Homélie du 01 décembre 2013

Prédicateur : Abbé Marc Donzé
Date : 01 décembre 2013
Lieu : Basilique Notre-Dame, Lausanne
Type : radio

Je rêve, mes amis. Je rêve les yeux ouverts. Je rêve avec un cœur lucide et un esprit de miséricorde. Du moins, j’essaie.

Je rêve d’un monde où les drones qui tuent à l’aveugle n’existent plus et soient remplacés par des avions en papier.

Je rêve d’un monde où, chez nous, il n’y ait plus de femmes avec enfants contraintes de dormir dans des voitures par des températures polaires.

Je rêve, avec le pape François, d’une Eglise où l’on batte des records de miséricorde et de courtoisie, où les doctrines s’agenouillent devant la dignité des hommes.

Martin Luther King rêvait aussi. I have a dream. Il rêvait d’une Amérique où Blancs et Noirs aient des droits égaux, où ils puissent s’asseoir côte à côte dans les mêmes bus. Et son rêve s’est réalisé, en partie.

Le prophète Isaïe, bien plus tôt, rêvait lui aussi. Et son rêve n’était pas n’importe quel rêve. C’était une communication avec Dieu. Il a vu tous les peuples monter vers la montagne du Seigneur, il a vu tous les peuples converger dans la paix. Il a vu qu’avec les épées, on forgeait des socs de charrue. Ne plus tuer, mais nourrir les petits et les grands.

Et tous ces rêves ne sont pas des rêves habituels, des rêves du milieu de la nuit, où l’inconscient fait de l’ordre dans les impressions qu’il a engrangées.

Ils viennent des profondeurs de la conscience. Ils viennent de ces lieux secrets, où la noblesse de l’homme est en contact avec le Dieu d’Amour. Malgré tout. Au-delà au-dedans de tous les malheurs.

Quand le prophète Isaïe écrit, il se trouve dans une situation dramatique, avec tout son peuple : guerres, envahissements, exils se succèdent. Et les rois ne sont pas à la hauteur de leur tâche. Ils s’adonnent à la guerre sans foi, ni loi. Et comme la guerre n’est jamais bonne, le peuple souffre. Où va-t-il trouver les ressources pour aller de l’avant, pour construire un avenir, pour espérer du nouveau ?

Et la petite dame qui doit dormir dans une voiture, où va-t-elle trouver les ressources ? et le jeune Noir, condamné dans un procès aujourd’hui encore inégalitaire, où va-t-il puiser un espoir ?

C’est là qu’interviennent les profondeurs de la conscience. C’est là que se trouve la source d’une espérance. Je, tu, nous, ils rêvent du fond de leur être. Et ce n’est pas une illusion, une consolation à bon marché. C’est un acte de foi à la puissance de Dieu qui met un souffle de justice, un souffle de paix, un souffle d’amour, partout. C’est pourquoi je peux rêver à un monde de justice et de paix sans me payer de mots. Le souffle de Dieu est toujours déjà là.

Mais, évidemment, ce n’est pas si simple. Car le souffle de Dieu rencontre la liberté des hommes. À bien des endroits, il se cogne contre la liberté des hommes. Le souffle de Dieu n’est pas automatique ; parce qu’il est de l’ordre de l’amour, il a besoin du consentement des hommes.

Et c’est pourquoi cela va si lentement. Et c’est pourquoi cela progresse, recule, progresse à nouveau.

Mais le souffle de Dieu est là. Et on peut le sentir, à tout le moins le pressentir. C’est lui qui permet à Isaïe de rêver à la transformation des épées en charrues. C’est lui qui permet la fin des politiques d’apartheid. C’est lui qui permet à la petite dame dans le froid de ne pas être complètement désespérée et de mettre encore et encore un pied devant l’autre. C’est lui qui, comme une lame de fond, ouvre des perspectives d’avenir.

Je rêve… et j’appuie mon rêve sur le souffle de Dieu. Mais cela ne suffit pas encore, je le sais. Je dois retrousser mes manches, pour contribuer à la réalisation de ce que je rêve. Isaïe fut un messager de paix, inlassable. Martin Luther King, avec les armes de la non-violence, a beaucoup œuvré pour l’égalité entre Noirs et Blancs aux Etats-Unis. Et toi, et moi, nous pouvons mettre un peu de justice, de paix et d’espérance autour de nous par des actions concrètes et ciblées.

Rêver en portant le souci concret du monde. Rêver en espérant de toutes nos forces qu’un avenir est possible, au prix de notre consentement aux puissances de vie et d’amour.

C’est ce que l’on ne faisait pas aux temps de Noé. On mangeait, on buvait, on se mariait, mais aussi on se goinfrait, on se soulait, on forniquait, on jouait du pouvoir et – passez-moi l’expression – on se foutait du reste. Les autres qui n’ont rien, qu’ils passent leur chemin. Et Dieu avec ses commandements, qu’il reste dans son ciel. La jouissance du présent, la consommation du présent, pas de rêve, pas de vision d’avenir. Les pieds en éventail sur le sable.

Est-ce si différent aujourd’hui pour une partie des hommes ? on s’adonne aux activités normales et jouissives de la vie. Travail, salaire correct, appartement, cave à vin, petite famille. Et quoi alors ? que vouloir de plus. Eh bien regarder à droite et à gauche pour que les autres disposent aussi de ce dont je dispose, au moins dans une proportion correcte. Mais à quoi bon ? restons dans le présent, dans le quant à soi. L’avenir, c’est tellement compliqué qu’il vaut mieux le tenir caché.

Eh bien, je préfère faire partie de ceux qui rêvent d’un monde meilleur, avec les manches retroussées. Je préfère être dans un monde, où le souffle de Dieu me dit qu’il y a au-delà de tout une espérance vraie, une espérance solide, parce qu’elle repose sur Lui.

Vous aussi, je l’espère, car c’est ce à quoi nous invitent les prophètes et l’Evangile au nom de Dieu. L’Avent nous ancre dans le présent des hommes, mais en même temps nous ouvre sur un avenir, une espérance et un combat. I have a dream, chantait Martin Luther King, qui le paya du prix de sa vie. Amen.»

Homélie du 01 décembre 2013

Prédicateur : Lars Simpson, prêtre de la communauté catholique-chrétienne de Zurich
Date : 01 décembre 2013
Lieu : Eglise des Augustins, Zurich
Type : tv

Chers communauté de l’église des Augustins à Zurich et vous, à la maison.

Le 11 février 1990, Nelson Mandela a été libéré après 27 ans de captivité. L’espoir en une libération de Nelson Mandela a longtemps paru utopique. Néanmoins, bien des personnes y croyaient. L’espérance est capable de supporter beaucoup; elle n’abandonne pas l’attente.

Pendant 27 ans, Nelson Mandela a persévéré en prison, malgré les travaux forcés imposés journellement. Il ne savait pas s’il serait ou ne serait pas libéré un jour ni à quel moment. Or, tout au long de ce temps, il n’a jamais perdu la foi en un avenir meilleur où les hommes – indépendamment de leur couleur de peau – vivraient ensemble, réconciliés, de façon équitable et pacifique.

Nelson Mandela a fait preuve de beaucoup de patience et de persévérance jusqu’à ce qu’il ait pu concrétiser sa vision d’une Afrique du Sud nouvelle. Une vision qu’il a pu mettre en pratique, lui-même, en tant que premier président noir d’Afrique du Sud. Cela paraissait incroyable (irréalisable), mais son attente a eu une fin. Encore plus étonnant: la souffrance vécue ne l’a pas rendu amère, ni vindicatif. C’est à lui que les mots de la lettre de Jacques s’appliquent: Nous estimons heureux celui qui a patiemment tout supporté.

Jean, un contemporain de Jésus, a également subi des attaques. Ce matin, nous rencontrons Jean dans le texte de l’Evangile.

Lui qui a été nommé plus tard: le Baptiste, a été jeté en prison, comme Mandela, à cause de ses convictions.

2000 ans ont passé entre Jean le Baptiste et Nelson Mandela. Un point commun peut leur être reconnu: tous deux ne se sont pas laissés désarçonner par leur captivité. Ils n’ont pas sombré. Ils ont continué à croire en leur vision. Ils n’ont pas abandonné l’espoir. Leur vision paraît invraisemblable à leurs contemporains. Ils sont extérieurs aux réalités des murs de leur prison; ils attendent et espèrent plus de justice, le nouveau monde de Dieu. Dans cette situation, Jean envoie ses disciples vers Jésus, car il veut savoir: « Es-tu Celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre?

Jésus est-il la réalisation de l’attente et de l’espoir, est-il le Messie qui doit préparer un nouveau monde? Jésus répond: Dite à Jean ce que vous voyez et expérimentez: une nouvelle réalité a commencé où les aveugles voient, les boiteux dansent, les sourds entendent, les morts ressuscitent, les lépreux sont purifiés et réintègrent la société. Les pauvres reçoivent un nouvel espoir. Le règne de Dieu est arrivé sur cette terre.

Jésus nous rapproche de Dieu. Jésus de Nazareth se déplace au sein des frontières de sa culture, de sa religion, de sa société. Mais Il est prêt à remettre en question les représentations de son temps et d’élargir les perceptions de ses interlocuteurs, afin que le Règne de Dieu reprenne sa place dans leur vie. Jésus veut également nous montrer que nous pouvons aussi faire éclater les frontières, aussi bien celles qui nous sont imposées que celles que nous nous posons nous-mêmes – par nos préjugés et nos prises de position. Rompre les frontières: avec l’appui d’un amour prêt à se mettre en porte-à-faux avec le monde, à mettre en lumière les injustices, à voir la paix entre les hommes non comme une utopie, mais comme une réalité. Là, il y faut de l’espoir; espoir et conviction que la réalité d’aujourd’hui peut ne pas être la réalité de demain.

Jésus veut briser les chaînes de nos craintes profondes. Jean le Baptiste, lui, ainsi que Nelson Mandela nous démontrent que nous ne devons jamais abandonner l’espoir. Nous pouvons croire en un monde nouveau et y travailler . Laissons-nous à nouveau enthousiasmer par cet espoir tout au long de l’attente de l’Avent!»

Homélie du 24 novembre 2013

Prédicateur : Abbé Vincent Marville
Date : 24 novembre 2013
Lieu : Basilique Notre-Dame, Neuchâtel
Type : radio

La vie terrestre de Jésus se termine tragiquement. Elle avait commencé 33 ans auparavant. Il était né pauvre dans une mangeoire d’animaux.

Marie, sa Mère, en présence de son époux Joseph, l’avait enveloppé de bandelettes après l’accouchement.

Maintenant, Jésus est attaché à la Croix, comme un criminel entouré de deux larrons.

Sa Mère, Marie, est là debout au pied de la Croix avec le disciple bien aimé et quelques autres.

Elle participera à son ensevelissement, dans un linceul entouré de bandelettes

  1. Jésus Roi

Une inscription était placée au dessus de sa tête : « Celui-ci est le Roi des juifs ».

A la question de Pilate : « Es-tu le Roi des juifs ? », Jésus répondit : « Tu l’as dit, je suis Roi ; je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité ».

Quand il avait nourri cinq milles hommes environ, avec cinq pains et deux poissons, la foule enthousiaste a voulu le prendre pour le faire roi. Jésus s’était alors enfui dans la montagne tout seul.

2 Quel Roi ?

  1. a) Ses actes : Toute sa vie, toutes ses actions, sa Personne elle-même, ont   suscité interrogation, stupeur, colère, haine ou, au contraire adoration,   saisissement, amour.

Un homme a la main desséchée : Jésus saisi de compassion le guérit, un jour de Sabbat. Ses ennemis étaient remplis de fureur, parce qu’il a guéri le jour de Sabbat.

Quand un paralysé est apporté sur un lit, Jésus lui dit : « Confiance, mon ami, tes péchés te sont remis ». Ces paroles suscitent la colère des scribes et des pharisiens qui l’accusent de blasphème.

  1. b) Ses paroles : ses paroles aussi suscitent incompréhension ou alors, admiration.

Est-il normal de louer Marie-Madeleine au pied du Seigneur et qui écoutait sa Parole et de blâmer Marthe parce qu’elle s’agite à la cuisine ?

Est-il sage pour le frère cadet (de la parabole dite de l’enfant prodigue) qui a dilapidé toute sa fortune avec des filles, et qui, lorsqu’il revient à la maison, est fêté par un banquet, reçu par son père à bras ouverts, alors que le fils aîné a été moins bien traité, lui le fidèle et le travailleur qui n’a jamais commis d’exactions ?

Pourquoi ceux qui supportent tout le poids du jour et de la chaleur, ne sont-ils pas plus payés que ceux arrivant au chantier à la dernière heure, une fois la chaleur tombée ?

  1. c) Sa personne : sa personne surtout, va susciter interrogation, scandale, incompréhension. S’il est Roi, où sont donc ses troupes, ses sujets ? Tout le monde l’a abandonné, sauf le disciple bien aimé.

Comment peut-il être Roi, pauvre, dénué de tout, sans palais, simple artisan durant trente ans ; sa Mère est une mère vierge, ce qui est contraire à tous les usages et à la mentalité de son époque, comme dans la nôtre d’ailleurs.

Comment peut-il être Sauveur quand on veut le tuer déjà quand il se présente pour la première fois comme Messie, à Nazareth et qu’on rétorque qu’il est simplement le fils de Joseph ?

Comment peut-il être le Sauveur attendu alors qu’il se meurt sur une Croix.

  1. Jésus aujourd’hui :

Aujourd’hui encore des doutes et des interrogations subsistent. Aujourd’hui encore, il a des ennemis et des indifférents.

Mais aujourd’hui encore, comme depuis deux mille ans, il a des disciples, des personnes, des martyrs, des saints prêts à donner leur vie et leur sang pour lui. Ils voient en lui, non seulement le Messie Roi, mais encore le Fils unique du Dieu Béni, le Fils du Père « qui nous a rendu capables d’avoir part dans la lumière, à l’héritage du peuple Saint. Il nous arrachés au pouvoir des ténèbres. Il nous a faits entrer dans le royaume de son Fils bien-aimé par qui nous sommes rachetés et par qui nos péchés sont pardonnés ».

Le Christ est Roi, non à la manière des hommes, une royauté écrasante et triomphante, mais à la manière de celui qui sert. Son Royaume est celui de l’Amour.

Dieu nous a montré son cœur pour régner sur le nôtre et pour nous engager à sa suite à vivre dans la recherche de la justice et de la paix. Il nous invite à le suivre en prenant des moyens humbles et pauvres, à vivre cette folie de Dieu.

Voulons-nous appartenir à ce Royaume qui vient dans le monde ? Alors prenons le chemin de notre Roi, le service et l’amour pour s’entendre dire au soir de notre vie :

« Aujourd’hui, tu seras avec moi, dans le Paradis ».

Fête du Christ, roi de l’univers

Lectures bibliques : 2 Samuel 5, 1-3 ; psaume 121 ; Colossiens 1, 12-20 ; Luc 23, 35-43

Homélie du 17 novembre 2013

Prédicateur : Abbé Vincent Marville
Date : 17 novembre 2013
Lieu : Basilique Notre-Dame, Neuchâtel
Type : radio

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc         (Lc 21, 5-19)

Certains disciples de Jésus parlaient du Temple, admirant la beauté des pierres et les dons des fidèles. Jésus leur dit : « Ce que vous contemplez, des jours viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera détruit. »

Ils lui demandèrent : « Maître, quand cela arrivera-t-il, et quel sera le signe que cela va se réaliser ? »

Jésus répondit : « Prenez garde de ne pas vous laisser égarer, car beaucoup viendront sous mon nom en disant : ‘C’est moi’, ou encore : ‘Le moment est tout proche.’ Ne marchez pas derrière eux ! Quand vous entendrez parler de guerres et de soulèvements, ne vous effrayez pas : il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas tout de suite la fin. »

Alors Jésus ajouta : « On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume. Il y aura de grands tremblements de terre, et çà et là des épidémies de peste et des famines ; des faits terrifiants surviendront, et de grands signes dans le ciel.

Mais avant tout cela, on portera la main sur vous et l’on vous persécutera ; on vous livrera aux synagogues, on vous jettera en prison, on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs, à cause de mon Nom. Ce sera pour vous l’occasion de rendre témoignage. Mettez-vous dans la tête que vous n’avez pas à vous soucier de votre défense. Moi-même, je vous inspirerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront opposer ni résistance ni contradiction. Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et vos amis, et ils feront mettre à mort certains d’entre vous. Vous serez détestés de tous, à cause de mon Nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu. C’est par votre persévérance que vous obtiendrez la vie. »

Dans ce dialogue avec les enfants du primaire, j’ai trois objectifs :

– je cherche à mettre en valeur ce qu’ils ont compris de l’Evangile du jour, pour les « confirmer » dans leur foi, leur dire « oui, c’est aussi mon espérance ».

– je cherche à corriger éventuellement les mauvaises interprétations ou impressions que la lecture peut occasionner ; une page de l’Evangile se lit en résonnance avec une autre et ce « tissage » qu’on appelle la lectio divina est un plaisir qui doit s’apprendre.

– en entendant l’Evangile, les enfants rebondissent souvent sur leur vie, ce qui les marque, ce qu’ils ont besoin de partager. C’est aussi mon rôle d’accueillir par là toute leur humanité.

Ces objectifs posés, notre évangile du jour est particulièrement copieux. Les thèmes sont trop nombreux pour être traités dans le détail : destin du temple de Jérusalem – signe des temps derniers – faux messies – détresse cosmique – persécution des disciples – secours de la sagesse – désunion des familles – persévérance finale. Tout cela en 14 versets !! Voilà pourquoi, dans l’esprit des lectures brèves parfois indiquées dans le lectionnaire, je m’autorise exceptionnellement à en retrancher une part, non pas par peur du message, mais pour mieux mettre en valeur ce qui est possible dans le bref délai d’une messe radiodiffusée.»

33e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Malachie 3, 19-20a; psaume : 97, 5-6, 7-8, 9; 2 Thessaloniciens 3, 7-12; Luc 21, 5-19

Homélie du 10 novembre 2013

Prédicateur : Abbé Vincent Marville
Date : 10 novembre 2013
Lieu : Basilique Notre-Dame, Neuchâtel
Type : radio

Cette histoire des sadducéens n’a pas de sens. Des frères bien alignés, tout autant stériles et disposés à mourir selon leur rang. Dans l’agenda de la veuve, l’aîné s’efface avant le cadet, le lundi meurt avant le mardi, puis vient le mercredi ; mais tout ça sans réelle fécondité. « Que reste-t-il de tout cela, dites-le moi ! » chantait Charles Trenet :

Que reste-t-il de ces beaux jours

Des mois d’avril, des rendez-vous

Que reste-t-il de tout cela, dites-le moi !

Et si toute cette histoire improbable était invariablement la nôtre ? Celle de notre quotidien bien sage, qui s’efface sans laisser de trace.

Et dans ces 7 jours, lequel est-il prépondérant ? demandent les sadducéens. Jésus répond : ‘c’est le 8e, c’est le jour de la résurrection’. Car je me permets une relecture de l’histoire des 7 maris stériles avec nos jours de la semaine, lesquels ne sont pas forcément féconds en termes de relations. Jeudi, vendredi… et vient enfin le week-end. Ou alors, peut-on voir le dimanche comme échappant au cycle des 7 jours ?! « Venant après le sabbat, le dimanche peut être considéré non seulement comme le début d’une nouvelle semaine, mais aussi comme un au-delà du sabbat, un 8ème jour. Un jour surnuméraire, qui fait déboucher dans le temps de Dieu et nous fait déjà toucher du doigt les temps derniers ; cette conception a été très importante pendant des siècles. » J’emprunte la réflexion à un conférencier chargé de dresser l’origine du dimanche. (Père Philippe Lefebvre, OP ; intervenant à la session diocésaine)

Ce 8e jour, c’est le « dimanche pour la vie » : tel a été le titre de la récente session diocésaine, qui a réuni quelques 420 prêtres, diacres et agents pastoraux laïcs du diocèse de Lausanne, Genève et Fribourg. Lors de cette session de trois jours, le diocèse a cherché par quel point de vue mieux mettre en valeur le dimanche comme étape de rassemblement et de ressourcement. Les optiques sont nombreuses, que l’on vienne de la pastorale des jeunes, de la pastorale des malades ou tout simplement d’une paroisse traditionnelle. Mais tout d’abord, un peu d’histoire.

Jusqu’au 4ème siècle, les chrétiens célèbrent le dimanche alors que la société où ils sont ne le considère pas du tout comme un jour chômé. On a de beaux témoignages sur la célébration du dimanche, dès le 2ème siècle. Les persécutions n’arrêtent pas le courage des martyrs, ces martyrs témoins du Christ bien sûr, mais également témoins du dimanche, tels ces jeunes de la ville d’Abithina en Afrique proconsulaire :

«Nous avons célébré la Cène du Seigneur sans aucune crainte, parce qu’on ne peut y renoncer; c’est notre loi » ;

« Nous ne pouvons pas vivre sans la Cène du Seigneur », sans le repas du Seigneur.

 

En Orient, St Jean Chrysostome indique en quoi la participation à la célébration forme un plus :

Tu ne peux pas prier à la maison comme à l’Église, où il y a le grand nombre, où le cri est lancé à Dieu d’un seul cœur. Il y a là quelque chose de plus, l’union des esprits, l’accord des âmes, le lien de la charité, les prières des prêtres.

Mais nous sommes en 2013. La résurrection n’est plus comprise comme une réalité si essentielle qu’elle imprimerait déjà sa marque dans notre calendrier. Cependant, il est important de « ne pas nous poser comme victimes d’une société jugée hostile au dimanche, avertit le Père Wernert, un des conférenciers de la session venu de Strasbourg. Il s’agit d’être acteur d’une communauté qui croit au sens du dimanche dans des formes visibles, ouvertes et heureuses ».

Au moment de commencer une nouvelle semaine, quel jour m’aura spécialement marqué ? Le jour de la lessive, le jour des courses, ou la date de mon opération ? Quel jour sera véritablement fécond, dans cette succession de dates, de saisons, puis d’années ? Quel jour sera-t-il celui de l’alliance, d’un mariage durable, le jour qui me remplit ?

Jésus répond : “Les enfants de ce monde se marient. Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts, ne se marient pas, car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont fils de Dieu, en étant héritiers de la résurrection.

Héritiers de la résurrection, proximité des anges, monde à venir : quel feu d’artifice ! Savons-nous encore percevoir toute cette fête, toute cette richesse dans l’humble célébration dominicale de notre paroisse ?»

32e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : 2 Maccabées 7, 1-2.9-14; Psaume : 16, 1ab.3ab, 5-6, 8.15; 2 Thessaloniciens 2, 16 – 3, 5; Luc 20, 27-38

Homélie du 03 novembre 2013

Prédicateur : Chanoine Jean Scarcella
Date : 03 novembre 2013
Lieu : Abbaye de Saint-Maurice
Type : radio

Mes sœurs, mes frères,

”Zapper”, un terme à la mode ; ”clip” en est un autre… Des mots qui s’apparentent à l’image qui se déroule sous nos yeux, au cinéma comme à la télévision. Une caractéristique commune à ces deux mots : la vitesse. Je zappe, parce que je veux vite passer d’une image à l’autre, d’un programme à l’autre ; je regarde un clip et je suis étourdi par la vitesse à laquelle se succèdent les images, j’ai l’impression de ne rien voir…

« Zachée, descends vite… vite il descendit… »

Cet épisode de la vie de Jésus à Jéricho va très vite, les images se succèdent rapidement : Jésus traverse la ville, Zachée grimpe dans un arbre, Jésus le regarde et l’appelle, Zachée descend et, à la demande de Jésus, le reçoit chez lui. Et il ne se demande même pas si tout est prêt pour accueillir un hôte, si la maison est rangée, si quelque nourriture pourra le sustenter. Tout va si vite dans ce récit, quelques flashes et une vie est changée ; un regard, une parole suffisent. Zachée ne pose pas de question à Jésus, à l’instar de cet autre riche, le jeune homme riche, qui demandait à Jésus ce qu’il fallait faire pour le suivre. Zachée, riche lui aussi, ne demande rien, il ouvre sa maison à Jésus, il lui ouvre son cœur et ainsi met un trait sur sa vie passée.

Alors, comme pour un clip, on pourrait croire que Zachée n’a rien vu passer ! Détrompons-nous, Zachée a tout vu : Jésus passer… il a tout compris : le regard de Jésus… il a tout reçu : son amour. Frères et sœurs, quand le Seigneur entre chez nous tout est simple et tout devient limpide.

Jésus présente Zachée comme un fils d’Abraham : « Lui aussi », dit-il. Lui… elle… et moi ? C’est vrai, tous nous sommes fils et filles d’Abraham et nous marchons, nous aussi, sur la route que nous montre le Seigneur et qui conduit à son Royaume. Oh, ce n’est pas souvent un boulevard bien asphalté, droit comme une autoroute, c’est plutôt un chemin tortueux et difficile, c’est vrai ; mais quand on est capable de se rendre compte de cela, frères et sœurs, eh bien c’est qu’on est vraiment en route, et qu’on a alors conscience que tous les méandres de nos parcours sont notre péché. Reste que c’est le chemin du Royaume, parce que nous sommes fils et filles d’Abraham et que nous cheminons dans la foi claire, comme dans la foi obscure. Devenus fils et filles de Dieu par notre baptême, nous vivons de la vie même de Dieu, dans l’espérance de la résurrection, pour une vie qui ne finira plus.

La magnifique prière de l’auteur du Livre de la Sagesse entendu à l’instant est un acte de foi sans condition à l’amour de Dieu envers sa création : les êtres humains qu’il aime et a établis dans la lignée d’Abraham. Le Créateur continue à aimer son œuvre, même si cette œuvre profite de sa liberté pour s’opposer à Lui. C’est ça la route et ses méandres ; à chacun de nos péchés se dessine un contour ; mais le Seigneur déploie envers le pécheur une pédagogie patiente et progressive. C’est au nom de son amour qu’il a voulu aller manger chez Zachée, un pécheur notoire et homme de très mauvaise renommée. Il l’aimait d’un amour infini, ce que le Livre de la Sagesse explique en disant : « Seigneur, tu as pitié de tous les hommes ». Et si Dieu « ferme les yeux sur nos péchés », dit encore la Sagesse, ce n’est pas pour nous laisser faire ce qu’on veut, mais c’est pour pouvoir toujours continuer à nous aimer avec son intense amour de créateur ; car il ne peut renier sa création et sa propre vie qui circule dans les êtres humains qu’il a re-créés par le baptême. Et c’est ce « trop grand amour » du Seigneur, comme l’a dit saint Paul, qui, lorsqu’il est reçu et se fait reconnaître, provoque la conversion.

Dieu ne peut avoir de haine envers ce qu’il a créé : « Et Dieu vit que cela était bon… très bon », dit le récit de la création au Livre de la Genèse. Ceux qui tombent il les reprend peu à peu, les avertit, leur rappelle en quoi ils pèchent, afin qu’ils se détournent du mal et puissent croire en Lui.

Vous serez d’accord avec moi, frères et sœurs, que cette prière, issue du Livre de la Sagesse, est aussi celle de Zachée, et donc peut également être la nôtre. Je vous invite à la méditer paisiblement chez vous.

Nous ne sommes pas des collecteurs d’impôts, enrichis à la manière de Zachée, mais parfois nous cherchons à nous enrichir sur le dos des autres et à leurs dépens… Alors faisons comme Zachée, ne doutons pas que le Seigneur nous visite. En effet, Zachée, avant l’arrivée de Jésus à Jéricho, avait déjà commencé sa conversion, puisqu’il voulait voir Jésus – certes par curiosité, mais sûrement aussi par désir. Et là où il y a un désir, il y a un chemin. Il y avait cette recherche dans son cœur, c’est indéniable, il avait comme un pressentiment, il ne doutait pas qu’il serait visité. C’est pourquoi il a pu recevoir le message du regard d’amour de Jésus ; par cette brèche du désir, le Seigneur s’est frayé un chemin dans le cœur de Zachée. Ce Zachée qui, de petit qu’il était, aveuglé par son péché, perdu derrière ceux qu’il ne peut aimer et qui ainsi forment comme un mur de l’anti-amour entre lui et l’Auteur de l’amour, ce Zachée s’est non seulement élevé en grimpant physiquement dans le sycomore, mais encore a vu sa croissance spirituelle être manifestée. Alors, recevant Jésus chez lui, il se convertit.

N’ayons pas peur, frères et sœurs, de nous élever et de lever les yeux au-dessus de notre péché pour voir le Seigneur qui nous regarde. C’est cet amour qui guérit. Plus nous cherchons à voir en nous et en nos frères les merveilles que Dieu fait, plus nos sentiers vers le Royaume deviendront droits, plus nous serons dignes d’inviter le Seigneur sous notre toit. L’amour a révélé à Zachée son mal, il s’en est détourné et a cru au Seigneur qui s’était installé chez lui. C’est un cœur qui s’arrache à lui-même pour s’en remettre, tout joyeux, au cœur de Dieu.

Ainsi soit-il !

31e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Sagesse 11, 23-12,2 7; Psaume 144 ; 2 Thessaloniciens 1, 11-2,2 ; Luc 19, 1-10

Homélie du 27 octobre 2013

Prédicateur : Père André Carron
Date : 27 octobre 2013
Lieu : Chapelle de l’Ecole des Missions, Le Bouveret
Type : radio

Une prière qui nous « ajuste » au cœur de Dieu et nous rend justes !

« Jésus dit une parabole pour certains hommes qui étaient convaincus d’être justes et qui méprisaient tous les autres ! »

Une parabole, une histoire inventée par Jésus pour faire passer un message !

Etre juste !

Juste me fait penser à justesse !

A la justesse, par exemple, des instruments qui accompagnent nos chants, nos fêtes, nos liturgies…

Une guitare, un piano, un violon, çà a besoin de justesse et çà s’accorde régulièrement !

Pour sonner « juste »…

Et si on veut que les trois jouent ensemble, forment un « groupe », un début d’orchestre, c’est encore plus vrai !

Vous, les chanteurs du Chœur de jeunes, vous savez combien vos répétitions sont indispensables et utiles, chaque semaine, pour cultiver vos voix et apprendre à chanter vraiment ensemble.

Comme c’est beau quand toutes les voix et tous les instruments chantent et sonnent « juste » !

Nos cœurs sont comme ces instruments, comme nos voix : ils ont besoin d’être sans cesse réglés, accordés, pour sonner « juste » ! Pour s’accorder aux autres !

Avant chaque chant, le chef donne le ton…

Pour nous les chrétiens, c’est Jésus qui donne le ton, exactement à chacun, avec justesse ; il est d’ailleurs invoqué comme le « juste des justes »…

Le pharisien de l’histoire estime qu’il sonne juste !

Il est bavard… Il se vante !

Il n’envisage aucune remise en question… Il jette un regard de mépris sur ce publicain…

Il ose le juger, il n’a pas compris que, comme nous l’a rappelé le sage Ben Sirac :

« Le Seigneur est un juge qui ne fait pas de différence entre les hommes. »

Le publicain, par contre, sait que dans sa vie çà « sonne faux »… Il se tient à distance… Il baisse les yeux ! Il sait trop bien que son cœur ne bat pas au même rythme que celui de Dieu qu’il vient rencontrer au temple… S’il est là au temple c’est qu’il cherche, qu’il a une envie au cœur !

Il a envie qu’on oublie qu’il est un pécheur, un nul… ce que les gens lui rappellent tous les jours, à lui le « vendu » au pouvoir des occupants romains ! Il a pressenti que Dieu peut oublier qu’il est pécheur et le regarder autrement… Il se frappe la poitrine et c’est son cœur qui parle : « Prends pitié du pécheur que je suis ! »

Qui d’entre nous, et moi le premier, ne se sent jamais supérieur ou meilleur que les autres !

Qui d’entre nous, et moi le premier, ne succombe à la tentation de juger les autres ?

Comme le pharisien !

Qui n’a pas honte et envie qu’on oublie certaines choses, d’être pardonné !

Comme le publicain !

Nous ressemblons aux deux, à ce pharisien et à ce publicain, on peut s’y reconnaître !

Des milliers de livres et des traités superbes ont été écrits sur la prière… sur la manière de prier… sur le sens de la prière… On peut prier :

Seul – Avec les autres comme ce matin – En ouvrant la Bible, l’Evangile – Avec la « Prière du Temps Présent », la grande prière officielle de l’Eglise (celle que les moines prient tous les jours), on peut consacrer du temps à la méditation… C’est aussi : Une pensée du matin – Une prière du soir – Une bougie allumée – Des fleurs déposées devant un modeste oratoire – Un arrêt près d’une croix – Un soupir de fatigue – Une larme – Des pleurs – et même un silence …

Prier, c’est toujours une rencontre !

Prier, c’est se couler dans le grand courant de l’amour de Dieu.

Prier c’est écouter la sublime mélodie de la tendresse, de l’amour et de la miséricorde de Dieu.

Prier, c’est découvrir la force, la puissance de l’orchestre dirigé par l’Esprit-Saint, capable de faire toutes choses nouvelles, de renouveler la « face de la terre » !

La prière « ouvre » le cœur aux autres, à l’étrange étranger… elle rend possible ce qui paraît impensable… Du coup, nos cœurs commencent à ressembler au cœur de Dieu, « ouvert » et offert à tous les hommes !

La prière nous installe dans la confiance… Saint Paul l’a vécu, il en témoigne :

« Le Seigneur, lui, m’a assisté. Il m’a rempli de force pour que je puisse annoncer jusqu’au bout l’Évangile et le faire entendre à toutes les nations païennes. »

Rappelons-nous un autre conseil de Jésus : « Pour toi quand tu pries, retire-toi dans ta chambre… »

Une affaire de cœur ! De cœur-à cœur avec Dieu, avec Jésus !

Ainsi, petit à petit, la prière, vécue comme une rencontre, « règle » nos cœurs sur la fréquence du cœur de Jésus !

Petit à petit notre cœur change, s’ajuste, notre regard sur soi, sur les autres, sur les événements se modifie… Notre intelligence s’éclaire et l’Esprit-Saint inspire nos actes !

C’est ce qu’a vécu le publicain de l’histoire de Jésus. Il est reparti avec un cœur neuf, « ajusté »…

« Quand ce dernier rentra chez lui, c’est lui, je vous le déclare, qui était devenu juste… »

Dans le petit orchestre de ma famille, au milieu de mes amis, à l’école, auprès de mes collègues de travail, dans le grand orchestre de l’humanité, je suis appelé à jouer toujours plus « juste »…

A toutes les heures, l’actualité ne nous offre pas qu’une belle et harmonieuse mélodie !

C’est souvent comme un bruit, un bruit qui fait mal… « çà grince » !

Les réglages de la justice, du partage, du pardon sont difficiles… déjà chez nous mais de manière combien plus tragique dans tant d’autres pays,… entre autres au Malawi !

Parfois, on est frôlé par un certain découragement : à quoi çà sert de prier ! De demander avec l’impression de ne jamais être entendu ! On rêve pourtant de soulever, de changer le monde comme le pape François qui nous a invités, il y a quelque temps, à prier pour la paix…

Ma petite prière a-t-elle un effet, du poids ?

Jésus nous a donné une parabole… Je vous laisse avec cette histoire…

Histoire de la mésange !

« Dis-moi combien pèse un flocon de neige ? » demanda la mésange charbonnière à la colombe.

« Rien d’autre que rien ! » fut la réponse.

Et la mésange raconta alors à la colombe une histoire :

« J’étais sur la branche d’un sapin quand il se mit à neiger. Pas une tempête, non, juste comme un rêve, doucement, sans violence. Comme je n’avais rien d’autre de mieux à faire, je commençais à compter les flocons qui tombaient sur la branche où je me tenais. Il en tomba 3’751’952…

Lorsque tomba le 3’751’953 ème, rien d’autre que rien comme tu l’as dit, la branche cassa ! Sur ce la mésange s’envola. La colombe, une autorité en matière de paix depuis l’époque d’un certain Noé, réfléchit un moment et se dit finalement :

« Peut-être ne manque-t-il qu’une personne, qu’une prière pour que tout bascule et que le monde vive en paix ? »»

30e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Siracide 35, 12-14.16-18; Psaume : 33, 2-3, 16.18, 19.23 2e; 2 Timothée 4, 6-8.16-18; Luc 18, 9-14

Homélie du 20 octobre 2013

Prédicateur : Pasteur Jeff Berkheiser
Date : 20 octobre 2013
Lieu : Chapelle de l’Ecole des Missions, Le Bouveret
Type : radio

La première fois que j’ai rencontré quelqu’un qui avait fait le pèlerinage à pied depuis la Suisse jusqu’à St-Jacques de Compostelle, c’était à la fin des années 90. C’était un jeune homme qui avait fait 2’200 km en un peu plus de 2 mois, et qui nous parlait du « dépouillement » du pèlerin, l’importance de se débrouiller avec un minimum de matériel. Par exemple, il nous disait qu’il était parti de Suisse avec trois slips… mais que, au bout de deux semaines, il en avait renvoyé deux à la maison… Et moi, je me disais, il faut vraiment être fou pour faire ce Chemin de St-Jacques !

Mais voilà que cinq ans plus tard, en juin 2003, je suis parti moi-même pour plusieurs mois sur ce chemin de Compostelle. Accueilli chez une famille en Haute-Savoie, j’ai été impressionné par une sculpture qu’ils avaient dans le mur devant leur maison, l’œuvre d’un artiste local, et qui portait le titre « Le dépouillement du Pèlerin ». On y voyait un pèlerin en marche, avec son bâton et son sac sur le dos… mais il était tout nu… !!!

Dans les jours qui ont précédé mon départ en pèlerinage, j’avais dû passer par l’épreuve bien connue de tous ceux qui partent pour ce genre d’aventure : le choix pas toujours évident entre ce qu’il faut prendre avec soi et ce qu’il faut laisser à la maison…

Entre le désir d’avoir tout ce qu’il faut « au cas où » et la nécessité de limiter le poids du sac pour pouvoir avancer convenablement, le cœur balance… Et me voilà déjà bien lancé dans le cheminement intérieur qui accompagne la marche avec les pieds… Une belle expérience qui permet de prendre du recul par rapport à nos dépendances matérielles habituelles.

Mais lorsque je lis le passage de l’Evangile que nous avons lu tout à l’heure, je me dis que, par rapport aux douze disciples que Jésus envoie en mission je suis encore loin du compte: « Ne prenez rien avec vous pour le voyage : ni bâton, ni sac, ni pain, ni argent, et n’ayez pas deux chemises chacun… » Il ne parle pas du nombre de slips autorisés, mais au moins il me laisse porter quelques habits… J Mais à part ça, pas grand-chose…

Le Pape François, dès son élection, a lancé un appel aussi radical au « dépouillement » : « Je voudrais une Eglise pauvre, pour les pauvres… » nous dit-il. Voilà une déclaration qui a attiré l’attention des protestants autant des catholiques… et probablement aussi des gens qui ont pris leurs distances par rapport aux Eglises… Depuis, ce Pape multiplie les gestes pour accompagner ses paroles dans ce sens, que ce soit dans son style de vie, ou dans sa visite, au début de ce mois, à Assise, où il a été le premier Pape à visiter la « salle du dépouillement » où, il y a 800 ans, Saint-François a enlevé tous ses beaux habits de jeune homme riche pour devenir le « Poverello » qui allait être tellement aimé par les gens si démunis sur le plan matériel…

Mais qu’est-ce que le « dépouillement » que Jésus demande à ses disciples, aujourd’hui ?

Tout pasteur protestant que je suis, je ne peux que me laisser interpeler par ce nouveau Pape qui déclare : « Jésus a lui-même suivi un chemin de dépouillement, pour devenir serviteur, humilié jusqu’à la Croix. Si nous voulons être chrétiens, il n’y a pas d’autres chemins. On peut essayer de faire un christianisme sans la croix, sans dépouillement, sans Jésus; alors on deviendra des chrétiens de boulangerie, on sera de beaux gâteaux un peu sucrés, mais pas de vrais chrétiens… »

Alors, d’après le Pape François, ce dépouillement comporte non seulement une remise en question de la place qu’occupent les biens matériels dans notre vie et dans notre tête, mais aussi une démarche d’humilité, par rapport à notre désir de « gagner » la conversion de l’autre.

D’une part, parce que le prosélytisme est pour le Pape ce qu’il appelle « une bêtise magistrale », car il trouve que l’essentiel est de    « se connaître et de s’écouter, et de faire connaître le monde qui nous entoure ».

Et d’autre part parce que, dans les paroles de Jésus, il y a le fait que nous n’aurons pas toujours le succès qu’on aimerait avoir. Il avertit bien ses disciples qu’il y aura des endroits où « les gens refuseront de les accueillir »…

L’une des choses dont nous avons donc besoin de nous « dépouiller », c’est notre désir de dominer, de « gagner à tout prix ». Un désir qui a mené à des pages très sombres de l’histoire de la mission, et qui a trop souvent pourri les relations entre chrétiens à travers les siècles. Le désir de « convertir » l’autre à sa propre vérité, au nom de l’Evangile…

Sans parler des dégâts, des « burn-out » comme on dirait aujourd’hui, de gens peut-être bien intentionnés mais qui ont confondu le succès de leur mission personnelle et la véritable mission que Jésus leur a confiée, de combattre le mal et d’apporter la guérison… Des gens qui ont oublié que leur vocation était d’annoncer une « bonne nouvelle » partout où ils passaient… ou qui ont oublié que le « succès » de leur mission ne dépendait pas seulement de leurs efforts.

Cette mission, pour Jésus, l’a amené … à la Croix. Aux yeux du monde, c’était un échec total… du moins sur le moment. Mais aux yeux de Dieu, et de tous ceux qui y ont cru, ça a été la plus belle des réussites.

Si Jésus demande à ses disciples de ne pas prendre grand-chose avec eux lorsqu’ils partent en mission, ce n’est pas pour les priver de confort ! Non, c’est plutôt pour leur permettre de ne pas crouler sous le poids de leurs choses… ou de leurs habitudes… et de découvrir que Dieu va pourvoir à tous leurs besoins.

Tout comme, si on partait en balade avec les enfants du Chœur des plus jeunes, qui animent notre Messe ce matin, on éviterait de les surcharger de sacs trop lourds. Ils seraient, d’ailleurs, les premiers à nous dire s’ils avaient trop de poids à porter ! Pourquoi ? Eh bien, parce que, d’une part, ils reconnaissent leurs limites plus facilement que les adultes… et d’autre part, parce qu’ils ont confiance que tout ce qu’il leur faut leur sera donné au moment voulu…

Jésus disait : « Si vous ne devenez pas comme des petits enfants, vous n’entrerez pas au Royaume des cieux »… (Mt 18, 3)

Que nous puissions avoir cette confiance… et nous lancer avec joie et légèreté dans cette belle mission que Dieu nous confie, d’apporter l’amour de Dieu à un monde qui n’a pas besoin de plus de poids sur ses épaules, mais d’une Bonne Nouvelle…   Amen.»

29e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : Exode 17, 8-13; 2 Timothée 3, 14 – 4, 2; Luc 18, 1-8

Homélie du 13 octobre 2013

Prédicateur : Père Jean-Louis Rey
Date : 13 octobre 2013
Lieu : Chapelle de l’Ecole des Missions, Le Bouveret
Type : radio

Apparemment, les textes entendus ne nous disent rien sur le thème de la Mission Universelle. Et pourtant… regardons-les de plus près.

Naaman, ce général syrien atteint par la lèpre, est prêt à tout pour être guéri, même se plonger 7 fois dans le Jourdain… Mais quand il est guéri ou plutôt ‘purifié’, il veut, à tout prix, réaliser quelque chose afin de témoigner, de dire aux autres que le Dieu d’Israël est le seul vrai Dieu puisqu’il l’a guéri, purifié.

L’Evangile nous parle de 10 lépreux qui veulent rencontrer Jésus.

En Europe, nous ne connaissons plus la lèpre, mais, au pays de Jésus, et en Afrique, aujourd’hui encore, c’est une maladie honteuse qui détruit petit à petit. Les lépreux sont vraiment des morts-vivants, ils ne peuvent plus ni manger, ni habiter avec les autres, et on les évite à tout prix.

C’est pourquoi, de loin, les lépreux crient vers Jésus : ‘Maitre, prends pitié de nous.’ Jésus leur dit simplement : ‘Allez vous montrer aux prêtres’ En effet, seuls les prêtres pouvaient examiner les rares lépreux guéris, les déclarer ‘purifiés’ et les réintégrer dans la société.

Et voilà qu’en cours de route, les 10 lépreux se rendent compte qu’ils sont guéris. Mais un seul a l’idée de revenir vers Jésus pour le remercier et le reconnaitre comme son Sauveur en se prosternant devant lui. Un seul et, de plus, il n’est même pas juif, il est étranger.

Et les autres? demande Jésus ? ‘Relève-toi. Ta foi t’a sauvé…’ Non seulement, il est guéri, purifié mais, en plus il est sauvé parce qu’il a su reconnaitre que sa guérison venait du Seigneur Jésus.

Aujourd’hui notre drame, c’est que l’homme croit se suffire à lui-même, il n’a plus besoin de Dieu ou de Jésus Christ, ni des autres. Grâce à l’internet, nous connaissons, en temps réel, ce qui se passe à l’autre bout du monde, et pourtant l’homme ne s’est jamais senti aussi seul. Progrès technique continu et confort matériel grandissant mais ça ne profite pas à tout le monde et l’homme ne sait plus finalement d’où il vient ni où il va.

Science sans conscience n’est que ruine de l’âme, c’est Rabelais qui le disait déjà, il y a bien longtemps. C’est tout le problème du sens de la vie, de la souffrance et de la mort, le problème de l’éthique, de la morale.

Sommes-nous conscients qu’en tant que croyants, en tant que chrétiens, nous sommes riches de cette Révélation apportée par Jésus-Christ : Dieu est Amour, il nous a créés par amour et il a envoyé son Fils Jésus Christ pour nous appeler à tout faire, même donner notre vie comme Lui, afin qu’arrive, toujours davantage, dans la puissance de l’Esprit-Saint, un monde d’amour, de justice et de paix qui s’épanouira auprès de lui en vie éternelle.

Mais ce trésor – le Christ, son Evangile – nous le portons dans les vases d’argile que nous sommes, fragiles au moindre choc et pouvant être totalement défigurés, détruits par les épreuves de la vie. C’est saint Paul qui nous le dit dans sa 2ème lettre aux chrétiens de Corinthe.

Comme les 10 lépreux de l’Evangile, crions vers le Seigneur en le reconnaissant comme notre Maitre, comme le Potier qui nous a créés et façonnés à son image et à sa ressemblance : Prends pitié et guéris-nous.

‘Allez vous montrer aux prêtres’. Le Seigneur peut se manifester à nous directement, mais le plus souvent, il nous renvoie à l’Eglise, communauté paroissiale ou groupe de prière, cercle d’amis ou de formation. ‘Là où 2 ou 3 sont réunis en mon nom, je suis au milieu de vous.’

C’est vrai qu’aujourd’hui, nous sommes beaucoup moins attachés à nos paroisses traditionnelles, mais nous avons chacun à retrouver ou à créer ce cercle d’amis dans lequel nous serons assez à l’aise pour partager nos espérances et même notre foi. Et alors, connectés les uns aux autres, branchés ensemble sur Jésus Christ, nous rayonnerons cette joie de vivre, cette confiance mutuelle, cette ouverture aux autres, cette libération de la peur, qui sont les 1ers signes du salut que nous apporte Jésus Christ.

Je termine en vous appelant à la sortie de la messe à regarder la croix fixée dans le mur de la Chapelle : ses 4 bras sont enserrés dans un cadre filiforme, mais ils dépassent facilement ce cadre. De même le salut de Jésus-Christ se concrétise d’abord dans son Eglise, mais il dépasse facilement les limites de l’Eglise pour atteindre tous les hommes, l’ensemble du Peuple de Dieu en marche sur cette terre.

Vous voyez que, finalement, les 10 lépreux de l’Evangile peuvent bien nous aider à être nous-mêmes missionnaires, à condition de revenir vers Jésus-Christ comme l’étranger de l’Evangile. Etre missionnaires, c’est-à-dire rayonner auprès de tous ceux et celles que nous côtoyons et avec qui nous vivons, rayonner tout ce que nous recevons du Seigneur et qui nous fait vivre : cette joie de vivre, cette confiance mutuelle, cette ouverture aux autres, cette libération de la peur, cette volonté d’agir ensemble pour un avenir meilleur.

Oui, Seigneur Jésus-Christ, nous ne sommes que des vases fragiles, dans lesquels tu veux venir habiter

pour rayonner ton Amour et ton Salut.

Que ton Esprit-Saint nous connecte davantage les uns aux autres

et nous branche ensemble sur Toi.

Afin que, sans peur, nous nous laissions davantage façonnés par toi, par les événements et par les personnes. AMEN.»

28e dimanche du temps ordinaire – Semaine missionnaire mondiale

Lectures bibliques : 2 Rois 5, 14-17; 2 Timothée 2, 8-13; Luc 17, 11-19

Homélie du 06 octobre 2013

Prédicateur : Abbé Nicolas Bessire
Date : 06 octobre 2013
Lieu : Eglise du Christ-Roi, Bienne
Type : radio

La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde… Ce n’est pas un reproche de Jésus, c’est plutôt un encouragement !

« La foi, si vous en aviez gros comme une graine de moutarde, vous diriez au grand arbre que voici : Déracine-toi et va te planter dans la mer ; il vous obéirait » C’est une manière de nous dire que rien n’est impossible à celui qui croit, parce que rien n’est impossible à Dieu, tout simplement. C’est dire aussi que, désormais, toute parole découragée ou morose nous est interdite.

Combien de fois nous avons reçu en pleine figure ce cri de révolte: «Que fait Dieu face au mal?» «Notre fille n’ira plus au catéchisme ! Elle n’admet pas ta mort de sa mamie. Elle dit qu’elle ne croit plus. » C’est ainsi que des parents signifiaient par écrit la fin de la catéchèse de leur enfant…

Dieu qui souffre avec nous. Le respect de Dieu pour la liberté humaine devrait avoir ses limites, pensons-nous! Le Tout-Puissant devrait à tout prix empêcher

le méchant de nuire! C’est le même raisonnement que nous tenons à l’égard de parents qui ne parviennent pas à empêcher un enfant de sombrer dans la délinquance. La force de la tendresse s’avère parfois impuissante à conjurer le mal.

Le Dieu de Jésus Christ en qui nous croyons nous a montré en son Fils combien il pouvait souffrir du mal et de la haine qui hantent les êtres humains. S’il y a en Dieu une toute-puissance, elle est toute-puissance d’amour. Et aimer rend vulnérable à la souffrance de ceux qu’on aime.

Dieu qui en appelle à notre responsabilité. Dans la lecture d’Habacuc, Dieu n’est ni indifférent ni silencieux. Il répond au cri si humain et si émouvant du prophète. Cependant, dans la lutte contre le mal, l’homme n’est pas que spectateur; il est acteur.

La foi n’est pas démission et l’espérance n’est pas résignation. Jésus compare la foi à une énergie fantastique capable de soulever les montagnes. Et Dieu sait s’il existe des montagnes d’indifférence, de lâche complicité et de compromission à soulever pour libérer le monde et les hommes de la chape du mal qui les écrase!

Dieu stimule notre patience. Attendre! Patienter!

Mais, devant l’urgence des problèmes, avons-nous le temps?

Une jeune femme, souffrant atrocement de l’infidélité d son mari qui lui demandait du temps pour faire la lumière en lui, disait : « Il veut du temps, mais moi je n’en ai pas! » Il est sur terre des maux extrêmes où l’attente est insupportable. Le temps de l’attente est aussi celui qui nous est nécessaire pour prendre conscience de nos complicités, ignorées souvent mais quelquefois bien réelles, avec le mal et les désordres que nous dénonçons. Il doit être le plus court possible!

Augmente en nous la foi. C’était la prière des Apôtres ; mais Jésus les invite à tout autre chose. Tout compte fait, il ne s’agit pas de rêver d’augmenter nos capacités ; le secret consiste peut-être au contraire à reconnaître notre petitesse et à nous appuyer sur l’infinie puissance de Dieu. Nous retrouvons bien là la leçon de la parabole qui suit dans l’évangile de ce dimanche : nous reconnaître comme de simples serviteurs quelconques au service d’une tâche qui nous dépasse infiniment, quel soulagement ! Il n’est donc pas question de « rendre notre tablier » comme on dit. Il s’agit pour les humbles apôtres que nous essayons d’être, chacun à notre place, d’accomplir petitement, au jour le jour, le service qui nous est demandé avec notre toute petite foi de rien du tout, Dieu peut faire de grandes choses. Lequel d’entre nous oserait prétendre que sa foi, petite ou grande, ajoute quoi que ce soit à la grandeur ou à la puissance de Dieu ?

Nous sommes des serviteurs quelconques. Nous sommes donc invités à nous appuyer tout simplement sur la force de Dieu et à nous réjouir de la confiance qu’il nous fait en nous associant à son œuvre. Le titre de « serviteurs de Dieu » n’est-il pas, effectivement, notre plus beau titre de gloire ?

Seigneur, nous croyons en toi, fais grandir en nous la foi.»

27e dimanche du temps ordinaire

Lectures bibliques : : Habaquq 1, 2-3 ; 2, 2-4; 2 Timothée 1, 6-8.13-14; Luc 17, 5-10