Homélie du 02 août 2015

Prédicateur : Père Bruno Fuglistaller
Date : 02 août 2015
Lieu : Hospice du Grand-Saint-Bernard
Type : radio

Avec l’Evangile d’aujourd’hui nous entendons le début de ce que dans l’Evangile de Jean on appelle le discours sur le pain de vie, qui va nous accompagner plusieurs dimanches.

Et si on essayait de se faire une opinion sur la foi à partir des textes entendus aujourd’hui, on pourrait, avec une pointe d’humour, s’imaginer que la question la plus importante de la foi est de savoir ce que l’on va manger…

Voilà un peuple qui rêve avec nostalgie de marmites de viande – la servitude est tellement plus confortable que la conquête de la liberté … – et une foule qui après avoir vu Jésus donner du pain en abondance, veut en voir davantage pour croire et surtout… avoir du pain pour toujours…

La communication entre Dieu et son peuple est difficile, c’est le moins qu’on puisse dire !

Les paroles et les gestes du Christ sont mal compris par la foule. Ce qui est de l’ordre du don et qui devrait inviter à voir au-delà des apparences est réduit à quelque chose de dû.

On le voit par l’avalanche de questions posées à Jésus : « quand es-tu arrivé ? », « Que devons-nous faire ? », « Quel signe vas-tu accomplir ? ».

Faire et avoir ! La vie des interlocuteurs de Jésus semble tourner seulement autour de ces deux verbes.

Or la réponse de Jésus invite à croire et à être… Deux mondes se croisent sans se rencontrer. Ou plutôt c’est seulement en Jésus Christ qu’ils se rencontrent.

Jésus invite à porter un autre regard sur ce qui s’est passé. La multiplication des pains n’était pas une distribution gratuite mais un appel à voir au-delà de ce qui est immédiatement visible et compréhensible.

Je crois que souvent, comme la foule… nous pensons avoir compris le sens des événements et le comportement des autres. L’Evangile d’aujourd’hui nous rappelle que la réalité est plus riche et complexe qu’il n’y paraît. Dieu est à l’œuvre dans ce qui peut sembler extraordinairement ordinaire.

Face à la tentation de considérer nos vies comme une alternance entre la maîtrise et la fatalité, le discours sur le pain de vie nous invite à porter un regard libérateur sur le banal de notre quotidien.

Le Christ est le maître du quotidien ! Sa vie tout entière s’est déroulée au cœur d’un peuple qui souvent n’a pas compris que Dieu est présent et agissant dans l’ordinaire de la vie.

Croire, c’est porter aujourd’hui sur notre quotidien banal, ce regard d’espérance et de confiance en la présence et l’action de Dieu, ici et maintenant.

Amen

18e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

Lectures bibliques : Exode 16, 2-4.12-15 ; Psaume 77 ; Ephésiens 4, 17.20-24 ; Jean 6, 24-35

Homélie du 26 juillet 2015

Prédicateur : Pasteur Pierre Boismorand
Date : 26 juillet 2015
Lieu : Hospice du Grand-Saint-Bernard
Type : radio

Cette semaine, j’ai fait des courses dans un grand magasin suisse bien connu !
Je voulais acheter 5 pains et 2 poissons !
Pas pour accomplir un miracle !
Mais pour me ravitailler. Même si je sais que : « l’homme ne vit pas seulement de pain, mais aussi… de toute parole de Dieu » (Dt 8, 3 ; Mt 4,4).

Poussant un immense caddie, j’ai sillonné ce supermarché, jusqu’au rayon… boulangerie !
Mais là une question s’est immédiatement posée !
Qu’on qualifierait de superficielle, si elle n’était caractéristique d’un problème qui concerne la plupart d’entre-nous.
Et qui est celui de la surabondance !
De l’excès ! Du trop-plein !
D’un assortiment qui finit par dépasser notre capacité de choix !
Car quel pain acheter, quand il y en a des dizaines de différentes sortes ?!
Quand il y en a tant que la profusion finit par engendrer la confusion !

En effet, il y avait, et j’ai tout bien noté… :
Du pain à l’avoine. Du pain de seigle –valaisan bien sûr !
Du pain vigneron. Du pain bis. Du pain mi-blanc. Du pain soleil.
Du pain tessinois. Du pain couronne. Du pain aux fruits.
De la baguette. Du pain de campagne. Du pain de froment jaune.
Du pain torsadé. Du pain aux graines de courge. Du pain d’épeautre.
Du pain complet. Du pain aux 4 céréales. Du pain aux 7 céréales.
Du pain bio-paysan. En fait, il y avait plusieurs sortes de pains bio. !
Et, dans les spécialités : du pain pita. Du pain naan. Du pain dürum.
Du panini. Du pain noir. Du pain libanais. Du pain pour toast.
Du pain mi-beurre !

A la poissonnerie le choix n’a pas été plus simple.
Même si l’offre est moindre en cette saison, j’y ai trouvé :
Du thon. Du cabillaud. De la perche. Du pangasius. De la truite bio. De la truite saumonée. De la sole. Du lieu noir. De la rascasse. Du carrelet. Du bar. De la limande. De la daurade. Du barracuda. Du saumon. Et du sandre !
Et je ne suis pas allé voir du côté des surgelés !

Alors, cette offre considérable ! Tellement diversifiée déstabilise !
Car au fond, on ne sait plus vraiment ce qui convient, ce qui est bon, ce qu’il faut manger.
D’ailleurs, cet excès peut provoquer un sentiment de saturation, une sorte d’écœurement.
Ou encore, par réaction, conduire à : une prise de conscience, un refus du gaspillage, et un désir de consommer autrement voire : de vivre autrement !
Car il en va de notre alimentation comme de tous les domaines de nos vies.
Par exemple : la culture.
Dans Le Nouvelliste un article (le 4 juillet), annonçait que la société qui exploite le Casino de Saxon a fait faillite !
Pourquoi ? Un des responsables (Jean Marc Salamolard) expliquait : « En Valais l’offre des loisirs est vraiment démentielle et le public potentiel ne peut y répondre » !

On est gavés, ça déborde ! C’est trop !
Tellement trop… qu’on n’en peut plus !
On n’a pas fini de digérer qu’il faut déjà repasser à table !
On n’arrive plus à consommer, à se remplir.
Et ça part à la poubelle. En Suisse, un tiers de la nourriture est jeté !

Dans le même Nouvelliste, le président d’une manifestation musicale, (le Sierre Blues Festival Silvio Caldelari), confirmait : « Le Valais est le pire Canton pour s’octroyer un week-end de libre. [à mon avis, il n’y a pas que le Valais !] Il y a trop à faire, trop d’offres culturelles intéressantes » !

C’est vrai : quand on a organisé une célébration œcuménique avec le chanoine José Mittaz, fin mai, à la Fondation Gianadda (à Martigny), il y avait, le même week-end : un grand festival de Gospel, une fête cantonale des fanfares, et des expos, des concerts, des manifestations diverses : En veux-tu ? En voilà !

Le dimanche, au moment où l’on aspire à lever le pied, à souffler un peu, où chacun pourrait se détendre, prendre soin de son âme et de son cœur, ou de ceux de ses proches, on est tiraillés entre d’innombrables sollicitations. Pris dans des courants qui nous entrainent au large de nous-mêmes. Jusqu’à nous perdre !

Surenchère et tyrannie du « toujours plus » !

Si vous êtes téléspectateurs, une publicité actuelle vous promet l’accès à pas moins de… 250 chaines ! Le temps de toutes les passer en revue, ça vous prendra des soirées entières !

Entrez dans un kiosque pour acheter un magazine, et regardez. C’est par centaines qu’ils s’offrent à vous ! Sans compter tous les livres, les romans qui paraissent à flux tendu, et qu’il faudrait avoir lus !

Vous souhaitez partir en vacances ? Malheureux ! N’ouvrez jamais un catalogue ! Sinon entre : le Nord ou le Sud de l’Europe, l’Est asiatique et l’Ouest américain, l’évasion balnéaire, le club, la croisière, la randonnée, le circuit à vélo, l’été au mayens, le stage de remise en forme, vous serez complètement déroutés !

Vous ne saurez plus ce qui vous fait réellement envie !
Ou plutôt : ce dont vous avez besoin.
Installés sur une plage grecque, vous direz : J’aurais du essayer la Laponie.

Partout, c’est la démesure et donc le trouble !

Je pense encore aux formations qui s’offrent aux jeunes.
Il y a tellement de cursus et de professions envisageables que, finalement, c’est devenu très compliqué de se décider de découvrir sa vocation.

Cette multiplicité qui désoriente s’applique aussi aux relations sentimentales. Les opportunités de rencontres via internet sont si nombreuses que, pris de vertige, beaucoup sont tentés de tout vivre à la fois, entretiennent des liens éphémères, ne savent plus où inscrire leurs vies !

Cette satiété est aussi celle de nos emplois du temps, de nos programmes surchargés qui génèrent frustrations et souffrances.

Quant aux enfants, entre l’école, les devoirs et le déluge d’activités extrascolaires, ils n’ont plus de temps de respirer.

Essayez de faire venir des 8-10 ans au catéchisme !
– « Ah non ! il y a la danse ! Ah non ! il y a le foot ! Ah non ! c’est le cours de musique ! Ah non ! c’est la leçon d’équitation ! Ah non ! elle fait de la compétition ! Ah non ! c’est l’anniversaire du copain ! ».
Ah non ! c’est tout à la fois !

On remplit, même s’il n’y a plus d’espace.
On remplit, comme sur ces bateaux débordants de migrants, chargés à ras-bord, mais où on les entasse encore, jusqu’à l’extrême, et tant pis s’ils se noient.

Mais un jour nos yeux s’ouvrent.
Car nos surplus ne peuvent cacher les manques du plus grand nombre…
Vient un moment où, à l’exemple du Christ, nous regardons ceux qui n’ont rien, et nous comprenons que, de notre côté, quelque chose ne tourne pas rond.

« Où allons-nous trouver du pain pour les nourrir tous ? », interroge Jésus.
Tous « ces exclus qui sont la majeure partie de la planète ! ».
Ça, c’est le Pape qui le dit, dans son encyclique sur l’environnement (« Laudato si, mi Signore »).
Il parle du : « désir désordonné de consommer plus qu’il n’est réellement nécessaire ».
Du « marché [qui veut] placer ses produits, [si bien que] les personnes finissent par être submergées, dans une spirale d’achats et de dépenses inutiles ».
Il rappelle que : « Le rythme de consommation, de gaspillage et de détérioration de l’environnement a dépassé les possibilités de la planète…
Que le style de vie actuel est insoutenable, [et] conduira à des catastrophes ».
Il dit : « L’heure est venue d’accepter une certaine décroissance dans quelques parties du monde »
Il prononce des mots qui appellent à un changement radical :
Il dit : « Partage ! Refus de la croissance démesurée. Conversion écologique. Sobriété libératrice.

« Où allons-nous acheter du pain pour qu’ils aient tous à manger ? » demande Jésus.

Que cela nous plaise ou non, le Christ ne s’occupe pas de ceux qui ont trop !
Il ne pense qu’à ceux qui n’ont rien.
Qu’à ceux qui manquent de l’essentiel.

Et quand tous ont mangé et ont eu assez, il veille « à ce que rien ne se perde ».
Rien, ni personne !
Que rien ne soit perdu. Car tout et tous sont de précieux dons du Père.

Alors, au bout de ce refus du trop plein, de tous nos excès qui ne laisse plus de place ni au Christ, ni à la vie, ni au partage, me viennent quatre remarques, ou pensées, et prières :

D’abord, cette prière qui dit : « Seigneur, donne ton pain à ceux qui ont faim.
Et donne faim de toi à ceux qui ont du pain… ».

Ensuite, ce simple rappel que le Notre Père nous fait demander : « Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour ». Déjà, dans le désert, Dieu ne voulait que le peuple fasse provision de la manne. Pas de réserve, afin de se confier entièrement à sa grâce.

Puis, Jean Chrysostome, qui déjà au IVe siècle, savait que ce qui est en trop n’apporte rien aux uns et manque aux autres.
Il disait : « Ce qui dépasse la nécessité est superflu et inutile.
C’est comme une chaussure plus grande que le pied, qui gêne ta marche ».

Enfin, dans son livre intitulé « Le pardon originel », Lytta Basset cite Philippe Nemo qui dit que : « Seul l’excès de béatitude peut répondre à l’excès du mal ».
Le seul excès désirable, le seul excès vraiment profitable et bienfaisant, c’est l’excès de béatitude, c’est l’excès d’amour :

On ne donne jamais assez.
On ne reçoit jamais assez.
On n’est jamais trop aimés.
On n’aime jamais trop.

Mais avec le Christ il en reste encore !
Il reste encore 12 paniers, pour toi, si tu acceptes d’avoir un vide dans ta vie.
Amen.»

17e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : 2 Rois 4, 42-44; Psaume 144; Ephésiens 4, 1-6; Jean 6, 1-15