Homélie du 10 janvier 2016 (Lc 3, 15-22)

Père Claude Etienne – Institut La Pelouse, Bex

Baptême du Seigneur

Lectures bibliques : Isaïe 40, 1-5.9-11; Psaume 103; Tite 2, 11-14 ; 3, 4-7; Luc 3, 15-16.21-22


 

Cette foule se présentant au baptême de Jean représente tout le peuple de l’ancienne Alliance aux aguets du Messie tant attendu. C’est aussi une foule de pécheurs avides de purification : publicains, prostituées, magistrats, docteurs de la Loi,  politiciens, soldats… tous ont quelque chose à se reprocher.  Jésus se reconnaît membre de ce peuple. Dans une démarche communautaire, Il demande à Jean le baptême non pas pour la purification de ses fautes, mais en solidarité avec ce peuple de pécheurs. Il s’immerge dans un peuple pécheur. Il reconnaît en Jean-Baptiste celui qui prépare les chemins du Seigneur.

Nous sommes à la charnière de temps nouveaux. Jésus va commencer sa vie publique  et salue en Jean-Baptiste l’Ancien Testament qui s’achève. A peine baptisé, Jésus s’est mis en prière. Et soudain le ciel s’ouvre et « ce qui ressemble à une colombe » descend au-dessus de Jésus et une voix venue du ciel : « C’est toi mon Fils, aujourd’hui je t’ai engendré». Dès cet instant, Jésus est « consacré » dans sa mission d’évangélisateur, de Messie, de porte-parole de Dieu. En quelque sorte Jean-Baptiste transmet le flambeau de l‘annonce du pardon des péchés à Jésus.

Faire triompher la vie de Jésus dans notre existence

Concrètement quelle signification donnons-nous à notre baptême à la lumière de celui de Jésus ? Ne pourrait-on pas comparer le baptême à une immersion ? Plongés dans l’eau à la suite de Jésus pour entrer dans une nouveauté, une nouvelle naissance. Ce passage est toujours en cours : on n’a jamais fini de faire triompher la vie de Jésus dans notre existence, devenir des porteurs de vie. Ce qui nous engage à refuser l’injustice, à regarder et traiter chaque être humain avec respect et dignité, à s’opposer à la violence et à l’instinct de domination. C’est ainsi que nous serons des vivants, des transmetteurs de vie.

Entrer dans la vérité, la justice et l’amour

Nous ne sommes pas baptisés une fois pour toutes. C’est l’affaire d’une vie. Quoi que l’on dise, il est long le chemin qui conduit à la liberté, à la libération de tout notre être.
En chacun de nous, il y a le péché qui fait de nous un esclave, qui nous enchaîne par habitude. Nous sommes tous sous l’influence de dépendances qui nous paralysent…
A chacun de nous de faire le pas décisif pour sortir de la médiocrité et entrer dans la vérité, la justice et l’amour.
Le baptême est un chemin de délivrance.
A nous aussi Dieu nous dit »Tu es mon fils bien-aimé », tu es en voie de divinisation.

Etre missionnaire dans la mesure où on a rencontré l’amour de Dieu en Jésus Christ

Puissent tous les baptisés du monde se sentir investi comme le Christ de la mission de révéler au monde l’amour de Dieu pour l’humanité. Comme nous le rappelle le Pape François dans son encyclique « La joie de l’Êvangile » : En vertu du Baptême reçu, chaque membre du Peuple de Dieu est devenu disciple missionnaire (cf. Mt 28, 19). Chaque baptisé, quelle que soit sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation… car s’il a vraiment fait l’expérience de l’amour de Dieu qui le sauve, il n’a pas besoin de beaucoup de temps de préparation pour aller l’annoncer, Tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré l’amour de Dieu en Jésus Christ. Malheureusement, les baptisés délaissent trop souvent le navire de l’Eglise pour s’embarquer  sur des coquilles de noix à la navigation incertaine, pour une destination problématique.

Soyons ensemble témoins de l’amour de Dieu

En cette année jubilaire de la Miséricorde, soyons ensemble les porteurs et les témoins de l’amour de Dieu auprès de ceux et celles qui attendent un signe libérateur, à l’image de ce peuple qui était en attente sur les bords du Jourdain… Leur attente n’a pas été déçue, du moins pour ceux qui ont su reconnaître en Jésus le Messie tant espéré. Si nous n’en sommes pas convaincus, regardons les premiers disciples, qui immédiatement, après avoir reconnu le regard de Jésus, allèrent proclamer pleins de joie : « Nous avons trouvé le Messie » (Jn 1, 41).

Homélie du 10 janvier 2016 (Luc 3, 15-22)

Eglise du Locle – Abbé Jean-Marie Oberson

Le baptême du Seigneur

Lectures bibliques : Isaïe 40, 1-5.9-11; Psaume 103;  Tite 2, 11-14 ; 3, 4-7; Luc 3, 15-16.21-22


 

En ce temps-là, des foules s’étaient rassemblées
auprès de Jean-Baptiste.
Jean-Baptiste, c’était une personnalité vraiment intrigante.
Comme tout enfant, il grandit
et, on ne sait pas quand, il nous est juste dit
qu’il avait perçu un appel de Dieu
et s’était retiré dans les solitudes du désert.
Et voilà qu’un jour, Jean a commencé
à crier dans le désert qu’il fallait se convertir
et se préparer à accueillir une visite particulière du Seigneur.
Il était bien celui qui a réalisé cette annonce d’Isaïe le prophète:
«Une voix proclame: « Dans le désert, préparez le chemin du Seigneur;
tracez droit, dans les terres arides, une route pour notre Dieu »».

Nous croyons qu’il est là parmi nous celui que Jean annonçait

Les contemporains de Jean sont intrigués et viennent l’écouter.
Certains pensent même que Jean est le Christ, celui qui a reçu l’onction, celui qui vient inaugurer une ère nouvelle, celui qui vient réaliser les promesses des prophètes.
Ils ont sans doute à l’esprit la promesse d’Isaïe: «Tout être de chair verra que la bouche du Seigneur a parlé»… ou d’autres…
Mais Jean prend le contre-pied de cette opinion:
«Il vient celui qui est plus grand que moi».
Il vient! Il est plus grand! Ce n’est pas moi!
Et voici que 2000 ans plus tard, nous nous sommes rassemblés dans cette église du Locle.
Et voici que vous vous joignez à nous par les ondes
qui nous permettent de former
une communauté de foi et de prière avec vous.
Et que croyons-nous?
Nous croyons qu’il est là parmi nous celui que Jean annonçait, celui qui est plus grand que lui, celui qu’il annonçait venant accomplir un baptême dans l’Esprit-Saint et le feu.
Voilà pourquoi nous nous sommes rappelés que nous avons été baptisés.

La création nouvelle est inaugurée

Pour nous le rappeler, de l’eau s’est répandue parmi nous.
Elle est remontée des fonts baptismaux
pour envahir toute la nef de notre église.
Puis nous avons trempé notre main dans cette eau
pour nous signer, nous souvenir de notre baptême.
Nous sommes baptisés. La création nouvelle est inaugurée.
Nous somme baptisés et pourtant, nous voyons encore des terres arides, des ravins vertigineux.
Violence, injustice, menaces du terrorisme, de la pollution contre laquelle on ne se met à lutter que quand elle a déjà fait des ravages, contaminé l’air, le sol, la mer d’une façon telle qu’il faudra des générations pour que notre terre retrouve sa pureté originelle. Et d’ailleurs, le pourra-t-elle?
Les hommes auront-ils la sagesse de commencer à travailler ensemble, plutôt qu’à rivaliser entre eux, à se faire la guerre, guerre économique, guerre idéologique, guerre avec les armes même?
J’avoue que je ne sais pas de quoi les hommes seront capables.

Etre baptisé, ça veut dire être plongé

Mais je sais que celui qui est plus grand que Jean est parmi nous. Alors, ça change tout.
Lui, il veut nous sauver et il le peut. Mais il faut être baptisés.
Il faut être baptisés dans l’Esprit-Saint et le feu.
Etre baptisé, ça veut dire être plongé.
L’eau qui a coulé sur notre front au jour de notre baptême, la main que nous avons plongée dans l’eau tout à l’heure, c’est important.
Mais j’ai envie de dire que si ce n’est plus le baptême d’eau de Jean,
ce n’est pas totalement le baptême dans l’Esprit-Saint et le feu.
Ce n’est que son début, les arrhes du don de l’Esprit,
comme le dit saint Paul.
Etre baptisé, ça veut dire être plongé.
Quand on plonge dans de l’eau, c’est souvent déjà un choc thermique.
Notre peau passe de la chaleur du soleil et de l’air
à la fraîcheur de l’eau.

L’Esprit est feu, il est aussi douceur

Pour être baptisé en vérité, il faut être plongé…
dans l’Esprit-Saint et le feu.
Être plongé dans du feu: quelle horreur.
Mais bien sûr, il s’agit du feu de l’amour,
du feu de la vie de Dieu lui-même.
Et l’Esprit, s’il est feu, il est aussi douceur.
Il prend son temps de nous laisser nous adapter
peu à peu à la température du feu de la vie d’amour du Dieu Trinité!

Se fondre dans l’Esprit et le feu de la vie divine tout en restant soi-même

Tout à l’heure, le prêtre prendra encore un peu d’eau
pour la mêler au vin et dira:
«Comme cette eau se mêle au vin pour le sacrement de l’alliance,
puissions-nous être unis à la divinité
de Celui qui a pris notre humanité».
Il faut être uni au Christ, à la divinité,
à la façon d’un peu d’eau qui se perd dans le vin,
qui vient se confondre avec le vin.
Pareillement, le baptême dans l’Esprit-Saint et le feu,
c’est une plongée dans la vie de Dieu telle que je vais devenir
et me fondre dans l’Esprit et le feu de la vie divine
tout en restant moi-même, bien sûr,
car Dieu m’aime non comme un partie de lui,
mais comme son fils, sa fille bien-aimée.
Pour arriver à cette véritable pongée qui est le but de ma vie,
Dieu est patient. Son Esprit, s’il est feu est aussi douceur.
Les lectures nous le disent de beaucoup de façons.
Si Isaïe dit: «Le Seigneur vient avec puissance;
son bras lui soumet tout»; il ajoute aussitôt:
«Son bras rassemble ses agneaux, il les porte sur son cœur».
Le Seigneur nous porte sur son cœur.
Certainement alors, la voix venue du ciel au baptême de Jésus
dit aussi ces paroles d’amour pour nous:

«Toi tu es mon fils, ma fille bien-aimée; en toi, je trouve ma joie».
Nous aussi, nous trouvons notre joie en Toi, Seigneur.
Il nous est bon de nous savoir portés sur ton cœur
dans ce monde pas toujours très rassurant.


 

Homélie du 3 janvier 2016 (Mt 2,1-12)

Mgr Jean Scarcella – Basilique de St-Maurice

Fête de l’Epiphanie
Lectures bibliques: Isaïe 60, 1-6; Psaume 71; Ephésiens 3, 2-3a.5-6; Matthieu 2, 1-12


Bien chers frères et sœurs,

La crèche de Bethléem est toujours là, rien n’a changé et pourtant nous ne ressentons pas la même joie aujourd’hui qu’à Noël. Alors qu’aujourd’hui c’est grande fête et jour solennel, on ne retrouve pas cette atmosphère douillette et chaleureuse de la messe de Minuit. Pourquoi ?

La crèche est toujours dans la même étable, avec Jésus, Marie, Joseph, le bœuf et l’âne. Rien n’a changé… Est-ce si sûr, après tout, que rien n’ait changé ? Aujourd’hui nous vivons une fête aux dimensions de Noël – c’est encore Noël aujourd’hui –, mais elle est d’un autre ordre, c’est vrai. Tant Noël touche à l’affectif, à la chaleur humaine, l’Épiphanie se rapporte à la raison, à la foi du cœur. Le scénario, pour exotique qu’il soit, ne peut pas régater en attendrissement avec la naissance d’un enfant dans les conditions que l’on sait, mais il doit nous interroger de par sa force évocatrice sur la venue de Dieu en ce monde. Certes, Jésus, on est sûr qu’il a existé, c’était un bébé comme les autres, né comme les autres, tandis que ces mages, rois de surcroît, on ne sait pas trop à quelle espèce ils appartiennent, et, fondamentalement, ils nous questionnent ! En fait, trouver un bébé dans une mangeoire en forme de berceau improvisé, on peut encore y croire et l’accepter, mais que des inconnus se déplacent de l’Orient jusqu’à Bethléem en suivant une étoile qui apparaît, disparaît, réapparaît… ça, cela relèverait presque de la fiction ; cela nous questionne !

Nous sommes provoqués à nous mettre en chemin, les yeux levés pour voir l’étoile

On le voit, ces deux fêtes de Noël et de l’Epiphanie sont, d’une certaine manière, colorées différemment. Et pourtant elles sont si proches l’une de l’autre !
La grande différence réside dans la manière de découvrir et de rencontrer Jésus. A Noël, il nous est donné, on le découvre, c’est comme si nous assistions à sa naissance – à l’Épiphanie, il nous attend, on le rencontre ; c’est pourquoi il nous provoque à sa recherche, nous appelant à nous rassembler pour goûter au mystère de la manifestation d’un Dieu venu dans la nuit du monde pour sauver tous les hommes, provoqués à se mettre en chemin, les yeux levés pour voir l’étoile.

la foi, c’est voir à l’intérieur

La marche laborieuse des mages à la lumière de l’étoile évoque la marche de la foi à la recherche du Christ. Et, lorsqu’on le trouve, il se manifeste à nous : c’est une épiphanie. Maintenant que Jésus est né, on ne va plus, pour se rassembler, à la ville lumière de Jérusalem. Cela veut signifier que la lumière du roi n’est plus là ; tout le pouvoir d’Hérode est devenu impuissant. Tous les savoirs des prêtres et des scribes ne servent plus à rien ; ils savent dire où doit naître le roi des Juifs, mais ils n’éprouvent pas le besoin de s’y rendre. C’est alors que l’étoile réapparaît dès que les mages quittent Jérusalem. A nouveau ils la voient. Mais quel type de vision est-ce ? Que leur est-il vraiment donné de voir ? En fait ils voient avec leur foi ; la foi, c’est voir, voir à l’intérieur, voir au-delà de la réalité. Ils voient dans la confiance un chemin à parcourir, ils sont « les nations qui marchent vers la lumière », la marche de la foi. La foi n’est ni pouvoir ni savoir comme pour Hérode, les prêtres et les scribes, non, elle est ”voir”. Et voir quoi ? La lumière du Seigneur. Son être, son amour, sa Parole. Tout cela a pris chair la nuit de Noël et nous est offert en cadeau ce jour de l’Épiphanie, le jour de la manifestation à toutes les nations de Jésus, Fils de Dieu, Christ et Sauveur.

Dieu se manifeste aujourd’hui à tous les peuples

Alors vous voyez, frères et sœurs, la fête d’aujourd’hui n’est pas la joie d’une visite personnelle à la crèche, la fête d’aujourd’hui est un appel au rassemblement auprès du Sauveur, Jésus. Aujourd’hui Dieu se manifeste à tous les peuples et non pas à quelques privilégiés, comme le furent les bergers la nuit de Noël, comme le sont les chrétiens croyants d’aujourd’hui. Jésus n’est donc pas venu sur terre pour les chrétiens seulement, mais pour tous les hommes. Oui, Dieu se manifeste aujourd’hui à tous les peuples ; ce sont eux qu’il faut découvrir cachés sous le symbolisme des trois rois mages, de surcroît de trois races différentes, ce que nous rapporte, et pour cause, la tradition.

Le salut de Dieu s’offre à tous

Et maintenant, à ce stade de notre réflexion, il convient de bien lire l’extrait de la Lettre aux Ephésiens de saint Paul. La scène des mages, frères et sœurs, resterait purement exotique et sympathique, si Paul n’en donnait pas le sens profond : un grand projet de Dieu se dévoile, concernant tous les hommes, sans distinction d’origine. Paul répond à Isaïe, le visionnaire, dont la prophétie brosse un magnifique tableau où l’on voit les peuples se rassembler autour de la lumière de la nouvelle Jérusalem. C’est tout le mystère de la nouvelle alliance qui verra se rassembler dans la nouvelle Jérusalem tous les peuples de la terre pour proclamer les louanges du Seigneur.

Saint Paul nous y exhorte, frères et sœurs. Par l’Esprit qu’il a reçu, il sait que les païens qui ne connaissent pas encore le Christ sont associés à la vie nouvelle dans le Christ. Ce mystère du Christ, comme il dit, « c’est que les païens sont associés au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse… ». On est bien d’accord pour tout cela, mais comment est-ce possible pour qui ne connaît pas le Christ ? Saint Paul précise alors en fin de phrase : « …au partage de la même promesse : dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Evangile ». Oui, mais l’Ecriture dit gentiment le contraire puisque seuls les fils d’Abraham et de Moïse ont reçu les promesses divines… Or, dans le Christ maintenant, martèle saint Paul, le salut de Dieu s’offre à tous ! Voilà le mystère que Paul a connu par révélation, et pour lequel il a voué sa vie en annonçant l’Évangile. C’est à cela que doit conduire l’Épiphanie.

Une épiphanie pour le monde

Chers amis, vous avez aimé l’ambiance chaleureuse de la nuit de Noël, n’est-ce pas ? Il faut maintenant suivre votre raison pour entamer le combat de la foi dans l’annonce de l’Évangile auprès de tous ceux qui ne connaissent pas encore le Christ. Douce fut votre joie à la crèche de Noël, forte elle deviendra lorsque vous saurez vivre l’humilité du Christ, afin de pouvoir devenir, à votre tour et à l’appel du Seigneur, une épiphanie pour le monde, une « grande paix jusqu’à la fin des lunes ».

Ainsi soit-il !