Prêtre du diocèse de Sion, l’abbé Pierre-Yves Maillard est actuellement vicaire général de ce diocèse

Prêtre du diocèse de Sion, l’abbé Pierre-Yves Maillard est actuellement vicaire général de ce diocèse
1er dimanche de l’Avent
Lectures bibliques : Jérémie 33,14-16; Psaume : 24 (25) 4…14; 1 Thess. 3,12 – 4,2; Luc 21, 25-28.34-36
Chères familles,
Les mots de la lecture de l’évangile sont un contraste frappant avec l’ambiance bonne enfant de Noël qui s’étale dans les vitrines des différents magasins durant cinq semaines. Nos cœurs inquiets sont habités par ces immenses flux de réfugiés qui parcourent la planète. La perplexité grandit, les gouvernements et les ONG atteignent leurs limites. C’est confronté à ces expériences que nous commençons cette nouvelle année liturgique.
Pendant 27 jours et 27 nuits nous aurons le temps, face à la complexité de ces questions, d’aller à la recherche de la lumière qui grandit. Dans beaucoup d’endroits, on trouve cette belle coutume qui consiste – dès le 1er décembre – à allumer chaque nuit une nouvelle fenêtre de l’Avent. Notre envie de lumière s’exprime ainsi. Les portes des maisons s’ouvrent pour rencontrer des personnes qui cherchent et s’étonnent. Dans la nuit, il est plus simple de parler de ce qui nous touche et nous fait peur. Le fait de se rassembler sous la lumière d’une fenêtre de l’Avent nous donne le sentiment de ne pas être seul.
J’aimerais chères familles ici présentent et chers téléspectateurs et téléspectatrices vous inviter à réfléchir à vos propre vies en ce début d’année liturgique. Je le fais chaque semaine, lorsque le matin je remonte mes cinq vieilles horloges. Chacune d’entre elle a une histoire. Avec l’habilité de mes mains et le cœur battant, ce rituel me renvoie à ma propre vie. Chaque horloge à une tension des ressorts différente, le tic-tac n’est pas le même, la sonnerie varie. Et je remercie mon créateur pour l’espace que m’offre ce rituel, semaine après semaine, un temps qui est pour moi l’occasion d’être plus présent à ma vie.
Et si peut-être vous mettiez sur silencieux tous vos moyens de communication durant une demi-heure chaque jour, si vous enleviez les bouchons de vos oreilles, pour avoir tous vos sens en éveil, pour être pleinement humain.
Des jeunes témoignent
Cinq jeunes hommes et jeunes filles, qui sont responsables des mouvements de jeunesse Blauring, Jungwacht et chez les scouts, nous partagent leurs réflexions personnelles pour l’Avent.
Premier témoignage:
Allumer cette première bougie de la couronne de l’Avent marque le début du temps de l’Avent. Pour moi c’est comme un calendrier de Noël. Chaque bougie allumée, et chaque petite fenêtre ouverte me rapprochent de Noël. Lorsque j’étais à l’école primaire j’avais de la peine à attendre chaque matin pour ouvrir la fenêtre du calendrier. Le temps jusqu’à Noël me paraissait infiniment long. A l’inverse aujourd’hui je trouve que les semaines avant Noël passent très vite. Avec le stress du quotidien, je vis le temps de l’Avent de manière assez superficiel. C’est pourquoi j’aimerais cette année que moi et vous, nous puissions vivre ce temps de l’Avent qui débute avec plus de conscience.
Deuxième témoignage:
Durant le temps de l’Avent, les rédacteurs et rédactrices en chef dans leurs éditoriaux et les hommes et femmes politiques dans de longs discours, nous appellent à réfléchir à ce qui est important dans la vie. Dans nos rencontres de la Jungwacht St-Paul, nous essayons de vivre cela. Nous soignons nos relations dans le groupe, nous faisons attention à la nature. Les enfants et les ados peuvent donner leur avis et prendre des décisions, nous sommes créatifs et les valeurs chrétiennes, comme l’amour du prochain, la confiance, la loyauté, nous guident.
Le temps de l’Avent est pour moi un temps où l’on peut réaliser que ces valeurs représentent beaucoup plus que la possession, le pouvoir ou la richesse.
Troisième témoignage:
Pour moi le temps de l’Avent c’est d’abord l’accueil de l’hiver. Lentement mais sûrement nous sortons de nos placards nos vestes d’hiver, nos gants et nos écharpes pour nous protéger du froid qui arrive. C’est le temps où l’on se rassemble de plus en plus pour profiter d’être ensemble au chaud. C’est le cas pour nos rassemblements de la Jungwacht, qui ont lieu à cette période dans nos locaux bien au chaud. On bricole, on fait la cuisine, on joue. Peu avant Noël nous allons dans la forêt pour profiter ensemble de ce temps particulier autour d’un verre de punch et de quelques biscuits, et nous nous réjouissons ainsi des liens qui nous unissent. Après c’est le début des vacances, et chacun passe de son côté cette période de Noël en famille ou avec ses amis. Je me réjouis de cette période agréable.
Quatrième témoignage:
Noël, peut-être une seconde fois ?
Un temps féérique, un temps joyeux, un temps plein d’émerveillement et d’excitation. Oui c’était le temps de l’Avent du point de vue d’un petit garçon, de mon point de vue alors.
Je peux me rappeler précisément, comment chaque jour je me réjouissais, je me réveillais plein d’impatience. Est-ce qu’il a neigé, est-ce que c’est déjà Noël ? C’était un temps magique.
Mais comme je l’ai dit : « c’était …» aujourd’hui comme jeune adulte, avec des obligations, des responsabilités, le temps de l’Avent est devenu presque exclusivement une période de stress. Les derniers examens, peu de jours et beaucoup de choses à préparer pour la grande fête.
Mais il y a aussi des changements positifs. Avec l’âge j’ai appris à percevoir Noël différemment. Les cadeaux, que j’étais autrefois impatient d’ouvrir, sont passés à l’arrière-plan. Ce qui est devenu plus important pour moi, c’est ce sentiment de faire partie ensemble d’une même famille. C’est quelque chose que j’expérimente aussi durant nos camps d’été. Mais cela je le vis de façon plus intériorisé durant le temps de l’Avent et de Noël.
Cinquième témoignage:
Autrefois le temps de l’Avent c’était pour moi les décorations lumineuses, les bougies allumées, et le fait de préparer Noël. En plus, l’enfant Jésus apportait un calendrier. Chaque jour j’ouvrais une fenêtre et j’avais un bonbon.
L’Avent je l’associe à la neige, à l’air froid et à la chaleur des maisons. Cela signifie pour moi que nous allons bientôt célébrer la plus belle des fêtes, Noël.
Tous les gens ne vivent pas cela comme moi. Pour les personnes qui sont seules et isolées ou pour les familles qui se déchirent, le temps de l’Avent et de Noël est souvent difficile à supporter. C’est pourquoi je suis d’autant plus reconnaissante de bien le vivre.
Pour moi personnellement Noël c’est une fête de famille, et chaque année je suis vraiment impatiente d’y être. C’est pourquoi l’Avent est pour moi la plus belle période de l’année, j’aime cette ambiance recueillie qui précède Noël, les villes décorées, et je me réjouis à chaque fois lorsque l’on allume une nouvelle bougie de la couronne.
1er dimanche de l’Avent
Lectures bibliques : Jérémie 33,14-16; Psaume : 24 (25) 4…14; 1 Thess. 3,12 – 4,2; Luc 21, 25-28.34-36
Ce qui est génial avec la Bible, c’est qu’elle est comme une
bibliothèque (d’ailleurs c’est le même mot en fait) et du coup on y
trouve tout ce que l’on peut trouver dans la bibliothèque de l’histoire
de Dieu avec notre humanité : l’histoire du salut, comme on dit. Ce
matin l’Evangile est un peu comme un mot fléché ou un mot croisé …
Pour mieux comprendre ce que Jésus veut nous dire, je vais vous
raconter ce qui s’est passé un lendemain de Noël, c’était en 2004 en
Thaïlande . ( https://www.youtube.com/watch?v=mA-LbJtnKYI)
Tilly, 10 ans, était en vacances sur la plage de Maikhao
avec ses parents et sa petite soeur de 7 ans. Alors qu’elle s’amusait
sur le sable, elle vit que l’eau devenait bizarre, « exactement comme
de la mousse sur la bière, ça pétillait » raconte-t-elle. « Il y avait des
bulles et soudain la marée a commencé à se retirer ». Tilly compris
alors ce qui se passait ! Lors du dernier trimestre à l’école, son
professeur de géographie avait consacré une leçon sur le phénomène
des tremblements de terre et la formation des tsunami : ces grandes
vagues qui viennent échouer sur la rive avec une violence folle. Bref.
Tilly accourt donc vers sa maman pour lui dire qu’un tsunami va
arriver, mais sa maman ne la croit pas. Alors Tilly va vers son papa qui
va immédiatement avertir la sécurité de la plage et de l’hôtel tout
proche du rivage.
Ce jour-là, grâce à Tilly, une centaine de personnes a été sauvée du tsunami qui s’est abattu et qui a tout emporté sur son passage .
Tilly, elle, dit que le vrai héros c’est son professeur de géographie, Monsieur Keaney.
Tilly avait non seulement bien suivi le cours de géographie à l’école,
mais elle était surtout attentive et éveillée en son coeur ! C’est
exactement l’attitude que Jésus nous invite à privilégier en ce temps
béni de l’Avent qui commence : « tenez-vous sur vos gardes ! »,
« restez éveillés ! » Notre coeur a tendance à s’alourdir à cause de
tous « les soucis de la vie » nous rappelle l’Evangile.
Devant les dangers de la nature en furie (au bord d’une plage
thaïlandaise) ou devant d’autres dangers qui peuvent survenir à
l’improviste dans nos villes modernes (la folie du terrorisme), il semble
que nous soyons bien démunis car nous n’avons aucune prise sur de
tels événements. Au mieux, comme Tilly, ou à l’instar des services
secrets, nous pouvons être vigilants afin de les prévoir, si possible, et
tenter de réagir à temps…
Quand Jésus nous invite à nous tenir sur nos gardes, ce n’est pas
d’abord pour que nous soyons en alerte contre un danger extérieur à
nous-mêmes ! Jésus ne souhaite pas non plus que nous vivions notre
vie dans un état d’inquiétude permanent, ou que nous nous
enfermions sur nous-mêmes !
L’invitation pressante de Jésus : « Tenez-vous sur vos gardes », se
traduit littéralement : « méfiez-vous de vous-même ! » J’aime cette
lecture plus subtile… Elle m’aide à découvrir qu’en réalité il y a un
danger sur lequel je peux avoir prise, un danger qui est en réalité le
plus grand danger de ma vie : non pas le tsunami auquel a échappé
Tilly, même pas la menace terroriste ambiante… Il y a un danger plus
grand qui est au-dedans de moi, et ce danger consiste en ma
capacité de perdre ce bien très précieux que Dieu m’offre : sa paix.
La paix de Dieu fruit de son amour
La paix du coeur est un cadeau que Dieu nous offre toujours. Il nous
l’offre tout spécialement à Noël où il vient Lui-même à nous comme le
Prince de la Paix. Pourtant, il est si facile de perdre la paix : nous en
faisons trop souvent l’expérience dans notre quotidien. Evidemment
Jésus n’est pas le prince d’une paix qui nous enlèverait tous nos
soucis; il ne nous promet pas non plus une paix qui nous préserverait de tout conflit (une sorte de « fiche-moi la paix »). Non, la paix de Dieu
ne peut être que le fruit de son amour. (Et comme tout fruit, il a besoin
de croître, d’une graine de devenir un arbre, un arbre qui donne un
fruit mûr que l’on va pouvoir goûter). C’est pour cela que l’apôtre Paul
s’exclame : « Frères, que le Seigneur vous donne, entre vous et à
l’égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant, comme celui que nous avons pour vous » (Cf. 1 Thess 3, 12)
Au siècle passé, un autre petite fille — elle s’appelait Thérèse et vivait à
Lisieux dans le Nord de la France — avait appris par le journal de son
papa qu’un méchant monsieur qui avait tué des gens et qui pour cela
était condamné lui-même à la peine de mort, refusait de demander
pardon : il était enfermé dans la haine, et seule la violence semblait
habiter son coeur… Parce qu’elle croyait que Jésus était le Roi des
coeurs, Thérèse a décidé de prier très fort pour ce monsieur qui
s’appelait Pranzini. Quelque temps plus tard, elle apprit que Pranzini
avait voulu voir un prêtre et qu’il avait demandé pardon à Dieu et à la
famille blessée pour la chose terrible qu’il avait faite. Celle qui
deviendra sainte Thérèse de l’Enfant Jésus comprit alors que sa prière
avait été exaucée : un homme qu’elle n’a jamais rencontré et dont elle
a appris l’histoire par un fait divers dans le journal a pu profiter de sa
prière pour retourner son coeur et faire l’expérience de la miséricorde
de Dieu.
La prière : secret de la paix du coeur
Cette histoire vraie (encore une!) nous montre que le secret de la paix
du coeur c’est… la prière ! Pas seulement une prière pour nous-
mêmes, mais la prière les uns pour les autres. « Priez en tout temps !»
La vigilance à laquelle nous invite Jésus est donc celle de la prière,
expression sublime de l’amour de Dieu en nos coeurs.
C’est pourquoi, je vous propose aujourd’hui, chers enfants, chers
parents, chères familles — et vous tous et toutes qui êtes ce matin en
communion avec nous par la radio — de tenter l’expérience, en ce temps de l’Avent qui commence, d’une véritable vigilance dans
l’amour et la prière (on pourrait appeler cela le « plan VigiPrière ») !
Voici le mode d’emploi, il est très simple :
-Tout d’abord il faut se donner rendez-vous, par exemple le dimanche
soir, pour un temps de prière en famille, avec papa, maman, les ados
et les plus petits…
-Ensuite, vous prenez un chant de louange ou alors une prière à Marie
pour commencer : elle vous introduira à coup sûr en présence de son
Fils Jésus.
– Puis chacun exprime à tour de rôle et à haute voix 3 mini-prières:
1. merci Jésus (pour cette semaine qui vient, pour les copains que
je vais retrouver demain à l’école, pour maman et papa et pour
mon frère et ma soeur que j’aime)
2. pardon Jésus (chacun doit savoir ce pour quoi il a à demander
pardon… les parents aussi, devant leurs enfants, c’est très beau)
3. s’il-te-plaît Jésus (viens toucher le coeur de ce jeune que j’ai vu
au télé-journal et qui est parti au djihad, qu’il trouve sur son
chemin un ami selon ton coeur qui puisse donner un vrai sens à
sa vie).
Bref. A la fin vous pouvez terminer tous ensemble par la prière préférée
de Jésus : le Notre-Père où nous nous tournons vers cet à-venir qui
donne du sens à notre vie, à la vie du monde : « Que ton Règne
vienne, que ta Volonté soit faite, que ton Nom soit sanctifié… ».
Cette prière de votre Eglise domestique va forcément changer la vie
familiale. Ceux parmi nous qui en vivent déjà, sous une forme ou une
autre, en témoignent. (Et quand un membre de la famille ne se sent
pas d’y participer eh bien on peut aussi prier pour lui, sans lui faire de
reproche, et demander à Jésus de le bénir dans ses projets).
Cette prière familiale, chers enfants, chères familles, sera un puissant
levier contre toutes les forces de destructions qui habitent notre terre,
puisque tout se joue finalement dans les coeurs, à commencer par le
nôtre… Soyons sûrs que si chaque famille, si chaque chrétien, si chaque personne de bonne volonté s’y met résolument, alors un « tsunami » de tendresse et de consolation va déferler sur notre monde : « Voici venir des jours où j’accomplirai (ma) promesse de bonheur » (Jérémie 33).
Seul l’amour aura le dernier mot
L’Evangile de ce jour nous transmet une certitude : seul l’amour aura le
dernier mot de notre vie, le dernier mot de l’Histoire des hommes.
Comme l’on dit tous les papes (depuis Paul VI), seule une « civilisation
de l’Amour » pourra combler le « vide civilisationnel » de nos sociétés
en mal de sécurité, de liberté, de fraternité.
En tant que chrétiens,
-optons donc sans tarder pour ce que l’on pourrait appeler la « libre circulation » de l’amour; -osons, plus que jamais, en familles, en communauté, ou dans
chacune de nos activités personnelles :
-le témoignage de la foi, qui nous permet de relever le défi dans les instants les plus déroutants et apparemment sans issue de nos vies (première lecture) .
-le témoignage de l’amour, « un amour de plus en plus intense et débordant » (1 Thess 3, 13 – deuxième lecture) capable d’embraser la terre entière;
-le témoignage de l’espérance qui nous rendra « dignes (…) de paraître debout devant le Fils de l’homme »7 (évangile).
Amen. Maranatha. Viens, Seigneur Jésus !
Casimir Gabioud – plus connu sous le nom de Gabidou – est clown, sculpteur de ballons et agent pastoral à Orsières en Valais. Il est aussi fan de BD chrétiennes.