Homélie du 27 juillet 2014

Prédicateur : Mgr Jean-Marie Lovey
Date : 27 juillet 2014
Lieu : Hospice du Grand-Saint-Bernard
Type : radio

Frères et sœurs, chers amis,

«Quand les hommes aiment Dieu» Ce pourrait être le titre évocateur d’un livre. C’est en réalité, l’ouverture merveilleuse de ce que nous avons entendu de la lettre aux Romains. Une sorte de porche d’entrée que St Paul nous propose de franchir. A partir de là, par cascades successives, par liens de cause à effet, quand les hommes aiment Dieu, ils accèdent à leurs plus grands rêves, à leur plus grand bien. Ils sont revêtus de la gloire même de Dieu.

Autrement dit, ils sont divinisés, deviennent comme Dieu. En réalité, c’est dès l’origine déjà que Dieu dépose en chacun une parcelle de lui-même. C’est ainsi que nous sommes créés à son image et ressemblance. Le cœur de l’homme est donc indéracinable ment religieux. Il cache ou porte en lui-même un trésor divin.

Jésus en parle dans l’Évangile de ce jour en termes de Royaume des cieux. Et lorsqu’il veut nous le faire comprendre il va utiliser un langage tout simple, mais d’une grande richesse.

Jésus parle en parabole et commence par nous dire que le Royaume est comparable à un trésor caché dans un champ. Quel enfant n’a jamais rêvé de découvrir un jour un trésor? Qui n’a jamais participé à une course au trésor? Les enfants sont capables d’imaginer des situations qui les mettent en alerte, en recherche.

Ils nous aident à comprendre à quel point tous, nous sommes des êtres de désir. Le trésor, on l’espère, on le cherche, on l’attend; puis, lorsque des indices se présentent, on les interprète pour mieux aboutir; quitte surtout à ne pas trop les dévoiler alentour: «l’homme de la parabole qui a découvert le trésor le cache de nouveau.»

Vous vous souvenez de ces jeux d’enfants, lorsqu’on orientait la recherche par ces simples expressions: C’est froid, c’est froid… Ça chauffe, c’est tiède, ça chauffe, ça brûle !» La proximité de la découverte faisait battre le cœur. L’homme de la parabole de ce jour qui a découvert le trésor le cache de nouveau. Et dans la joie, il met tout en jeu pour acheter le champ.

Quelle est donc la Bonne Nouvelle que nous annonce Jésus à travers cette histoire si simple, cette parabole ? Le but de cette parabole est, non seulement de nous révéler que le Trésor c’est le Royaume, mais de nous donner l’indice majeur pour le trouver.

L’indice le voici: ce trésor, il est en toi ; au plus profond de toi; au plus intime. La question qui demeure de pleine actualité pour chacun, me semble être celle-ci: Que faire d’un trésor découvert en soi ?

Parfois, il est bon de le recacher, pour le protéger momentanément. Oui, frères et sœurs, chacun porte Dieu en lui-même. Beaucoup n’en sont pas conscients. Toute l’œuvre de l’annonce de l’Évangile consiste à permettre à l’homme de rejoindre Dieu qui l’habite. Dans notre culture très dispersante et qui nous tient souvent à la surface des choses et de nous-mêmes, l’image de l’homme qui cache à nouveau le trésor, devient éloquente. En cachant à nouveau le trésor dans son cœur, l’homme favorise l’intériorité, la profondeur. Le trésor comme le secret du Roi, il faut savoir le garder (cf. Tob. 12,7).

Aujourd’hui, l’Évangile nous offre une deuxième parabole où le Royaume est comparé à un négociant en perles fines. Ici, ne sont pas les perles, si précieuses soient-elles, qui sont Royaume, mais le Chercheur. En effet, le Royaume ne peut pas être réduit à quelque chose qu’on a ou qu’on n’a pas. On ne possède pas le Royaume, c’est plutôt lui qui nous possède, si on veut bien y consentir.

Si le Royaume c’est le chercheur, c’est dire que Jésus veut mettre en valeur le dynamisme de ce qui est en gestation au fond de nous. Le fait de chercher, est la marque du croyant. Se mettre en marche comme nous l’avons fait avec quelques-uns depuis une semaine ou depuis hier matin, se mettre en marche manifeste que la recherche est au cœur de la vie de foi.

Vous êtes des marcheurs? Vous êtes des chercheurs? Vous êtes déjà des croyants. La marche elle-même devient parabole d’un acte de foi. Et nous avons tenté d’écrire cette parabole de notre existence avec nos pieds durant ce pèlerinage. Le Royaume des cieux est encore semblable à une marche en montagne.

Insensiblement, pas après pas, au rythme du plus faible c’est ensemble que les pèlerins se mettent en route et c’est ensemble qu’ils arrivent au terme. Jamais les uns sans les autres, comme il en sera au Paradis.

«Sans cesse tenté de m’installer et de vivre tranquille, tu me demandes Seigneur de monter vers toi, avec toute ma vie, avec tous mes frères, avec toute la création, dans l’audace et l’Adoration.

Amen

17e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques: Rois 3,5.7-12 13; Romains 8, 28-30; Matthieu 13, 44-52

Homélie du 20 juillet 2014

Prédicateur : Chanoine Jean-Michel Lonfat
Date : 20 juillet 2014
Lieu : Hospice du Grand-Saint-Bernard
Type : radio

Nous l’avons déjà rencontré samedi passé ce fameux semeur !

Il a l’air de se balader par monts et par veaux sur les chemins de plaines et sur les sentiers de montagnes.

Son sac à semences ne se vide pas, c’est bien là sa spécificité il sème, il sème et le grain, le bon grain, jamais ne manque.

Mais ce semeur il se prend du temps pour lui, il observe, il attend, il est si patient !

Quelle parabole très réaliste nous entendons aujourd’hui ! pour le monde d’aujourd’hui.

La semence donnée à profusion tombe dans tous les terrains possibles.

Joie et générosité de CELUI qui la sème, accueil plus ou moins ouvert et consentit pour celui qui la reçoit cette semence. Que tout cela est naturel, c’est la vie !

Des ennemis guettent le grain de blé enfoui en terre ! Eh oui ! On l’entendait dimanche passé après les oiseaux du ciel, les ronces et l’ivraie ce petit grain de blé a bien du mal finalement à sortir indemne de la terre.

Aujourd’hui nous le rencontrons dans une ivraie particulièrement dense qui ne facilite pas du tout sa croissance. O surprise ! Oui, un voisin a semer volontairement de l’ivraie dans le champ ! Quelle petitesse, quelle tristesse, quelle honte ! Mais pourquoi cela ? Tout petit mais bien enraciné le grain va tout de même germer il va grandir allant son chemin de vie, côtoyant l’ivraie, se laissant toucher, peut-être même envahir par elle.

Naturellement, pour éviter le drame d’une piètre moisson, vite les jardiniers décident d’arracher l’ivraie.

Leur surprise sera grande quand ils entendent le Maître leur dire : « Attendez »

Il faut attendre jusqu’à la moisson, on pourra alors, sans danger, séparer le bon grain de l’ivraie.

Magnifique parabole pour l’aujourd’hui de nos vies, magnifique parabole pour tous ces moments ou nous devons décider, encourager, soutenir, porter, accompagner dans une relation.

Magnifique parabole surtout dans l’exercice de nos partis pris lorsqu’il s’agit d’exercer un discernement dans nos différentes manières de faire et d’être aujourd’hui.

La vie des hommes charrie le bon et le pire : les réalités humaines sont ambiguës. La tentation est grande de vouloir mettre bon ordre, de vouloir séparer le bon grain de l’ivraie.

Alors que notre première intention et sans doute légitime à nos yeux serai de s’efforcer pour prendre une certaine distance avec le monde de l’ivraie, du mal, du désordre, des pécheurs, Jésus lui vient nous apprendre à tempérer nos décisions.

 

Lui le Maître. le Seigneur, le Semeur par excellence, ne va-t-il pas manger avec les pécheurs, ne va-t-il pas à la rencontre des gens dont la vie nous semble à nous pas trop catholique !

Le Seigneur ne va-t-il pas affronter le mal, la maladie et la mort même pour y apporter la VIE ?

Loin de fonder une secte de « purs », il vient construire une communauté vivante respectant chacune et chacun sous son regard bienveillant.

Curieuse cette manière de faire ? Quelle patience ? Quelle bonté ? Quelle compassion ?

Nous pouvons, je crois, tirer deux enseignements de cette parabole : tout d’abord remarquons que les hommes sont bien incapables de repérer et d’opérer un tri quand il s’agit de bien ou de mal en regardant leur prochain.

Seul Dieu sonde les cœurs et les reins.

Ensuite, il ne nous appartient pas, à nous, de faire des distinctions maintenant entre les bons et les mauvais. Le tri se fera à l’heure fixée par Dieu.

Amis auditeurs, frères et sœurs, une chose est certaine en entendant cette parabole aujourd’hui c’est bien de la grandeur et de la valeur de la vie de l’homme dont il s’agit ainsi que celle de Dieu qui avec une infinie patience ne cesse d’observer et de prendre soin de notre croissance.

Nous n’avons jamais fini de grandir et c’est dans cette espérance celle du semeur qui avec joie sème la vie et attend d’elle qu’elle porte du fruit, que nous nous souhaitons un Bon dimanche, en famille en Église. Que ce soit sur la montagne ou dans plaine dans l’intimité de notre chambre ou au volant de notre automobile, que cette pause ce matin en ce Jour du Seigneur, vous soit bénéfique. Et qu’à l’image du grain de blé croissant, la semence de ce jour fasse de nous des témoins joyeux Sa Résurrection

Amen

16e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Sagesse 12, 13.16-19; Romains 8, 26-27; Matthieu13, 24-43

Homélie du 13 juillet 2014

Prédicateur : Mgr Alain de Raemy
Date : 13 juillet 2014
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

Comme toujours, quand la Bible que nous croyons connaître nous parle, à y regarder de plus près, elle a vraiment de quoi surprendre…

Il suffit de penser à cette fameuse parabole du berger, que Jésus a la folie de nous donner en exemple, alors que ce berger abandonne tranquillement 99 pour cent de son troupeau pour -éventuellement !- en sauver 1 pour cent…

N’est-ce pas complètement fou ? Une folie à laquelle on ne prête peut-être pas assez d’attention…

Les lectures d’aujourd’hui ne sont pas beaucoup plus raisonnables. Et il faut que nous le remarquions, pour bien comprendre leur message !

Un premier exemple.

Est-ce normal de commencer par promettre des gains s’élevant jusqu’à 100 pour un, et immédiatement se mettre à relativiser les probabilités, à faire descendre les promesses à un 60 pour un ou même jusqu’à seulement un 30 pour un… ?

N’est-ce pas faire fuir tout investisseur raisonnable?

Un type normal aurait dit : ce bon investissement peut rapporter de 30 à 60 ou même jusqu’à 100 pour un.

Mais non, Jésus commence par promettre tout de suite 100 pour un, pour ensuite se mettre à descendre les enchères et finir par concéder que cette soi-disant bonne opération pourrait en fin de compte ne donner que 60 ou même 30 pour un…

C’est pas normal ! Eh bien : tant mieux !

Car, chers amis auditeurs et chers amis chanteurs,

n’est-ce pas là une façon que Jésus a de nous dire que,

même si notre manière d’être chrétien, c’est-à-dire notre manière d’accueillir la Parole de Dieu et de la faire fructifier,

même si cette manière n’était pas toujours celle d’une bonne terre, à cent pour cent bonne, à cent pour cent rentable,

Jésus la considère quand-même encore comme une terre bonne, une terre fructueuse, même si elle ne produisait en fin de compte non plus les 100 espérés, mais seulement les 60 ou les 30 pour un.

Jésus nous dit qu’elle est quand-même bonne cette terre-là. Qu’elle est chrétienne, même et jusque dans son imperfection du 60 ou seulement 30 pour un.

Nos imperfections sont quasi normales pour Dieu.

Car Lui seul sait faire avec. Lui seul sait voir la perfection dans l’imperfection. Lui seul sait faire pousser la bonne herbe dans l’ivraie.

Dieu a cette surprenante et merveilleuse obstination à considérer que, ma foi : si une terre ne produit que le peu qu’elle peut, elle demeure toujours une bonne terre, elle n’est pas déclassée!

Revenons à la première lecture. Là aussi, il y a de quoi surprendre.

Le livre d’Isaïe nous disait :

la pluie qui descend des cieux, elle abreuve, elle féconde et elle fait germer la terre, pour donner ensuite la semence au semeur et puis… le pain à celui qui mange.

Est-ce que vous remarquez l’anomalie dans le déroulement des choses ?

Tout commence par s’enchaîner automatiquement et bien normalement.

La pluie qui tombe, qui abreuve, qui féconde, qui fait germer ainsi la terre, puis une terre qui produit plantes et semences,

et pourtant brusquement, sans crier gare, sans autre précision ni transition, après avoir mentionné la semence on en arrive directement au pain de celui qui mange !

Vous voyez la particularité ?

Entre la semence que sème le semeur et le pain sur ma table… c’est tout sauf un déroulement automatique et gagné d’avance.

Pensez à la croissance et à la récolte du blé, à son tri, au moulin, à la farine, et au four !

Mais cet entre-deux n’est pas pris en compte ici. On saute par-dessus ! Alors qu’il y a là toute la sueur du travail de l’homme !

Et pourtant : pas un mot sur tout ce qui se passe entre la semence et le pain…

Pourquoi ?

Je crois que ça souligne ce que nous disait saint Paul en deuxième lecture.

 » Il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire que Dieu va bientôt révéler en nous.  »

Oui, passer par-dessus le côté laborieux du travail en nous faisant passer allégrement d’une simple semence au pain de la table,

n’est-ce pas fait pour que notre regard ne se fixe pas sur nos pauvres et réitérés efforts,

ces efforts consentis pour que la semence de la Parole plantée en nous puisse devenir le bon pain de la charité envers les autres…

N’est-ce pas nous dire de ne pas nous attarder à ces efforts

qui soit nous montent à l’orgueil, soit nous descendent au désespoir…

N’est-ce pas une belle invitation à chanter allégrement et avec conviction l’Alléluia, alors que tant de nos limites nous plongent et replongent encore et toujours en carême ?

Oui, laissons de côté nos mesures : pas de commune mesure, entre nos pauvres efforts et le pain qui, par grâce, en résultera !

Chers amis auditeurs, chers amis chanteurs,

Laissons-nous une fois de plus surprendre par la Parole de Dieu !

Et aujourd’hui laissons-la nous redire :

d’abord que si la terre est toujours déclarée bonne, en ne produisant que 30 pour un,

c’est que Dieu voit notre bonté indépendamment de notre efficacité.

Ou pour le dire dans un langage adapté à cette semaine de liturgie et de chant : aucune fausse note ne pourra voiler l’harmonie de notre élan.

Puis retenons aussi la deuxième particularité des textes de ce jour :

si de la semence on peut si vite passer au pain,

c’est bien pour nous dire

e ne pas nous attarder à nos efforts et nos souffrances

ils pourraient nous enorgueillir ou au contraire, nous humilier…

Ou dit en langage musical:

la fatigue de nos répétions trouve en Dieu l’incomparable joie gratuite et incomparable de l’interprétation.

Laissons-nous donc toujours surprendre par Dieu,

et aujourd’hui particulièrement dans ces deux encouragements repérés :

sa manière si large d’être content de nous,

puis sa manière si constructive de relativiser la part que nous y avons…

Amen. »

15e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Isaïe 55, 10-11; Romains 8, 18-23; Matthieu 13, 1-23

 

Homélie du 06 juillet 2014

Prédicateur : Frère Philippe Lefebvre O.P.
Date : 06 juillet 2014
Lieu : Institut La Pelouse, Bex
Type : radio

Commençons par la fin : quel est ce joug que Jésus propose à ceux qui viennent à lui ? Je pose cette question d’emblée parce que la finale de notre passage est énigmatique et inattendue : Jésus semblait plutôt nous orienter vers une vie sans charge, sans fardeau. Le Père du ciel, disait-il, révèle gracieusement sa sagesse aux humbles de ce monde. Rien à étudier laborieusement : c’est donné. Le Fils se fait connaître à ses amis et, alors qu’ils ploient sous le faix de l’existence, il leur promet le repos. Pourquoi donc termine-t-il un si beau programme en vantant le joug et le fardeau qu’il veut nous imposer ? Ils ont beau être légers, ils constituent quand même apparemment une obligation supplémentaire à endosser.

Réfléchissons et, puisque la vérité est révélée aux tout-petits, interrogeons-nous sans a priori et sans arrogance ! Si Jésus nous propose « quelque chose » qui vient de lui, ce n’est pas pour nous accabler davantage. Cela ne lui ressemble pas. Alors qu’est-ce que ce « joug » que nous devrions porter ? Un joug est une pièce de harnachement qui a d’abord pour fonction – c’est le sens même de ce terme – de joindre deux animaux appelés à une même tâche. Dans notre évangile de Matthieu (19, 6), Jésus emploie une autre fois l’image du joug, quand il évoque l’union d’un homme et d’une femme : « ce que Dieu a mis sous le même joug, qu’un humain ne le sépare pas ». Il parle donc du joug pour évoquer la communion de deux êtres qui deviendront « une seule chair » – comme il l’ajoute en citant Genèse 2, 24.

Le joug que Jésus nous donne, qui conjoint-il, sinon chacun de nous avec lui ? Nous sommes unis à lui, il marche à notre pas et nous apprenons à marcher au sien. Pourquoi ce joug est-il léger ? Parce qu’il n’est pas quelque chose qu’il faudrait encore se mettre sur le dos. Ce qui nous unit au Christ sans peser d’aucun poids sur nos épaules a un nom dans les évangiles : c’est l’Esprit saint ! Voilà le fardeau léger, le joug qui facilite notre vie ; il opère entre le Christ et chacun de ceux qui l’approchent une communion que rien ne peut briser.

Dès lors, l’ensemble des paroles du Christ prend tout son sens. Jésus parle à son Père et ne se lasse pas de le nommer. Comme Fils, il est le premier « tout-petit » : il a tout reçu du Père comme un tout-petit humain reçoit de ses parents son être, sa venue au monde, sa langue et bien d’autres choses. Et ce dont Jésus exulte quand il invoque le Père, c’est de pouvoir déverser en d’autres – en nous – ce don plénier du Père. « Soyez vous aussi des êtres qui attendent leur vie de Dieu, nous suggère-t-il, et avec le Fils, par lui et en lui, vous ferez cette expérience inimaginable de tout recevoir du Père ». Mais comment pouvons-nous réaliser cela ? Par l’Esprit, ce joug qui nous allie et nous accorde au Christ, qui fait de nous une seule chair avec Lui. Unis au Christ par l’Esprit, nous pouvons connaître le Père que le Fils veut nous révéler. Nous voici donc établis au cœur de cette grande circulation vivifiante qu’on appelle la vie trinitaire.»

14e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Zacharie 9, 9-10 ; Romains 8, 9.11-13 ; Matthieu11, 25

Homélie du 06 juillet 2014

Prédicateur : Abbé Kurt Benedikt Susak
Date : 06 juillet 2014
Lieu : Paroisse Ste-Marie, Davos Platz
Type : tv

Chers frères et sœurs dans la foi,

Les personnes qui participent ce week-end à la 29e Fête fédérale de yodel ici à Davos, peuvent apprendre quelque chose de la qualité des traditions alpines et de la vraie joie de vivre. Le yodel n’est-il pas en lui-même l’expression de cette joie de vivre?

Tout naturellement, nous nous sommes rassemblés pour l’eucharistie dominicale en notre église Sainte-Marie. La tradition dominicale, en particulier sous nos latitudes, consiste à en prendre soin, car sans dimanches, il n’y a que des jours ouvrables.

Les lanceurs de drapeaux, les joueurs de cors des Alpes et les chœurs de yodel, n’ont pas seulement montré leur habileté à Davos, mais ont aussi exprimé un peu de ce que Jésus veut nous donner, dans l’Evangile d’aujourd’hui, pour notre chemin de foi.

Dans une société au rythme de plus en plus rapide et qui favorise l’anonymat, l’homme a un besoin urgent de moments de décélération. Dans une société civile de plus en plus mondialisée et sécularisée dans laquelle l’individu importe peu et où règne une dictature du relativisme, l’homme aspire à une culture communautaire qui lui procure du réconfort et du calme. Du calme, pour que son âme et donc son être intérieur souvent épuisé puissent se reposer.

Comme souvent quand Jésus veut rejoindre les gens de son époque comme nous aujourd’hui, il utilise un langage imagé. Un langage imagé, comme expression linguistique et théologique, pour rendre de manière compréhensible des enjeux complexes.

Ainsi, Jésus parle du «joug», et donc de la charge de la vie quotidienne.

Contrairement à nous, pour les contemporains de Jésus, le «joug» était un objet bien connu. C’est pourquoi j’ai emprunté à notre Musée de Davos, le plus beau et le plus ancien joug, celui de Landwassertal qui date de 1667. Voici donc un joug.

Un joug était et est toujours encore utilisé aujourd’hui dans certains pays comme un outil important agricole pour déplacer des charges lourdes, pour décharger l’animal de trait. Car plus la charge était lourde sur le joug, plus celle-ci le pressait et écrasait.

Souvent, nous nous sentons comme une bête de somme. Tant de choses nous accablent et nous rendent la vie difficile. Expériences de souffrance, maladie, toxicomanie, conflits, dépression et égoïsme croissant, nous pourrions énumérer tant de choses….

Nous pensons être des hommes libres dans une société libre, alors qu’en réalité, nous sommes des êtres rampants qui portons secrètement des charges de plus en plus lourdes.

La situation actuelle des ressources naturelles qui diminuent, la situation économique et financière mondiale, la crise de confiance dans presque toutes les institutions comme la politique et l’Eglise, le phénomène des «burn-out» tout comme le scandale à dimension planétaire des écoutes de la NSA, qui a dernièrement révélé notre situation d’hommes de verre, nous le confirment fortement.

Nous croyons être «libres» – alors que nous sommes souvent «non libres». Nous sommes accablés par un joug de plus en plus lourd qui va finalement, vu dans sa globalité, affaiblir même le fondement de notre Occident chrétien et la réalisation de notre bien-être jadis imprégné d’esprit chrétien.

Avec ses paroles: «Venez à moi, vous tous qui peinez et qui ployez sous le fardeau, je vous donnerai du repos» et «Prenez sur vous mon joug car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes ». Jésus nous invite tout concrètement à faire une pause, pour nous arrêter et réfléchir.

Au début de l’Evangile, nous avons entendu parler des sages et des savants, à que Dieu ne s’est pas révélé, mais plutôt aux tout-petits.

La solution de Jésus ne consiste donc pas à adopter une mentalité qui cherche le changement et quête le renouveau qui viendrait de «l’extérieur». Une mentalité qui s’est révélé inefficace depuis longtemps dans ses théories toujours nouvelles, ses modèles, ses systèmes et ses doctrines. Avec Jésus, les changements sont ceux qui convainquent immédiatement « de l’intérieur ».

Et c’est ainsi que se produisent les changements positifs de l’humanité et donc de la société, toujours par la conversion personnelle qui permet de surmonter les chemins de vie inadaptés, en nous tournant de manière unie vers la même foi au Christ Jésus et en osant les changements nécessaires pour orienter nos regards vers lui.

Avec Jésus, il s’agit d’une réorientation globale de notre identité chrétienne. Il est préoccupé par une nouvelle conscience – par notre paix intérieure et par l’harmonie! Jésus nous invite à emprunter son chemin, car il est le chemin.

Jésus nous invite à vivre selon sa vérité, car il est la vérité. Jésus nous invite à suivre le chemin de l’amour, parce que le joug de l’amour n’écrase pas.

Quand je vois comment nous nous comportons dans nos pays de manière légère et ironique avec notre culture, notre héritage chrétien, nos traditions et – je ne veux pas le nier – par rapport à notre Eglise, cela m’angoisse.

Notre Eglise, dans laquelle des personnes ont fait et font encore beaucoup de bien, en de nombreux endroits, dans le domaine socio-culturel et dans des sphères porteuses de sens…

Evidemment, personne ne le conteste, partout des personnes font aussi des fautes, dans notre Eglise comme dans le domaine privé. Et cela nous fait tous souffrir.

Mais pouvons-nous à cause de cela mettre l’ensemble de l’Eglise de Jésus-Christ à l’écart? Il est de notre devoir d’être un modèle pour notre jeunesse et pour les générations à venir.

Afin que nos traditions, notre christianisme et notre Eglise ne soient pas dans quelques années, comme ce joug séculaire, des pièces de musée.

Il ne nous faut pas aujourd’hui des personnes qui montrent uniquement les fautes et les péchés des autres et se tiennent en retrait avec suffisance. Il faut des gens qui sachent tirer parti de leurs fautes et aient le courage de façonner la société chrétienne de manière active.

S’engager soi-même, telle est la devise. Il ne s’agit pas de se désengager, mais de s’activer afin que le royaume de Dieu puisse advenir ici et maintenant.

La fête du yodl d’aujourd’hui nous montre que nos aïeux ont tiré parti du dépôt de la foi chrétienne et ont ainsi connu la paix et l’harmonie intérieure. De nombreuses messes yodlées et airs de yodl rappellent la confiance fondamentale en Dieu. D’innombrables musiques des cors des Alpes ont ému des gens à travers les âges.

Comme cela nous touche quand nous entendons l’ancienne bénédiction alpine «Alpsegen», dans laquelle les désirs du cœur et la conscience expriment la paix en Dieu et en sa création.

Je nous souhaite de parvenir à garder notre authenticité, dans une bonne symbiose entre le passé et le présent, la tradition établie et l’innovation nécessaire.

Parce qu’aujourd’hui nous bâtissons sur la base éprouvée de nos valeurs chrétiennes et veillons à ce que notre patrie soit habitable et aimable.

Amen.

14e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Zacharie 9, 9-10 ; Romains 8, 9.11-13 ; Matthieu11, 25

Homélie du 29 juin 2014

Prédicateur : Père Claude Etienne
Date : 29 juin 2014
Lieu : Institut La Pelouse, Bex
Type : radio

Il n’y a pas de personnages plus importants que Pierre et Paul les symboles même de ce qu’est l’Eglise. A la fois Roc solide et barque fragile. Dans une méditation sur l’Eglise, Henri de Lubac écrivait :« L’Eglise a pour unique mission de rendre Jésus Christ présent aux hommes. Elle doit l’annoncer, le montrer, le donner à tous. Le reste n’est que surcroît. A cette mission, nous savons qu’elle ne peut faillir. Elle est et sera toujours en toute vérité l’Eglise du Christ. Je suis avec vous jusqu’à la consommation du siècle (Mt 28, 20). – Mais ce qu’elle est en elle-même, il faut qu’elle le soit aussi dans ses membres. Ce qu’elle est « pour nous », il faut aussi qu’elle le soit « par nous ». Il faut que, par nous, Jésus Christ continue d’être annoncé, qu’à travers nous, il continue de transparaître. »

… Les Apôtres fondement de l’Eglise

Pierre et Paul constituent à la fois les principales bases et colonnes de cette Eglise. Pierre lui assure la solidité du roc et représente l’autorité que lui confère sa charge : « Tu es Pierre et sur cette Pierre je bâtirai mon Eglise… Dans sa relation personnelle avec le Christ, il est tout autre que l’homme d’autorité. Homme de terroirs, mais homme de cœur, avec lui tout est plus facile. Respecté et reconnu comme le premier des disciples, c’est autour de lui que se forme la communauté Eglise.

Très rapidement se manifeste le besoin de s’informer, de connaître, de comprendre qui est Jésus, de savoir comment se comporter vis-à-vis de la tradition. Et c’est à ce moment charnière que surgit le charisme de Paul, nouveau converti, qui permet, grâce à l’Esprit-Saint de s’imposer comme le maître de l’enseignement de Jésus. Il constitue l’élément dynamique dans l’église naissante : ouvert aux adaptations nécessaires, il était tout désigné pour être le promoteur de l’expansion missionnaire de l’Eglise, capable d’en assurer l’unité dans la diversité.

… Les chrétiens, pierres vivantes de l’Eglise…

Si le Christ en est la pierre agulaire, les Apôtres et leurs successeurs les colonnes inébranlables, les chrétiens sont invités à en être les pierres vivantes. Dans une lettre qu’il a écrite aux nouveaux baptisés, après la résurrection de Jésus, Pierre leur révélait leur vocation et leur mission. « Vous aussi, soyez des pierres vivantes qui servent à construire le Temple spirituel ».Ainsi les baptisés sont-ils appelés à rendre l’Eglise plus rayonnante par le dynamisme de leur foi et l’élan de leur charité. Comme Pierre, comme Paul sur le chemin de Damas, nous sommes toujours invités à entendre cet appel lancé par le Christ à ses disciples « suis moi ». Il faut sans cesse se remettre en marche.

La vie de Pierre et de Paul nous montre que notre vie spirituelle, faite d’échecs, de doutes, de péchés, avance, parfois sans qu’on s’en aperçoive.

Retenons en ce dimanche, fête de Pierre et de Paul, leur attachement de l’un et de l’autre au Christ, Seigneur, leur esprit d’ouverture à la dimension universelle du projet de Dieu pour la communauté humaine toute entière et, enfin leur souci de travailler pour trouver et dire à chacun dans sa culture respective, le mot qui fait comprendre ce qu’ils ont compris.

C’est dire que l’Eglise est en mouvement, qui évolue comme un vivant grandit en restant pourtant lui-même. Une Eglise-barque qui tend sa voile au vent de l’Esprit qui la mène souvent où elle n’avait pas pensé aller.

Et reprenons pour terminer la méditation du Père De Lubac :

« C’est en vivant de son Esprit que l’Eglise montre le Christ et répand le nom de Jésus comme un parfum. Les chrétiens dont nous entretient le livre des Actes n’étaient pas dans leur ensemble, aux divers sens précis du mot, des apôtres. Tous néanmoins, dans la mesure où ils étaient vraiment de l’Eglise ne formant qu’un coeur et qu’une âme (Ac 4, 32), contribuèrent à répandre l’incendie du nouveau Feu. Cet « amour de la fraternité » est toujours demeuré, depuis lors, le plus beau témoignage et le plus puissant attrait. » (Méditation sur l’Eglise, Aubier, 1953, pp. 190, 197.)

La mission évangélisatrice initiée par les disciples à la Pentecôte se poursuit dans le temps et c’est la manière normale avec laquelle l’Eglise, à travers les membres que nous sommes, administre le trésor de la foi.

Mais cette foi ne conduit au salut que dans la mesure où elle est animée de l’amour, de la charité. C’est ici que le martyre de Pierre et Paul au terme de toute leur action évangélisatrice vient révéler ce qui en faisait toute l’essence, ce qui en constituait tout le dynamisme : l’amour de Dieu et l’amour des hommes, la gloire de Dieu et le salut des âmes.»

Fête des Saints Pierre et Paul

Lectures bibliques : Actes 12, 1-11; 2 Timothée 4, 6-8.17-18; Matthieu 16, 13-19

Homélie du 22 juin 2014

Prédicateur : Abbé Henri Roduit
Date : 22 juin 2014
Lieu : Eglise Saint-Laurent, Riddes
Type : radio

Pierre Teilliard de Chardin a écrit :

Ce que j’appelle comme tout être, du cri de toute ma vie, et même de toute ma passion terrestre, c’est bien autre chose qu’un semblable à chérir: c’est un Dieu à adorer.

Plus l’homme deviendra homme, plus il sera en proie au besoin, et à un besoin toujours plus explicite, plus raffiné, plus luxueux, d’adorer.

En ce jour de Fête-Dieu, où la tradition de l’église catholique nous fait adorer le corps rompu et le sang versé du Christ, signes de la nouvelle alliance entre Dieu et les hommes, nous ressentons aussi ce désir, ce besoin d’adorer dont parlait le Père Teilhard.

Le jeudi saint, la veille de sa mort, à Gethsémani Jésus aurait très bien pu s’enfuir dans la nuit, disparaître de façon à ne pas se laisser prendre par cette « troupe » qu’il a certainement vu descendre vers la vallée du Cédron. Mais quel aurait été le témoignage de sa vie ?

Au contraire Jésus a tenu à célébrer la Pâque juive avec ses disciples et à y greffer la Nouvelle Pâque, le passage à travers la mort elle-même. Les Juifs avaient conscience que la Pâque est un mémorial, c’est-à-dire une célébration qui rend, en quelque sorte, le croyant qui la célèbre contemporain de l’événement célébré. Ainsi fêter la Pâque juive, c’était se rendre contemporain de ceux qui ont vécu la libération d’Egypte, devenir l’un de ceux qui, avec l’aide de Dieu, ont trouvé le chemin de la vraie liberté. C’était accepter d’actualiser pour soi cette libération en accueillant le don de Dieu.

Jésus, célébrant avec ses disciples la Pâque, les entraine donc à travers le mémorial juif à accueillir cette alliance libératrice avec Dieu. Mais il va plus loin. Après avoir, lors du dernier repas, rappelé l’essentiel de la Bonne Nouvelle pour laquelle il est venu en ce monde, il décide d’affronter le martyr qui se présente à lui. Il le dit très clairement aux disciples « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance Nouvelle et éternelle », comme il dira à Gethsémani « Père, écarte de moi cette coupe, cependant non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ». Jésus tient à instaurer un nouveau mémorial qui ne célèbre pas tant la libération d’un esclavage extérieur que la libération de l’esclavage intérieur qu’est le péché.

Reconnaissons que cette libération est le grand besoin de notre société. En caricaturant je dirais que de nos jours chacun est porté à se prendre pour son unique référence, à être sûr d’avoir raison même si tous les autres pensent autrement, à chercher la satisfaction de ses désirs même s’ils portent préjudice à d’autres, au groupe, à la communauté. Comment vivre en société si chacun n’a d’autre référence que soi-même ? Quelle cohésion reste possible ?

Aujourd’hui nous sommes invités à découvrir la folie d’amour du Christ qui nous laisse ce grand sacrement. Par fidélité à cette folie, il nous faut quitter notre enfermement sur nous-mêmes pour nous ouvrir à l’amour infini de celui qui se donne et pardonne jusqu’au bout, de celui qui est victorieux par delà la mort. C’est ainsi que nous devenons, à sa suite des hommes libérés.

Wolfgang Goethe disait : « Le plus grand bonheur de l’homme qui réfléchit, c’est, après avoir cherché à comprendre ce qu’on peut comprendre, d’adorer ce qui est incompréhensible ». Osons croire à ce mémorial qui nous donne la force d’aimer du Christ, qui nous fait membre de son corps, qui nous permet de vivre avec les autres dans la cohésion parce que nous avons la même référence, la volonté de Dieu le Père et que nous sommes ainsi en communion avec Jésus. Osons adorer le Christ présent sous les apparences du pain et du vin. Osons être, comme le disait Pierre Teilliard de Chardin, en proie au besoin, et à un besoin toujours plus explicite, plus raffiné, plus luxueux, d’adorer.

J’aimerais terminer par une méditation de Christine Reinbolt :

Tu aurais pu, Seigneur, au moment de la Cène, te contenter de revêtir la tenue de service, et te tenir aux pieds de tes apôtres.

Mais tu as voulu aimer tes amis jusqu’à l’extrême, en t’abaissant jusqu’à la mort     par amour pour nous.

Tu aurais pu, Seigneur, au moment de la Cène, te contenter de rompre le pain et le partager entre tous.

Mais tu as voulu aimer tes amis jusqu’à l’extrême, en te brisant d’amour pour nous.

Tu aurais pu, Seigneur, au moment de la Cène, te contenter de faire couler le vin, et offrir la coupe entre tous.

Mais tu as voulu aimer tes amis jusqu’à l’extrême en versant ton sang par amour   pour nous.

Tu as tout offert, Seigneur, dans un élan d’amour total: ton corps et ton sang,

pour que germe en nos coeurs une moisson de vie,

et qu’à jamais, nous puissions vivre debout !

Fête-Dieu

Lectures bibliques : Deutéronome 8, 2-3.14b-16a;1 Corinthiens 10, 16-17; Jean 6, 51-58

Homélie du 15 juin 2014

Prédicateur : Abbé Henri Roduit
Date : 15 juin 2014
Lieu : Eglise Saint-Laurent, Riddes
Type : radio

Lorsque l’on traite un homme selon ce qu’il semble être, on le rend plus mauvais qu’il n’est en réalité. Mais lorsque l’on traite un homme comme s’il était déjà ce qu’il pourrait être, tenant compte du potentiel qu’il porte en lui, alors on l’aide à devenir ce qu’il devrait être. » Ces paroles de Goethe relance une question essentielle pour toute la Bible : qu’est-ce que l’homme est appelé à devenir.

Nous venons d’entendre la vision de l’homme parfait qu’a saint Paul dans la lettre aux Corinthiens : « Soyez dans la joie, cherchez la perfection, encouragez-vous, soyez d’accord entre vous, vivez en paix, et le Dieu d’amour et de paix sera avec vous ». Pour lui le modèle et la source de la perfection humaine donc chrétienne est Dieu lui-même. Un Dieu d’amour et de paix, sachant que le mot, paix en hébreux, shalom, signifie le bonheur parfait qui se réalise quand l’homme est parfaitement en harmonie avec Dieu, avec lui-même et avec les autres.

Ce Dieu se révèle déjà à Moïse, comme nous l’avons entendu dans la première lecture : « Il proclama lui-même son nom : il passa devant Moïse et proclama : « Yahvé, le Seigneur, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, plein d’amour et de fidélité ». Yahvé, qui peut se traduire : Je serai qui je serai. Je serai qui je serai avec vous. Un Dieu qui va se révéler progressivement car l’homme a certes été créé à son image mais il a à devenir à sa ressemblance et c’est la grande histoire du salut, l’histoire de toute la Bible. Elle commence avec des gens très sauvages qui vont être progressivement comme modelés par un Dieu fidèle, un Dieu qui n’abandonne pas son peuple, qui continue de lui monter son amour. Un Dieu si passionné de l’homme que, non seulement il ne cesse de se révéler à l’homme à travers les prophètes, mais s’incarne en son Fils Jésus. Et c’est lui, Jésus, qui va nous faire connaître le vrai visage de l’homme en nous révélant parfaitement le visage du Père. Le Christ devient le modèle de l’être humain parfait, un être de communion avec le Père dans l’Esprit et de communion avec les hommes.

Mais qu’en est-il de la communion avec Dieu et avec les autres dans notre Europe occidentale? L’homme a fait d’énormes progrès dans bien des domaines : il a plus d’autonomie, plus de responsabilité, une plus grande formation… l’individu a grandi. Mais dans le même temps, il risque une fermeture sur soi, une indifférence envers les autres, une perte du sens de la cohésion sociale qui aboutit à la marginalisation de nombreuses personnes. Prenons un exemple précis : celui des réfugiés. Chacun se souvient du pape à Lampedusa qui dénonce la « mondialisation de l’indifférence » aboutissant à la mort de nombreuses personnes qui veulent à tout prix atteindre l’Europe et souvent, pour ceux qui y sont parvenus, à des conditions indignes. Chez nous la loi sur les mesures de contrainte permet d’enfermer jusqu’à un total de 18 mois des personnes interdites de séjour, souvent parce qu’elles n’ont pas de papier. Cependant il ne s’agit pas d’abord de faire la critique de la société mais de se regarder soi-même. La quête de ce jour est pour les réfugiés et chacun de nous peut se poser des questions. Est-ce que personnellement je connais des réfugiés ? Est-ce que j’en ai accueillis chez moi ? Ou est ce que je suis allé en voir ?

Ces questions rejoignent la grande question de ce jour : « Comment je deviens semblable à Yahvé, ce Dieu qui veut communiquer avec son peuple ? Ou comment je ressemble au Dieu des chrétiens qui est grâce, amour, communion ? » Dans un temps de silence et de musique, nous pouvons réfléchir à ces questions en nous rappelant les paroles de Goethe : « Lorsque l’on traite un homme selon ce qu’il semble être, on le rend plus mauvais qu’il n’est en réalité. Mais lorsque l’on traite un homme comme s’il était déjà ce qu’il pourrait être, tenant compte du potentiel qu’il porte en lui, alors on l’aide à devenir ce qu’il devrait être.

Fête de la Sainte Trinité – Dimanche des réfugiés

Lectures bibliques : Exode 34, 4b-6.8-9; 2 Corinthiens 13, 11-13; Jean 3, 16-18

Homélie du 15 juin 2014

Prédicateur : Christophe Wermeille, assistant pastoral
Date : 15 juin 2014
Lieu : Eglise Saint-Pierre, Porrentruy
Type : tv

«Qui c’est Dieu?»

Tu as bien raison, Raphaël, de poser cette question! Une question que l’on se pose depuis la nuit des temps, à tous les âges de la vie.

Chacun, chacune de nous, au fil de nos rencontres, de nos questionnements, de nos réussites mais aussi de nos échecs, trouve des pistes de réponses.

Dieu, on en fait l’expérience dans ce qui nous dépasse.

As-tu vu, tout à l’heure, le regard de Didier et Fanny, lorsqu’ils nous présentaient leur petite Eline? On y lisait de la fierté, de la joie, de l’émerveillement! Vivre la naissance d’un enfant est un tel éblouissement qu’on ne peut pas ne pas se demander d’où vient cette vie qui s’offre à nous…

L’expérience d’un dépassement, nous pouvons aussi la vivre en ouvrant les yeux sur notre monde.

Qui n’a pas été troublé devant l’immensité de l’univers, devant la beauté d’un paysage majestueux et même devant un bouquet de fleurs des champs ou un escargot sortant de sa coquille, si simple et pourtant si surprenant… Dans nos vies aussi, et peut-être encore davantage lorsqu’elles sont blessées, nous pouvons faire l’expérience d’une présence qui nous dépasse.

Emilie, Léa et Pablo nous ont rappelé tout à l’heure combien l’amitié, la fraternité, le soutien sont des valeurs précieuses qu’il est bon de sentir dans les moments heureux et plus difficiles de nos existences.

La puissance de vie qui se dégage de ces gestes humains nous fait percevoir quelque chose qui vient de bien au-delà de nous…

Pour répondre à la question de Dieu, il y a tous ces événements, petits et grands, qui sont autant de signes d’un au-delà.

Et puis il y a aussi une Parole qui nous est transmise et qui s’offre à notre liberté.

Avant nous, d’autres chercheurs de Dieu se sont posé les mêmes questions et ont laissé par écrit un témoignage de leur recherche.

D’autres ont même été les témoins directs d’une présence divine parmi nous.

Car Dieu n’est pas seulement Celui dont on peut percevoir des traces dans les réalités qui nous dépassent ; il est Celui qui s’engage à nos côtés!

C’est la nouvelle déconcertante que nous partage saint Jean dans l’Evangile: «Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique». Et la manière d’être de ce Dieu là, Raphaël, a de quoi nous surprendre, à plus d’un titre!

La première lecture nous a dit de lui
qu’il est rempli de tendresse,
qu’il se laisse toucher aux entrailles,
qu’il est rempli d’amour et qu’on peut compter sur lui. Comme la grande bougie, que Laure a portée, tout à l’heure, à travers toute l’assemblée,
Dieu se révèle à nous comme une présence, qui marche au milieu de nous pour nous éclairer, nous réchauffer, nous guider.
Lui faire confiance est un risque qui ne va pas de soi aujourd’hui.

C’est aussi pour cela que nous sommes là ce matin. Comme saint Paul nous y invite dans la seconde lecture, si nous nous encourageons mutuellement, si nous cherchons à nous accorder les uns aux autres, alors le Dieu d’amour et de paix sera avec nous et nous serons dans la joie, une joie authentique, à l’image des pas de danse risqués tout à l’heure lors de la farandole.

Mais se retrouver pour l’Eucharistie, c’est aussi s’unir au Père dans la prière, c’est partager la paix du Ressuscité, c’est recevoir sa vie en nous, autrement dit, c’est faire l’expérience, qu’unis par l’Esprit du Seigneur, nous pouvons déjà goûter à la Vie de Dieu.

Mais cette réalité est d’une telle profondeur, qu’il nous faut sans doute toute une vie – et peut-être même l’éternité entière – pour en mesurer toute la portée.

Alors, Raphaël, quand tu auras l’âge de Laurène et plus tard encore l’âge de François, j’espère que tu continueras de te poser cette question: «Qui c’est Dieu?» et que ton parcours de vie te permettra de répondre avec confiance qu’il vaut la peine de croire au Dieu de l’Evangile car sa Parole et sa présence à nos côtés sont déjà pour nous promesses de Vie.

Amen.

Fête de la Sainte Trinité – Dimanche des réfugiés

Lectures bibliques : Exode 34, 4b-6.8-9; 2 Corinthiens 13, 11-13; Jean 3, 16-18

Homélie du 08 juin 2014

Prédicateur : Abbé Guy-Michel Lamy
Date : 08 juin 2014
Lieu : Eglise du Sacré-Coeur, Bâle
Type : radio

« Shalom »

La paix et la joie !
La peur et la tristesse !

Faisant allusion à ce que Jean Delumeau appellera plus tard la « Pastorale de la peur », Annah Arendt écrivait dans un livre publié en anglais en 1954 et traduit en français dix-huit ans plus tard : « Il est certainement d’une ironie terrible que la « bonne nouvelle » des Évangiles, « La vie est éternelle », ait pu par la suite aboutir non à un accroissement de la joie mais à un accroissement de la peur sur la terre, et n’ait pu rendre à l’homme sa mort plus facile mais plus pénible.

Dans son journal, Julien Green parle d’un célèbre prédicateur anglais du XVIIème siècle qui allait, paraît-il, jusqu’à faire s’évanouir de terreur des hommes à l’écoute de ses sermons.

Et plus d’un paroissien âgé du Sacré-Cœur, homme ou femme, m’a parlé de cette peur de son enfance et de son adolescence entretenue par la prédication de certains curés ou pasteurs.

Une peur de l’enfer inventée par Platon quatre siècles avant Jésus-Christ pour faire marcher droit la multitude (lui-même étant d’origine aristocratique), et remontant chez nous surtout à la fin du Moyen-âge : ces XIV° et XV° siècles, qui n’en sont après tout que deux sur les dix que recoupe le Moyen-âge dans son ensemble, mais qui auront suffi à faire de lui un « dark age », un âge sombre, alors qu’il est celui de nos plus belles églises romanes et gothiques.

Né lui-même neuf ans avant la découverte des Amériques, Martin Luther s’en fera à son tour l’écho en décrivant ainsi sa formation religieuse monastique : « Nous pâlissions au seul nom du Christ, car on ne nous le représentait jamais que comme un juge sévère, irrité contre nous ».

Juge certes, mais nous jugeant avec amour, ce qui n’est pas évident à concevoir à moins peut-être d’avoir connu des parents qui nous aimaient profondément.

« Non abbiate paura », « N’ayez pas peur », a martelé le pape Jean-Paul II sur la place Saint-Pierre de Rome au jour de son intronisation, répétant les mots que Jésus lui-même adresse à Marie-Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé au jour de sa résurrection.

Ici, pour ceux que Daniel Marguerat appelle « les séquestrés du dimanche soir » (et séquestrés par peur des Juifs) : c’est « shalom », deux fois « shalom », en latin : « pax vobis » ; en français : « la paix soit avec vous »

Jésus leur avait promis qu’il reviendrait : « Un peu de temps, et vous ne me verrez plus, et puis un peu de temps encore, et vous me verrez » (Jn. 16, 3).

Et quelques versets plus loin : « …vous serez dans la tristesse, mais votre tristesse se changera en joie » (Jn. 16, 20)

Cette joie à laquelle saint Luc fait plusieurs fois allusion en parlant du « cœur brûlant » (« brûlant » de joie) des disciples d’Emmaüs (Luc. 24, 32). Cette joie des disciples, même ayant du mal à croire : « Et comme dans leur joie ils refusaient de croire » (Luc 24,41). Cette joie d’un Pascal transcrite dans son célèbre Mémorial du lundi 24 novembre 1654 : « Joie, joie, joie, pleurs de joie ».

Jésus s’est frayé un passage dans cette maison fermée et triste, comme il s’en fraie en tout homme qui accepte de s’ouvrir à lui et de le reconnaître comme le Messie (mot hébreu) ou comme le Christ (mot grec) ; le refuser étant le péché par excellence tout au long de l’évangile de saint Jean.

Dans un petit essai intitulé « Pour une spiritualité de l’insurrection », publié en 2004, Francine Carrillo s’amuse à faire remarquer qu’on a presque les mêmes lettres en hébreu pour le mot joie : « hasimha » et messie : « mashiah ».

« Seigneur, donnez-moi l’humour pour que je tire quelque bonheur de cette vie et en fasse profiter les autres », demandait saint Thomas More, chancelier d’Angleterre et ami d’Erasme, mort décapité une année avant lui.

C’est une prière qui commence par ces mots : « Seigneur, donnez-moi une bonne digestion, et aussi quelque chose à digérer… ».

Ça me rappelle les propos d’un moine qui avait un jour déclaré au cher abbé Zundel : « J’ai autant de dévotion à manger ma soupe qu’à célébrer la messe ».

Amen

Fête de la Pentecôte

Lectures bibliques : Actes 2, 1-11;1 Corinthiens 12, 3b-7.12-13; Jean 20, 19-23