Homélie du 26 février 2023 ( Mt 4, 1-11)

Abbé Jean-Claude Dunand – Eglise Saint-Jean-Baptiste, Gland, VD

Traverser un désert à pied, c’est une expérience qui déstabilise, qui décape, qui enrichit. C’est une aventure que plusieurs ont déjà eu la chance de vivre. Mais c’est vrai, il faut avoir l’audace de partir dans un tel projet.
Aujourd’hui, au début de cette célébration, nous avons été inviter à partir, par Françoise, à traverser le désert intérieur. Alors, marchons durant ce carême. Traversons le désert-carême ensemble jusqu’à la grande fête pascale.

Un désert symbolique

Chaque fois que l’être humain se retrouve au désert, la vie l’ayant conduit ou forcé, il est souvent confronté à la solitude, et il est donc amené à faire un choix : se replier sur soi dans sa solitude, ou chercher à développer une dynamique de communion. Pour cela, il devra oser la rencontre avec d’autres. La communion est possible entre des personnes qui décline avec confiance leur identité. Et plus l’identité est connue, plus la communion entre les individus est possible, intense et féconde. C’est le sens du désert où l’Esprit conduit Jésus. Et ce désert, dans la Bible, n’a pas de nom ; il n’est pas un lieu géographique comme le désert de Juda, où prêchait Jean-Baptiste. C’est un désert symbolique, le désert absolu.
Dans ce désert où l’homme se retrouve face à lui-même, isolé, la tentation est grande de se renfermer, de ne rechercher que la satisfaction de ses besoins et de ses désirs individuels, de tout ramener à soi. C’est dans cette situation que Jésus se trouve et c’est ce que l’évangéliste Matthieu nous rapporte à travers les trois tentations auxquelles Jésus est soumis.

Les tentations auxquelles Jésus est soumis

Tout d’abord Jésus est face à la tentation de pouvoir utiliser une force magique pour combler sa faim. En chacun de nous, il y a cette tendance à vouloir satisfaire sa faim, son besoin d’argent, son besoin de confort, son besoin de reconnaissance. Plus tard, après avoir enseigné les foules, Jésus multipliera les pains pour ne pas devoir les renvoyer affamées. Ce sera un geste de partage, de communion et non de repli sur soi.

A la deuxième tentation Jésus est invité à utiliser Dieu comme un magicien pour répondre à tous ses caprices. « Jette-toi du haut du temple ; et Dieu enverra ses anges te prendre dans leurs mains avant que tu ne touches le sol. » Le dieu proposé ici par le tentateur, c’est le dieu magicien que nous prions bien souvent, le dieu de nos dévotions superstitieuses. C’est notre tendance à mettre Dieu à notre service au lieu d’entrer en véritable relation d’amour avec Lui, en profonde communion.

La troisième tentation, c’est celle qui est la plus enracinée au fond de l’être humain, celle du pouvoir. Elle consiste à se réfugier dans son propre ego, et vouloir tout mettre à son service. Pour avoir ce pouvoir, vous connaissez l’expression, qui a inspiré une chanson à Florent Pagny : il suffit de vendre son âme au diable. « Tout cela m’appartient », dit le démon en montrant à Jésus tout l’univers. Je te le donne, si tu veux bien m’adorer. Dans un tel exercice du pouvoir, tous les autres sont niés, il n’a pas de place pour la relation, la communion. C’est le fonctionnement dans la solitude, l’isolement, qui exclut tout dialogue qui pourrait aboutir dans un enrichissement et un épanouissement interpersonnel d’une grande dignité. L’homme, ainsi, se diabolise.

Ces tentations font partie de notre condition humaine


Ces trois tentations sont le quotidien de nos aventures humaines et chrétiennes, quelques soient nos lieux de vie. Elles font partie de notre condition humaine. C’est dans notre liberté responsable que nous pouvons, et grâce à l’Esprit, choisir de ne pas nous enfermer dans de tel désert de solitude.

L’Église nous propose au début de ce désert-carême de nous mettre ensemble pour le traverser en compagnie de Jésus. Et certainement que les forces de communion nous fortifieront et nous souderont pour arriver joyeusement à la grande fête de Pâques. C’est en nous aidant les uns et les autres et en vivant profondément en communion avec Lui que nous aurons toutes les forces pour ne pas nous replier sur nous-mêmes.
Je suis persuadé que nous pourrons avancer ensemble et dépasser les étapes difficiles de notre pérégrination.
Et dans quelques temps, nous serons à la Joie Pascale.
N’ayons pas peur de cette traversée du désert.
Il est avec nous !

1er Dimanche de Carême
Lectures bibliques : Genèse 2, 7-9; 3, 1-7; Psaume 50; Romains 5, 12-19; Matthieu 4, 1-11

Assemblée générale 2023 de Cath-Info


Voici les documents en lien avec
l’assemblée générale de Cath-Info
du 3 mai 2023 à Lausanne:

Homélie du 19 février 2023 ( Mt 5, 38-48)

Abbé Pascal Lukadi – Chapelle de Glace, Leysin, VD

« Tous appelés à la sainteté »

Après un message de la radicalité du message évangélique le dimanche passé où Jésus nous invitait à faire des choix fermes, qui puissent nous apporter le vrai bonheur, comme autrefois avec ses disciples sur la montagne, c’est de la montagne de Leysin que Jésus s’adresse à chacune et chacun de nous, où que nous soyons, à la maison en train de finir notre petit déjeuner, en voiture, à l’hôpital ou en clinique malades ou soignants, il s’adresse à nous dire en quel esprit devons-nous parfaire les lois et les pratiques du judaïsme.

En fait, Jésus nous invite à l’impossible : il nous offre à aimer comme il nous aime. Ce qui n’est pas possible à l’homme que nous sommes. Cependant, à Dieu rien n’est impossible. Et sa sagesse, folie aux yeux du monde. Et l’Apôtre Paul ne cesse de nous rassurer : je peux tout en Celui qui me fortifie, dans l’absolue conscience de sa faiblesse. L’hymne à l’amour, ce texte le plus célèbre de Paul, lu à la fois au mariage et aux funérailles, nous dit que des trois vertus théologales (avec la foi et l’espérance), la charité est la seule qui subsiste au ciel. On peut bien le comprendre : Dieu est amour et Dieu est plus grand et demeure. Et Paul de dire : Sil me manque l’amour, je ne suis rien. Si Dieu me manque, je ne suis rien. Mais si Dieu est en moi, par son Esprit, alors je peux.

Aimer tous les êtres : un don de l’Esprit

En effet, être capable d’aimer tous les êtres ne peut être qu’une grâce accueillie, un don de l’Esprit. Tout vous appartient, (2ème lecture), tout est à vous, il confirme, mais vous, vous êtes au Christ, et le Christ est à Dieu. Le plus important est notre appartenance au Christ, et non à tel pasteur, tel curé, Apollos, Paul ou Pierre.   Et c’est dans cet ordre que se conjugue l’amour : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés. Alors peut-être pouvons-nous demander la confiance des petits : « Jésus, le Christ, mon Sauveur et mon Dieu, donne-moi la grâce de Te laisser m’aimer tout au long de ce jour »

Et c’est avec cette assurance de l’amour du Christ que nous pourrons aimer, non seulement ceux qui aiment, qui nous veulent du bien, mais aussi celles et ceux-là qui ne nous portent pas dans leurs cœurs. Tout comme nous, à leur égard. Le livre de Lévitique nous demande de refuser la haine, de préférer l’amour à haine, de ne pas garder rancune. Nous sommes appelés à aimer. Qui est-ce ? tout le monde, sans discrimination, sans distinction.

La foi qui change la vie et nous transforme

Jésus termine son discours aujourd’hui en nous invitant à être parfaits, comme notre Père céleste est parfait. Voir la 1ère lecture. Notons que si la sainteté a quelque chose à voir avec la conduite que nous adoptons, elle se comprend d’abord et essentiellement en rapport avec Jésus Christ, le Saint de Dieu. Nous sommes tous appelés à la sainteté, nous rappelle le Concile Vatican II. Mais les textes nous aident à comprendre qu’il s’agit moins d’une injonction morale (être parfait) que d’un appel à la Foi (être au Christ), une foi qui change la vie et nous transforme intérieurement au point de nous convertir à la justice, au pardon et à l’amour. Dit autrement, la confession de foi de la sainteté de Dieu nous engage vis-à-vis de Dieu, du prochain et de nous-mêmes. Les mots de la foi ne sont pas de simples mots, ils sont toujours déjà des pratiques, des mises en œuvres de ce qu’ils contiennent. Car le contenu de la foi en Dieu n’est pas autre chose que sa traduction concrète dans la justice, le pardon et l’amour. Ce qui nous rassure, c’est ce que nous dit l’Evangile, que nous sommes au Christ (et que le Christ a réalisé tout cela), et le Christ est à Dieu, le Saint. Et l’extraordinaire repose en Dieu dont nous tenons le sens, alors le vrai, de la justice, du pardon et de l’amour parce qu’il les amène à leur plénitude en son Fils et que nous en vivons déjà aujourd’hui, au milieu de nos limites.

Écoutons Maximilien Kolbe dans le camp de concentration d’Auschwitz. Alors que son bourreau le torturait dans ce camp, il demanda à Maximilien d’arrêter de le regarder avec miséricorde. Maximilien, ce prêtre franciscain, de lui répondre qu’il pouvait le tuer mais qu’il ne pourrait cependant pas l’empêcher de l’aimer. Et ayant pris la place d’un père de famille, il mourut avec d’autres, mais en dernier dans le bunker de la faim.

La suite de ce discours nous conduit sûrement sur l’entrée en Carême avec ses trois piliers : l’aumône, la pénitence et la prière. Nous y reviendrons le mercredi 22 février, mercredi des cendres pour commencer notre combat spirituel, qui nous permette de rentrer en nous-mêmes. Le retour à la vie intérieure est lié à la découverte du sacré au plus intime de nous, disait Maurice Zundel. Et un autre commentait : il n’y a que la découverte du sacré qui nous ramène à l’intimité avec soi-même et avec les autres. Donc au vrai amour !

7e Dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Lévitique 19, 1-2, 17-18 ; Psaume 102 ; 1 Corinthiens 3, 16-23 ; Matthieu 5, 38-48