La fraternité fondamentale de la Création, selon François d’Assise
Un vieux prêtre
Homélie du 28 août 2016 (Lc 14, 1.7-14)
Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion – Eglise de Saint-Pierre-de-Clages, VS
Vous tous participants à la fête du Livre, Frères et soeurs, chers amis,
Quelle coïncidence magnifique en ce dimanche, que de pouvoir célébrer simultanément la Fête du Livre et celle de Saint Augustin. En effet, l’Eglise fête, ce 28 août, Saint Augustin. Un géant parmi les livres !
La première fois que je suis venu à la fête à Saint-Pierre-de-Clages, j’y venais avec le secret espoir de trouver un livre sur Saint Augustin qu’aucun bouquiniste ne m’avait encore procuré. Quelqu’un l’a trouvé pour moi. Et j’ai compris qu’on pouvait faire une fête du Livre ! S’il y a une personne dont la vie et l’oeuvre ont marqué la pensée occidentale, c’est bien Saint Augustin. Ses œuvres complètes constituent, à elles seules, une bibliothèque tout entière. Que dire alors de ce qu’on a écrit sur lui ! Je cherchais donc ce livre de C.F. Landry. C’était l’époque où la RSR avait à son programme une émission intitulée « Propos de Table ». La journaliste y recevait des invités et développait au micro des thèmes relevant de l’art culinaire d’aujourd’hui ou d’autrefois, d’ici et d’ailleurs, ou partageait des convictions et des passions comme on le fait entre amis au cours d’un banquet.
Ces propos de table sont de très anciennes coutumes. Dans la littérature ancienne gréco-romaine, le propos de table était un genre littéraire caractéristique dont le plus célèbre est le fameux dialogue de Platon intitulé « Le Banquet ». On peut même imaginer que Saint Luc le connaissait et s’est souvenu de ces modèles pour composer l’évangile que nous avons entendu aujourd’hui.
« Le fait divers : un repas auquel Jésus est invité »
Comme dans la littérature classique, c’est un fait divers qui sert de départ à tout un échange.
Le fait divers : un repas auquel Jésus est invité. Des convives qui épient Jésus pour le prendre en défaut. Des invités qui, par leur besoin de se mettre en valeur donnent à Jésus l’occasion d’une réflexion.
Jésus n’est pas en train de donner une leçon de savoir vivre sur le comportement avoir dans ce genre de situation. Sinon, le résultat serait le même. On ferait même exprès d’aller se mettre à la dernière place pour l’honneur et la gloriole de se voir conduit plus haut !
Chercher la dernière place en toutes circonstances
Non, l’enseignement de Jésus est comme une parabole et la question est de savoir sur quoi porte la pointe de cette histoire. Je crois que la leçon jaillit comme un glaive à deux tranchants, ainsi qu’il est dit de toute parole sortant de la bouche de Dieu :
« Tout homme qui s’élève sera abaissé et celui qui s’abaisse sera élevé. »
Ainsi, ce n’est donc pas seulement dans le rang à table qu’il nous faut chercher la dernière place, mais en toutes circonstances. C’est sans arrêt que nous avons à lutter contre cette tentation orgueilleuse de mise en avant, de recherche de soi ; tentation qui fait qu’on s’encombre de soi-même, qu’on se soucie surtout de la manière dont les autres nous perçoivent ; tellement, qu’on en perd la liberté intérieure nécessaire pour être dans une juste relation avec le autres. Saint Augustin a connu cette expérience. ‘’Mais moi, loin de toi, je suis allé à la dérive, j’ai erré, mon Dieu, trop loin du chemin de stabilité, pendant l’adolescence. Je suis devenu à moi-même une région d’indigence’’. Conf. II, X, 18
La parabole de l’avant-dernière place
Le propos de table d’aujourd’hui pourrait s’intituler ‘’la parabole de la dernière place ; ou plutôt de l’avant-dernière place’’. C’est celle-là, en effet, qu’il nous faut viser, en tout et partout, parce que la dernière place est déjà occupée, c’est Jésus qui l’a prise. Et il l’a tellement prise que personne ne pourra la lui ravir.
Ensuite, dans l’évangile, Jésus s’adresse à celui qui l’a invité et lui dit comment procéder dans les invitations : Non pas les riches, les amis, les voisins, … mais les pauvres, les estropiés, les aveugles les
boiteux et pourquoi cela ? Parce ce que « cela te sera rendu à la résurrection des justes. » De nouveau, nous ne sommes pas dans un code de bonne conduite. Le propos de Jésus débouche sur la Résurrection.
« La vraie sagesse : savoir lire entre les lignes »
Voilà donc que le banquet n’est pas simplement un repas d’affaire ordinaire, mais il nous renvoie au banquet du Royaume. Il nous faut savoir discerner derrière le simple propos de table ce que le sage de l’Ancien Testament reconnaissait comme la suprême intelligence : « l’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute ». Voilà la vraie sagesse : savoir lire entre les lignes, écouter les pauses et les silences.
Offrir le merci du coeur, c’est une vraie pauvreté
Et les invités qui sont-ils ? Mais c’est vous et moi ! Le maître invite les boiteux, les estropiés les pauvres que nous sommes. Si pauvres que l’on soit, nous sommes les invités de Dieu à son éternité festive. Il sait bien que nous n’avons pas de quoi lui répondre. « Que rendrai-je au Seigneur pour tout le bien qu’il m’a fait ? – J’élèverai la coupe du salut et j’invoquerai son nom. » Je n’ai donc que l’action de grâce, que le merci sur les lèvres en réponse à l’invitation. Accepter, devant le don de l’autre de n’avoir rien à offrir en retour que le merci du coeur, c’est une vraie pauvreté.
La mesure de l’amour
Si donc, au banquet du Royaume, le maître m’accueille, moi pauvre estropié, j’ai aussi à accueillir à la table de ma vie le pauvre et l’estropié, j’ai à exercer la charité à la manière dont Saint Augustin en a décrit la démesure puisque, dit-il, « la mesure de l’amour c’est d’aimer sans mesure. »
AMEN
C.F. Landry, St Augustin, Proie de Dieu
Lectures bibliques : Siracide 3, 17-18.20.28-29; Psaume 67; Hébreux 12, 18-19.22-24a; Lc 14, 1.7-14
Le tri des déchets
Message d’importance
Le Coran justifie-t-il la violence ?
La Règle : le temps et la règle bénédictine
https://www.youtube.com/watch?v=Eui93KBEm5Q
Burqa, Burkini
Homélie du 21 août 2016 ( Lc 13, 22-30)
Mgr Jean-Marie Lovey, évêque de Sion – Hospice du Grand-Saint-Bernard
Frères et soeurs, chers amis,
Le pèlerinage est toujours une grâce. Il invite à un déplacement. Géographique parfois. Intérieur, toujours. Jésus était un pèlerin. Il a fait un si long déplacement d’auprès du Père pour venir habiter parmi nous ! Mais aujourd’hui nous le voyons, marcher sur notre terre, traverser ville et villages en enseignant, en route avec les siens vers Jérusalem.
Certains parmi nous se sont fait pèlerins, l’espace d’une journée. Beaucoup d’autres se rendront à Rome cet automne répondant à l’invitation de se faire pèlerin de la Miséricorde. Tous nous sommes invités à suivre Jésus sur le chemin qui monte à Jérusalem. En effet, « Le pèlerinage est un signe particulier de l’Année Sainte : il est l’image du chemin que chacun parcourt au long de son existence. La vie est un pèlerinage, et l’être humain un viator, un pèlerin qui parcourt un chemin jusqu’au but désiré. » (MV 14). Alors, marchons un instant aux côtés de Jésus et entrons dans le dialogue qui nous est rapporté.
Une histoire de porte
On l’interroge sur le nombre des sauvés. N’y aura-t-il que peu de gens à être sauvé ? Dans le fond, on interroge Jésus sur la Miséricorde de Dieu. S’étendra-t-elle à tous ou seulement à quelques-uns ? Et Jésus répond par une histoire de porte. Une porte étroite à découvrir et dont il faut s’efforcer d’en franchir le seuil. La porte marque en effet la frontière entre deux mondes. Celui du dehors et celui du dedans. St Bernard qui a fondé cet hospice a bien compris que le passage entre le Nord et le Sud était ici étroit et difficile. Beaucoup s’efforçaient de le franchir au risque de leur propre vie. Et en y installant une communauté d’accueil il initiait sur ce col, à cette porte des Alpes, une oeuvre de Miséricorde. La porte de la miséricorde, à l’entrée de l’hospice, comme toutes les portes saintes de cette Année jubilaire, est investie de ce symbolisme biblique.
A chacun de nous pécheurs, de nous efforcer de passer la porte étroite. Il est peut-être plus facile de franchir, même par tempête, le col du GSB que de sortir de notre espace ordinaire, celui des soucis quotidiens, d’une certaine grisaille ou d’une certaine monotonie ou superficialité, d’une pénombre ou d’une obscurité pour entrer dans l’espace symbolique de la grâce et de la rencontre avec le Christ, dans l’univers de la Miséricorde et de la lumière. Et c’est à cela que le passage de la porte sainte nous invite.
« Confiance totale en la Miséricorde de Dieu »
Le franchissement de la porte sainte ne peut pas se réduire à un acte machinal, superstitieux ou magique ; ce n’est pas d’avoir mangé ou bu avec Jésus qui va nous sauver. Ce franchissement ne portera son fruit que s’il exprime une authentique démarche spirituelle d’amour renouvelé envers chacun ; une démarche de foi, de confiance totale en la Miséricorde de Dieu. Dans sa vision, le prophète Isaïe faisait revenir les nations les plus éloignées, celles des îles lointaines par toutes sortes de moyens de transport -sur des chevaux, des chariots, à dos de mulets ou de dromadaires— jusqu’à la montagne sainte de Jérusalem. Cette image très éloquente du prophète oriente notre attention vers la question du début : quelle est la grandeur de la miséricorde de Dieu. Un peu ? Beaucoup ? Passablement ?… Infiniment, rappellera le Pape François puisque « Miséricorde est le mot qui révèle le mystère de la Sainte Trinité (MV2) » Efforçons-nous de passer cette porte-là.
« La miséricorde est l’être même de Dieu »
Frères et soeurs, vous l’aurez compris, cette porte étroite qu’il faut trouver à tout prix, qu’il faut franchir, ce n’est pas celle d’une morale étroite qui déboucherait au terme sur le Royaume comme une récompense. Le christianisme n’est pas un perfectionnisme. Ce n’est pas non plus celle de l’épreuve qui ouvrirait à quelques champions la porte de la consécration suprême. Le christianisme ce n’est pas de l’héroïsme ! Les Jeux Olympiques c’est très bien, mais c’est autre chose !
Dieu nous prend dans sa miséricorde
La porte étroite est nécessairement quelqu’un ; c’est Jésus. Donc, « Si la miséricorde est l’être même de Dieu, son expérience intime, on comprend alors que Dieu ne peut faire autre chose et autrement que de nous aimer et de nous prendre dans sa miséricorde. C’est sa seule richesse, c’est son tout. Rien d’autre ne peut venir de lui vers nous que cela. C’est une nécessité absolue, mais absolument libre aussi. L’amour est ainsi et ne peut être autrement, sauf à se renier.
Et ce ne sont pas nos péchés qui diminueront sa miséricorde ou lui feront obstacle. Au contraire ! Ce sont eux qui en appellent le plus sûrement à la miséricorde divine. « Nos péchés sont le point d’impact en nous de l’amour divin.1 »
« Alors, Seigneur, nous te répétons la question : n’y aura-t-il que peu de gens à être sauvé ?
– Et toi, tu nous répètes ta réponse de toujours : « Je suis la Porte, qui entre par moi sera sauvé » A cause de la miséricorde du Père, les derniers auxquels vous pensez, seront les premiers.
AMEN
1 Michel Salamolard, La Miséricorde ou rien d’autre, p. 14.
21e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : Isaïe 66, 18-21; Psaume 116; Hébreux 12, 5-7.11-13; Luc 13, 22-30
