Homélie du Jour de Noël 2022 (Jn 1, 1-18)

Abbé Pascal Desthieux – Basilique Notre-Dame, Genève

Aujourd’hui la lumière a brillé sur la terre

Souvenirs d’un Noël confiné

Comment avez-vous fêté Noël il y a deux ans ? Vous souvenez-vous de ce Noël 2020, tellement compliqué ? On pouvait se réunir, mais seulement en petit comité, pas plus de six personnes, en gardant les distances et laissant les fenêtres ouvertes…
Certes, nous ne sommes pas mécontents en cette fin d’année de retrouver une certaine normalité, mais avec peut-être d’autres inconvénients de stress pour préparer ces fêtes de Noël, et peut-être que nous nous souvenons avec une certaine nostalgie de ce Noël vécu plus simplement.

Personnellement, j’ai vécu ce Noël 2020 de manière très particulière, puisque j’étais en isolement complet, avec un test positif, seul dans ma chambre, et terrassé par une lourde fatigue causée par le virus. Beaucoup d’entre vous ont fait cette expérience désagréable, et pour certain, cela a été même bien pire.
Pour moi, c’était douloureux de ne pas pouvoir célébrer les messes de Noël où j’étais attendu, ni de pouvoir participer aux petits repas familiaux. Mais ce fût aussi une expérience très forte, dans ce grand dépouillement qui me rapprochait de celui de la Sainte Famille à Bethléem, d’accueillir la présence d’un Sauveur, de pouvoir compter sur lui, de ressentir sa présence réconfortante.
Bref, je n’ai peut-être jamais vécu Noël si intensément.

C’est peut-être tout simplement cela Noël : cette lumière qui vient briller dans les ténèbres, une présence qui vient nous rejoindre particulièrement dans nos situations de pauvreté, de fragilité, de dépouillement.
C’est peut-être bien le Noël que vous passez cette année, dans une chambre d’hôpital, ou en étant assez seul.
Je vous souhaite vraiment, comme j’en ai fait particulièrement l’expérience il y a deux ans, de ressentir combien le Seigneur est là, il prend chair dans notre vie, dans notre humanité si souvent blessée, et vient apporter sa lumière qui brille en nous.

Il est né aujourd’hui ! 

Car, oui, Noël, ce n’est pas seulement une commémoration d’un événement du passé. C’est aujourd’hui que Dieu vient parmi nous.
La liturgie de Noël insiste beaucoup sur ce point.
L’antienne d’ouverture de la messe de la nuit dit : « Tous ensemble, réjouissons-nous dans le Seigneur : notre Sauveur est né sur la terre ! Aujourd’hui, pour nous, descend du ciel la paix véritable ! »
Le verset de l’alléluia de cette messe de Noël le confirme : « Aujourd’hui la lumière a brillé sur la terre. Peuples de l’univers, entrez dans la clarté de Dieu. Venez tous adorer le Seigneur ! »

Il y a 30 ans, j’ai fêté Noël à Bukavu, à l’est de ce qui était autrefois le Zaïre, aujourd’hui la République démocratique du Congo. Et je me souviens que, pendant la nuit de Noël, partout, on chantait : « Amezaliwa leo », ce qui signifie : « Il est né aujourd’hui ! »

Aujourd’hui. C’est aujourd’hui que cela se passe.
A chaque Noël, Dieu nous refait le don de son fils, réactualise sa venue en notre humanité accomplie il y a 2000 ans. C’est pour nous aujourd’hui que Dieu se donne et naît dans notre monde.
Oui, Dieu renouvelle tout particulièrement sa grâce aujourd’hui.
Pour nous, aujourd’hui, il prend notre chair et nous apporte sa lumière. J’aimerais encore développer avec vous ces deux thèmes que nous présente saint Jean dans le prologue de son Evangile.

Le Verbe s’est fait chair

« Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous ». Nous fêtons aujourd’hui un Dieu qui se fait l’un de nous, qui prend notre chair pour nous sauver, nous tendre vers Dieu, nous élever, nous diviniser.

Quand on veut soulever quelqu’un ou quelque chose, il faut nous mettre plus bas que celui ou ce que l’on veut soulever pour le prendre et l’élever. C’est bien ce que Dieu a voulu faire en se faisant l’un de nous, en se faisant petit bébé, en se faisant chair.

Le mot chair, en grec : sarx, désigne notre humanité de la manière la plus crue : ce mot signifie également la viande, notre carcasse. Dieu nous rejoint, aussi dans nos fragilités, dans nos parties les plus obscures. C’est la bonne nouvelle de Noël !

Le Verbe était la vraie lumière

« Le Verbe était la vraie lumière qui éclaire tout homme en venant dans le monde ». Comme il est bon, en fêtant Noël, d’accueillir cette lumière. Qu’elle vienne éclairer chacune et chacun de nous, et chaque partie de nous-mêmes.

Saint Jean nous dit aussi que cette lumière n’a pas été acceptée par tous : « Il est venu chez lui, et les siens ne l’ont pas reçu », « la lumière brille dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée ». Le rejet de Jésus qui le conduira à la Passion jusqu’à la Croix est déjà préfiguré ici.

Cela nous guette aussi quand nous nous passons de lui, quand nous ne ressentons pas profondément le besoin d’être sauvés par lui.

En cette fin d’année difficile, nous avons besoin de cette lumière du Sauveur. Depuis le mois de février, nous sommes tellement tristes d’apprendre ce qui se passe en Ukraine, avec cette guerre qui se prolonge et son lot de destructions et de victimes. Je repense à cette femme, devant sa maison détruite, qui disait : « je ne pensais pas voir ça de mon vivant ». Aujourd’hui, nous pensons fort à nos frères et sœurs ukrainiens qui souffrent, et nous invoquons le Christ, qui est le « Prince de la paix ». Que les dirigeants se laissent inspirer par lui, pour arriver, après cette guerre forcément injuste, à une paix juste et durable.

Les conséquences de la guerre se font sentir jusque chez nous, même si nous sommes un peu plus épargnés que d’autres. À cela s’ajoute peut-être nos difficultés personnelles, de santé, des souffrances, des épreuves, des deuils.

Alors, en cette fête de Noël, célébrons la venue du Sauveur, de celui qui vient briller dans nos obscurités, qui vient nous rejoindre dans nos fragilités, aujourd’hui, maintenant.
« Aujourd’hui la lumière a brillé sur la terre. »
« Aujourd’hui, pour nous, descend du ciel la paix véritable ! »

Messe du Jour de Noël
Lectures bibliques : Isaïe 52, 7-10 ; Psaume 97 ; Hébreux 1, 1-6 ; Jean 1, 1-18

Homélie de la messe de Minuit 2022 (Lc 2,1-14)

Mgr Jean Scarcella – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice

Mes sœurs, mes frères, chers amis d’ici et d’ailleurs,

Dire que Noël est une fête à caractère universel est incontesté, je pense. Mais on pourrait se demander pourquoi… À cause de la Tradition ? Des antiques fêtes celtes de la lumière ? De la naissance de Jésus, le Fils de Dieu ? De la trêve que la fête apporte dans l’agitation du monde ? De l’aspiration de l’homme à la paix ? De l’appel à vivre plus intensément la vie de famille ? Ou des décorations dans les rues et des crèches dans les églises, voire des Père-Noël dans les neiges du Nord comme dans les sables du Sud ? Ou encore des cadeaux qui disent l’amour et l’amitié ? Tout cela dit ainsi pêle-mêle risquerait de donner une image plutôt éclatée de cette fête, mais pourtant tous ces éléments ont un point commun : la lumière. La lumière dans toutes ses dimensions, celle célébrée à l’origine lors des fêtes du solstice d’hiver et celle, originelle, célébrée dans l’étable de Bethléem.

Quelques propriétés de la lumière sont donc ici mises en évidence : la lumière qui donne la clarté en brisant les ténèbres, la lumière du feu qui réchauffe dans la nuit glaciale, la lumière qui étincelle et exprime la joie, la lumière qui découvre les visages et ouvre les cœurs, la lumière de la trêve qui apporte le réconfort. En fait la lumière dessine dans la nuit le pourtour des ombres, et éclabousse durant le jour la vérité qui s’expose : le soleil brillant dans la nuit, les étoiles étincelant sur le jour… Dans la lumière, la nuit et le jour se rapprochent, le mal et le bien se réconcilient, l’étranger et le familier se rejoignent, “amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent” (Ps 84, 11).

La crèche de Bethléem, lieu-source de tout ce que les hommes peuvent vivre en cette période de Noël.

Nous contemplons, au premier plan de ce tableau merveilleux une large palette de significations concernant Noël, mais, attirés par son point de fuite, nous serons immanquablement entraînés vers la crèche de Bethléem. Ce qui semble second, devient alors premier, lieu-source de tout ce que les hommes peuvent vivre en cette période de Noël. Qu’on le veuille ou non, c’est comme si le temps s’arrêtait, la paix pouvant prendre toute la place dans la vie du monde, les familles se regrouper unanimes dans l’amour, les traditions porteuses de tant de significations pouvant alors comme s’incarner dans un moment précis de l’Histoire.

Oui, la lumière reste première, et l’aube se levant sur le monde au jour de Noël est bien le don unique de Dieu à l’humanité, sa création qu’il veut sauver de tout ce qui contrarie la lumière, la conduisant dans la clarté éternelle en lui. Pourtant tout homme fait l’expérience “de son” Noël, mais restant attaché d’une manière ou d’une autre à cet élément premier lui apportant bonheur, joie et espérance.

Je dis oui à tout cela, mais je ne le crois possible qu’au prix de notre prière, de la prière de l’Église qui en Jésus, Dieu fait chair et Lumière du monde, seule porteuse du cri des hommes vers Dieu, cri de joie, d’attente et d’espérance. Finalement une fête de l’homme pour l’homme. Et pour nous, chrétiens, parce qu’est né le Fils de l’Homme, Lumière du monde, une fête de Dieu parmi les hommes : l’Emmanuel !

Ainsi rappelons-nous les paroles de saint Paul à Tite entendues tout à l’heure : “Bien-aimé, la grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes, […] attendant que se réalise la bienheureuse espérance : manifestation de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ.” Trois lignes, frères et sœurs, d’une densité énorme, trois lignes qui sont le kérygme, l’annonce de la Parole faite au nom de Dieu, révélant la réalisation de son œuvre d’Amour. Si la manifestation de la grâce est bien la naissance du Fils de Dieu, la bienheureuse espérance quant à elle confesse la vie de foi, et la manifestation de la gloire de Dieu proclame le salut. Le kérygme, c’est-à-dire l’annonce de la foi chrétienne, est un tout et ne peut s’énoncer qu’en partie. Ainsi on ne peut penser Noël, la naissance première, sans espérer la résurrection, la nouvelle naissance pour les hommes, qui s’accordera à la seconde venue du Christ sur terre. Noël ne peut être un en-soi, mais est bien un début, sans lequel l’œuvre de Dieu ne pourrait prendre corps. Et le commencement est bien la naissance de Jésus, l’Emmanuel – Dieu avec nous –, Dieu qui a pris corps d’homme pour intégrer l’humanité et la préparer, par sa Parole, son Verbe, à entamer son chemin de salut en écho à la bienheureuse espérance.

Si la naissance de Jésus est commencement, sa résurrection est aboutissement

Un auteur a écrit cette expression merveilleuse : « Le berceau de Noël est sous l’ombre de la croix ». Ça donne les frissons tant c’est beau de justesse et de mystère ! Comment l’homme, créature aimée de Dieu, peut-il cheminer vers son salut, si celui-ci ne lui est pas obtenu par Dieu lui-même, en Jésus, prénom qui veut précisément dire : “Le-Seigneur-sauve” ? “Car – dit plus loin saint Paul – il s’est donné pour nous afin de nous racheter de toutes nos fautes, et de nous purifier pour faire de nous son peuple, un peuple ardent à faire le bien. “ C’est-à-dire nous sauver ! Ainsi Jésus devait naître, mais son berceau était déjà sous l’ombre de la croix, car c’est bien elle qui est le signe du salut, celui de la délivrance de la mort, et de la bienheureuse espérance de la vie éternelle à venir. Si la naissance de Jésus est commencement, sa résurrection est aboutissement. Et entre ces deux grands moments de l’histoire de tout croyant au Dieu de Jésus Christ, il y a le chemin de l’espérance, ce chemin de foi qui prépare tout homme à suivre Jésus, à entrer dans son mystère et recevoir l’héritage promis. Et suivre Jésus c’est non seulement la mise en pratique de sa parole et de ses enseignements, de ses exemples et de tout l’amour qu’il offre à qui s’ouvre à lui, mais aussi l’exercice de la conversion qui libère de tout péché, la lutte contre le mal, la recherche de la paix, la volonté de développer des gestes de bonté, autant de manifestations de l’homme, émaillées dans la vie de Jésus et rassemblées sur la croix, où elles seront purifiées et vivifiées, afin d’être exaltées pour la gloire de Dieu le Père.

Oui, frères et sœurs, cette grande joie de la naissance du Sauveur qui est le Christ, et qui nous est annoncée aujourd’hui, doit être pour nous, bien sûr d’abord une source d’émerveillement et d’action de grâce sans pareille face à Dieu le Père, mais ne peut pas faire fi du don d’amour de Jésus offrant sa vie sur la croix pour le salut du monde, ni de l’espérance qu’il a ainsi mise en nos cœurs pour que, notre vie durant, nous annoncions la Bonne Nouvelle du salut. Celle de la crèche de Bethléem, celle de la lumière inondant le cœur de l’humanité, celle qui est chemin vers le ciel de la béatitude infinie.

Ainsi soit-il !              

Messe de la Nuit
Lectures bibliques : Isaïe 9,1-6 / Psaume 95 / Tite 2,11-14 / Luc 2,1-14

Homélie TV de la messe de Minuit 2022 (Lc 2, 1-14)

Mgr Eamon Martin, archevêque d’Armagh et primat de toute l’Irlande, en la cathédrale Saint-Patrick à Armagh, en Irlande du Nord.

À seulement 800 mètres de la cathédrale se trouve le célèbre Observatoire d’Armagh, fondé par l’archevêque anglican Richard Robinson en 1790. Grâce à ses grands télescopes, les astronomes d’Armagh peuvent étudier les étoiles et les planètes et explorer l’immensité de l’univers. À cette époque de l’année, regarder le ciel nocturne me rappelle l’incroyable miracle et le mystère de Noël : Réaliser que, parmi les millions de planètes de l’univers, Dieu a tellement aimé le monde qu’il a envoyé son Fils unique ici pour être notre Sauveur – un événement que Dieu avait préparé depuis des siècles ! Penser que Dieu, le Tout-Puissant, le créateur de tout ce qui existe, est né dans le temps comme un petit enfant, dans une humble étable, dans une famille pauvre – le Verbe éternel fait chair et vivant parmi nous ! Un ancien hymne latin résume la « grande et puissante merveille » de Noël : « O magnum mysterium et admirabile sacramentum ! »

L’histoire de Noël montre que nous pouvons participer à la divinité du Christ venu partager notre humanité

O quel grand mystère, et merveilleux sacrement, que les animaux puissent voir le Seigneur nouveau-né, couché dans une crèche ! Il peut être difficile pour nous de comprendre que Dieu aime chacun d’entre nous personnellement, de manière unique et intime. Bien que Dieu connaisse toutes nos faiblesses et nos péchés, il continue à vouloir que nous devenions le meilleur de nous-mêmes. L’histoire de Noël montre que nous pouvons participer à la divinité du Christ qui s’est humilié pour partager notre humanité. C’est pourquoi saint Paul, dans la deuxième lecture, nous exhorte à « renoncer à tout ce qui ne mène pas à Dieu ». Ce soir, alors que nous nous émerveillons devant les merveilles de l’univers et que nous pensons à la façon dont la gloire du ciel a été révélée à de simples bergers, il est bon de remercier Dieu de nous avoir donné cette Terre pour qu’elle soit notre maison commune, et de nous engager à prendre soin de notre planète en gaspillant moins et en étant plus conscients des dommages que notre vie égoïste peut causer à notre environnement. En nous rappelant que Jésus est né dans la pauvreté d’une étable, nous sommes reconnaissants pour la chaleur et la sécurité d’un foyer, et plus conscients de ceux qui ont moins de chance que nous – les sans-abri, les réfugiés, les affamés, les malades et les solitaires.

En réfléchissant, au moment de Noël, à la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph, nous pensons aux membres de notre propre famille, à la maison ou au loin ; et nous pensons ce soir aux familles qui sont blessées ou séparées par la guerre et la violence, par la méfiance ou la rupture des relations. D’une manière particulière, prions pour les familles d’Ukraine, de Russie et d’autres parties du monde qui continuent à souffrir à cause de la guerre. Et, alors que nous contemplons avec émerveillement et crainte la présence de Dieu dans le nouveau-né Jésus, nous remercions Dieu pour les enfants, qui apportent tant de joie et de bonheur dans nos vies, en particulier au moment de Noël. Nous prions pour que la vie de tous les enfants – nés et à naître – soit protégée contre la violence, le trafic, les abus, la négligence ou l’exploitation.

Dans son encyclique Laudato Si, le pape François a écrit cette prière : « Dieu tout puissant, tu es présent dans l’univers entier et dans la plus petite de tes créatures. Tu embrasses de ta tendresse tout ce qui existe. Répands sur nous la puissance de ton amour, pour que nous puissions protéger la vie et la beauté. Remplis-nous de paix, afin que nous puissions vivre comme des frères et des sœurs, sans faire de mal à personne. »

Avec cette belle prière, je vous souhaite, ainsi qu’à vos familles, toutes les bénédictions pour Noël et pour la nouvelle année. Beannachtaí na Nollag oraibh go leir. Amen. (« Joyeux Noël à vous tous, mes amis »)

Traduction Emmanuel Tagnard

Messe de Minuit
Lectures bibliques : Isaïe 9, 1-6; Psaume 95; Tite 2, 11-14; Luc 2, 1-14

Homélie du 18 décembre 2022 (Mt 1, 18-24)

Abbé Pascal Desthieux – Basilique Notre-Dame, Genève

L’importance du nom

« On lui donnera le nom d’Emmanuel. »

« Tu lui donneras le nom de Jésus. »

Donner un nom, ce n’est pas rien. Le choix du prénom, c’est tellement important.

Je suis sûr qu’il y a une question que vous n’avez pas manqué de poser à vos parents : pourquoi vous ont-ils appelé ainsi ?

Mes parents m’ont répondu que j’étais prévu pour Pâques, et ils m’ont tous naturellement appelé Pascal. Ma sœur s’appelle Marie-Noëlle ; je vous laisse devenir avant quelle fête elle est née. Effectivement, c’est bientôt son anniversaire.

Le prénom est choisi soigneusement. C’est parfois le nom d’un membre de la famille particulièrement aimé. Ou le prénom d’un saint important pour nous.

Le prénom peut être aussi une reconnaissance, une action de grâce. Nous venons d’apprendre que la nouvelle représentante de l’évêque à Genève est depuis quelques jours l’heureuse maman d’un petit Nathanaël, très joli prénom qui signifie « cadeau de Dieu ».

A Joseph de lui donner un nom

Dans cet Évangile, qui nous prépare à Noël qui s’approche, c’est à Joseph que l’ange demande de donner un nom au Messie – je ne parle évidemment pas du joueur argentin qui affrontera cet après-midi la France en finale de la coupe du monde, mais du Messie tant attendu, dont le nom hébreu signifie : celui qui reçoit l’onction, en grec : Christos.

Joseph, dont le nom hébreu yôsephyâh, signifie : « Dieu ajoutera », reçoit donc cette mission importante. En donnant un nom à l’enfant, il assume la paternité légale et le fait entrer dans une lignée, en l’occurrence celle du roi David.

Joseph, dit l’Évangile, est un homme juste. Mais que va-t-il faire quand il apprend que son épouse est enceinte et qu’il sait pertinemment que cet enfant ne vient pas de lui…

Car oui, Joseph est déjà marié à la jeune Marie mais, non, ils ne vivent pas encore ensemble. Il faut savoir que dans les coutumes juives de l’époque, une jeune fille, dès qu’elle a atteint l’âge de 12 ans et un jour, peut être mariée. Une fois que le mariage est décidé, les deux familles se rencontrent, le jeune homme demande à la jeune fille : « veux-tu être ma femme ? », et elle a son futur mari : « veux-tu être mon mari ? », ils sont dès lors officiellement mariés. Mais comme elle est encore très jeune, la jeune fille retourne chez ses parents, au moins une année, en attendant le temps où elle sera prête pour s’établir chez son mari.

On comprend donc le désarroi de Joseph. Il ne veut pas que Marie soit condamnée, il lui fait miséricorde en décidant de la renvoyer en secret. Il se retire. Et voici que l’ange vient lui parler pour lui demander d’assumer pleinement cette paternité : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse, puisque l’enfant qui est engendré en elle vient de l’Esprit Saint ; elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus ». L’original grec apporte une précision intéressante, par deux petites conjonctions : « Car, en effet, certes » l’enfant qui est engendré en Marie vient de l’Esprit Saint » : c’est un fait, qui n’est pas remis en question. « Mais, cependant », toi, tu vas lui donner un nom.

Parmi les nombreuses interprétations de ce texte, je retiens celle de saint Jérôme qui estime que Marie lui avait révélé les paroles de l’ange qui lui annonce qu’elle sera la mère du Sauveur et qu’elle concevra de l’Esprit Saint. Joseph, homme juste, en présence d’une si grande œuvre divine qui le dépasse, estime qu’il est préférable de se retirer.

Vrai Dieu et vrai homme

Quoi qu’il en soit, pour nous, cet Evangile est important ; Matthieu nous a annoncé, en entrée de jeu, ce qu’il souhaite nous présenter : « Voici comment fut engendré Jésus Christ ». Il est réellement le Fils de Dieu, et c’est seulement ainsi qu’il peut être notre Sauveur, et en même temps il entre dans notre histoire, et dans une famille, la descendance de David.

Comme le confirme saint Paul dans la lettre aux Romains que nous venons d’entendre : « Cet Évangile, que Dieu avait promis d’avance par ses prophètes dans les saintes Écritures, concerne son Fils qui, selon la chair, est né de la descendance de David et, selon l’Esprit de sainteté, a été établi dans sa puissance de Fils de Dieu. »

Tu lui donneras le nom de Jésus 

Alors qu’on donnait souvent à un enfant le nom de son père, l’ange demande à Joseph de lui donner le nom de Jésus, « qui veut dire Dieu sauve, car il sauvera son peuple de ses péchés ». Ce nom est tout un programme. Jésus est celui que Dieu nous envoie pour nous sauver !

Pendant ce temps de l’Avent, nous aimons invoquer et chanter la venue du Sauveur : Viens Seigneur, viens nous sauver !

Tout à l’heure, dans l’anamnèse, nous chanterons : « Notre sauveur et notre Dieu, viens Seigneur Jésus ».

Pour vraiment l’accueillir comme sauveur, il est bon de nous demander : de quoi ai-je besoin d’être sauvé aujourd’hui ? Qu’est-ce qui entrave mon chemin vers une paix profonde, un bonheur véritable, un amour authentique ?

Oui, viens Seigneur, viens nous sauver.

Il s’appellera Emmanuel, « Dieu avec nous »

Jésus reçoit un deuxième prénom, ou plutôt va réaliser cette prophétie d’Isaïe : « Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils, qu’elle appellera Emmanuel, c’est-à-dire : Dieu avec nous ». Ce petit pronom hébreu : « im », est tellement important. « Avec ». Dieu est avec nous.

Noël, c’est Dieu qui se fait « avec », avec nous, avec chacun de nous.

Dans toute sa vie, Jésus va réaliser cette prophétie, en proclamant la proximité de Dieu, qui est profondément avec nous.

Et les dernières paroles de Jésus dans ce même Evangile de Matthieu seront justement : « Et moi, je suis avec vous, tous les jours, jusqu’à la fin des temps ».

Comme il est bon pour nous que Dieu soit avec nous.

C’est d’ailleurs le plus beau souhait que nous pouvons nous adresser, et qui résonne à plusieurs reprises dans la liturgie : « Le Seigneur soit avec vous ! »

Et voici que nous pouvons nous aussi être « avec », avec Dieu et avec les autres. Ce « avec » exprime la relation. C’est ce qu’il y a de plus important. Nous l’avons tellement expérimenté, il y a deux ans, quand toutes les activités ont dû s’arrêter à cause du virus. L’important était les liens que nous avons tissés, pour pouvoir être tout simplement « avec ».

A nous d’être « avec » !

Merci, Seigneur, pour ta parole qui vient illuminer notre temps de l’Avent et notre préparation à Noël.

Merci, Seigneur, pour la venue de l’Emmanuel qui nous redit que tu es « avec » chacun de nous.

Merci pour Yeshouha, venu pour nous sauver.

Merci de nous permettre d’être nous aussi « avec » celles et ceux que tu as mis sur notre chemin, ou que tu nous confies.

Viens Seigneur Jésus, notre sauveur, nous t’attendons !

4e dimanche de l’Avent
Lectures bibliques : Isaïe 7, 10-16 ; Psaume 23 ; Romains 1, 1-7 ; Matthieu 1, 18-24

Homélie du 11 décembre 2022 (Mt 11, 2-11)

Abbé Pascal Desthieux – Basilique Notre-Dame, Genève

Regardez et soyez patients

Frères et sœurs, vous toutes et tous qui célébrez avec nous par la radio, c’est aujourd’hui le dimanche de la joie. Mais, actuellement… ce n’est pas vraiment la joie…
Nous vivons des moments difficiles, nous sommes tristes de ce qu’endurent nos frères ukrainiens.
Vous avez peut-être vu ces images bouleversantes de notre Pape François qui n’a pu retenir ses larmes en priant pour le peuple martyrisé d’Ukraine devant la statue de l’Immaculée Conception ce jeudi. A cela peut s’ajouter des souffrances personnelles et des problèmes de santé. Voyons comment ces lectures peuvent venir nous rejoindre et nous conduire vers la joie.

1.    Jean-Baptiste

Pour Jean le Baptiste, ce n’est pas la grande joie non plus… Il est en prison. Et il envoie ses disciples avec cette question surprenante : « Es-tu celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » Qu’est-ce qui lui arrive ?

  • Est-ce qu’il doute ? Ce serait étonnant de la part de celui qui a reçu la mission d’annoncer sa venue. Mais peut-être que Jean-Baptiste, comme les autres apôtres, en restait à une image d’un Messie fort et puissant qui nous libérerait de joug de l’occupant… Alors, il ne comprend pas comment il peut rester en prison alors que le Messie est là. Enfermé dans sa souffrance, il ne voit plus clair.
    • Autre hypothèse : comme il sent que ces disciples sont découragés, il les envoie directement vers Jésus pour qu’ils puissent bien se rendre compte par eux-mêmes de ce qu’il accomplit comme Messie.
    • Ou bien, tout simplement, de sa prison, il souhaite recevoir une parole de consolation.

2.    C’est notre question

Quoi qu’il en soit, nous nous sentons profondément rejoint par cette question, qui est peut-être notre cri, surtout quand nous souffrons : « Où es-tu ? Est-ce que tu es bien là Seigneur ?  Ne vois-tu pas que je souffre ? Pourquoi je ne sens plus rien, je ne ressens plus ta présence, je n’ai plus cette joie et cette paix que tu m’avais donnée ? »

Et devant les tragiques événements de notre terre, et particulièrement cette guerre interminable en Ukraine, et devant ces crises économiques et énergétiques, nous avons envie de crier : « Seigneur, tu ne vois pas que cela ne tourne pas rond ? Interviens, fais quelque chose, sors-nous de cette ‘prison’ ! »

La réponse de Jésus fuse, elle va nous éclairer tout spécialement dans notre temps de l’Avent. Je la résumerai en deux instructions : regardez et soyez patient.

3.    Regardez autour de vous !

Oui, ouvrez les yeux et regardez : « Les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés, les sourds entendent, les morts ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres. » Autrement dit : regardez autour de vous les signes de la Bonne Nouvelle, regardez ce qui se fait de bon, regardez ce qu’il y a de bon en celles et ceux qui vous entourent, regardez aussi ce que vous êtes capable de construire, de faire grandir. Regardez comment la Bonne Nouvelle est annoncée :  comment elle agit en vous, dans cette communauté qui se rassemble, dans ce lieu où vous vivez, et dans notre société profondément marquée par des valeurs chrétiennes, et qui a évolué au fil des siècles pour plus de justice.

Au cours d’une formation que nous avons suivie en début de semaine, l’animateur nous invitait à nommer dix bienfaits, même très simples, pour les « célébrer ». Je le fais désormais chaque soir, et goûte combien cela est bon !

C’est bien le sens profond de ce dimanche de la joie, Gaudete !, « Soyez toujours dans la joie du Seigneur ; réjouissez-vous, le Seigneur est proche ».

Oui, regardez encore plus profondément : le Seigneur vient, il est là au cœur de votre vie. Comme l’a dit le prophète Isaïe dans la première lecture : « Prenez courage, ne craignez pas. Voici votre Dieu. Il vient lui-même vous sauver ».

4.    Soyez patient !

En même temps, nous sommes invités à la patience. C’est l’apôtre Jacques qui nous y invite : « Frères, en attendant la venue du Seigneur, ayez de la patience ». Comme le cultivateur qui attend avec patience les produits précieux de la terre. Cela ne sert évidemment à rien de tirer sur la tige pour que l’épi pousse plus vite…

Le royaume de Dieu a déjà commencé par la venue de Jésus, mais il n’est pas encore pleinement accompli. Patience.

Cela me parle, car je manque parfois de patience. Ou j’aimerais trouver tout de suite la solution. S’il y a bien une chose que j’ai apprise pendant ces six années où j’ai été vicaire épiscopal de Genève, c’est cette sagesse de ne pas décider trop vite : une bien meilleure solution va pouvoir éclore, en temps voulu. Patience.

5.    Heureux d’être disciples du Christ

En attendant, heureux sommes-nous d’être des disciples du Christ. Jésus, après avoir vanté Jean-Baptiste comme étant le plus grand des prophètes, nous fait une formidable promesse : « cependant, le plus petit dans le Royaume des cieux est plus grand que lui ». Il nous est donné d’être plus grand encore que Jean-Baptiste, non parce que nous serions mieux que lui, ni par nos mérites, mais parce que nous avons été baptisés dans le Christ et que nous sommes sauvés par lui. Le Christ est en fait lui-même celui qui s’est fait le plus petit ; il nous entraîne à sa suite. A nous de nous faire petit et pauvre pour accueillir vraiment les paroles et le salut du Christ comme une Bonne Nouvelle !

Merci Seigneur pour ta parole qui nous fait vivre aujourd’hui encore. Merci pour ce dimanche de la joie.
Merci de nous inviter à regarder les signes du royaume, même si tout n’est pas encore parfait, même s’il n’est pas encore pleinement réalisé.
Merci de nous inviter à la patience.
Et merci de compter sur nous, pour que nous puissions nous aussi soulager des personnes qui souffrent, ouvrir des prisons, et surtout annoncer ta bonne nouvelle. Ce sera notre joie !

Que la Vierge Marie, que nous aimons invoquer en cette basilique Notre-Dame de Genève, nous aide à nous réjouir humblement des merveilles que le Seigneur fait pour nous. Il se penche vers nous, nous aime, nous délivre et nous relève.

Dimanche de Gaudete
Lectures bibliques : Isaïe 35, 1-10; Psaume 145; Jacques 5, 7-10; Matthieu 11, 2-11