Reportage: Le chant des derniers Araméens

Homélie du 24 avril 2016 (Jn 13, 31-33a, 34-35)
Abbé Marc Donzé – Basilique Notre-Dame, Lausanne
Un jour, deux belles personnes, Evariste et Eulalie, s’en vinrent trouver un vieux sage, dont le regard de feu et les mains râpées et calleuses avaient fait la réputation.
Ils lui demandèrent : « Maître, nous voudrions apprendre de votre sagesse ce qu’est l’amour ».
Le sage répondit : « Pourquoi m’appelez-vous maître ? Il n’y a qu’un seul Maître, le Dieu de Lumière et de Paix ! Et puis, quelle sorte d’amour voulez-vous connaître ? »
« Celui de Jésus-Christ, dirent-ils. Nous avons lu dans l’Evangile cette parole de Jésus : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. »
« Vraiment, vous voulez apprendre de Jésus-Christ !? J’espère que vous n’avez peur de rien, car c’est une rude aventure. Elle m’a embrasé le coeur et mes mains ont tant travaillé pour l’amour, qu’elles sont devenues dures et douces à la fois. »
Pour apprendre, il suffit de regarder Jésus lui-même. Cela commence doucement par un regard émerveillé sur les lis des champs et toutes les fleurs et tous les arbres, par une écoute attentive des oiseaux du ciel et des moineaux familiers, par un étonnement devant un champ de blé qui mûrit au soleil.
Et puis, il faut poser son regard sur les hommes, les femmes, les enfants, quels qu’ils soient. Et se dire : tout homme est mon frère, toute femme ma soeur, puisque tous ont leur nom gravé dans la paume de la main d’amour de Dieu.
A ce moment-là, l’amour devient plus exigeant. Et l’aventure plus forte. Car dire d’une personne sympathique ou aimée qu’elle est notre frère, notre soeur, c’est facile. Mais le dire d’une personne qui nous est lointaine, voire hostile, ou même qui a commis des actes qui bafouent la dignité des hommes, c’est une autre affaire. Le dire, le penser et agir en conséquence, quel défi ! Un tel a commis un attentat, et pourtant, par un certain côté, il est mon frère en humanité, car le Père des cieux fait briller son soleil sur les justes et les méchants.
Evariste et Eulalie, avez-vous déjà été blessé par quelqu’un ? ou scandalisé par quelqu’un ? que feriez-vous alors ?
« Ne pas réduire la personne au mal qu’elle a fait »
Vous êtes perplexes, et je vous comprends. Le secret, c’est de ne pas réduire la personne au mal qu’elle a fait. Le mal qui a été commis, il ne faut pas le cacher ; il faut le dire, il faut le dénoncer parfois, et le laisser juger par la justice humaine, si nécessaire. Ou encore, la dureté de coeur, l’attention prépondérante à la loi plus qu’à la personne, il faut leur octroyer juste critique, comme Jésus le fit vertement vis-à-vis des pharisiens et des sadducéens, quand il les traita de sépulcres blanchis. Il n’en reste pas moins que tous ces hommes, toutes ces femmes sont nos frères et soeurs et qu’ils ne sauraient être réduits au mal qu’ils ont commis ou à la dureté qu’ils font subir aux autres. Ils et elles sont des personnes qui sont encore capables d’autre chose et de bien meilleur. Les aimer, c’est d’abord se dire : en toi, je crois en l’homme possible : l’homme possible qui peut grandir en fraternité, générosité, amour et vraie sagesse. Je crois, mon frère, que tu peux être envisagé autrement – et que tu peux t’envisager autrement – que comme un dur, un intransigeant, un homme fermé, un coupable. Je peux t’espérer. Sans mièvrerie. Avec exigence même. Je peux espérer que tu te mettes debout comme un homme digne de sa vocation de liberté, de fraternité et d’amour.
Chers Eulalie et Evariste, combien c’est déjà difficile cette attitude et cette espérance. C’est un combat en nous-mêmes pour la vivre concrètement. Et pour que ce soit bien clair, Jésus lui-même a mis les points sur les i, quand il a dit à ses disciples : « Aimez vos ennemis, car si vous n’aimez que ceux qui vous aiment, que faites-vous d’extraordinaire ? »
Alors, chers amis, vous devez trouver les chemins concrets pour vivre cet amour hors du commun. Ils ne sont pas faciles à tracer. Que l’Esprit de Dieu lui-même vous inspire.
Mais il faut aller plus loin encore. Pouvez-vous me suivre, mes amis ? Avec un grand soupir et une petite flamme au coeur, Evariste et Eulalie dirent un oui timide.
Puisque vous avez lu l’Evangile, vous savez ce que Jésus a fait au début de son dernier repas, juste avant de mourir en donnant sa vie.
« Nous faire serviteurs des autres, avec un respect infini de leur dignité »
Oui, répondirent-ils, il a lavé les pieds de ses disciples, même ceux de Judas. Et il leur a dit : je vous ai donné un exemple, pour que vous aussi vous fassiez de même.
Vous voyez, poursuivit alors le vieux sage, l’exemple de Jésus nous invite à nous faire serviteurs des autres, avec un respect infini de leur dignité. C’est pour cela que les mains de celui qui aime, ou son coeur, ou les deux ne sauraient rester inactifs, ajouta-t-il en montrant ses mains qui avaient soigné tant de blessures.
Mais comment peut-on être serviteurs, demandèrent Evariste et Eulalie ?
Vous devez inventer vos chemins, répondit le vieux sage. Vous ne pouvez évidemment pas servir tout le monde, mais pour un certain nombre de personnes que la vie met sur votre route, vous pouvez leur offrir cette foi en l’homme possible qui leur permet de grandir, de se mettre debout, de croire en eux-mêmes, de partager. L’offrir par de l’attention, par des gestes d’encouragement, d’accueil, de partage. La question à se poser, c’est donc : de qui suis-je appelé à me faire le serviteur, dans le haut et noble sens de ce terme ?
Et ce n’est pas fini, chers amis. Dans cette aventure de l’amour comme Jésus nous l’a montrée, il y a encore le pardon. Même en ses derniers moments, Jésus disait à ceux qui le torturaient : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent pas ce qu’ils font ». Et au bon larron, mais larron tout de même : « Aujourd’hui, tu seras avec moi en paradis ».
Comme il est difficile de pardonner, quand on a été offensé, méprisé, déconsidéré, voire atteint dans son intégrité physique et morale. Mais encore une fois, pardonner, c’est ne pas réduire l’autre au mal qu’il a commis. Et croire, et espérer qu’il est aussi capable de meilleur. Pardonner, c’est demander à Dieu qu’il parle au coeur de la personne avec un amour qui attend le meilleur.
Mais alors, dirent Evariste et Eulalie, en se regardant perplexes, croire en l’homme possible, se faire serviteur, pardonner : tout cela c’est presque impossible.
Eh oui, dit le vieux sage, et si vous le vivez, autour de vous, on vous trouvera bien peu raisonnables. Car l’amour de Dieu, montré par Jésus-Christ, a quelque chose de fou. Joyeuse et splendide folie, mais c’est Dieu qui la rendra possible en vous. Confiez-vous à lui, car il est le maître de l’impossible.
N’ayez pas peur, au-delà de toutes les épines, cet amour-là confère une joie que personne ne peut vous ravir.
Et puis, il y aura encore une étape, mais ce sera pour plus tard : celle de donner sa vie, comme Jésus le fit sur la Croix. Il suffit pour l’instant que vous dépensiez votre vie jour après jour à la manière de Jésus. Et vous vous retrouverez encore plus vous-mêmes que vous ne pouvez imaginer. Bonne route mes amis.
5ème dimanche de Pâques
Lectures bibliques : Actes 14, 21b-27; Psaume 144; Apocalypse 21, 1-5a; Jean 13, 31-33a, 34-35

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Homélie du 17 avril 2016 (Jn 10, 27-30)
Abbé Guy Page – Eglise de Massonnens/FR
Vous l’avez certainement remarqué : l’Evangile de ce dimanche est très court, le plus court peut-être de tous les passages que nous lisons dans nos liturgies dominicales.
Mais il vaut la peine de nous y arrêter, pour découvrir la richesse de son contenu.
En 4 versets, Jésus nous fait découvrir une des plus belles révélations de la Bonne Nouvelle qu’il a apportée à notre monde. Il vient de commenter une parabole à ses disciples, mais aussi aux foules avides de l’entendre, mais aussi à d’autres qui voudraient le faire taire. Et dans cette parabole, il se présente comme le Bon Pasteur, le vrai Berger de ce peuple, le berger annoncé depuis des siècles par les prophètes. C’est là en effet une image traditionnelle qui court à travers tout l’Ancien Testament et que Jésus reprend à son compte en proclamant : « Je suis le Bon Pasteur… « Et comme en conclusion de sa parabole, il déclare solennellement que : « si nous acceptons de faire partie des brebis dont il est le berger, personne ne pourra nous arracher de la main de Dieu, pas plus de la sienne que de la main de son Père « !
« Personne ne pourra nous arracher de la main de Dieu »
La main de Dieu… Nous ne sommes pas tellement habitués à entendre et surtout à utiliser cette image. Et pourtant, c’est une image classique dans la Bible, comme bien d’autres expressions. Combien de psaumes, par exemple nous la chantent :
… la terre ferme, ses mains l’ont façonnée …
… a lui la mer, ce sont ses mains qui l’ont faite…
… … ou encore :
Protège cette vigne que ta main a plantée…
… mais aussi : Tu ouvres ta main et tu rassasies tout être vivant !
Mais il nous faut le reconnaître, il y a, en Dieu, tout à la fois
– La main divine du Père, que nous n’avons jamais vue
– Et la main humaine du Christ, le Fils de Dieu fait homme, que nos ancêtres il y a 2000 ans, ont pu voir, toucher et voir agir !
« La main est l’instrument le plus perfectionné du monde « dit-on et chacun en fait l’expérience. La main du Christ, elle a aidé, elle a nourri de Nazareth à Jérusalem.
Plus encore, la main du Christ a guéri, elle a consolé, elle a aimé, du Jourdain au Calvaire.
C’est avec ces mains que le Christ nous conduit comme un berger conduit ses brebis.
Et jamais il ne lâchera cette main qu’il nous tend, à nous comme à Pierre qui avait peur de se noyer, puisqu’il nous dit et redit que « rien ni personne ne pourra jamais nous arracher des mains de Dieu, ni des siennes ni de celles de son Père du Ciel «
« La main du Christ a guéri, consolé »
C’est là une merveilleuse promesse, une source d’espérance et de salut dans toutes les difficultés que nous pouvons connaître ici-bas, dans notre vie de tous les jours.
Avec saint Paul alors, nous pouvons dire :
«Oui, j’en ai l’assurance, ni la mort ni la vie, ni le présent ni l’avenir, rien ni aucune créature, rien ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus Christ notre Seigneur «
Il nous suffit pour cela de vouloir rester avec lui, de le prendre comme compagnon de vie, d’accepter de nous laisser conduire, enseigner, nourrir et éclairer par celui qui est notre Berger, de le suivre non pas comme des moutons bêlants ou muets, mais comme des brebis confiantes et aimantes.
« Mes brebis écoutent ma voix. Je les connais et elles me suivent «
A nous de faire en sorte que cette parole, que ce désir du Christ soit une réalité profonde et fidèle, chaque jour qu’il nous donne de vivre avec lui et d’être notre Bon Berger.
AMEN
4e Dimanche de Pâques
Lectures bibliques : Actes 13, 14.43-52; Psaume 99; Apocalypse 7, 9.14b-17; Jean 10, 27-30