Homélie TV de Pâques, 31 mars 2024 (Jn 20, 1-9)

Fr. Didier Croonenberghs OP – Église St-Rémy, Profondeville, Belgique 

Il y a peut-être quelques fans de James Bond parmi vous.
Des personnes qui, comme moi, n’ont aucun souci à regarder un film de la série pour la troisième ou quatrième fois… Dans Skyfall, un des méchants demande à James Bond quel est son passe-temps.
Et ce dernier répond de manière surprenante : la résurrection.
« What’s your hobby, James ? » « Resurrection ».

Ce que nous fêtons aujourd’hui dépasse tout ce que nous pouvons imaginer. Les mots sont toujours trop étroits pour exprimer l’indicible de Pâques. Pour tenter de mettre des mots sur leur foi en la résurrection, les premiers chrétiens ont d’ailleurs emprunté une multitude d’expressions variées : gloire, relèvement, exaltation, réveil… En effet, n’avons-nous pas déjà vu des personnes se relever, se réveiller à la vie, alors que tout semblait perdu ? Elles ne sont plus là où nous les enfermons. Oser parler de la résurrection, n’est-ce pas d’abord croire en la nôtre, et la voir peut-être au quotidien autour de nous ? Comment me direz-vous ?

Vivre la résurrection, c’est faire un deuil fécond

Comprenons le bien : il ne s’agit pas retrouver ce qui était perdu. La joie de Pâques est plus qu’un passé heureux qui referait surface dans notre vie, ou un retour à la vie de choses anciennes comme dans cette culture vintage qui donne une seconde vie à des choses passées… Pour parler de la résurrection de Jésus, jamais les évangiles n’utilisent le terme de seconde vie. Au contraire, la résurrection est la traversée de la mort, c’est-à-dire l’arrivée de quelque chose de radicalement neuf et inespéré ! Vivre la résurrection, c’est faire un deuil fécond.

Pour vivre cela, nous sommes appelés à regarder d’abord ce qui nous enferme, nos tombeaux et nos peurs. En grec, il s’agit du même mot ! Et voir paradoxalement dans ceux-ci des lieux d’annonce et de promesse… Il s’agit ensuite d’accepter certaines ruptures afin de ne plus s’accrocher à sa propre vie… Pâques, le grand passage, nous invite ainsi à ne pas voir le temps qui passe comme une menace, mais comme le chemin que prend l’éternité de Dieu pour nous rejoindre.

Le tombeau vide ouvre un avenir

Car la résurrection n’est pas l’immortalité. C’est au contraire l’échec traversé, la vie transfigurée dans notre existence mortelle. Pour vivre une telle transformation, il faut oser se rendre dans ses propres lieux de fragilité. Faire l’expérience du manque et se rendre au tombeau pour voir qu’il est vide. Et en même temps, comme le disciple bien aimé, croire que ce tombeau ouvre un avenir. Qu’il peut devenir la crèche d’un monde nouveau. « Il vit et il crut » !

N’est-ce pas davantage qu’un clin d’œil, que de voir que ce sont les femmes qui, dans les évangiles, sont les premières à porter, même imparfaitement, l’annonce de Pâques ? N’est-ce pas précisément parce qu’elles portent la vie et la mette au monde ? Vivre la grande traversée pascale, n’est-ce pas accueillir en nous, comme elles, une douce transformation intérieure, qui conduit à un enfantement ? Alors, nos deuils seront féconds. Et la résurrection se vivra au quotidien, dans nos gestes maternants, et maternels. Voilà pourquoi la résurrection n’est pas tant un fait historique qu’une question posée à notre histoire, à la vôtre : quels sont ces tombeaux qui vous enferment, mais qui peuvent finalement être lieux d’une promesse, d’un paradoxal enfantement ? Est-ce un échec à surmonter ? Un deuil qui reste à faire ? Une culpabilité mal placée ? Une dépression à traverser ? Une limite qu’il nous faut encore accepter ?

Ton avenir est plus réel que ton passé

A celles et ceux qui voient dans leurs vies des impasses, mais qui croient aussi en un relèvement possible, la folle espérance de Pâques leur dit : « Circule, il n’y a plus rien à voir dans ta vie à cet endroit-là ». Ta vie te précède en Galilée. Meurs à ce que tu n’es plus, afin de renaître à ce que tu es vraiment. Quitte ce projet qui ne te fait pas grandir. Quitte ce lieu-là qui te retient. Ne te définis pas par ce que tu as été, mais accueille ce que tu deviens. Quel que soit ton âge, ton avenir est plus réel que ton passé.

Frères et sœurs,
Dans la vie, il y a ceux qui croient savoir, et qui pensent détenir des preuves et la vérité. Mais il y a aussi ceux qui savent croire, comme le disciple bien aimé… Ceux pour qui, en face du tombeau, l’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence… Ceux qui voient le tombeau vide non comme la fin, mais comme un lieu d’annonce.

Pour le vrai croyant, ce n’est donc pas parce qu’il voit qu’il croit. Mais c’est parce qu’il croit, qu’il peut tout voir tout autrement. Qu’est-ce à dire, concrètement ? N’y a-t-il pas des moments dans nos vies où nous sommes comme morts, à bout de souffle ? Où nous vivotons par devoir, peur ou par survie ? Ce que nous voyons ne nous donne pas la joie de croire et nous sommes comme enfermés dans les tombeaux de nos rêves ou de nos espoirs déçus… Mais la joie inouïe de Pâques nous invite, comme le disciple bien aimé, à voir et à croire : voir lucidement notre vie telle qu’elle est, sans l’idéaliser. Et croire qu’elle peut être vraiment transformée, et rester féconde…
Que cette joie, cette extraordinaire promesse de Pâques nous accompagne, et mette davantage de vie dans nos existences mortelles. Qu’elle nous relève, nous réveille, nous recrée, nous enfante ! Amen.

Résurrection du Seigneur
Lectures bibliques : Actes 10, 34-43; Psaume 117; Colossiens 3, 1-4; Jean 20, 1-9

Homélie de Pâques, 31 mars 2024 (Jn 20, 1-9)

Abbé René-Marie Rudahunga Mupenzi – Eglise Saint-Joseph, Lausanne


Pâques : La résurrection du Christ est un appel à ressusciter avec lui

Nous célébrons avec grande joie la plus grande des fêtes chrétiennes : la Pâques du Seigneur, la résurrection de notre Seigneur Jésus Christ. Par définition, un chrétien c’est quelqu’un qui croit que Jésus Christ, le Fils de Dieu qui s’est fait homme a racheté le monde entier par sa mort et sa résurrection. Ainsi, la Pâques du Christ est le nœud même de la foi chrétienne. Sans la Pâques, il n’y a pas de foi chrétienne. « Si le Christ n’est pas ressuscité, vaine alors est votre foi » dit l’apôtre Paul aux Corinthiens.

Les implications de la résurrection ici et maintenant

Les belles liturgies pascales que nous faisons, même si elles nous aident à prendre conscience de l’importance de la Pâques, elles ne sont pas une finalité pour cette grande fête. La meilleure façon de célébrer la Pâque c’est de penser à ses implications pour moi ici et maintenant. La Parole de Dieu d’aujourd’hui nous propose une méditation dans ce sens. Elle nous exhorte à ressusciter avec le Christ. Si le Christ est ressuscité, ce n’est pas pour lui-même, ni pour Dieu le Père ou le Saint Esprit. C’est pour nous les humains. C’est pour moi. C’est pour que je resuscite avec lui.

La première lecture nous a donné un exemple d’un témoin de la Pâques, ce témoin qui est lui-même ressuscité avec le Christ. Il s’agit de l’apôtre Pierre qui nous apprend que nous autres les ressuscités nous avons reçu la charge d’annoncer et de témoigner que ce Christ ressuscité est le juge des vivants et des morts. Ressusciter avec le Christ c’est donc savoir et annoncer que nous devons vivre comme des personnes qui vont être jugées.

La deuxième lecture quant à elle, nous a rappelé qu’en tant que ressuscités avec le Christ nous devons « rechercher les réalités d’en haut, non celles de la terre ». En d’autres mots, pensons à notre vie spirituelle. Sachons que notre vie est cachée avec le Christ en Dieu comme nous le disait l’apôtre.

Ensemble à la recherche de Jésus

Enfin, l’évangile est revenu sur cette attitude du ressuscité avec le Christ en tant que quelqu’un qui recherche les choses d’en haut. Il nous a donné des exemples des personnes qui, même si elles ne savaient pas encore que le Christ était ressuscité, avaient reçu elles-mêmes la grâce de ressusciter avec lui : c’est Marie Madeleine, Pierre et l’autre disciple. Comme Marie Madeleine, un vrai ressuscité se lève tôt le matin (ressusciter veut dire se lever) pour aller voir Jésus. Il le cherche et s’il ne le trouve pas il va trouver les autres pour qu’ils cherchent ensemble. Comme les trois, nous, les ressuscités avec le Christ, nous devrions courir à sa recherche, bien évidemment chacun selon ses forces et ses grâces. Nous devrions arriver au tombeau de Jésus, y entrer, voir, croire et comprendre les Saintes Ecritures.

En peu de mots, selon la Parole de Dieu d’aujourd’hui, célébrer la résurrection du Christ c’est ressusciter avec lui. Or, ressusciter avec le Christ c’est savoir et annoncer que nous serons tous jugés par ce Christ. C’est rechercher les réalités d’en haut, non celles de la terre. C’est se lever assez tôt pour aller voir Jésus. C’est savoir rejoindre les autres pour courir ensemble à la recherche de Jésus. C’est arriver au tombeau de Jésus, y entrer, voir, croire et comprendre les Saintes Ecritures.

Que ce jour de la résurrection du Christ nous obtienne la grâce qui transforme notre vie et nous donne de ressusciter avec lui.

Résurrection du Seigneur
Lectures bibliques : Actes 10, 34-43; Psaume 117; Colossiens 3, 1-4; Jean 20, 1-9

Homélie du Vendredi-Saint 29 mars 2024 (Jn 18, 1-19, 42)

Frère Pierre de Marolles, OP – Eglise Saint-Paul, Cologny, GE

« Qu’est-ce que la vérité ? » Question désabusée de Ponce Pilate. Car alors comme aujourd’hui, qui se soucie de la vérité !?

La vérité c’est relatif : les chefs des prêtres disent de Jésus qu’il est le roi des juifs et c’est pour cela qu’ils veulent le mettre à mort ; Jésus dit qu’il est le roi des juifs, mais pas comme ils le croient ; les gardes aussi disent « salut roi des juifs » mais c’est pour le gifler ! Tout le monde dit la même chose mais ne le comprend pas pareil : La vérité c’est une question de point de vue … La vérité c’est si peu important qu’on peut bien faire de faux témoignage ! Pas complètement faux … juste assez : fakenews de l’époque …

Nous sommes faits pour la vérité

Et pourtant ! « Qu’est-ce que la vérité ? » Question angoissée de Ponce Pilate. Car aujourd’hui comme alors, tout le monde cherche des choses authentiques. On pourrait dire comme un slogan publicitaire : « l’authenticité, il n’y a que ça de vrai » ! De tout temps nous sommes faits pour vivre authentiquement. Autrement dit nous sommes faits pour la vérité ! C’est tellement vrai, d’ailleurs que Pilate écrira à son tour sur la croix : « Jésus de Nazareth, roi des Juifs. » Et là, il ne sera plus question de relativiser : « Ce que j’ai écrit, je l’ai écrit. »

Car la croix est le lieu où se révèle la vérité, la seule l’unique, la vérité tout entière ! Toute nue aussi … C’est fou qu’est-ce que cet instrument de torture peut bien avoir à faire avec la vérité ! Pourtant Jésus l’a dit : il est venu pour ceci rendre témoignage à la vérité ! Et Pilate s’étonne car Jésus ne dit rien ! « Si tu as quelque chose à dire dis-le ! »

La croix est le moment de vérité

Mais la vérité nous l’avons dit n’est pas écoutée, elle est déformée … Alors il ne suffit plus d’en rendre témoignage avec des mots et c’est toute la vie du Christ qui rend témoignage ! Sa vie … sa mort aussi … En grec, la langue des évangiles, témoignage se dit marturia, c’est ce mot qui donnera martyre : « le témoignage jusqu’au bout » ! La croix c’est le moment de vérité où tout est dit : l’amour fou d’un Dieu qui va jusqu’au bout !

Pilate prophétise – le savait-il ? – lorsqu’il présente cet homme bafoué et s’écrit « Voici l’homme ! » L’homme avec un « H » majuscule, l’être humain véritable, le « Fils de l’homme », seul titre Jésus que revendiqua de lui-même. Ne pensons pas qu’il est moins humain parce qu’il est Dieu fait homme ! C’est tout le contraire : jamais homme n’a été aussi humain que celui-là. A l’image de Dieu, il fut créé ; à l’image de Dieu, il faut qu’il soit recréé.

La faiblesse acceptée par amour

Voici donc l’Homme, le roi de l’humanité, couronné d’épines, revêtu de crachat, empourpré de son sang. Nous aurions cru que l’homme véritable serait un Apollon triomphant … Mais ils manquent toujours d’humanité ces surhommes-là ! L’homme n’est pas plus homme dans sa force démontrée avec violence, mais dans sa faiblesse accepté par amour !

Quand un ami demande pardon le premier par peur de perdre une amitié. Quand un enfant tend les mains vers ses parents pour être porté. Quand un des amants confesse à l’autre : « j’ai besoin de toi pour exister »

Voici le vrai visage de l’humanité ! Sur la croix, il crie « j’ai soif ». Et puisqu’il est son image, n’est-ce pas Dieu lui-même qui nous appelle : Voici la vérité ! J’ai soif de toi, je peux vivre sans toi, mais je ne le veux pas !

Lecture biblique : Jn 18, 1-19, 42

Homélie du 24 mars 2024 (Mc 14, 1-15, 47)

Abbé François-Xavier Amherdt – Eglise Saint-Germain, Savièse, VS

I. Hosanna

Hosanna veut dire « sauve donc ». C’est le même mot hébreu qui donne le nom de Jésus, « le Seigneur sauve », et également Josué, le juge sauveur d’Israël.
Que les foules sont versatiles ! Ce dimanche, elles acclament le Messie pénétrant dans sa cité pour la sauver et y apporter la paix définitive.

Et comme pour la fête juive des Tentes, les gens agitent des palmes et célèbrent l’envoyé de Dieu : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » C’est le Psaume 117 des festivités hébraïques des Tabernacles, que nous reprenons dans le Sanctus. Il est associé au chant de la vision d’Isaïe et de l’Apocalypse : « Saint, trois fois saint, le Seigneur. Le ciel et la terre sont remplis de ta gloire. »
Nous le proclamerons tout à l’heure, avant la grande prière eucharistique d’action de grâce, quand nous faisons mémoire de l’offrande du Christ : « Pas de plus grand amour que de donner sa vie. »
Les mêmes foules crieront à Pilate, quelques jours plus tard, au Vendredi Saint : « Crucifie-le ! »
Notre dimanche des Rameaux et de la Passion condense en une seule célébration les deux cris : « Hosanna », puis : « À mort ».

De la bénédiction à la malédiction, il n’y a que cinq jours. Ainsi en va-t-il dans l’existence. Un matin, on vous porte aux nues, le lendemain, on vous voue aux gémonies. Après le titre de champion, les médias vantent l’entraîneur ; trois mois plus tard, on le licencie. En tous cas au FC Sion.

II. La kénose

Ce retournement pascal est évoqué par l’hymne aux Philippiens de Paul. Le Fils de Dieu n’a pas retenu avidement, telle une proie à saisir, le rang qui l’égalait à Dieu. C’est le verbe grec qui donne « Harpagon », le nom de l’avare dans la pièce de Molière du même nom.
Mais il s’est vidé, il a tout donné, mieux qu’un sportif dans le stade ou sur le terrain. C’est la « kénose » du Christ. Il s’est abandonné, il est mort sur la croix, comme le dernier des serviteurs et des malfaiteurs.

Toutefois, il a été exalté par le Père céleste, il a été reconnu comme Fils de Dieu par le centurion romain, au cœur de la Passion selon Marc. En filigrane de sa souffrance au Golgotha a transparu le secret que le 2ème évangile avait maintenu au long de sa trame narrative.

Et c’est un païen, un représentant des occupants honnis, qui livre la plus belle confession de foi : « Vraiment celui-ci était le Fils de Dieu. »

III. Fruit de la Passion

Tel est le fruit de la Passion qui éclatera à Pâques. 7ème couleur, le sacrifice de louange.
Tel est le meilleur vin de la Résurrection, celui notamment de Savièse, avec le pain pascal distribué cette Semaine Sainte, vendredi à Drône et dimanche prochain à Ormône, deux des villages de la paroisse.

Selon le 4ème évangile, se tenaient au pied de la croix des femmes, Jean le disciple, en qui nous pouvons nous retrouver. Et Marie, la mère de Dieu, Stabat Mater, la maman était là jusqu’au bout.
Ainsi que le chante un couplet de l’Angelus de Savièse, cette version locale tout à fait typique et unique.

Bonne Semaine Sainte ! Soyons-en certains, au bout du Carême il n’y a pas le Carême, mais Pâques. Belle montée vers Pâques, dans le recueillement et la prière !

IV. Prière : chant de l’Angelus

Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur
Lectures bibliques : Isaïe 50, 4-7;Psaume 21; Philippiens 2, 6-11; Marc 14, 1-15, 47