Homélie du 26 mai 2024 (Mt 28, 16-20)

Abbé René Marie Rudahunga Mupenzi – Chapelle Saint-Justin, Fribourg

La Sainte Trinité, modèle de l’unité et de l’harmonie entre les hommes

Chers frères et sœurs, aujourd’hui nous célébrons avec grande joie la solennité de la Très Sainte Trinité, le Dieu Père, Fils et Esprit Saint, un seul Dieu en trois personnes distinctes mais unies dans l’amour. La Sainte Trinité, c’est l’objet même de toute notre foi. C’est dans cette foi en un Dieu-Trinité que nous avons été baptisés et, pour nous, le signe de la croix est en fait un rappel de ce baptême. Par ce signe, c’est comme si nous disions chaque fois « Je reconnais avoir été baptisé au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit ».

Dieu-Trinité s’est manifesté à travers 3 œuvres : la création, la rédemption et la sanctification

Nous croyons donc en un Dieu-Trinité non pas tellement parce que nous comprenons parfaitement sa nature, mais parce qu’il est ainsi et que c’est donc ainsi qu’il s’est révélé à nous. Il s’est manifesté à nous à travers trois missions ou œuvres qui résument l’histoire de notre salut : la création, la rédemption et la sanctification. Les trois personnes divines ont accompli et accomplissent conjointement ces trois œuvres même si nous reconnaissons principalement Dieu le Père dans l’œuvre de la Création, le Fils dans la Rédemption et l’Esprit Saint dans la Sanctification.

En effet, lorsque les Saintes Ecritures nous parlent de la création nous pensons principalement à Dieu le Père. Cependant, ces mêmes Ecritures nous apprennent aussi que Dieu le Fils est la Parole Vivante par qui le Père a tout créé et que le Dieu Esprit Saint est la Force dont Dieu le Père s’est servi aussi lors de la création.

Et lorsque les temps furent accomplis, disent encore les Ecritures, le Père a envoyé le Fils qui s’est incarné pour racheter les humains. Le Fils est donc l’agent principal de cette œuvre de la rédemption, mais, en réalité, il l’a accomplie conjointement avec le Père qui l’avait envoyé et l’Esprit Saint qui l’animait.

A la fin de sa mission sur terre, le Fils a envoyé l’Esprit Saint qui poursuit l’œuvre du salut en sanctifiant les hommes. Cette sanctification, cependant, le Saint Esprit ne l’accomplit pas tout seul, il le fait conjointement avec le Père et le Fils car c’est d’eux qu’il reçoit cette mission.

Vivre dans l’unité et l’harmonie

Ainsi en Dieu il y a trois personnes distinctes mais qui agissent toujours conjointement et en parfaite harmonie, unis par l’amour. Le Père n’est pas le Fils, le Père n’est pas l’Esprit Saint, le Fils n’est pas l’Esprit Saint mais il n’y a jamais d’opposition ni d’imposition entre ces trois personnes. Voilà une leçon importante à apprendre aujourd’hui en célébrant la Sainte Trinité : vivre dans l’unité et dans l’harmonie malgré nos différences.

Chers frères et sœurs, les Saintes Ecritures nous demandent d’imiter Dieu puisque nous sommes ses enfants bien aimés. En ce jour de la Sainte Trinité, engageons-nous donc davantage à imiter Dieu, bien évidemment en ce qu’il a d’imitable, en apprenant de lui à vivre dans l’unité et dans l’harmonie, à assumer nos différences, à ne pas nous opposer ou nous imposer aux autres.

Par conséquent, aujourd’hui, ayant adoré et célébré convenablement la Trinité dans son unité et dans son harmonie malgré la distinction des personnes, ce serait dommage que je rentre dans ma famille, dans mon milieu de travail, au milieu de mes voisins en ayant toujours l’idéologie de la pensée unique qui consiste à dire aux autres « parle comme moi ou tais-toi, fais comme moi ou disparais ; sois comme moi ou meurs. »

Nous ne célébrons pas la Sainte Trinité pour elle-même. D’ailleurs, nos chants et nos célébrations n’ajoutent rien à sa grandeur. Ce n’est que pour notre bien que nous le faisons. Ainsi, que cette fête nous apporte au moins deux bienfaits : qu’elle nous rappelle toujours que nous avons été baptisés au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, et qu’elle nous apporte la grâce de vivre dans l’unité et dans l’harmonie malgré nos différences.
Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit. Amen.

Fête de la Sainte Trinité
Lectures bibliques : Deutéronome 4, 32-40; Psaume 32; Romains 8, 14-17; Matthieu 28, 16-20

Homélie du 19 mai 2024 (Jn 15, 26-27; 16, 12-15)

Mgr Rémy Berchier – Eglise Sainte-Bernadette, Lourdes, France

Chers pèlerins de Suisse romande ici à Lourdes ou en chemin,
Chers amis qui avez traversé la France à pied ou à vélo jusqu’à hier pour rejoindre Lourdes,
Chers auditeurs d’Espace 2,
Frères et sœurs accueillants à l’Esprit-Saint,

« Je suis l’Immaculée Conception ». C’était le 25 mars 1858, la Dame disait enfin son nom à Bernadette Soubirous ici, à la Grotte, lors de la 16ème apparition. Les 15 premières ne furent que préparation, autant en paroles qu’en gestes, à ce sommet de la Visitation de Marie à l’humanité. Les 2 dernières ne seront que silence et sourire ! Les mêmes signes qu’au jour de Pentecôte à Jérusalem : « un bruit survint du ciel » – « comme un violent coup de vent », selon les Actes des Apôtres.

La Conception Immaculée de Marie est le début de l’histoire d’amour entre l’Esprit-Saint et la jeune fille de Nazareth. Dieu avait pris, comme toujours, l’initiative de s’inviter, par son Esprit-Saint dans le cœur et la vie de Marie. « Viens Esprit-Saint, hôte silencieux de l’âme » dit une très ancienne hymne de l’Eglise. Comme en chacun de nous, Dieu s’invite en disposant l’Esprit-Saint au plus intime, au tréfond de notre cœur. Il est présence, relation, amour entre le Père et le Fils, feu, hôte secret et discret en cette âme qui est source intarissable de Dieu, qui ne change pas en nous, alors que tout se transforme, notre vie durant. Il nous met en relation avec Dieu et nous introduit dans la Trinité Sainte.

Marie est irradiée par L’Esprit Saint


L’Esprit-Saint va faire vivre un premier seuil à Marie : « Je crois … en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui a été conçu de l’Esprit-Saint, est né de la Vierge Marie… » dirons-nous dans le Credo. Seuil qui se confirme à l’Annonciation, fêtée, clin d’œil de l’Esprit, à Lourdes, le 25 mars ! A Marie interrogative, l’Ange répondra : « l’Esprit-Saint viendra sur toi et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre – rien n’est impossible à Dieu. ». Marie est irradiée par l’Esprit-Saint. Toute sa vie en est habitée. Elle est, comme dit le Concile Vatican II : « Le sanctuaire de l’Esprit-Saint ». C’est bien pour cela qu’elle s’ouvre totalement à Dieu, qu’elle accueille tout son Amour et qu’au nom de l’humanité entière, elle peut s’exclamer : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon sa Parole. » Marie devient alors, par l’Esprit-Saint, pleinement et pour toujours, Mère de Dieu.

A la Pentecôte Marie devient Mère de l’Eglise


Et nous fêtons, en ce jour, la Pentecôte ! Marie était au Cénacle, en prière au milieu des Apôtres, toute remplie de l’Esprit-Saint alors qu’eux ne l’étaient pas encore. « Et l’on voit Marie appelant elle aussi de ses prières le don de l’Esprit qui, à l’Annonciation, l’avait déjà elle-même prise sous son ombre. », nous dit encore le Concile. Elle fut, sans doute, la première à parler de l’Esprit-Saint et de son œuvre en elle, aux Apôtres apeurés, la première à « en rendre témoignage », comme nous dit Jésus dans l’Evangile. A Pentecôte, l’Esprit lui donne une nouvelle mission, c’est le second seuil décisif, elle devient Mère de l’Eglise. Avec l’Esprit-Saint, elle donne naissance à l’Eglise. Elle devient Mère de l’Humanité par Jésus qui a mission de la sauver.

Plus de cinquante jours avant, sur la Croix, Jésus confiait sa Mère à Jean : « Jean, voici ta Mère » et par lui, à chacune et chacun de nous. En l’accueillant dans nos vies, nous professons l’Esprit-Saint : « Je crois en l’Esprit Saint » poursuit le Credo. Dans les lectures de cette fête, tout nous rappelle l’Esprit reçu au baptême, à la confirmation et à chaque instant : « Ils furent remplis de l’Esprit-Saint » nous disent les Actes ; « Marchez sous la conduite de l’Esprit-Saint » nous dit saint Paul en énumérant les neuf fruits de l’Esprit ; « Quand viendra le Défenseur… lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira dans la vérité tout entière… et vous aussi vous allez rendre témoignage. » nous dit Jésus.

L’Esprit nous met en communion, il habite nos rencontres, nos regards


Croyons-nous en cet Esprit-Saint qui vit, qui agit en nous et qui nous prédispose à la foi, l’espérance et la charité ? Ce même Esprit nous conduit en pèlerinage, en procession selon le thème de cette année à Lourdes : « Allez dire aux prêtres de venir ici en procession. » Cet Esprit nous met en communion avec vous toutes et tous, pèlerins en chemin vers Lourdes aujourd’hui, avec vous restés en Suisse. Cet Esprit habite nos rencontres, nos démarches de pardon, nos regards, nos gestes et nos paroles d’amitié et d’amour. Il prépare nos cœurs à l’accueil de l’autre quel qu’il soit. Il remplit de joie et de vraie espérance le cœur de nos frères et sœurs malades ou en situation d’handicap ou de précarité.

L’Esprit-Saint nous précède ! Le soir, avant de nous endormir, nous confions à Dieu notre journée et celles et ceux qui l’ont faite. Et si nous demandions à l’Esprit-Saint de nous précéder dans le cœur de toutes celles et ceux que nous allons rencontrer le lendemain ? Alors nos rencontres deviennent des Visitations !
Chers amis, bonne route avec l’Esprit-Saint par Marie, la première en chemin. Amen


Fête de la Pentecôte
Lectures bibliques : Actes 2, 1-11; Psaume 103; Galates 5, 16-25; Jean 15, 26-27; 16, 12-15

Homélie du 12 mai 1924 (Jn 17, 11-19)

Père Miguel Dalla Vecchia – Eglise Sainte-Clotilde, Genève

L’homélie en portugais suit le texte français

Frères et sœurs,

Nous célébrons aujourd’hui les apparitions de Notre Dame à Fátima. C’est toujours un moment de joie, de foi et d’espérance pour les malades, pour ceux et celles qui souffrent, pour les migrants, les réfugiés, les sens abris, les plus démunis…Pour ceux et celles que vivent dans un monde de guerre et d’injustice nous voulons prier pour la paix.

Nous avons entendu dans l’évangile saint Jean qui nous parlait de Marie au pied de la croix. C’est un moment douloureux pour Elle mais aussi pour son fils Jésus et le disciple que Jésus aimait.

Jésus sur la croix dit à sa mère : femme voici ton fils, et au disciple qu’il aimait : voici ta mère. Et aujourd’hui il nous dit encore qu’elle est notre mère à tous et à toutes.

Nous voulons prier aujourd’hui pour que notre Dame, Reine de la paix, intercède pour nous auprès de Dieu, pour que cessent les guerres, les injustices et les oppressions.

Nous demandons aussi au trois bergers / aos pastorinhos de Fátima, ces enfants qui nous ont aidés à connaitre et à comprendre le message de Fátima, que nous puissions continuer à découvrir leur message d’Espérance, de Paix et de Conversion.

Nous ne pouvons pas continuer à accepter paisiblement et sans réagir à ces guerres fratricides : soit en Palestine, le pays de Jésus, en Ukraine et tant d’autres pays dans le monde.

Ils sont nos frères et sœurs, ce sont des enfants, des hommes et de femmes qui meurent injustement à cause de l’aveuglement et du déshonneur de certains gouvernements mal intentionnés et impitoyables. Nous devons rendre compte à Dieu de nos actes. En même temps on continue à fabriquer et à vendre des armes… alors que des enfants meurent de faim et de soif.

Certainement que le message de Fátima, que les trois bergers nous ont transmis, n’est pas ce message guerrier, mais c’est un message de PAIX, D’ESPERANCE, DE CONVERSION ET DE SOLIDARITE.

Frères et sœur, que la Vierge de Fátima soit toujours présente dans nos familles, nos communautés, et dans le monde. Et que la vraie paix soit une réalité au milieu de nous et dans le monde entier.  Amen !

7e Dimanche de Pâques
Lectures bibliques : Actes 1, 15-26 ; Psaume 102 ; 1 Jean 4, 11-16 ; Jean 17, 11-19

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HOMILIA NA FESTA DE NOSSA SENHORA DE FÁTIMA

Caros irmãos e irmãs, o evangelho deste dia nos fala de Maria junto a cruz do seu filho Jesus.
O Coração Imaculado de Maria deve ser para nós objeto de profunda meditação, pois Deus criou um Coração para nos redimir, o Coração de Cristo. Deus se encarnou para que, com um coração humano, pudesse nos amar até o extremo do amor.

Perto da cruz de Jesus estavam de pé a sua mãe, a irmã de sua mãe, e outras mulheres. Maria não estava, sozinha; era uma entre outras mulheres.

Sim, Maria estava ali como “sua mãe” e isto muda tudo, pondo Maria numa situação totalmente diferente das demais mulheres.

O que aconteceu naquele dia indica o que deve acontecer cada dia: é preciso ficar junto de Maria e perto da cruz de Jesus, como fez o discípulo que ele amava.

“Ela esperou contra toda a esperança”

Mas agora devemos ampliar nosso horizonte.                                
 Para o evangelista João que relata o episódio, a cruz de Cristo não é apenas o momento da morte de Cristo, mas também o de sua “glorificação” e triunfo.

Portanto, no Calvário, Maria compartilhou com o Filho não apenas a morte, mas também os primeiros frutos da ressurreição.

Não seria completa uma imagem de Maria aos pés da cruz simplesmente como Nossa Senhora das Dores,”.

No Calvário, ela não é só a “Mãe das Dores”, mas é também e de modo particular a Mãe da esperança”. Sim num mundo marcado pela dor, pelo sofrimento, precisamos de esperança e de confiança.

Devemos partilhar com os outros a esperança de Maria, e não a guardar somente para nós.

Como Ela esteve perto, junto do Filho crucificado, assim a Igreja é chamada a ficar perto dos crucificados de hoje: dos pobres, dos sofredores, dos humilhados e dos ofendidos, dos migrantes e dos refugiados, dos sem abrigo.  

A Igreja deve dar esperança, proclamando que o sofrimento não é absurdo, mas tem um sentido porque haverá uma ressurreição da carne.

Que Nossa Senhora de Fátima possa nos ajudar a nunca desanimar diante da dor, do sofrimento ou da morte, a termos confiança no seu Filho Jesus que também passou pela condenação e morte, mas que ressuscitou ao terceiro dia e continua a caminhar até o fim dos tempos.

Homélie TV du 9 mai 2024 (Mc 16, 15-20)

Chanoine Pierre-Yves Maillard – Eglise Saint-Nicolas, Hérémence, VS

L’Ascension apporte des mots d’images, des images de fête. On lève la tête, on regarde le ciel, on en attend toujours une promesse. « Le Seigneur Jésus fut enlevé au ciel et s’assit à la droite de Dieu ». De quoi fut-elle donc faite, cette expérience des apôtres ? Quelle fut la part des sens, quelle fut celle de l’esprit ? Je ne le sais pas. Reconnaissons tout simplement l’humble nécessité des images. L’Ascension, c’est l’enlèvement d’un lieu pour un autre, c’est l’invitation au grand déplacement de la vision à la foi, de ce qui est compris à ce qui est cru. Afin de voir plus clair, afin de croire plus intelligemment, il faut descendre, descendre pour mieux monter.

Le récit de l’Ascension présente un double départ. Celui de Jésus, départ effectif, départ définitif. Quarante jours après Pâques, le Christ n’est plus visible aux yeux de chair de ses disciples. L’autre départ, c’est celui des apôtres : « Quant à eux, ils s’en allèrent proclamer partout l’Evangile ».

Nous appuyer sur la dynamique d’une promesse


Ces deux départs sont-ils précipités ? On serait tenté de le croire. C’est, apparemment, sur une insécurité évidente, sur une incrédulité non résorbée, sur une compréhension mal assise de ce qui se passe, que Jésus laisse ses disciples et les lance dans l’aventure de la mission. N’aurait-il pas été plus judicieux de rester encore quelques temps avec eux, de les former davantage, de les préparer aux persécutions à venir ? Quelle est donc cette logique qui fait prononcer à Jésus la dispersion des apôtres au moment où leur foi en Sa résurrection est tout juste à naître ? Peut-on malmener un nouveau-né ? Mais Jésus ne réfléchit pas ainsi. Risque calculé, ou géniale improvisation ? La question ne s’enferme pas dans ces termes. Ceux-ci relèvent trop d’une logique de la planification, qui tiendrait compte des pourcentages d’assurances et de risques, de réussite et d’échec, d’atouts et de malchance. Avons-nous, nous-mêmes, cherché à planifier ainsi notre vie ? Non. Nous nous sommes appuyés, comme nous nous appuyons ce matin, sur la dynamique d’une promesse. Sur la foi en une vie nouvelle, sur quoi la mort n’a pas de prise. Sur un Esprit qui doit venir. Le point d’ancrage, pour nous comme pour les apôtres, est en avant, et non en arrière. Les signes jaillissent devant, et non derrière. C’est cela, l’aventure de la foi. Ce fut notre choix.

Notre faible engagement ensable le monde

Alors, pourquoi faut-il que l’élan évangélique reste si souvent retenu aux fragiles sécurités du passé et du moment ? C’est peut-être que, trop naturellement, le chrétien est trop prudent, d’une prudence qui marie trop vite le christianisme avec la logique du monde. On voudrait garantir les moissons avant de risquer les semailles. Cette sagesse des préalables, qui veut que tout soit minutieusement au point avant de courir le pari de la foi, relève-t-elle d’un principe évangélique ? On peut vraiment se le demander. Si nous attendons la perfection des rites et du langage, ou la nôtre et celle de nos frères, pour nous lancer, quand serons-nous prêts ? Notre faible engagement ensable le monde. Alors, est-il possible de secouer cette habitude d’évangéliser où nous sommes presque plus pressés, comme l’écrit le Pape François dans sa première exhortation « Evangelii Gaudium », de considérer le tableau de marche plutôt que la marche elle-même ?

L’Ascension : une leçon de réalisme

Jésus parti, il nous revient ; il nous revient d’aller dans le monde entier, il nous revient d’être Christ, chez nous et pour les autres. « Proclamer partout l’Evangile » : on ne peut dire plus clairement la mission universelle de l’Eglise. Nous, nous traduisons parfois: l’Evangile devrait couvrir la surface de la terre. L’évangélisation procéderait par extension d’un tissu clérical. Il faudrait diffuser l’Evangile comme on diffuse une information. Mais Jésus laisse ses disciples sur terre et à la terre, avec mission de la faire advenir à Dieu, comme l’achèvement de Sa propre Pâque. Comme le rappelle Mgr Lovey dans son message pascal, si Jésus « est passé en faisant le bien », c’est à nous désormais de faire le bien pour faire passer ce monde en Dieu, et Dieu dans ce monde. Par l’Ascension, nous sommes à nouveau renvoyés à terre, au monde, nous sommes invités à poser d’abord nos pieds sur notre sol, comme nous aimons le faire sur nos chemins de montagne. Tout au contraire d’une évasion de notre vie, l’Ascension est une leçon de réalisme. Nous sommes à nouveau invités à ne pas stationner dans le ciel de nos rêves.

Terre et ciel se distinguent comme au premier jour de la création, et c’est la terre qui nous est à nouveau attribuée, donnée, non pas abandonnée. Certains tableaux de l’Ascension montrent la trace des pieds de Jésus comme unique relique « en creux » de Son départ, apparent redoublement de Son absence comme le tombeau vide du matin de Pâques, mais signe de notre vocation en même temps que de Sa nouvelle présence. A nous d’informer aujourd’hui cette terre d’une Parole, ce qui est ici davantage que lui communiquer un renseignement, mais lui insuffler un langage neuf, la pénétrer d’un levain, lui rendre une nouvelle espérance, pour que prenne forme, et lève, le Règne de Dieu au milieu du monde. Alors l’Ascension trouvera son vrai sens. Amen.

Fête de l’Ascension du Seigneur
Lectures bibliques : Actes 1, 1-11 ; Psaume 46 ; Ephésiens 4, 1-13 ; Marc 16, 15-20

Homélie du 9 mai 2024 (Mc 16, 15-20)

Père Philippe M. Schönenberger – Eglise Ste-Claire, Genève

Quand j’étais enfant, je n’aimais pas l’Ascension. Je ne comprenais pas que nous puissions considérer le départ de Jésus comme une fête. Il faut reconnaître, en effet, que le récit de l’Ascension a quelque chose de déconcertant : le Christ quitte cette terre, mais aucun des disciples, qui pourtant aiment tous beaucoup leur Seigneur et Maître, ne semble stressé ou inquiet. Les Actes des Apôtres nous disent simplement que les disciples écoutent attentivement les explications du Christ avant qu’il ne les quitte ; l’Évangéliste saint Marc ajoute que les disciples scrutent le ciel après le départ de Jésus ; sont-ils tristes ? Rien ne semble l’indiquer. Au contraire, un autre évangéliste, saint Luc, parlant lui aussi de l’Ascension, raconte même que les disciples étaient tout joyeux. Bref, personne ne pleure. C’est surprenant.

J’ai un grand ami, il s’appelle Célestin, il est originaire du Congo / Kinshasa. Quand sa maman était encore de ce monde, il se rendait chaque année auprès d’elle, en Afrique. Au bout de quelques semaines, il fallait à nouveau se séparer de sa famille. C’était un moment extrêmement difficile. Sa maman éclatait en sanglots et lui disait à chaque fois : « Mon fils, je sens mes forces décliner, je ne te reverrai plus jamais ». Bref, le retour en Europe était lugubre et mon ami Célestin ne prenait pas l’avion le cœur serein.

Rien de tel au moment de l’Ascension. Comment se fait-il que les amis de Jésus restent si calmes ?

Prendre conscience que le Christ nous attend dans le Ciel

Je crois, tout d’abord, que les disciples saisissent enfin que tout ce que dit le Christ est vrai et se réalise. Grâce à Jésus, c’est-à-dire grâce à celui « qui vient du Père et qui retourne vers le Père », la mort n’est pas un point final et le péché n’aura jamais le dernier mot dans nos vies. Le Christ nous aime tellement qu’il nous promet que nous ressusciterons avec lui. Dieu s’est fait homme pour nous sauver ; Jésus est mort sur la Croix pour que nous soyons vainqueurs du péché et pour que nous puissions vivre avec lui pour toujours. L’Ascension est donc la réalisation d’une des grandes promesses de Jésus : « Je pars vous préparer une place ». Cette fête nous aide à prendre conscience que le Christ nous attend dans le Ciel, où nous le rejoindrons un jour pour une éternité de joie et de paix.

Cependant, même si l’Ascension n’est pas une séparation définitive avec le Christ, il n’en reste pas moins vrai que nous avons besoin de parler, de vivre et d’être en présence de Jésus que nous aimons pour être heureux. Alors, où est-il maintenant ? Comment puis-je parler au Christ et vivre avec lui aujourd’hui ?

Le Christ reste avec nous grâce à l’Eucharistie

De fait, les disciples n’ont aucune raison d’être tristes, car ils savent que Jésus reste au milieu d’eux grâce à cette invention extraordinaire de l’amour de Dieu qu’est l’Eucharistie. Ici, dans cette église de sainte Claire, dans une petite chapelle latérale, nous exposons presque tous les jours le Saint-Sacrement de 9h le matin à 7h le soir et de nombreux fidèles de tout Genève et même de France se relaient pour adorer Jésus-Eucharistie, pour lui tenir compagnie et pour puiser des forces en sa présence. En ce moment même, grâce à la célébration de cette messe, nous nous préparons à accueillir le Seigneur au milieu de nous. Participer à la messe, recevoir la communion eucharistique, c’est adorer et recevoir Jésus qui se donne à nous avec son Corps, son Sang, son Âme et sa Divinité sous l’aspect si humble d’une petite hostie consacrée.

Comme les disciples de Jésus, nous nous réjouissons donc, parce que le Christ est et reste au milieu de nous grâce à l’Eucharistie. Aujourd’hui, je suis devenu adulte et j’aime la fête de l’Ascension, parce que j’ai compris que Jésus ne nous abandonne jamais, qu’il est toujours avec nous !

Nous avons besoin du feu de l’Esprit Saint pour être témoins de Jésus dans ce monde

Forts de cette certitude, après l’Ascension, les disciples partent annoncer partout l’Évangile, la Bonne Nouvelle du Christ qui nous aime. Nous entrons aujourd’hui dans la grande neuvaine de la Pentecôte. L’Esprit-Saint, que Jésus a promis de nous envoyer, nous donne force et courage, il nous rappelle tout ce que le Christ a dit et a fait pour nous. Nous avons besoin du feu et de la lumière de l’Esprit-Saint pour effacer toute larme de nos visages. Nous avons besoin de l’Esprit-Saint pour répondre pleinement à notre vocation de Chrétiens, c’est-à-dire pour devenir d’authentiques témoins de l’amour de Jésus dans ce monde.

Avec une intensité particulière, pendant ces 9 jours qui nous préparent à la Pentecôte, demandons à l’Esprit-Saint de comprendre que notre Seigneur Dieu est le seul véritable trésor de nos vies. Sainte Thérèse d’Avila le répétait avec conviction : « Dios solo, basta, Dieu seul suffit ! » De quoi aurions-nous peur ? Le Christ est à nos côtés !

Demandons à l’Esprit-Saint de nous attacher seulement et uniquement à Jésus, de suivre le Christ maintenant, toujours et à jamais. Que l’Esprit-Saint nous donne de vivre dans la joie de l’Évangile.

Fête de l’Ascension du Seigneur
Lectures bibliques : Actes 1, 1-11 ; Psaume 46 ; Ephésiens 4, 1-13 ; Marc 16, 15-20

Homélie du 5 mai 2024 (Jn 15, 9-17)

Chanoine Alexandre Ineichen – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice

« Dieu est amour » Par cette définition de Dieu, saint Jean résume toute la révélation, toute sa prédication. Cette définition est le principe de toute la réflexion sur le mystère de Dieu, de l’homme et de l’Univers. Elle en est même la source où s’abreuver.

« Dieu est amour » est le début de toute théologie, de toute spiritualité et de toute réflexion vraiment humaine. Pourtant, cette identité, que saint Jean nous rabâche à temps et à contretemps, et qui à force d’être entendue sonne creux à nos oreilles comme des sentiments convenus et à l’eau de rose. Pourtant, cette identité ne va pas de soi, vous en conviendrez. Elle renvoie, il est vrai, immédiatement à nos méditations balbutiantes où nous découvrons la possibilité d’un Dieu et la naissance de sentiments profonds et troublants que nous avons appris à appeler amour. Mais, bien vite, nous nous arrêtons, en si bon chemin. Nous renvoyons Dieu d’où il n’aurait jamais dû sortir et de l’amour nous n’en retenons que quelques affections heureuses ou malheureuses. Ainsi, avec saint Jean, j’aimerais insister sur cette définition : « Dieu est amour » et essayer, un peu, de la comprendre.

L’amour : l’aventure humaine par excellence

D’abord, nous pourrions partir de l’amour comme une expérience humaine fondamentale qui découvre ce qui est extérieur. Oui, j’aime un objet, une idée, une personne. Je découvre son existence et amène pour moi cet objet, cette idée, cette personne à avoir une place dans ma vie. Ensuite, pour que l’amour soit parfait, il y faut une réponse qui me donnera le sentiment d’exister, de vivre et d’aimer. L’objet, inanimé, et l’idée, abstraite, y répondent immédiatement. Aussi ne sont-elles qu’un bonheur fugace. En revanche, une personne, libre comme moi, ne donne sa réponse qu’après bien des tractations échouées et des conventions pleines de sous-entendus. S’il faut une réponse, nous le savons, cette réponse n’est jamais définitive. Aussi l’amour est-il un poignard que je retourne dans ma plaie, dans mon désir de bonheur. Cependant, l’amour reste l’aventure humaine par excellence, la seule qui vaille la peine de vivre, la seule qui donne à l’homme sa vraie dignité. Elle est le lieu où s’exprime notre liberté, notre élection et tous nos talents. Par ce regard porté sur l’amour, il est compréhensible de voir en l’amour, Dieu. Cette expérience humaine trouve alors sa vraie grandeur, sa vraie place. D’ailleurs, ne sommes-nous pas créés à l’image de Dieu ? L’amour que nous avons n’est-il pas cette étincelle divine en nous ? Parti de l’amour, je suis arrivé à Dieu.

Nos sentiments trouvent enfin leur place en cet absolu que nous nommons Dieu. Chemin qui semble être rectiligne, mais qui conduit bien souvent, soit à rester attaché à la seule réalité humaine, soit à tellement voir Dieu en tout que nous en perdons notre humanité. La route de l’amour à Dieu est cahoteuse.

Aussi empruntons celle qui part de Dieu et conduit à l’amour. Là, aussi, nous risquons de nous égarer. Un rien nous fait oublier la miséricorde de Dieu. La Bible n’est-elle pas pleine de ces paroles prophétiques dont nous craignons la fureur ? Dieu ne risque-t-il pas souvent de n’être qu’un joli concept pour quelque spécialiste en spéculation, en mal d’explication ? Et même, si nous lui donnons une place de choix dans nos raisonnements, bien souvent nous ne voyons pas à chaque instants un Dieu qui agit dans nos vies.

Saint Jean identifie Dieu et l’amour

Ainsi, à ce dilemme, de Dieu, ou de l’amour, saint Jean, prédicateur de l’unique Parole de Dieu, ainsi, saint Jean identifie Dieu et l’amour. Et cette identification est la seule possibilité de résoudre ce dilemme qui s’est réalisé en plénitude dans le Christ. Oui, Dieu s’est fait homme pour nous aimer jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix. Lorsque nous disons que Dieu est amour, nous affirmons que l’amour conduit à Dieu et que Dieu se révèlent miséricordieux, c’est-à-dire que notre misère a fait tressaillir les entrailles d’un Dieu, bien peu éthéré. Ainsi, par sa définition d’un Dieu qui est amour, saint Jean et toute la prédication chrétienne veut et insiste sur l’identification entre Dieu et l’amour. Un Dieu qui ne serait pas amour, serait un Dieu lointain, vengeur, qui se désintéresserait de nous. De même, l’amour sans Dieu serait un amour impossible, un désir inassouvi, un poignard qui n’en finirai pas de nous tourmenter sans donner une solution à nos sentiments. Ainsi, si Jésus choisit du pain et du vin, pour nous donner Dieu, il veut montrer que notre vie humaine, quotidienne s’enracine en Dieu. Dieu vient jusqu’en nos réalités pour manifester sa toute-puissance.

En conclusion, à cette définition de l’amour et de Dieu ne peut répondre que le commandement nouveau de nous aimer les uns les autres comme Dieu nous a aimés.

6e Dimanche de Pâques
Lectures bibliques : Actes 10, 25-48 ; Psaume 97 ; 1 Jean 4, 7-10 ; Jean 15, 9-17