Homélie du 12 juillet 2015

Prédicateur : Mgr Jean Scarcella
Date : 12 juillet 2015
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

Mes sœurs , mes frères,

Il n’y a ni vacances ni repos pour la Bonne Nouvelle ! Ainsi, au cœur de l’été, entendons-nous aujourd’hui Jésus envoyer ses apôtres en mission. Jésus appelle, rassemble et envoie : le choix, l’amour et la mission.

Marc, dont l’Évangile est parcouru par l’onde missionnaire, une fois de plus nous exhorte à la mission. Le premier acte de Jésus est le choix, l’élection de ceux qu’il souhaite envoyer pour son œuvre, car cette œuvre a un aspect missionnaire.

Quand Jésus choisit, il appelle ; et ses choix souvent ne semblent pas correspondre à des réalités toujours évidentes. Ce fut le cas pour Amos qui dit bien qu’il n’est pas né dans une peau de prophète, n’étant même pas fils de prophète ; qu’ainsi rien ne le prédestinait à cette vocation ! Or de berger et de cultivateur qu’il était, le Seigneur l’a ”saisi”. On voit bien que le choix du Seigneur dépasse de loin nos catégories qui s’attachent d’abord à reconnaître les talents ou les signes d’héroïcité des gens, alors qu’il s’agit d’un appel qui prend toute la personne de celui qui l’accueille, de celui qui se laisse ”saisir”.

Ce qui est arrivé à Amos, s’est également produit lors du choix des Douze. Jésus a appelé douze de ses disciples pour être ses apôtres. Ce mot, tiré du grec – apostolos – est le substantif issu du verbe qui signifie précisément ‘envoyer’. Là aussi on ne peut pas directement comprendre la ligne de Jésus dans son choix. Certes il y a Simon, qui recevra le nom de Pierre, qui est le premier, le chef, mais qui reniera Jésus ; et il y a aussi Judas qui le trahira… Décidemment Jésus nous étonnera toujours ! Et c’est pour cela que lorsque le Seigneur appelle, c’est qu’il a fait un choix, un choix selon son cœur, et non par rapport à des idées, des calculs ou des désirs humains. On est bien d’accord, l’équipe des Douze n’était pas un ”team” de rêve, mais ils ont été choisi pour signifier le peuple dans la Nouvelle Alliance, comme le signifiaient dans l’Ancienne Alliance les douze tribus d’Israël ; ils ont été choisi, chacun tel qu’il était, pour annoncer la nouveauté du Royaume.

Et, finalement, qu’est-ce qui peut pousser Jésus à de tels choix, qu’est-ce qui prévaut aux élections qu’il opère ? – eh bien, c’est l’amour ; car Dieu ne fait rien, sinon par amour. L’amour est son seul langage, son seul outil, sa seule Parole. Et à voir qui il a choisi pour le collège des Douze, montre bien que seul l’amour peut sublimer le mal, comme le reniement ou la traîtrise.

Revenons à notre Évangile de ce jour. Depuis quelques temps, les Douze sont auprès de Jésus. Il les a formés et instruits, ils ont assisté à ses miracles, notamment des guérisons et l’expulsion d’esprits mauvais. Ils ont entendu Jésus enseigner les foules, ils ont vécu dans son intimité et aujourd’hui il les envoie. Ils ont appris de Jésus la mentalité et les attitudes des fils du Royaume, ils sont prêts à témoigner.

Nous l’avons dit : Jésus choisit – et c’est l’appel, il rassemble ses amis autour de lui – et c’est l’amour, et enfin il les envoie – et c’est la mission. C’est de cet appel et de cet envoi par le Christ qu’est donnée aux Apôtres leur qualité de témoins du Royaume.

Avant de les envoyer Jésus leur donne encore quelques consignes et son discours est même un peu curieux ! Ils les munit de pouvoirs en leur donnant autorité sur les esprits mauvais, leur fait quelques recommandations sur les bagages à emporter, ou plutôt, à ne pas prendre, enfin il ajoute qu’ils auront à accepter l’hospitalité offerte et quitter les lieux inhospitaliers.

Jésus leur donne tout d’abord une puissance spirituelle personnelle qui les rende capables de vaincre les esprits mauvais, et cet ensemble de prescriptions leur permet de se mettre eux-mêmes dans les conditions nécessaires pour percevoir les signes de la présence du Royaume.

N’est-ce pas là, frères et sœurs, que nous-mêmes avons du mal à nous placer ? Depuis notre baptême nous nous savons choisis et aimés. Tous nous sommes appelés à être témoins de l’Évangile, mais en nous mettant sous le regard d’amour du père, et en nous conformant à ses choix, laissant tomber nos critères qui ne peuvent entrer dans ce processus. Pourquoi cette fille entre-t-elle au couvent, alors qu’elle est si belle et qu’elle ferait une bonne mère de famille ? Pourquoi ce prêtre devient-il notre curé alors que celui de la paroisse d’à-côté est bien mieux ? Et on pourrait continuer la liste des pourquoi !

Les choix du Seigneur, frères et sœurs, ne peuvent s’assortir d’aucun ‘pourquoi’, parce que ce sont les choix de Dieu ! Nous n’avons, dans notre mission de chrétiens, ni à endoctriner ou persuader les autres, le Royaume de Dieu étant déjà là. Nous n’avons pas à le créer à la force de nos idées ! Nous avons uniquement à déceler les signes du Royaume, tout le reste nous étant donné par surcroît. Nous avons à être témoins et non propagandistes qui cherchent à persuader et à convaincre, des témoins fidèles avec au cœur le seul désir de servir le Seigneur, sans se faire plaisir à soi-même, mais en devenant apôtres à notre tour. Sans nous obstiner là où il y a refus, car vouloir convaincre les autres malgré eux pourrait apparaître comme un signe de notre propre incertitude ! Alors, dans ces cas-là, secouons plutôt la poussière de nos pieds !

Chacun de nous est choisi et envoyé ; une mission personnelle nous est confiée, dépassons les obstacles en ne nous appuyant pas sur les richesses de ce monde ; ne restons pas assujettis à l’esprit de ce monde, mais obéissons à l’Esprit de Dieu ; et c’est cette lumière intérieure en chacun de nous, témoins, qui deviendra contagieuse pour tous ceux qui nous entourent.

Ainsi soit-il !»

15e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibilques : Amos 7, 12-15 ; psaume 84 ; Ephésiens 1, 3-14 ; Marc 6, 7-13

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Homélie du 05 juillet 2015

Prédicateur : Abbé François-Xavier Amherdt
Date : 05 juillet 2015
Lieu : Chapelle des Soeurs de St-Maurice, Bex
Type : radio

C’EST QUAND JE SUIS FAIBLE QUE JE SUIS FORT » (2 CORINTHIENS 12,10)

I DAVID CONTRE GOLIATH

C’était il y a un mois, vous vous en souvenez sans doute. Un dimanche de folie que ce 7 juin 2015. D’abord parce que nous célébrions ici même, dans cette chapelle de La Pelouse-sur-Bex, les 150 ans de la naissance de votre congrégation, chères soeurs de Saint Maurice, vous qui nous accueillez une fois de plus pour la Session de l’ABC.

C’était avec l’évêque de Sion, Mgr Jean-Marie Lovey qui, dans son homélie des vêpres de la fête, prenait comme modèle de vie communautaire la « parabole » du Christ selon l’épître de Paul aux Philippiens. Parabole au sens mathématique du terme, cette courbe qui descend régulièrement, qui touche le point le plus bas, et qui ensuite remonte harmonieusement. Comme Jésus qui n’a pas voulu garder la « forme » qui l’égalait à Dieu, mais qui s’est vidé, qui a pris la « forme » de serviteur, comme homme parmi les hommes, [qui s’est fait] à ce point solidaire des plus faibles qu’il en est mort sur la Croix.

Mais ensuite le Père l’a exalté, il l’a fait remonter vers lui par la Résurrection et l’Ascension. Et il nous invite tous à faire de même : à tout donner pour qu’ensuite, vidés de nous-mêmes, nous soyons remplis de son Esprit, de sa présence ici-bas, et pris auprès de lui dans son Royaume, pour la joie éternelle.

En d’autres termes, pour que nous puissions être forts lorsque nous acceptons d’être faibles, ainsi que le dit le même Paul dans la deuxième lecture, « C’est quand je suis faible que je suis fort ».

Mais le 7 juin, c’était aussi [– l’évêque y avait fait d’ailleurs allusion dans la célébration –] la finale de la Coupe suisse de football à Bâle. Personne, à part les supporters valaisans les plus aveuglés et convaincus, n’aurait misé un centime sur la 13e victoire du FC Sion, la 13e étoile ajoutée au drapeau valaisan, en cette 200e année de l’entrée du canton dans la Confédération. Impossible, inimaginable à vues humaines que le petit David sédunois l’emporte contre l’ogre Goliath, le champion suisse Bâle, qui pis est dans son stade Saint-Jacques. Impossible selon les statistiques mathématiques les plus fiables qu’un club gagne treize fois en treize finales. Et pourtant, le faible a été plus fort que le puissant. Grâce à l’esprit d’équipe, aux conseils avisés de l’entraîneur, au soutien de la famille valaisanne, pour une fois unie.

Enfin, le 7 juin, ce fut encore le sacre du petit vaudois Stan Wawrinka sur la terre de Roland Garros face à l’immense numéro 1 du tennis mondial Novak Djokovic. Qui l’aurait pensé ? Cela paraissait impossible, à vus humaines. Et cependant, le minuscule helvète au short ridicule l’a emporté sur le géant serbe. À force de travail, d’abnégation, de persévérance. Le faible devenu fort !

MA GRÂCE TE SUFFIT

Loin de moi l’idée de nous obliger tous désormais à imiter ces exploits des sportifs romands pour obtenir le Royaume par nos propres forces. Au contraire. Comme toujours la parabole humaine fonctionne un bout, pour dire Dieu, mais ensuite, elle montre ses limites, elle s’inverse. Si le sportif et lutteur Paul affirme « Lorsque je suis faible, c’est là que je suis fort », c’est précisément pour exalter le don du Seigneur, et non ses propres mérites.

Le risque pour le pharisien Paul, c’était justement de tabler sur les révélations exceptionnelles dont il avait bénéficié et de penser qu’il était désormais le plus fort spirituellement. L’apôtre dit bien : « Le Seigneur a mis dans ma chair une écharde pour m’empêcher de me surestimer, un envoyé de Satan qui me gifle pour éviter que je me prenne pour ce que je ne suis pas. Ce n’est pas par mes performances que je fais mon salut. Cet aiguillon planté dans mon être, ce combat spirituel inscrit dans mon corps me rappelle que la grâce du Seigneur suffit. » (2 Co 12,7-10) La puissance de Dieu ne peut donner sa pleine mesure que dans nos faiblesses. Si nous acceptons les insultes, les critiques, les persécutions, les épreuves, telles que Paul les a connues, alors la puissance divine peut donner en nous sa pleine mesure.

C’est seulement si nous reconnaissons nos limites, nos imperfections, notre impuissance, que la grâce du Seigneur peut faire son oeuvre. Si nous ne sommes pas « blindés » de toutes parts dans notre orgueil et notre suffisance, si notre cuirasse a des failles, alors la grâce peut passer et le Christ peut agir en nous. Si nous sommes petits, faibles et pécheurs, alors la miséricorde de l’Esprit peut nous atteindre.

Mais n’est-ce pas au fond ce qu’ont fait le FC Sion et Wawrinka, à certains égards ? Ils ont accepté de ne pas être les favoris, ils ont reconnu leur petitesse, ils se sont laissé porter par un canton, le Valais, une région, la Suisse romande, et nous avons vu le résultat.

III. FACE DURCIE OU COEUR TENDRE

Tel est l’enjeu : soit durcir le visage dans l’orgueil et la rébellion, comme le peuple d’Israël sourd aux appels des prophètes, obstiné dans son opposition à la Parole divine et dans sa prétendue justice ; soit accepter le coeur de chair qu’Ézéchiel vient greffer chez ses compatriotes, au nom de la miséricorde du Seigneur qui l’envoie malgré tout (Ez 2,2-5). Visage dur, ou coeur tendre.

Ou alors : soit faire comme les compatriotes de Jésus à Nazareth, l’enfermer dans leurs catégories et ne pas croire à la possible action de la grâce, ce qui a empêché tout miracle ; soit ouvrir notre être à l’impossible de Dieu par la foi, et nous laisser pétrir par le travail de l’Esprit : il est capable de faire en nous et par nous des merveilles. Catégories rationnelles a priori, ou confiance folle de la foi. (Mc 6,1-6)

Car telle est la véritable famille que le Christ dessine, ainsi que nous y avons réfléchi au long de cette semaine biblique. Qui sont les pères et les mères, les fils et les filles, les époux et les épouses, les frères et les soeurs selon la volonté de Dieu ? Ce sont des êtres au coeur de chair, qui se reconnaissent petits, faibles, humbles, qui s’abandonnent au Seigneur et se laissent faire par lui, comme François d’Assise, comme le pape François. Et qui deviennent forts, capables des victoires les plus folles, les plus insensées, parce que la grâce leur suffit.»

14e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Ezéchiel 2, 2-5 ; Psaume 122 ; 2 Corinthiens 12, 7-10 ; Marc 6, 1-6