Homélie TV du 15 août 2023 ( Lc 1,39-56)

Doyen Albert Vinel – Église Saint Joseph, Waterloo, Belgique

Chères Amies et Amis en Christ, et vous tous qui nous regardez avec bienveillance, c’est le destin surprenant d’une femme que nous fêtons aujourd’hui. Une femme bien de chez nous, avec son lot de bonheurs et de malheurs. Son adolescence et ses rêves de mariage sont bousculés par une requête divine totalement inattendue : « veux-tu concevoir et enfanter un fils, auquel tu lui donneras le nom de Jésus ? L’Esprit Saint viendra sur toi » (Luc 1, 31.35). Sa vie de maman est assombrie par les critiques entendues autour de son fils pourtant adulé par les foules : « voilà un glouton et un ivrogne, un ami des publicains et des pécheurs ; il a perdu la tête » (Luc 7, 34 ; Mc 3, 21). Puis surgit le malheur suprême pour une maman : la perte de son enfant, exécuté par la rigidité suffisante des uns et la jalousie des autres. Asseoir son fils mort sur ses genoux, comme l’attestent toutes les pietas du monde, asseoir son fils mort sur ses genoux rapproche Marie de nos quotidiens les plus noirs.
Sainte Marie, priez pour nous !

Mais ce destin sombre contient aussi une part de lumière. Une lumière qui en reflète une autre, bien plus éclatante. Comme la lune qui reçoit son éclat du soleil, Marie reçoit sa brillance d’un projet personnel de Dieu. Avez-vous déjà remarqué en quels termes le messager de Dieu salue la toute jeune fille à Nazareth ? L’ange Gabriel ne lui dit pas : « je te salue Myriam », mais bien : « je te salue Pleine de grâces, le Seigneur est avec toi » (Lc 1, 28). L’envoyé divin ne l’appelle pas « Marie » mais « Pleine de grâces ». Cela signifie donc que « Pleine de grâces » est le nom que Dieu donne à Marie.

Or, dans la Bible, quand Dieu change le nom de quelqu’un, le nouveau nom exprime de façon imagée la nouvelle mission que Dieu lui confie désormais. Par exemple, Abram devient Abraham : « Tu ne seras plus appelé du nom d’Abram, ton nom sera Abraham, car je fais de toi le père d’une multitude de nations » (Genèse 17, 5). Autre exemple, quand l’apôtre Simon devient Pierre : « Tu es Simon, fils de Jean, tu t’appelleras Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Jean 1, 42 ; Mt 16, 18).

Marie ne cesse de nous rapprocher de son Fils


Marie — Myriam en hébreu — devient « Pleine de grâces ». Pour quoi faire ? Quelle est sa mission aux yeux de Dieu ? Saint Bernard de Clairvaux l’explique en la comparant à un aqueduc, c’est-à-dire un canal construit pour le transport de l’eau sur de grandes distances. L’aqueduc n’est pas la source, mais il permet à l’eau de source d’atteindre des lieux fort éloignés. La source, c’est le Christ, et Marie cherche à nous mettre en contact réel avec Lui. Donnons un instant la parole à saint Bernard, le créateur du célèbre Salve Regina : Quelle est cette source de vie, si ce n’est le Seigneur Jésus ? La source a été détournée jusqu’à nous. Le filet d’eau du ciel descend par un aqueduc qui ne nous déverse pas toute l’eau de la source, mais laisse tomber la grâce, goutte à goutte, dans nos cœurs trop secs. (Sermon pour la Nativité de la Vierge Marie, 3). Hier, aujourd’hui et demain, Marie ne cessera de nous rapprocher de son fils. Comme aux noces de Cana, quand elle disait aux traiteurs : « faites tout ce qu’Il vous dira » (Jean 2, 5).
Sainte Marie, priez pour nous !

La Servante du Seigneur est aussi la servante des humains

La réponse libre et courageuse de la jeune Marie à l’Ange permet la mise en œuvre du plan divin : « Qu’il me soit fait selon Ta Parole » (Luc 1, 38). Mais ce « oui » de Marie à Dieu se double quasi instantanément par un « oui » aux autres. Apprenant la grossesse de sa vieille cousine Elisabeth, elle se met en route avec empressement vers la région montagneuse. Plus de 100 km à pied ! Pour servir. Étonnante rencontre entre deux femmes attentives à Dieu dans le concret de leur vie, l’une et l’autre ouvertes à la vie et toutes deux porteuses de vie… Oui, la « Servante du Seigneur » (Luc 1, 38) est aussi la servante des humains. Comme à Jérusalem, dans la « chambre haute », quand elle soutient le moral des apôtres et de plusieurs femmes désemparés par la mort du Maître (cf. Actes 1, 13-14)) En actes plus encore qu’en paroles, Marie témoigne que « la Miséricorde du Puissant s’étend d’âge en âge » (Luc 1, 50).
Sainte Marie, priez pour nous !

Il y a plus encore. Douloureux, lumineux, le destin de cette femme est véritablement « sur-lumineux ». Car Marie « donne chair » à une réalité dont notre monde a tant besoin aujourd’hui : l’espérance… Là encore, Marie n’est pas à l’origine de l’espérance, mais elle la fait briller. Comme la lune, qui transmet la lumière dans la nuit, sans en être l’origine. En devenant la première femme ressuscitée des morts, Marie devient un témoin crédible de l’aboutissement de nos propres chemins avec Dieu.

Fête de l’espérance


La fête de l’Assomption est bien la fête l’espérance. Car Marie inaugure le destin ouvert aux humains par la résurrection de son Fils. Elle anticipe ainsi ce qui nous attend tous, à savoir notre étroite proximité avec Dieu. Le mystère de l’Assomption dit bien sa totale proximité avec Dieu, par-delà la mort biologique. Son corps désormais glorifié lui permet de poursuivre sa mission terrestre.

Depuis dix-sept siècles, le culte liturgique rendu par le peuple chrétien à sa Mère du Ciel démontre son occupation quotidienne : intercéder pour nous. Nous, ses enfants, que Jésus lui a confiés du haut de la croix, en lui disant : « Femme, voici ton fils ».
Sainte Marie, priez pour nous, maintenant et à l’heure de notre mort ! Amen

Assomption de la Vierge Marie
Lectures bibliques :
Apocalypse 11, 19 – 12, 1-10; Psaume 44; 1 Corinthiens 15, 20-27; Luc 1, 39-56

Homélie du 13 août 2023 (Mt 14, 22-33)

Chanoine Simon Roduit, hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

Dans l’oraison d’ouverture de la messe de ce dimanche, nous avons prié pour que l’Esprit-Saint nous aide à être toujours plus des enfants… de Dieu.
Comment être des enfants de Dieu ? Lors d’un camp pour familles chrétiennes au Simplon, en tant que séminariste, je devais présenter le thème « devenir comme des enfants de Dieu pour entrer dans le Royaume », et il m’était difficile de le faire en voyant ces enfants en pleine crise d’adolescence, ou se disputant entre frères et sœurs. Pourtant, Dieu nous demande d’être comme des enfants. A la veille de la reprise scolaire, voyons comment devenir des enfants de Dieu à travers les grandes étapes de l’enfance : la crise d’adolescence que vit Elie dans la première lecture, l’apprentissage de la Parole de saint Paul dans la deuxième lecture, et l’apprentissage de la marche par Pierre dans l’Evangile.

Sortir de nos cavernes – crise d’adolescence

Lorsque l’on est adolescent, une multiplicité de changements viennent affecter notre corps et notre esprit, et cela peut être difficile à gérer. C’est pourquoi les adolescents ont besoin d’être en groupes pour ne pas s’enfermer dans la solitude de leur chambre, de leur monde.

De même, dans la première lecture Elie fait sa crise d’ado. Il est le dernier prophète fidèle à Dieu dans tout Israël ; il vit de se confronter à 450 prophètes de Baal qu’il a tous tués. A présent, la reine Jézabel veut sa peau, même son serviteur l’a quitté. Il cherche à se laisser mourir à l’ombre d’un buisson. Mais voilà qu’un ange vient par deux fois le nourrir, et il lui demande de monter sur la montagne, mais Elie s’enferme dans une caverne. Alors que Dieu lui parle et lui demande de sortir de la caverne, Elie reste à l’intérieur par peur d’affronter l’ouragan, le tremblement de terre et le feu. Et ce n’est que lorsque la brise légère souffle qu’il sort et entend le message de Dieu à son égard : « Elie, n’aie pas peur, je serai avec Dieu, et par toi, j’agirai dans le peuple ; c’est moi qui ai tout créé, et donc toute la violence que tu peux percevoir dans le monde n’est pas plus forte que moi.

Et nous, sommes-nous parfois enfermés dans nos cavernes d’adolescents ? Est-ce que dans la caverne de notre solitude, nous ne disons pas parfois que personne ne nous comprend ; dans les cavernes de nos mauvaises habitudes, est-ce que nous ne désespérons pas que Dieu puisse nous changer ; dans la caverne d’une maladie, est-ce que nous ne croyons pas parfois qu’il est trop difficile pour nous de la surmonter ? C’est dans ces cavernes que la voix de Dieu vient résonner : « Sors, et tiens-toi sur la montagne, je suis avec toi »

Prendre l’accent de Dieu – apprendre à parler

Lorsqu’un enfant apprend à parler, il lui faut écouter de nombreuses années ses parents, pour se mettre à répéter peu à peu quelques paroles, pour ensuite être corrigé de nombreuses fois à chaque faute d’orthographe, et améliorer graduellement son langage. L’aisance ne viendra qu’après de nombreuses années pour parler comme ses parents.

Ainsi saint Paul dans la lecture s’attriste et ne comprend pas pourquoi le peuple juif, qui a eu l’habitude d’entendre Dieu lui parler, n’a pas réussi à reconnaître la voix de Dieu dans l’enseignement de Jésus. Il invoque sa conscience qui témoigne en lui par l’Esprit-Saint que Jésus est le messie. Mais il lui a fallu entendre la voix de Jésus sur le chemin de Damas, puis de nombreuses fois pour annoncer le Christ à tous. « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile ! »

De même dans notre vie, il est important de parler à Dieu et de l’écouter dans notre vie de prière, afin de prendre son accent, afin que les paroles qui sortent de notre bouche ne soient que des paroles qui bénissent et non des paroles qui maudissent. Que le Seigneur nous forme lorsque notre langue fourche, afin de toujours avoir des paroles qui élèvent ceux qui nous entourent. Alors nous parlerons comme de vrais enfants de Dieu, avec son accent divin.

Garder les yeux fixés sur Jésus – apprendre à marcher

Dans l’apprentissage hésitant de la marche, un bébé qui se dresse sur ses deux pieds n’a qu’un seul repère, qu’une seule chose qu’il fixe : les bras ouverts de sa maman ou de son papa à 10, 20 ou 60 cm, qui l’encourage à avancer et qui le rattrape si bébé perd l’équilibre. Et la confiance absolue d’un nourrisson envers ses parents lui permet de risquer l’impossible.

De même, dans l’Évangile, Pierre a obéi à Jésus qui l’a « obligé » à monter sur la barque, cette barque ballotée par la tempête du lac de Gennésareth. Et lorsqu’il reconnait Jésus, il reçoit son invitation à ne pas regarder sa peur et à lui faire confiance. Il demande même à Jésus de le rejoindre en marchant sur les eaux. Impossible pour l’homme. Sur ce simple mot « Viens », il se met à marcher. La seule chose qu’il regarde, c’est Jésus. Mais dès que son regard se focalise sur la peur des vagues, il se met à sombrer. Seule la force du Christ qui récupère de son bras puissant l’attention de Pierre lui permet de refaire surface.

Que nous aussi, lorsque nous traversons des tempêtes, nous gardions les yeux fixés sur Jésus et non pas sur nos peurs ou sur les difficultés. Ainsi, nous pourrons apprendre avec Jésus à faire des pas inespérés dans la foi, dans la charité ou dans l’espérance.

Ainsi nous deviendrons des chrétiens adultes, de vrais enfants de Dieu sortis de leur caverne, sachant parler avec l’accent de Dieu et marcher vers le Royaume. Amen

19e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : 1 Rois 19, 9-13; Psaume 84; Romains 9, 1-5; Matthieu 14, 22-33

Homélie du pape François – Messe de Clôture des JMJ, Lisbonne, 6 août 2023 (Mt 17, 1-9)

Les paroles de l’Apôtre Pierre sur la montagne de la Transfiguration sont celles que nous voulons faire nôtres après ces journées intenses : « Seigneur, il est bon que nous soyons ici ! » (Mt 17, 4). C’est beau tout ce que nous avons vécu avec Jésus, ce que nous avons vécu ensemble et comment nous avons prié. Mais après ces journées de grâce, nous nous demandons : qu’est-ce que nous emportons avec nous en retournant dans la vallée de la vie quotidienne ?

À partir de l’Évangile que nous avons entendu, je voudrais répondre à cette question par trois verbes : briller, écouter, ne pas craindre.

Briller. Jésus est transfiguré et – dit le texte – « son visage devint brillant comme le soleil » (Mt 17, 2). Il venait d’annoncer sa passion et sa mort sur la croix, brisant ainsi l’image d’un Messie puissant et mondain, et décevant les attentes des disciples. Maintenant, précisément pour les aider à accepter le projet d’amour de Dieu, qui vise à la gloire par le chemin de la croix, Jésus prend trois d’entre eux, Pierre, Jacques et Jean, les conduit sur la montagne et est transfiguré : son visage devient resplendissant et ses vêtements blancs. Ce “bain de lumière” les prépare à la nuit qu’ils devront traverser ; cette brèche lumineuse les aidera à supporter la peine des heures les plus sombres, celles de Gethsémani et du Calvaire.

Mes amis, nous avons nous aussi besoin de quelques éclairs de lumière pour affronter l’obscurité de la nuit, les défis de la vie, les peurs qui nous inquiètent, les ténèbres que nous voyons souvent autour de nous. L’Évangile nous révèle que cette lumière a un nom. Oui, cette lumière venue éclairer le monde, c’est Jésus (cf. Jn 1, 9). Il est la lumière qui ne se couche jamais et qui brille même dans la nuit. Me viennent à l’esprit les paroles du prêtre Esdras que l’on trouve dans les Saintes Écritures, et que nous pouvons nous aussi répéter après ces jours vécus ensemble : « Notre Dieu a fait briller nos yeux » (Esd 9, 8). Éclairés par le Christ, nous sommes nous aussi “transfigurés” : nos yeux et nos visages peuvent briller d’une lumière nouvelle. Frères et sœurs, c’est ce que l’Église et le monde attendent de vous : que vous soyez des jeunes rayonnants, qui portent partout la lumière de l’Évangile et allument des lueurs d’espérance dans les ténèbres de notre temps !

Je voudrais vous dire une chose : nous ne devenons pas lumineux lorsque nous sommes sous les projecteurs, lorsque nous affichons une image parfaite et que nous nous sentons forts et victorieux. Non. Nous brillons quand, en accueillant Jésus, nous apprenons à aimer comme Lui, car telle est la vraie beauté qui resplendit : une vie qui risque par amour. Un philosophe a écrit que la beauté du message révolutionnaire du Christ consiste à « trouver aimable même l’objet non aimable » (S. KIERKEGAARD, Gli atti dell’amore, Milan 1983, p. 579), c’est-à-dire aimer le prochain tel qu’il est : non seulement quand il est en accord avec nous, mais aussi quand il ne nous est pas sympathique et qu’il a des aspects qui ne nous plaisent pas. Avec la lumière de Jésus, c’est possible ! Vous, les jeunes, vous pouvez aimer de cette manière et abattre certains murs, certains préjugés, en apportant au monde la lumière de l’amour qui sauve. Puissiez-vous toujours briller de cet amour, briller avec Jésus, « lumière du monde » (Jn 8, 12) !

Le deuxième verbe est écouter. Sur la montagne, une nuée lumineuse recouvre les disciples et la voix du Père indique que Jésus est le Fils bien-aimé. Le commandement que donne le Père est simple et direct : « Écoutez-le » (Mt 17, 5). Tout est là : tout ce qu’il y a à faire dans la vie chrétienne réside dans ce mot, le dernier que le Père prononce dans l’Évangile de Matthieu : écoutez-le. Écouter Jésus, dialoguer avec lui, lire sa Parole et la mettre en pratique, le suivre : parce qu’il a pour nous des paroles de vie éternelle ; parce qu’il révèle que Dieu est Père et amour ; parce que, par son Esprit, nous devenons nous aussi des enfants bien-aimés. Voilà ce dont nous avons besoin dans la vie : non pas la gloire, le succès, l’argent, mais savoir que nous ne sommes pas seuls, que nous avons toujours quelqu’un à nos côtés, commencer et terminer la journée avec la certitude de l’étreinte du Seigneur ; l’écouter, croire que nous sommes aimés et accompagnés d’un amour qui ne fait jamais défaut. Et rappelons-nous ceci : nous mettre à l’écoute du Seigneur en restant ouverts à ses surprises fait de nous des personnes capables aussi de s’écouter les unes les autres, d’écouter la réalité qui nous entoure, les autres cultures, la voix souffrante des pauvres et des plus fragiles, le cri de la Terre blessée et maltraitée. Qu’il est beau d’écouter Jésus, de nous écouter les uns les autres et de grandir dans le dialogue, dans un monde où tant de personnes voyagent enfermées dans leur solitude, ne pensant qu’à elles-mêmes.

Briller, écouter et, enfin, ne pas craindre. Ce sont les dernières paroles que Jésus prononce sur la montagne pour encourager les disciples effrayés : « Relevez-vous et soyez sans crainte » (Mt 17, 7). Maintenant qu’ils ont eu une anticipation de la gloire pascale, qu’ils ont été plongés dans la lumière divine et qu’ils ont écouté la voix du Père, les disciples peuvent descendre de la montagne et affronter les défis qui les attendent dans la vallée. Il en est de même pour nous aussi: si nous gardons la lumière de Jésus et ses paroles, nous pouvons marcher chaque jour dans la vie, le cœur libéré de la peur.

À vous, jeunes, qui cultivez de grands rêves mais souvent obscurcis par la crainte de ne pas les voir réalisés; à vous, jeunes, qui pensez parfois ne pas y arriver; à vous, jeunes, qui, en ces temps, êtes tentés de vous décourager, de vous juger inadaptés ou de cacher la douleur en la masquant d’un sourire ; à vous, jeunes, qui voulez changer le monde et qui luttez pour la justice et la paix ; à vous, jeunes, qui y mettez votre engagement et votre imagination, bien que cela vous semble ne pas suffire; à vous, jeunes, dont l’Église et le monde ont besoin comme la terre a besoin de pluie ; à vous, jeunes, qui êtes le présent et l’avenir ; oui, précisément à vous, jeunes, Jésus dit : “Soyez sans crainte !”.

Les paroles que saint Jean-Paul II a prononcées lors d’une des JMJ résonnent plus que jamais : « En réalité, c’est Jésus que vous cherchez quand vous rêvez de bonheur ; c’est Lui qui vous attend quand rien de ce que vous trouvez ne vous satisfait ; c’est Lui, la beauté qui vous attire tellement; c’est Lui qui vous provoque par la soif de radicalité qui vous empêche de vous habituer aux compromis ; c’est Lui qui vous pousse à faire tomber les masques qui faussent la vie ; c’est Lui qui lit dans vos cœurs les décisions les plus profondes que d’autres voudraient étouffer. C’est Jésus qui suscite en vous le désir de faire de votre vie quelque chose de grand. […] N’ayez pas peur de vous en remettre à Lui » (Veillée de prière, Rome, 19 août 2000).

Chers jeunes, je voudrais regarder chacun de vous dans les yeux et lui dire : sois sans crainte ! Mais je vous dis une chose beaucoup plus belle : Jésus lui-même vous regarde maintenant, Lui qui vous connaît et qui lit en vous : Il regarde dans vos cœurs, vous sourit et vous répète qu’Il vous aime toujours et infiniment. Toujours et infiniment. Allez donc, et portez à tous le sourire radieux de Dieu ! Allez et témoignez de la joie de la foi, de l’espérance qui réchauffe votre cœur, de l’amour que vous mettez en toute chose. Brillez de la lumière du Christ. Écoutez-le pour devenir vous aussi la lumière du monde. Et soyez sans crainte, car le Seigneur vous aime et marche à vos côtés. Avec lui, la vie renaît, toujours.

Homélie du 6 août 2023 (Mt 17, 1-9)

Chanoine Hugues de la Boussinière – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

Dans la seconde lecture, Pierre raconte l’expérience bouleversante qu’il a vécue quelques années avant sur le Mont Thabor : la vision de Jésus transfiguré. Dans un court moment, l’homme Jésus qu’il connaissait bien a révélé la grandeur de sa divinité. Et Pierre insiste pour dire que cette expérience est bien réelle. Ce n’est ni une image, ni le fruit de son imagination : « Ce n’est pas en ayant recours à des récits imaginaires sophistiqués que nous vous avons fait connaître la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ, mais c’est pour avoir été les témoins oculaires de sa grandeur ». Sur cette montagne, Pierre, Jacques et Jean ont vu de leurs propres yeux que vraiment Jésus est l’envoyé du Père. D’ailleurs l’épisode de la Transfiguration suit de près un autre grand moment de la vie de Pierre : sa confession de foi à Césarée. Jésus demande à ses disciples : Pour vous qui suis-je ? Pierre répond : Tu es le Christ le Fils du Dieu vivant. L’expérience du Mont Thabor vient attester la proclamation de Pierre. Ce que Pierre a professé, il peut le voir maintenant.

La gloire de Dieu est une communion d’amour entre le Père, le Fils et le Saint Esprit

Au cœur de l’expérience du Mont Thabor, Pierre relève cette parole qui vient de la nuée lumineuse : « Celui-ci est mon Fils bien aimé, en qui je trouve ma joie ». Et il insiste pour dire qu’eux aussi comme apôtres, ils ont entendu cette parole : « Cette voix venant du ciel, nous l’avons nous-mêmes entendue quand nous étions avec lui sur la montagne sainte ». Cette parole ne concerne pas que Jésus, elle s’adresse aussi aux trois apôtres et donc à nous mêmes. Jésus est le Fils bien aimé du Père. La gloire de Dieu n’est donc pas une puissance écrasante. C’est une communion d’amour entre le Père, le Fils et le Saint Esprit. Et notre espérance est d’un jour entrer dans cette communion divine. Tel est notre appel, notre vocation. C’est ce que nous avons entendu dans la prière d’ouverture de cette liturgie : « tu as annoncé notre merveilleuse adoption ; accorde-nous d’écouter la voix de ton Fils bien-aimé, afin de pouvoir un jour partager avec lui son héritage ». Par notre baptême, nous devenons les héritiers de cette promesse formidable : devenir des fils bien aimés du Père dans le Fils unique : Jésus le Christ.

Une espérance qui nous guide à travers les lieux obscurs de nos vies

C’est un souffle d’espérance. C’est encore Pierre qui le dit : « Ainsi se confirme pour nous la parole prophétique ; vous faites bien de fixer votre attention sur elle, comme sur une lampe brillant dans un lieu obscur jusqu’à ce que paraisse le jour et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs ». Combien de lieux obscurs en nos vies ! Cette espérance est pour nous la lumière qui peut nous guider à travers toutes les luttes de nos existences. Pour Pierre ce sera pendant les jours de la Passion, ce sera aussi à la fin de sa vie sur terre quand il sera lui aussi crucifié. Parmi ces lieux obscurs, le plus significatif pour nous est la mort. Depuis la Résurrection de notre Seigneur, la mort est devenue le lieu de la pleine réalisation de cet appel. C’est le moment où l’étoile du matin se lèvera en nos cœurs.

Prenons le temps de remonter sur la montagne sainte

La Transfiguration fait naître en nos cœurs cette merveille de l’adoption filiale, don gratuit du Seigneur. Dans les lieux obscurs de nos vies, prenons le temps de revenir à cette source. Prenons le temps de remonter souvent sur cette montagne sainte pour contempler, adorer la beauté de notre vocation. La Transfiguration est aussi l’expérience de la beauté de Dieu et de son projet d’amour pour nous. Ce retour à la source, nous le vivons dans la prière, dans la contemplation de la création du Seigneur. Nous le vivons de manière privilégiée à chaque Eucharistie : source et sommet de la vie chrétienne comme le dit le concile Vatican II. Par les signes sensibles, nous pouvons faire une première expérience de la gloire de Dieu et de notre magnifique destinée éternelle : vivre cette relation filiale avec le Père, dans le Fils et par l’Esprit.

C’est ce que rappelle le pape François dans sa lettre sur la liturgie Desiderio Desideravi : « La liturgie rend gloire à Dieu non pas parce que nous pouvons ajouter quelque chose à la beauté de la lumière inaccessible dans laquelle Dieu habite. Nous ne pouvons pas non plus ajouter à la perfection du chant angélique qui résonne éternellement dans les demeures célestes. La Liturgie rend gloire à Dieu parce qu’elle nous permet – ici, sur la terre – de voir Dieu dans la célébration des mystères et, en le voyant, de reprendre vie par sa Pâque ».

Fête de la Transfiguration du Seigneur
Lectures bibliques : Daniel 7, 9-14 ; Psaume 96 ; 2 Pierre 1, 16-19 ; Matthieu 17, 1-9

Homélie TV du 1er août 2023, fête nationale (Lc, 11, 5-8)

Mgr Alain de Raemy, administrateur apostolique du diocèse de Lugano – Col du Gothard

Ce jour-là, David a eu la grande peur de sa vie !
Oui, David, le grand roi de l’Ancien ou du Premier Testament, s’est mis ce jour-là à craindre Dieu ! Honteux, n’est-ce pas ?
Mais que s’est-il passé ? Sous ses yeux, un homme avait été comme foudroyé par Dieu lui-même ! Mort sur place. L’homme s’était approché du nouveau char transportant l’arche de Dieu. Il faut savoir que pour les juifs, l’arche est le lieu par excellence de la présence divine… L’homme étendit la main vers l’arche, et s’appuya sur elle, car les bœufs la faisaient glisser… Mais par ce geste, il avait, pour ainsi dire, touché l’intouchable…

Le deuxième livre de Samuel dit : La colère de l’Éternel s’enflamma contre cet homme ; Dieu le frappa pour sa faute, et il mourut sur place, près de l’arche de Dieu… Le texte original, cependant, ne dit pas « pour sa faute », mais plus précisément : « pour sa présomption, pour sa témérité ». Pour sa présomption, pour son irrévérence à l’égard de Dieu, l’homme meurt … sous les yeux du roi David !

On comprend alors dès ce moment la grande crainte de David à l’égard de Dieu ! Et David se demande aussitôt si ce n’est pas aussi de la présomption de vouloir abriter lui-même l’arche du Seigneur, comme il l’avait prévu….

Chers amis,

Le roi David était cependant très avisé. Afin de ne pas prendre de risques  personnellement, au lieu de prendre l’arche du Seigneur lui-même, il a décidé de la confier à un autre, il se choisit, pour ainsi dire, un substitut. « Si l’autre n’en subit aucune conséquence, s’il s’en sort vivant, alors je peux essayer aussi.  » Aussitôt pensé, aussitôt fait ! et l’arche du Seigneur resta trois mois dans la maison de celui qui avait été choisi.
Et que se passe-t-il ? Le Seigneur bénit cette personne et toute sa maison. Et on dit au roi David : « Le Seigneur a béni sa maison et tout ce qui lui appartient, précisément à cause de la présence de l’arche de Dieu.

Chers amis,

Ainsi, que ce soit pour David ou pour nous, la question est posée : Est-il possible que la proximité de Dieu soit un risque ? y a-t-il une familiarité avec Dieu qu’il faut éviter ?

La réponse est claire : la proximité du Seigneur n’a rien à voir avec la mort de cet homme qui a touché l’intouchable ! La proximité du Seigneur est toujours et partout une bénédiction ! Mais la question à poser est peut-être différente. Que faisons-nous de la proximité de Dieu ? Qu’en fait l’homme ? Qu’en fait le chrétien ?

Chers habitants de cette belle patrie qui nous est commune ! Quand aurons-nous compris qu’il n’y a pas lieu de craindre Dieu, et ce n’est malheureusement pas évident quand on voit le développement de toutes sortes de superstitions dans notre pays.
Mais ensuite nous devons nous demander ce que nous faisons de la  bienheureuse proximité du Seigneur. Cette proximité voulue par lui est aujourd’hui plus forte que celle de l’arche d’alliance, pensons à l’Eucharistie !

Demandons-nous comment et quand nous pourrions tomber dans la présomption ou l’irrévérence envers Dieu ? Oui, nous devons vraiment nous interroger :
Prenons-nous conscience de sa proximité par des moyens si tangibles ?

Par exemple :
– que faisons-nous de sa proximité dans les femmes et les hommes qui  cherchent auprès de nous un refuge et un avenir ?
– que faisons-nous de la terre, de l’eau et de l’espace qui sont ses créatures, expressions tangibles de son amour ?
– quelle place donnons-nous, dans l’organisation de notre société et de notre Église, aux plus fragiles et aux plus démunis, en qui Il s’identifie ?
– comment nous comportons-nous à l’égard des chrétiens d’autres dénominations qui accueillent aussi la proximité du Christ ?

La proximité multiforme de Dieu est un défi permanent. Lorsqu’elle est reconnue et vécue, c’est une bénédiction sans fin ! Mais lorsqu’elle ne retient pas notre attention, alors oui, il y a danger de cynisme, de tristesse, voire de mort !

Chers amis !

Nous, chrétiens, reconnaissons toute la gloire de Dieu dans un homme qui est comme nous : le Christ Jésus ! Demandons-lui de ne jamais traiter une personne humaine ou des affaires, sans le reconnaître, sans l’aimer, sans l’accepter.

Lui. Sinon, nous risquons fort de blesser, de blasphémer, voire de mourir et faire mourir…

Que nous dit Jésus dans l’Évangile d’aujourd’hui ? Si l’un d’entre vous a un ami et qu’il va le trouver à minuit en lui disant : « Mon ami, prête-moi trois pains : il ne se lèvera pas pour les lui donner  parce que c’est son ami, mais à cause de son insistance, il donnera tout ce dont il a besoin.

Mais nous avons manqué ce que Jésus a ajouté : “Eh bien, je vous le dis : demandez et l’on vous donnera, cherchez et vous trouverez, frappez et l’on vous ouvrira. Si donc, vous qui êtes méchants, savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père des cieux donnera le Saint-Esprit à celui qui le demande.”

Chers amis, chers amis,

Aujourd’hui, nous sommes réunis pour prier, pour intercéder pour notre patrie. Et nous avons avec Dieu un grand avantage ! Nous ne venons pas vers Dieu à minuit, nous ne venons pas non plus à Lui à l’improviste. Au contraire, nous faisons ce qu’il nous a ordonné : faites ceci en mémoire de moi !

Ainsi, notre intrusion ordonnée auprès d’un Dieu, Père plus que bon, qui veut être une source d’inspiration pour nous, qui se veut si proche, au point de devenir lui-même dans quelques minutes notre Pain, nous avons la permission de tout Lui demander, nous pouvons l’appeler à haute voix, et exprimer avec force nos pourquoi.

Avec simplicité, nous l’exprimons pour tous les membres de notre confédération ! Sans exclure qui que ce soit ! Je suis convaincu qu’Il nous écoute plus que jamais. Non pas parce que nous sommes ici plus haut sur la montagne, non ! Mais parce que nous ne sommes guidés par aucune crainte envers lui, sinon la peur de ne pas le reconnaître et de ne pas l’accueillir suffisamment en chacun. Le Seigneur est donc prêt à nous aider, à nous bénir, ici et où que ce soit.

Ce jour-là, David a eu la peur de sa vie, mais ici aujourd’hui, je nous souhaite à tous d’avoir confiance en Dieu pour toujours !

Amen !

Lectures bibliques :
2e livre de Samuel 6, 1-11; Luc, 11, 5-8

Homélie du 30 juillet 2023 (Mt 13, 44-52)

Chanoine Raphaël Duchoud – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

Chers Pèlerins ici rassemblés dans cette église de l’Hospice du Grand-Saint-Bernard,
chers frères et sœurs dans le Christ qui vous vous unissez à notre célébration par l’intermédiaire des ondes de la Radio romande, nous sommes réunis en liturgie autour du Christ ressuscité qui nous rassemble pour célébrer la vie.

Depuis le 15 juin dernier, patronale de l’Hospice qui célébrait dans la joie son patron fondateur saint Bernard de Monjoux, nous vivons un temps d’action de grâce dans la célébration du centième anniversaire de la proclamation, en 1923, de saint Bernard comme Patron des alpinistes et des habitants de la montagne par le Pape Pie XI, temps de Jubilé qui est marqué par plusieurs cérémonies et célébrations sur le col comme ailleurs.
Il n’est pas étonnant que le thème des pèlerinages alpins organisés par l’Hospice cet été oriente les fidèles à se laisser guider par le Christ avec saint Bernard, rappelant ainsi l’importance de ce témoin du Christ pour notre vie spirituelle si nous acceptons de se laisser interpeller afin de se mettre en chemin à la suite du Christ par un acte de confiance.

Le Royaume des Cieux : une réalité dynamique


Si les personnes de passage sur le col s’arrêtent à l’exposition temporaire du musée, cette année, ils découvrent que le thème de celle-ci s’intitule “la voie des guides”, attirant l’attention sur de nombreux témoignages de ces personnes qui ont pris ou qui prennent encore aujourd’hui la responsabilité de conduire une ou tout un groupe de personnes sur les chemins de randonnée en montagne.
Cette image peut très bien s’insérer dans celles du trésor caché dans le champ et de la perle rare, utilisées par le Christ dans l’Evangile de ce dimanche, présentant le Royaume des Cieux comme une réalité dynamique, engageant toute la vie de celui qui découvre la Sagesse, celle qui mène à la vie. La voie, le chemin qu’un guide de montagne propose à ses accompagnateurs s’ouvre vers l’inconnu, l’infini et amène à vivre ceux qui l’entreprennent une expérience souvent marquante qui reste souvent gravée dans leur cœur et les porte à considérer la vie sous un autre point de vue inattendu au départ. C’est à cela que le Christ adresse une invitation à chacun : découvrir le Royaume non comme une réalité statique mais dynamisante, transformant le cœur humain pour lui faire découvrir une autre face de la vie.
La parabole du trésor caché dans le champ, celle de la perle précieuse ont ceci de commun : plus rien ne compte pour celui qui découvre les vraies valeurs ; prêt à se déposséder des valeurs qui lui semblaient essentielles pour assurer les sécurités nécessaires, plus rien ne semble aussi important que la découverte qui se présente sous ses yeux.

Une ouverture de soi à l’inconnu dans la confiance


Se mettre donc à la suite du Christ avec saint Bernard comporte donc une ouverture de soi à l’inconnu habité par la confiance. Comme une cordée se met à la suite d’un guide, habitée par la confiance en celui qui est compétent dans la matière, celui qui se déclare chrétien reconnaît que le message évangélique annoncé et enseigné par l’Eglise est la base essentielle de toute sagesse qui veut s’appuyer sur les vraies valeurs religieuses et humaines de la vie.

Dans la première lecture tirée du premier livre des Rois, Salomon demande au Seigneur un cœur attentif pour qu’il sache gouverner son peuple et discerner le bien et le mal. Désireux de se placer sous la grâce de Dieu, il exprime sa prière afin d’entrer dans le plan divin du salut de son peuple. Il sent donc que sa mission consiste à devenir le guide, chargé de tracer la voie du salut pour que son peuple parvienne à la connaissance de Dieu, non seulement par le rite liturgique, mais en prenant conscience de sa vocation particulière qui le distingue des autres peuples : être un peuple consacré au Seigneur son Dieu.
La voie du salut tracée par les nombreux guides qu’ont été les prophètes envoyés par Dieu le Père au cours de l’histoire sainte s’actualise encore aujourd’hui. Saint Paul s’adressant aux Romains les sensibilise au fait que, « quand les hommes aiment Dieu, lui-même fait tout contribuer à leur bien, puisqu’ils sont appelés selon le dessein de son amour. » Celui qui se sent appelé entend une voix au plus profond de lui-même, une voix qui l’interpelle, qui lui indique une marche à suivre. C’est ainsi qu’en montagne, les membres de la cordée à la suite du guide écoutent sa voix, suivent ses indications pour se mettre pleinement au diapason de l’équipe dans l’excursion qu’elle entreprend et lui font entièrement confiance.

Invités à l’audace, dans un acte de foi


Il n’est certes pas évident pour beaucoup de faire entièrement confiance dans les temps qui courent et le besoin de s’accrocher à des sécurités se fait de plus en plus sentir. C’est là, l’épreuve de la liberté ; là où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté. Jésus Christ, qui librement a donné sa vie pour le salut du genre humain, désire des personnes qui répondent librement, comme le fit saint Bernard, à son appel à la sainteté. La voix de notre guide spirituel, le Fils de Dieu fait homme, invite donc à l’audace, à risquer notre vie à sa suite comme Abraham dans un acte de foi. Il nous est bon dans ce contexte du jubilé du centenaire de la proclamation de saint Bernard comme Patron protecteur des habitants de la montagne, de nous rappeler ce passage de la prière du Pèlerin de la montagne :

“ A l’exemple de saint Bernard,
j’ai à écouter ta parole,
j’ai à me laisser ébranler par ton amour;
sans cesse tenté de vivre tranquille,
tu me demandes de risquer ma vie,
comme Abraham, dans un acte de foi;
sans cesse tenté de m’installer,
tu me demandes de marcher en espérance
vers Toi le plus haut sommet dans la gloire du Père. ”

Créé par amour, pour aimer,
fais, Seigneur, que je marche, que je monte, par les sommets
vers Toi,
avec toute ma vie, avec tous mes frères,
avec toute la création,
dans l’audace et l’adoration. Amen.

Puissions-nous nous laisser guider par le Christ, en suivant le témoignage que nous ont donné ceux qui se sont engagés à le suivre jusqu’au bout, la Vierge Marie tout d’abord, puis le fondateur de l’Hospice, désormais presque millénaire, qui porte son nom, saint Bernard de Monjoux ainsi que les nombreux témoins de l’Evangile qui restent des balises placés sur le chemin qui mène à la Vie. Amen.

17ème dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : I Rois 3, 5-12; Psaume 118; Romains 8, 28-30; Matthieu 13, 44-52

Homélie du 23 Juillet 2023 (Mt 13, 24-43)

Chanoine Jean-Michel Lonfat – Hospice du Grand-Saint-Bernard

Frères et sœurs, chers auditeurs, oui rendons grâce pour cet homme de la parabole : le semeur.
Son travail, sa mission est de semer et de semer du bon grain dans son champ. Le chapitre 13 de l’évangile selon saint Matthieu développe cette thématique de la semence, plus précisément de la croissance de la semence et de la plante, mais aussi nous pouvons  deviner en arrière-plan, celle de l’homme, celle de l’humanité qui avance au cours de l’histoire vers sa destinée. Saint Matthieu nous dit aussi à travers ces récits la vie même de Jésus.

Quelle joie, quel plaisir pour lui de savoir que ce qu’il fait là, maintenant, en semant le bon grain, son champ produira le froment. Il le sait, il connaît son travail. Il sait aussi qu’il n’est pas seul à travailler pour que tout aille bien. Il a des partenaires de grandes efficacités, l’eau, le vent, le soleil.
Il sait aussi que son champ est préparé pour la semence, un immense travail est déjà fait avant même de voir pousser son blé. La confiance est belle et grande pour lui. Sa joie d’imaginer la récolte habite son cœur et sa vie.
Il sait qu’une fois la semence jetée en terre il doit attendre. Il ne pourra que constater avec étonnement la puissance de la vie qui va apparaître à ses yeux.

Une bonne nouvelle

Le Royaume des Cieux, nous dit l’Evangile de ce jour, est comparable à un homme qui a semé du bon grain dans son champ. Voilà la bonne nouvelle et il faut s’en réjouir.

Tout se passe bien jusque à l’arrivée pendant la nuit ..de l’ennemi. C’est souvent comme cela, non seulement pour cet homme et son travail décrit dans la parabole, mais pour tout homme, pour la vie en général surtout lorsque nous essayons de construire le Royaume.

Le contraste est si marqué entre l’activité paisible du jour et l’arrivée soudaine de celle, nocturne, destructrice. Disons plutôt sournoise ; sans bruit, sans être vue, cette activité de semer l’ivraie consiste bien à jeter par-dessus le bon blé et partout dans le champ la semence destructrice.
Elle s’enracine dans la terre et vient s’enchevêtrer avec les racines du bon blé. L’ivraie est une plante de la famille des graminées et ressemble étrangement au blé ; oui, on peut les confondre d’où la crainte de les arracher ensemble.
Remarquons aussi que le fait de semer cette ivraie (anciennement appelée «zizanie») a engendré l’expression qui nous a été transmise « semer la zizanie»  lorsque nous nous trouvons dans des situations conflictuelles où l’ennemi travaille à nos côtés.

Nous pouvons constater à plusieurs reprises dans la vie de Jésus et de ses apôtres qu’il y a une confrontation presque violente des disciples lorsqu’ils voient que certains ne font pas ce que demande le Seigneur. Saint Luc au chapitre 9 de son évangile montre bien que Jacques et Jean déjà avaient voulu commander au feu du ciel de consumer les samaritains inhospitaliers.

La parabole de l’ivraie suppose une tentative identique : « Veux-tu que nous allions l’enlever ?» disent les disciples au Maître. – Non, dit Jésus, de peur qu’en enlevant l’ivraie, vous arrachiez le blé.

Si l’on regarde bien, c’est le salut du bon grain, plus que tout, qui préoccupe le Maître du champ. Il s’oppose à l’initiative de ses serviteurs parce qu’il veut donner toutes ses chances au froment. Les serviteurs sont frappés par l’abondance de l’ivraie. Le maître, lui, par les promesses du bon grain.

La patience de Dieu envers nous

Cette parabole, frères et sœurs, chers auditeurs, doit nous rendre attentifs à la patience que Dieu a envers nous. Rien n’est perdu pour Dieu. Rien n’est perdu pour l’homme.

Elle peut nous dire aussi de prendre patience entre nous lorsqu’il y a des différends.

Alors que nous serions tentés de couper court ou d’éliminer ce qui qui pourrait nous nuire, l’invitation est plutôt celle d’observer une saine relation et de patienter pour une meilleure collaboration.

Nos vies ne sont-elles pas semblables à ce champ où les bons et les mauvais, comme le blé et ivraie sont contraints de pousser ensemble ? Il y a une telle puissance de vie en nous qu’il serait dommage de la casser, de la briser si nous décidions subitement et rapidement d’arracher le mauvais. Notre propre équilibre pourrait être mis à parti.

La parabole nous invite donc à la patience des agriculteurs et des jardiniers. Laissons le temps faire son travail pour que maturité se fasse en nous. Laissons le blé se fortifier en nous pour qu’il ne soit plus mis en danger par l’ivraie. Laissons-nous aimer et regarder par le Semeur qui veut notre bien afin que tout notre être atteigne une telle stature, celle qui est semblable au Christ et qui est bien plus forte que les laideurs qui nous habitent.

Gardons confiance et osons miser sur le Christ ressuscité, il sera plus fort que toutes les puissances nuisibles et destructrices qui œuvrent en nous. Même la mort n’aura pas le dessus ; elle sera dominée. A vous tous ici sur la montagne, à vous qui êtes dans cette église si belle dont les fresques nous élèvent encore plus haut et à vous qui nous écoutez en plaine ou ailleurs, sachez que, même s’il n’y a pas de champ de blé à cette altitude, il y a la Grâce de Dieu qui généreusement nous atteint tous et fait de nous la moisson que Dieu aime et chérit avec patience, beaucoup de patience.  AMEN

16e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques :
Sagesse 12, 13-16 ; Psaume 85 ; Romains 8, 26-27; Matthieu 13, 24-43

Homélie du 16 juillet 2023 (Mt 13, 1-23)

Mgr Jean Scarcella – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice, VS

Mes sœurs, mes frères,

La Parole de Dieu aujourd’hui nous inscrit d’une certaine manière dans le cycle de la nature, ou même mieux, elle prend corps dans la nature, jusqu’à presque se confondre avec elle, son rythme, sa substance, sa réalité. En effet, c’est à se demander si cette Parole ne serait pas comme un grain de blé ? C’est comme si Jésus, dans sa parabole du semeur, voulait mettre sa Parole au niveau du créé, et lui faire éprouver les lois de la vie, les mêmes pour tout ce qui vit. Du coup nous pourrions éprouver, à l’écoute de ce récit imagé, notre capacité à recevoir cette Parole.

Mais dans quel état d’esprit allons-nous le faire ? Oui, il y a le geste, quasi automatique du semeur, qui lance le grain pour inaugurer le processus des germinations. Mais avons-nous réfléchi en amont par rapport à ce moment de cette histoire ? Il y a eu, en fait, tout un travail de préparation de la terre, afin qu’elle puisse recevoir un grain qui trouve à y mûrir et à porter ensuite du fruit. Eh bien ainsi en est-il de la Parole qui n’est pas lancée négligemment à tout vent, au gré d’envies aléatoires de Jésus, mais qui doit pouvoir être reçue par ceux qui l’entendent, car le Seigneur veut cibler leur cœur, le cœur étant ce terrain favorable où la Parole pourra germer, se développer et porter du fruit. Ainsi pour la recevoir, nous devons désherber notre cœur, y retirer des pierres, le labourer et y creuser des sillons. Et une fois cette préparation accomplie, le grain de la Parole, lentement, au gré de l’action de l’Esprit et sous sa mouvance, germera, prendra corps, fera sens, accompagnera la vie de chacun, permettra son épanouissement. C’est tout un travail caché, lent, préalable, mais si nécessaire pour que la Parole porte en nous du fruit. C’est le travail de nos vies, là où la Parole est prise en compte et guide nos pas, elle qui nourrit nos pensées et nos actions, afin de pouvoir encourager chacun à vivre comme Jésus.

Jésus parle du coeur de l’homme

Dès lors, quand Jésus parle du bord du chemin, du sol pierreux ou des ronces… il veut parler du cœur de l’homme. Il y a d’abord son accès fermé qui ne laisse qu’un semblant de place sur son bord, sa lèvre ; les graines de la Parole ne sont donc là à l’abri de rien, et le Mauvais a tôt fait de s’en emparer. Il y a ensuite les pierres du péché, qui prend trop de place en nous et empêche la réception de la Parole ; c’est un lieu non préparé, un semblant de terre, juste pour nous donner bonne conscience, mais qui, sans racines possibles, ne laissera à la Parole reçue qu’un aspect éphémère. Il y a enfin les ronces du refus, de l’auto-défense contre la volonté de Dieu exprimée par sa Parole, une espèce d’alibi pour défendre une pseudo liberté, – laquelle refoule la vraie liberté que Dieu propose –, et qui cherche à étouffer la Parole offerte qui, précisément, la met en œuvre.

Un coeur qui sait entendre la Parole de Dieu, la recevoir

Alors Jésus a une déclaration imparable, après avoir cité le prophète Isaïe qui, justement, fustige ce cœur de l’homme incapable d’écouter et de comprendre, ce cœur alourdi et fermé, prêt à éviter toute conversion, c’est-à-dire tout labour intérieur, un cœur voué à la superficialité d’un self-contrôle humain, pour ne pas dire à la mainmise humaine sur la divinité même de Dieu : Jésus dit une béatitude, forme d’expression qu’il privilégiée et affectionne, puisqu’il souhaite s’adresser à l’homme pour son bien : “Heureux vos yeux puisqu’il voient, et vos oreilles puisqu’elles entendent ! […] Vous donc, écoutez ce que veut dire la parabole du semeur”. Oui, heureux êtes-vous, vous qui avez un cœur qui sait entendre la Parole de Dieu, la recevoir et la voir germer dans l’Église !

Cette parabole si expressive, au profil de bande dessinée, a donc cette face cachée qui veut exalter toute notre vie spirituelle. Tout ce qui doit se passer dans nos cœurs, au fil des enseignements de Jésus, de l’interprétation des Écritures, des ouvrages de vie spirituelle ou même du Magistère de l‘Église, est œuvre de l’Esprit, frères et sœurs. L’Esprit s’emploie à nous rendre dociles à la Parole, afin qu’elle puisse germer en nous. Son souffle nous pousse à accueillir cette Parole de vie avec sincérité, pour que nos vies deviennent fécondes. Saint Paul l’a dit tout à l’heure… “La création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore. […] Elle attend avec impatience la révélation des fils de Dieu”. C’est de cela qu’il s’agit, frères et sœurs : sommes-nous prêts à travailler pour rendre nos vies fécondes de la fécondité même de Dieu ?

Sommes-nous prêts à faire de nos cœurs des lieux de germination où la Parole de Dieu puisse prendre racine, pousser et porter du fruit ? Sommes-nous prêts à travailler à la suite de Jésus, Parole incarnée, pour l’avènement de son Royaume, jusqu’au jour où sa gloire se révélera pour nous, comme le dit encore saint Paul ? Et tout ceci afin de “connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu“, renchérit-il ! Cette liberté, celle dont nous parlions pour éviter les bords de chemin, le sol pierreux ou les ronces, est donc la liberté qui creuse en nous la volonté d’écouter la Parole de Dieu, le désir de la vivre et la joie de la proclamer.

Ainsi soit-il !

15e Dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Isaïe 55, 10-11; Psaume 64; Romains 8, 18-23; Mathieu13, 1-23