Homélie du 15 novembre 2015 (Mc 13, 24-32)

Père Ludovic Nobel  – Sanctuaire de Bourguillon, Fribourg

33e dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : Daniel 12, 1-3; Psaume 15; Hébreux 10, 11-14.18; Marc 13, 24-32


« Après une terrible détresse, le soleil s’obscurcira, les étoiles tomberont du ciel »

Les textes bibliques de la fin de l’année liturgique abordent la question de l’eschatologie, c’est-à-dire du retour du Christ dans la gloire à la fin des temps. L’évangile de ce dimanche semble ainsi aborder un thème tout à fait d’actualité, celui de la fin du monde.

Dans notre société, cette fin du monde est régulièrement annoncée. C’était le cas lors du prétendu bug de l’an 2000. Plus récemment, une prophétie Maya semblait annoncer la fin du monde pour 2012. Selon cette prophétie, un cataclysme planétaire aurait dû survenir le 21 décembre 2012, lors du solstice d’hiver.  Prophétie qui une fois encore ne s’est pas réalisée… Ces annonces de fin du monde alarmistes dont nous entendons parler, correspondent souvent à des projections humaines d’angoisses ou à des fantasmes.

Toutefois, nous devons bien constater que si ce genre de prédictions rencontrent du succès, c’est qu’elles  répondent à une préoccupation des hommes d’aujourd’hui. Beaucoup de nos contemporains, craignent ou redoutent une fin du monde apocalyptique.

Des signes que la fin du monde approche ?

Les catastrophes naturelles, auxquelles nous assistons souvent impuissants, les nombreux conflits qui déchirent notre planète, les problèmes de pollution, le risque d’une explosion atomique, tous ces phénomènes ne sont-ils d’ailleurs pas des signes que cette fin du monde approche, que quelque chose de tragique va se produire, comme semble d’ailleurs le suggérer aussi l’évangile.

Un monde meilleur et plus achevé

Certes l’évangile de ce dimanche, par son langage imagé, nous rappelle que notre monde actuel n’est pas une fin en soi et que comme l’ensemble de la création, il est appelé à disparaître. Toutefois, la liturgie de ce jour vient également démentir toutes les théories alarmistes. Si notre monde disparaîtra un jour, dont nul ne connaît ni la date ni l’heure, ce n’est pas pour tomber dans le néant et l’horreur, mais pour être transformé en un monde meilleur et plus achevé.
Ainsi, c’est un message positif et encourageant pour l’avenir mais aussi pour notre vie de tous les jours que l’évangile nous délivre aujourd’hui.

Bien plus, le passage que nous venons d’entendre, offre une voie d’épanouissement très concrète et très claire à toutes les personnes désorientées et en recherche de sens, à tous ceux et celles qui sont confrontés à la détresse, à l’abandon ou à l’impuissance, à toutes les personnes fragiles susceptibles de se laisser manipuler par des charlatans de tout acabit.

Avancer avec le Christ dans la confiance

Dans les situations difficiles ou quand tout semble aller mal, le Christ nous invite, non pas à paniquer ou à nous alarmer, mais à avancer avec lui dans la confiance. Dans l’évangile, il nous explique cela à l’aide d’une image tirée de la nature, celle d’un arbre qui refleurit au printemps. Un exemple particulièrement parlant en cette saison.

L’automne est déjà bien avancé. Les feuilles sont déjà bien tombées, parfois déjà totalement. Les couleurs superbes des feuilles mortes laissent bientôt la place à des troncs morts qui ressemblent à des squelettes. Toutefois, la nature morte qui en automne succède à l’exubérance de l’été ne nous alarme pas. Nous savons que les branches des arbres, comme celles du figuier de l’évangile redeviendront tendres et se mettront à faire pousser des feuilles.

Dans chacune de nos vies, il y a de ces moments qui ressemblent à l’automne et à la mort, des moments où le ciel semble nous tomber sur la tête et où la vie semble avoir perdu tout goût et tout éclat. Il en est ainsi quand nous sommes confrontés à la maladie, à la mort, à la déprime, à l’échec, au chômage, à une rupture au sein de nos familles….

S’appuyer sur le Christ ressuscité

Dans ces situations, au lieu de se décourager ou de s’alarmer, laissons résonner en notre cœur  les parole de l’évangile : « Sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte ». Lorsque nous traversons l’épreuve, n’hésitons pas à nous appuyer sur le Christ ressuscité qui aujourd’hui nous redit que ses paroles ne passeront pas.

Ainsi, pas plus que la chute des feuilles n’aurait raison de vaincre notre espérance et de nous faire croire que la mort l’emporte sur la force de la vie, pas davantage nous n’avons le droit de nous laisser abattre en voyant le mal à l’œuvre dans notre monde, dans notre entourage ou dans notre propre vie.

La foi qui nous habite est source de stabilité, elle nous donne la force nécessaire pour persévérer malgré les difficultés.

Dans l’attente du retour du Christ dans la gloire, redécouvrons, chers frères et sœurs, le don merveilleux  qu’est celui de la foi. De cette foi, qui nourrie de la parole de Dieu, du pain de l’eucharistie et des sacrements, nous fait vivre dans la confiance et l’assurance que la vie est toujours plus forte que la mort. Amen.


Homélie du 8 novembre 2015 (Marc 12, 38-44)

Chanoine Charles Neuhaus – Eglise St-Maurice et St-Nicolas de Flüe, Aigle

32e Dimanche du Temps ordinaire
Dimanche des Peuples 

Lectures bibliques : 1 Rois 17, 10-16; Psaume 145; Hébreux 9, 24-28; Marc 12, 38-44


« L’Eglise sans frontières, mère de tous »

Ce dimanche des Peuples, Journée des Migrants, est placé sous le thème « L’Eglise sans frontières, mère de tous », thème proposé par le pape François dans son message pour la Journée mondiale des migrants et des réfugiés. «l’Eglise sans frontières, mère de tous » quelle belle image de l’Eglise que nous offre le pape François, image reprise par la Commission Migratio, de la Conférence des Evêques suisses, pour célébrer ce dimanche des Peuples.

Cette image de la mère évoque, bien sûr, la famille où père et mère offrent à leurs enfants tout ce qui est possible pour leur épanouissement. Il y a le couvert et le gite ; il y la nourriture intellectuelle et spirituelle ; il y a le temps donné à chacun, selon ses besoins, selon les situations ; il y a la sollicitude en présence des souffrances du corps et du cœur ; il y la lutte pour combattre les dangers ; il y le courage d’affronter les ennemis de la famille, de la vie ; et par-dessus tout cela, il y a l’amour qui ne compte pas, qui est don de soi. Voilà tout ce que peut évoquer le mot de « mère ».

Quelle belle image idéale de l’Eglise, qui peut parler à tous et à chacun. Mais quelle mission ! Quelle responsabilité ! Le pape François le déclare dans son exhortation « La Joie de l’Evangile » : « Les migrants me posent un défi particulier, parce que je suis Pasteur d’une Eglise sans frontières qui se sent mère de tous », parole citée par notre évêque, Mgr Jean-Marie Lovey, dans son message au nom des Evêques suisses.

Présence multinationale, multiculturelle

Ce matin, notre église paroissiale nous donne l’image d’une Eglise sans frontières. Nous sommes côte à côte, venant d’Italie, d’Espagne, du Portugal – ce sont les travailleurs étrangers les plus nombreux de notre région – mais aussi d’autres pays européens. Nous y reconnaissons aussi, à vue d’œil et avec nos oreilles, nos frères et sœurs africains. Et n’oublions pas tous ceux qui sont à l’extérieur de cette église et que nous côtoyons dans nos rues, dans nos milieux de travail, à l’école.
Cette présence multinationale, multiculturelle nous fait prendre conscience que nous, suisses, nous ne sommes pas seuls chez nous. Comment vivons-nous cette cohabitation ? Il n’est pas besoin de s’étendre longuement pour savoir que cette coexistence n’est pas toujours facile et bien vécu, et qu’à l’avenir elle sera même plus difficile. Et cela se passe dans des pays de tradition chrétienne.

Pour nous, chrétiens, parler de l’Eglise sans frontières, mère de tous, n’est-ce pas un beau discours, une utopie !!! Ce à quoi nous appelle cette célébration, à l’occasion du Dimanche des Peuples, c’est de nous engager à faire que l’Eglise, que nos communautés deviennent familles, familles sans frontière, et pas seulement entre les quatre murs de ce bâtiment.

« Abats les murs de ta maison »

Certes, nous sommes différents par la culture, par la langue, par la situation sociale, voire par la religion ; et cela dresse des barrières entre nous. Mais ne restons pas prisonniers de ses frontières. Il me revient en mémoire le titre d’un chant des premières années de mon ministère : « Abats les murs de ta maison ».
Pour vivre notre vocation de chrétiens, pour être mis en mouvement, nourrissons-nous aujourd’hui de la Parole de Dieu, vivons ce temps de communion ici, et au-delà des murs de cette église, avec les gens de la cité, avec vous tous qui vous joignez à notre prière par la radio. Découvrons que par des gestes simples et humbles nous pouvons faire tomber des barrières. C’est par nous que l’Eglise est à la fois mère et famille. Alors laissons les belles pages de la Bible nous parler aujourd’hui.

Le prophète Elie, dont nous parle la première lecture, quitte son pays à cause de la famine et du pouvoir en place. Vous voyez le rapprochement avec la thématique de ce dimanche, dimanche des migrants et des réfugiés. Il arrive à Sarepta, au-delà des frontières. Il demande à boire, puis à manger à une veuve, ce qui signifie une femme sans ressources, à l’époque du prophète. Elie ose faire appel à une étrangère; et la femme partage le peu qu’elle a. Et le Seigneur parle : « Jarre de farine point ne s’épuisera ; vase d’huile point ne se videra. »

Le dialogue qui s’établit entre celui qui demande et celui qui possède, même peu, devient partage qui enrichit l’un et l’autre. Il n’est pas seulement question d’argent. L’étranger qui demande du travail, de l’amitié nous enrichit de sa culture, de son amitié. Osons ouvrir mutuellement nos cœurs, parfois aussi nos mains, pour un vivre ensemble harmonieux.

La veuve de l’évangile dépose deux petites pièces de monnaie dans le tronc du Temple, à Jérusalem. Jésus la voit et dit « Cette pauvre veuve a mis plus que tous les autres… Elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre ». Quel enseignement de la part de Jésus ! Un petit geste que tous nous pouvons faire, un don de soi-même peut donner de quoi vivre, aussi dans les cœurs. Un regard bon, une parole chaleureuse, les uns envers les autres est un don dans le cœur de Dieu. Ainsi naît et grandit, à petit pas, l’Eglise sans frontières, l’Eglise mère de tous. Amen.