non pas parce qu’il a besoin de nous, il a soif de nous, parce qu’il veut  nous donner l’eau vive. L’eau vive du baptême, l’eau vive de la purification, l’eau vive de la joie et de l’allégresse.

Éveiller cette soif qui doit être la nôtre

En ce dimanche, mes frères, mes sœurs, nous sommes avec la Samaritaine en nos lieux habituels, et c’est là que Jésus nous rencontre pour ne redire une fois de plus : « J’ai soif, donne-moi à boire », c’est-à-dire « laisse-moi te combler de l’eau de la vie ». Et c’est là, mes frères mes sœurs, que se trouve souvent le drame de nos cœurs : nous n’avons plus besoin de Jésus, parce que nous avons oublié pourquoi il est venu, pourquoi il nous rencontre. Nous somme croyants, donc nous prions, nous venons à la Messe. Mais Jésus nous rencontre une fois de plus pour nous réveiller, pour éveiller cette soif qui doit être la nôtre : la soif de lui. La soif de la communion avec lui, la soif du renouvellement complet de notre être, la soif de notre conversion, de notre retour à lui.

Eucharistie et sacrement de la réconciliation

En ce moment du Carême, mes frères, mes sœurs, il serait bien que chacun d’entre nous fasse un examen de conscience : ceux qui sont un peu éloignés des préoccupations religieuses, comme ceux qui sont en plein dedans. Est-ce que nous entendons encore dans notre quotidien, dans les activités souvent si prenantes de notre vie, cet appel du Christ : « Donne-moi à boire, reçois-moi, ta source d’eau vive, reçois-moi et prends-moi dans ta vie » ? Il y a des moments importants dans la journée du chrétien, où le Seigneur se donne. Le moment le plus important, c’est celui de l’Eucharistie, de la Messe, où nous recevons cette source d’eau vive, après avoir entendu son appel « Venez, prenez, mangez, buvez en tous ». Nous la recevons du corps et du sang qu’il a offerts sur la Croix et qu’il nous donne dans ce sacrement. Et puis il y a un autre moment, celui du sacrement de la réconciliation, celui de la confession de nos péchés au Père. Le Seigneur a institué par le sacrement de l’Ordre ses Apôtres et ceux qui lui succèdent pour être des étapes destinées à chacun d’entre nous, où l’on peut recevoir en plénitude son pardon, où l’on peut recevoir en plénitude le renouvellement de la grâce qui nous a été donnée le jour de notre baptême, et que nous avons souvent un peu oubliée. Ce moment, cette étape, où nous pouvons recevoir de nouveau et en plénitude la joie du pardon et de la miséricorde.

Mes frères, mes sœurs, Jésus est là, tout près de nous, assis sur le bord de notre puits quotidien. Essayons d’écouter sa voix, essayons de l’entendre, essayons de recevoir l’appel qu’il nous fait : « J’ai soif, j’ai soif de toi. Viens, ne tarde plus. Tu sais l’endroit où je peux te donner tout ce dont tu as besoin. Viens, je veux te combler de la source d’eau vive, cette source qui jaillit en toi depuis le jour de ton baptême. Viens, donne moi à boire, et je te donnerai l’eau de la vie éternelle. Amen.


3e dimanche du Carême

Lectures bibliques :  Exode 17, 3-7; Psaume 94; Romains 5, 1-2.5-8; Jean 4, 5-42