Homélie du 22 novembre 2015 (Jn 18, 33b-37)

Abbé Jean-Marie-Pasquier – Monastère de la Visitation, Fribourg

Fête du Christ Roi

Lectures bibliques : Daniel 7, 13-14; Psaume 92; Apocalypse 1, 5-8; Jean 18, 33b-37


Jésus, un roi ? Lui qui se réfugiait dans la montagne, auprès de son Père, quand la foule voulait le faire roi, lui qui a maintenant les mains liées, qui porte une couronne d’épines, et dans sa main un roseau en guise de sceptre… Un roi, ce minable qui comparaît devant Pilate ?

Pathétique procès où se joue la vie de l’accusé.» C’est encore tôt le matin, dans la résidence du procureur ! «Alors, tu es le roi des Juifs ? » Jésus ne répond pas à cette question. « C’est toi qui dis cela… » Mais Pilate insiste : « Mais toi, qu’as-tu fait ? » Réponse de Jésus : En tout cas, je ne suis pas roi comme toi. « Ma royauté n’est pas de ce monde… sinon des soldats seraient venus me défendre… Non, ma royauté n’est pas d’ici. » C’est toi qui que je suis roi. « Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : témoigner, rendre témoignage à la vérité. » Pilate : «Qu’est-ce que la vérité ? » Mais Jésus ne répondit pas à cette question.

La vérité c’est un chemin à suivre

Qu’est-ce que la vérité ? Quelques heures avant le procès, Jésus avait déjà répondu à Thomas qui voulait connaître le chemin à suivre. Le chemin ? C’est moi ! dit Jésus. « Je suis le chemin, et la vérité et la vie. » La vérité dont Jésus vient témoigner n’est pas une abstraction intellectuelle, une « vérité à croire », c’est un chemin à suivre, une vérité en marche, c’est Quelqu’un, une personne à rencontrer et à suivre, une vérité à vivre et qui donne la Vie. Jésus est le chemin qui conduit au Père, parce qu’il est lui-même la vérité et la vie. (Cf. TOB, Jean 14,6, note y).

Le témoignage royal de Jésus est  vérité et amour

En ceci consiste donc la royauté de Jésus : elle n’est pas de ce monde, mais Jésus est bien venu dans ce monde-ci, qui nous paraît aujourd’hui encore tellement éloigné de la vérité et de la vie. Il vient pour témoigner en rendant le témoignage suprême : nous donner sa vie. Comme nous le disait tout à l’heure l’Apocalypse (1,5) : « Jésus Christ, le témoin fidèle… qui nous aime et nous délivre par son sang, pour faire de nous un royaume pour son Dieu et Père… ». Le témoignage royal de Jésus est inséparablement vérité et amour. « Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’à l’extrême. »

Le comble de la justice : pardonner

Il arrive encore souvent que l’on sépare amour et vérité. Même au récent Synode sur la famille, à propos des divorcés remariés, des évêques ont dit : « Oui, Dieu est amour, mais… il est aussi vérité. Il est miséricorde, mais… il est aussi justice. » Or la suprême vérité de Dieu, c’est qu’il est amour, infiniment. Et le comble de sa justice, c’est de pardonner, sans limites.

C’est ce que le Roi Jésus a fait sur le trône de sa croix : « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Et au larron qui le priait de se souvenir de lui quand il viendrait comme roi, il dit : « Aujourd’hui, tu seras avec moi, au paradis «, dans mon Royaume.

Les vrais rois ne sont pas ceux qui se contentent de commander, ce sont ceux qui aiment. Comme l’avait dit le Cardinal Daneels aux obsèques du roi Baudouin : « Il y a des rois qui sont plus que des rois, ce sont les bergers de leur peuple. Ils font plus que régner, ils aiment. » Dans l’assemblée, ce jour-là, étaient présents les plus petits de ses sujets : des pauvres, des malades du sida, des prostituées. Celui qu’on célébrait au cœur de cette Eucharistie, c’était bien plus que le roi des belges, c’était celui qui avait inspiré toute sa vie et à qui il communiait chaque jour, Jésus son Roi.

Disciples d’un maître aimant

Ce Jésus, humilié et finalement condamné, témoignant sur la croix de la vérité de Dieu,et de sa capacité d’aimer sans mesure. Saurons-nous le reconnaître et le suivre, non comme on se soumet à un roi de ce monde, mais comme les disciples d’un maître aimant ? Ce sont les dernières paroles de Jésus à Pilate : « Celui qui écoute ma voix, celui-là appartient à la vérité. » Amen.


 

Homélie du 15 novembre 2015 (Mc 13, 24-32)

Père Ludovic Nobel  – Sanctuaire de Bourguillon, Fribourg

33e dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : Daniel 12, 1-3; Psaume 15; Hébreux 10, 11-14.18; Marc 13, 24-32


« Après une terrible détresse, le soleil s’obscurcira, les étoiles tomberont du ciel »

Les textes bibliques de la fin de l’année liturgique abordent la question de l’eschatologie, c’est-à-dire du retour du Christ dans la gloire à la fin des temps. L’évangile de ce dimanche semble ainsi aborder un thème tout à fait d’actualité, celui de la fin du monde.

Dans notre société, cette fin du monde est régulièrement annoncée. C’était le cas lors du prétendu bug de l’an 2000. Plus récemment, une prophétie Maya semblait annoncer la fin du monde pour 2012. Selon cette prophétie, un cataclysme planétaire aurait dû survenir le 21 décembre 2012, lors du solstice d’hiver.  Prophétie qui une fois encore ne s’est pas réalisée… Ces annonces de fin du monde alarmistes dont nous entendons parler, correspondent souvent à des projections humaines d’angoisses ou à des fantasmes.

Toutefois, nous devons bien constater que si ce genre de prédictions rencontrent du succès, c’est qu’elles  répondent à une préoccupation des hommes d’aujourd’hui. Beaucoup de nos contemporains, craignent ou redoutent une fin du monde apocalyptique.

Des signes que la fin du monde approche ?

Les catastrophes naturelles, auxquelles nous assistons souvent impuissants, les nombreux conflits qui déchirent notre planète, les problèmes de pollution, le risque d’une explosion atomique, tous ces phénomènes ne sont-ils d’ailleurs pas des signes que cette fin du monde approche, que quelque chose de tragique va se produire, comme semble d’ailleurs le suggérer aussi l’évangile.

Un monde meilleur et plus achevé

Certes l’évangile de ce dimanche, par son langage imagé, nous rappelle que notre monde actuel n’est pas une fin en soi et que comme l’ensemble de la création, il est appelé à disparaître. Toutefois, la liturgie de ce jour vient également démentir toutes les théories alarmistes. Si notre monde disparaîtra un jour, dont nul ne connaît ni la date ni l’heure, ce n’est pas pour tomber dans le néant et l’horreur, mais pour être transformé en un monde meilleur et plus achevé.
Ainsi, c’est un message positif et encourageant pour l’avenir mais aussi pour notre vie de tous les jours que l’évangile nous délivre aujourd’hui.

Bien plus, le passage que nous venons d’entendre, offre une voie d’épanouissement très concrète et très claire à toutes les personnes désorientées et en recherche de sens, à tous ceux et celles qui sont confrontés à la détresse, à l’abandon ou à l’impuissance, à toutes les personnes fragiles susceptibles de se laisser manipuler par des charlatans de tout acabit.

Avancer avec le Christ dans la confiance

Dans les situations difficiles ou quand tout semble aller mal, le Christ nous invite, non pas à paniquer ou à nous alarmer, mais à avancer avec lui dans la confiance. Dans l’évangile, il nous explique cela à l’aide d’une image tirée de la nature, celle d’un arbre qui refleurit au printemps. Un exemple particulièrement parlant en cette saison.

L’automne est déjà bien avancé. Les feuilles sont déjà bien tombées, parfois déjà totalement. Les couleurs superbes des feuilles mortes laissent bientôt la place à des troncs morts qui ressemblent à des squelettes. Toutefois, la nature morte qui en automne succède à l’exubérance de l’été ne nous alarme pas. Nous savons que les branches des arbres, comme celles du figuier de l’évangile redeviendront tendres et se mettront à faire pousser des feuilles.

Dans chacune de nos vies, il y a de ces moments qui ressemblent à l’automne et à la mort, des moments où le ciel semble nous tomber sur la tête et où la vie semble avoir perdu tout goût et tout éclat. Il en est ainsi quand nous sommes confrontés à la maladie, à la mort, à la déprime, à l’échec, au chômage, à une rupture au sein de nos familles….

S’appuyer sur le Christ ressuscité

Dans ces situations, au lieu de se décourager ou de s’alarmer, laissons résonner en notre cœur  les parole de l’évangile : « Sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte ». Lorsque nous traversons l’épreuve, n’hésitons pas à nous appuyer sur le Christ ressuscité qui aujourd’hui nous redit que ses paroles ne passeront pas.

Ainsi, pas plus que la chute des feuilles n’aurait raison de vaincre notre espérance et de nous faire croire que la mort l’emporte sur la force de la vie, pas davantage nous n’avons le droit de nous laisser abattre en voyant le mal à l’œuvre dans notre monde, dans notre entourage ou dans notre propre vie.

La foi qui nous habite est source de stabilité, elle nous donne la force nécessaire pour persévérer malgré les difficultés.

Dans l’attente du retour du Christ dans la gloire, redécouvrons, chers frères et sœurs, le don merveilleux  qu’est celui de la foi. De cette foi, qui nourrie de la parole de Dieu, du pain de l’eucharistie et des sacrements, nous fait vivre dans la confiance et l’assurance que la vie est toujours plus forte que la mort. Amen.