Homélie du 9 avril 2023 (Jn 20, 1-9)

Abbé Bernard Allaz – Eglise Saint-Martin, Torny-le-Petit, FR


Oui, joyeuse et sainte fête de Pâque. Jésus est ressuscité, alléluia ! alléluia !
Il est vraiment ressuscité. Ayant la foi, ce ne peut être qu’un plus pour nous tous. Certitude que la vie vaut la peine d’être vécue. Que l’amour est éternel. En ce jour nous sommes portés par les chants de joie de notre chœur-mixte de Middes qui réunit plusieurs paroisses et par la vie de Saint Martin que nous révèle les vitraux de notre église de Torny-le-Petit. Que la joie éclate dans nos cœurs, non pour un moment mais pour l’éternité ! Mais voilà que le doute peut s’installer et nous devenons comme saint Thomas. N’oublions pas la béatitude que le Ressuscité nous a offerte : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. » (Jn 20, 29)

Des événements qui nous invitent à reprendre vie

Pendant 10 ans j’ai eu la joie d’enseigner la religion au CO de Domdider. Lorsque la fête de Pâques approchait, j’avais posé cette question : « Est-ce qu’il vous est arrivé de ressusciter ? Que quelqu’un vous ait ressuscité ? » Prenons quelques minutes en silence pour se souvenir ! Bien entendu un ou deux élèves répondaient immédiatement : « mais je n’ai jamais été mort. » Puis d’autres réponses arrivaient. « Oui, j’étais triste. Un téléphone de mon amie qui a besoin de moi et vite je vais chez elle. – Le chant d’un petit oiseau venu sur le bord de ma fenêtre. – Oui mille et un petits évènements nous invitent à reprendre vie. Les autres nous redonnent goût à la vie. Oui, il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie à l’exemple du Christ ressuscité. Ayons une foi vivante et rayonnante.

Ainsi nous sommes conduits sur le chemin de l’espérance. Charles Péguy l’appel : « La petite fille espérance ! » Elle nous offre comme un petit enfant son beau sourire. Elle est présente sur le chemin de notre vie. Elle nous invite à relever la tête et comme quand saint Martin a croisé le regard du mendiant, le regard de Jésus présent en l’autre et à être généreux par un moment de partage, par un sourire et pourquoi pas un geste concret de solidarité. Alors nous donnons vie et nous apportons la joie de Pâques à tous ceux qui nous entourent.

Se laisser rejoindre par le Christ sur notre chemin d’Emmaüs

Oui, il n’y pas de foi et d’espérance en la résurrection sans la charité, sans l’amour vrai du prochain. Saint Martin a eu sa vie bouleversée en partageant son manteau et il nous offre chaque année par sa fête l’été de la Saint-Martin, un jour plus chaud et dans le Jura un temps de rassemblement des familles et du partage, comme lors de notre bénichon. N’ayons pas peur ! Ne nous laissons pas envahir par les mauvaises nouvelles soyons créateurs d’amour. Venez contempler les vitraux de notre église. Laissez-vous émerveiller par les chants de notre chœur-mixte qui désirait vous offrir cette messe. N’oublions pas, si nous avons des doutes, de nous laisser rejoindre par le Christ sur notre chemin d’Emmaüs. Avez-vous chez vous la table de l’auberge ? Oui, bien sûr, c’est votre table de cuisine, là où chaque jour vous partagez le repas. Que votre joie se communique, que votre peine soit partagée et qu’un regard d’espérance vous conduise à donner votre vie, en aimant de tout votre cœur.
Vous avez peut-être un grand chagrin. Un proche est entré récemment dans la vie éternelle. Où est-il ? Il est avec la Petite Thérèse de l’Enfant Jésus et avec elle, il vous comble d’une pluie d’amour et saint Martin vous invite à vivre et à apporter de l’aide à vos proches et à être actif là où vous vivez.

Avec Maurice Zundel souvenons-nous : « La Résurrection du Seigneur, condition de la nôtre, qui se situe dans l’expérience de la transfiguration de notre chair pour la glorification de notre corps. Le sens de la Résurrection est donc de faire de notre vie une réalité divine. Il s’agit de ne point mourir, et de triompher de la mort aujourd’hui. »

Oui soyons des ressuscités ! Que la foi, l’espérance et la charité animent toute notre vie aujourd’hui et toujours. Amen, alléluia !

Résurrection du Seigneur
Lectures bibliques : Actes 10, 34-43; Psaume 117; Colossiens 3, 1-4; Jean 20, 1-9

Homélie du 7 avril 2023 (Jn 18,1-19,42)

Mgr Jean Scarcella – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice, VS

Mes sœurs, mes frères,
Si je lis le prophète Isaïe qui dit : “Qui donc s’est inquiété de son sort ?”, cela me fait froid dans le dos. Pourquoi ? Parce que, aujourd’hui encore, je pense que l’on pourrait dire, mais au présent cette fois-ci : Qui donc s’inquiète de son sort ? Oui, Dieu existe, oui Jésus a dû être un prophète ou en tout cas un homme qui a fait du bien durant sa vie. Oui on arrive même à dire qu’il a été martyrisé par les Romains sur insistance de ses contemporains. C’est vrai, on sait des choses sur Jésus. Mais le Jésus des images que l’on s’en fait, est-il le vrai Jésus, Fils de Dieu et Dieu lui-même ? Est-ce que notre époque s’inquiète suffisamment de Jésus, de son œuvre et de sa présence au monde ? Car en effet, si la lumière de Noël annonça la royauté pour les nations, les ténèbres du Vendredi Saint révélèrent la parfaite expression du salut pour la création.

Pourquoi Jésus est-il né chez les hommes alors qu’il était Dieu de toute éternité ?

L’Enfant Jésus de l’Incarnation est le Dieu Sauveur de la Rédemption. Et ces notions échappent à toute représentation qui pourrait être faite de Jésus, parce qu’on est dans la sphère du mystère. Mystère de l’Incarnation, tout en voyant un réel bébé naître dans l’étable de Bethléem, c’est vrai, et mystère de la Rédemption, dans la contemplation de la réalité d’un homme crucifié sur la croix du Calvaire. Mais quelle mission allait-il accomplir ? Pourquoi est-il né chez les hommes alors qu’il était Dieu de toute éternité ? Là est la question fondamentale qui se résout dans la méditation de la mort et de la résurrection du Christ.

Jésus est le grand prêtre s’offrant en victime, portant les péchés du monde

Isaïe nous a présenté celui qu’il appelle le Serviteur Souffrant, dans sa prophétie du Jésus aux outrages qui, en croix, réalise l’espérance d’Israël, son peuple, et qui est finalement celle de toute l’humanité. Sur la croix Jésus remet sa vie en sacrifice de réparation, il est le grand prêtre s’offrant en victime, portant les péchés du monde et devenant, pour tous ceux qui croient et croiront en lui, “pour tous ceux qui lui obéissent, la cause du salut éternel”. Ainsi dit alors Isaïe : “Mon serviteur réussira, il s’élèvera, il sera exalté”. Dans ces trois mots du prophète nous trouvons la merveilleuse description fidèle et détaillée, du ministère, du caractère, et de la Gloire du Messie. Il réussira, dans le sens hébraïque de ‘il sera attaché et ligoté’, comme l’animal qui va être sacrifié et que l’on pourra voir ; ainsi sera-t-il élevé sur le bois du sacrifice, l’ignominieuse croix du supplice, et en même temps trône de sa gloire, d’où il sera exalté en sa résurrection.

La force du don que Jésus fait de sa vie pour nous délivrer du Mal et nous ouvrir la voie de la vraie Vie, fut donc de passer par la douleur et la souffrance, (“ses blessures par lesquelles nous sommes guéris”), “faisant retomber sur lui nos fautes à nous tous”, dit encore le prophète. Son sort fut donc de nous justifier, lui qui était “compté avec les pécheurs, alors qu’il portait le péché des multitudes et qu’il intercédait pour les pécheurs”, nous dit l’auteur de la Lettre aux Hébreux. Oui, Notre Seigneur a accepté notre condition humaine, excepté le péché, pour l’anéantir, et dès lors nous former à sa ressemblance pour l’éternité.

Vendredi Saint
Lectures bibliques : Isaïe 52,13-53,12 ; Psaume 30 ; Hébreux 4,14-16 ; 5,7-9 ; Jean 18,1-19,42

Homélie du 2 avril 2023 (Mt 26, 14 – 27, 66)

Abbé Jean-Claude Dunand – Eglise Saint-Jean-Baptiste, Gland VD

Nous voici entrés, ensemble, dans la Semaine sainte. Une semaine pour nous souvenir des derniers moments de la vie de Jésus. Sept jours pour suivre le Christ depuis son entrée triomphale à Jérusalem jusqu’à sa résurrection, en passant par son dernier repas avec ses amis durant lequel il leur lava les pieds, puis son arrestation, son procès, sa crucifixion et sa mort sur la croix. Toute une semaine pour nous rappeler ces événements si importants qui nourrissent notre foi et qui ont marqués l’histoire de l’humanité.

La dernière semaine de Jésus commence avec son entrée triomphale dans la ville de Jérusalem. Il ne se présente pas comme quelqu’un de puissant, comme une star mondialement connue. Il est humblement assis sur un petit âne. La foule l’acclame comme le Messie : « Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! » La ville, elle, s’interroge : « Qui est cet homme ? » La foule répond : « C’est le prophète Jésus, de Nazareth en Galilée. »

Prendre un rameau en main, c’est affirmer que la fête d’aujourd’hui n’est pas qu’un souvenir. Un rameau, c’est bien plus qu’un objet de piété qui nous apporterait protection et bénédiction. Rapporter un rameau à la maison, c’est inviter Jésus chez soi, c’est lui ouvrir la porte de son cœur, c’est le reconnaître comme le Sauveur, le ressuscité. Il demeure au milieu de nous. Tenir un rameau dans nos mains, c’est aussi reconnaître le serviteur souffrant Jésus, annoncé par le prophète Isaïe, déjà très tôt !

Jésus n’a pas triché avec la condition humaine

Jésus ne s’est pas dérobé devant la condamnation à mort. Il a accepté de donner son sang sur la croix pour toute l’humanité, il nous révèle ainsi la grandeur de l’amour de Dieu. Il a connu une mort atroce. Crucifier Dieu, admettons-le, c’est impensable.
Et quand Jésus crie : « Pourquoi m’as-tu abandonné ? », son Père reste silencieux. Des passants l’injuriaient en disant « Toi qui détruis le Sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même, si tu es Fils de Dieu, et descends de la croix ! »
Et aujourd’hui combien disent : « si Dieu existait vraiment, il n’y aurait pas tant de malheur et de souffrance ».
Jésus n’a pas triché avec la condition humaine. Depuis sa naissance, il a voulu vivre pleinement la vie humaine jusque dans ses plus grandes difficultés et souffrances. Nous ne croyons pas en Dieu pour expliquer le mal, mais pour le combattre avec lui. En traversant la mort, et non en l’évitant, Jésus nous donne la VIE.

Saint Paul nous a dit dans la 2e lecture « C’est pourquoi Dieu l’a exalté : il l’a doté du Nom qui est au-dessus de tout nom ». Le Père a exaucé la prière de son Fils : il l’a ressuscité. Tenir un rameau en main, c’est affirmer cette espérance. C’est aussi marcher avec le Christ sur le chemin de l’amour. C’est garder confiance en Dieu dans les moments difficiles. Chez soi, mettons un rameau bien en vue et rappelons-nous jusqu’où est allé l’amour de Dieu pour nous.
Osons-le dire. Bonne Semaine sainte !



Messe des Rameaux et de la Passion
Lectures bibliques : Isaïe 50, 4-7; Psaume 21; Philippiens 2, 6-11; Matthieu 26, 14 – 27, 66 (Procession des Rameaux : Matthieu 21, 1-11)

Homélie du 26 mars 2023 (Jn 11, 1-45)

Eric Monneron, diacre – Eglise Saint-Jean-Baptiste, Gland

Il y a quinze jours, vous vous en souvenez, nous étions invités à contempler le dialogue de Jésus avec la femme de Samarie dans lequel Jésus se révélait comme la source d’eau vive. La semaine dernière, nous entendions le dialogue de Jésus et de l’aveugle-né. Jésus se manifestait alors comme la lumière du monde, comme la lumière véritable. Aujourd’hui, dans ce dialogue avec Marthe et Marie, la révélation culmine à son sommet. Jésus se révèle comme « la Résurrection et la Vie ». Et cette Bonne Nouvelle, il nous faut l’accueillir.

Quand Jésus se présente comme « la Résurrection et la Vie », nous sommes tournés vers sa divinité ; mais ce qui est frappant dans ce passage de l’évangile selon saint Jean, c’est la manière dont sont étroitement mêlées la divinité de Jésus et son humanité.

Dans ce passage, saint Jean nous montre vraiment que Jésus est pleinement homme et pleinement Dieu. Qu’il est vrai homme et vrai Dieu. Son humanité transparaît à travers l’amitié qu’il noue avec Marthe, Marie et Lazare.

D’ailleurs, à plusieurs reprises, l’évangéliste précise que Jésus les aimait…

Toute l’humanité de Jésus nous est présentée

Les deux sœurs font dire à Jésus : « Celui que tu aimes est malade. » Il sera profondément ému de la peine des deux sœurs. Il sera bouleversé en approchant de la tombe de son ami Lazare et il pleurera. Toute l’humanité du Christ Jésus nous est présentée ici et c’est dans la plénitude de cette humanité, rejoignant notre propre humanité, qu’il va pouvoir se révéler comme « Résurrection et Vie ».

Mais avant d’aller plus loin dans cet évangile, arrêtons-nous quelques instants sur cette phrase : « Seigneur, celui que tu aimes est malade. »

Cette prière que Marthe et Marie font à Jésus peut nous mettre chacun et chacune sur un chemin de conversion par rapport à nos prières d’intercession et à nos demandes.

Bien souvent, quand nous faisons des prières d’intercession, sans nous en rendre compte, nous donnons des ordres à Dieu : « Fais ceci ; fais cela ; donne la guérison à telle personne ; fais que telle personne ait du travail ; fais que mon petit-fils ait son diplôme ; etc. » Finalement nous donnons des ordres à Dieu pour qu’il soit à notre service.

Evangéliser nos prières d’intercession

Saint Jean de la Croix, dans son Cantique Spirituel, nous indique de quelle manière intercéder. Il nous donne d’abord l’exemple de la Vierge Marie à Cana qui se contente de présenter la situation : « Ils n’ont plus de vin. » ; puis il évoque notre passage : « Les sœurs de Lazare, au lieu d’envoyer demander au Sauveur la guérison de leur frère, se bornèrent à lui représenter que celui qu’il aimait était malade. ».

Il s’agit donc de présenter simplement la situation pour que Dieu puisse agir selon les desseins de son amour ; que son Règne puisse advenir dans cette situation ; pour que son Nom soit sanctifié dans cette situation… Il y a là un chemin de conversion de nos mentalités et de nos manières de faire pour évangéliser nos prières d’intercession.

Jésus accueille la demande, mais malgré les sentiments d’affection qu’il nourrit à l’égard de Lazare, il va attendre deux jours avant de se mettre en route.

Deux jours pour permettre à l’œuvre de Dieu de se manifester…

Jésus donne à ses disciples un premier enseignement en leur parlant de la mort comme d’un sommeil, comme d’un temps de passage entre cette vie et la vraie Vie.

Sur les pierres tombales de nos cimetières, nous pouvons lire : « Ici repose… », laissant bien entendre que, pour nous chrétiens, la mort n’est qu’un temps de sommeil dans l’espérance d’un éveil.

Cet enseignement de Jésus est très important. L’épître aux Hébreux affirme que Jésus est venu « affranchir tous ceux qui, leur vie entière, étaient tenus en esclavage par crainte de la mort ».

Consentir à notre être mortel

Avouons, frères et sœurs, que parfois nous sommes bien souvent tenus en esclavage par crainte de la mort. Nous n’envisageons pas spontanément notre mort comme un sommeil, comme un passage vers le Père. Nous avons sur ce point à vivre une profonde conversion au plus intime de notre être, pour consentir à notre être mortel, à l’être mortel de nos proches, mais avec cette certitude de foi que la mort n’est qu’un sommeil qui débouche sur la plénitude de la vie.

Jésus revient à Béthanie avec ses disciples et rencontre d’abord Marthe qui affirme sa foi en la Résurrection aux derniers jours. Mais Jésus lui affirme : « Moi, je suis la Résurrection et la Vie, tout homme qui vit et qui croit en moi ne mourra jamais. »

Cette parole est très importante car Jésus nous indique que, si nous avons foi en lui, nous ne ressusciterons pas simplement aux derniers jours mais que nous sommes déjà ressuscités.

Oui, Dieu ose dire qu’il ouvrira nos tombeaux et nous en fera remonter.

Frères et sœurs, est-ce que vous vous sentez être des ressuscités ? Est-ce que déjà cette Vie nouvelle est à l’œuvre en vous ? à l’œuvre en nous ? Est-ce que nous avons pleinement conscience que la grâce du baptême nous a fait mourir au péché pour renaître en Christ ? Est-ce que nous cherchons à faire en sorte que ce germe de vie divine, de vie ressuscitée, puisse s’épanouir dans toutes les fibres de notre être.

Nous sommes déjà des Ressuscités ! Nous le deviendrons pleinement quand nous serons passés par la mort ; mais nous sommes déjà ressuscités avec le Christ puisque nous croyons en lui et que nous vivons de lui, nous nourrissant de son Corps et de son Sang dans cette Eucharistie qui est le mémorial de son Mystère Pascal. Répondrons-nous comme Marthe : « Oui, Seigneur, je crois. » ?

Puis le texte évoque Jésus pleurant silencieusement, une attitude magnifiquement humaine… Et après s’être tourné vers son Père dans l’action de Grâce, il « éveille » son ami Lazare.

La description qui est faite de la « résurrection » de Lazare nous renvoie à la Résurrection du Christ Jésus mais avec de notables différences.

La grotte dans laquelle gît Lazare est fermée par une pierre, alors qu’au matin de Pâques, la pierre du tombeau de Jésus a été roulée. Le corps de Lazare sent déjà, alors qu’au matin de Pâques pas d’odeur, car le tombeau sera vide. Les bandelettes enserrent encore les membres de Lazare et le suaire couvre son visage lorsqu’il sort de son tombeau. Au matin de Pâques, Pierre et Jean, entrant dans le tombeau vide, découvriront les bandelettes rangées et le suaire posé à part.

Cela nous rappelle qu’il n’y a qu’une Résurrection véritable, celle du Christ Jésus au matin de Pâques ; et c’est en lui, et en lui seul, que nous ressusciterons pleinement et véritablement.

Alors, oui, frères et sœurs, dans cette perspective, il faut vivre en enfants de lumière ! Dans ce contexte de Résurrection, le Christ Jésus nous appelle à demeurer inébranlables dans la foi ! Alors, il faut également continuer à être les témoins quotidiens de son amour inlassable pour l’humanité entière ! Travaillons sans relâche « pour la gloire de Dieu et le salut du monde ! ». Ainsi, nous pourrons redire avec confiance les paroles du psalmiste :

« J’espère le Seigneur de toute mon âme ;
Je l’espère, et j’attends sa parole.
Mon âme attend le Seigneur
Plus qu’un veilleur ne guette l’aurore. » (Ps.129)

Amen.

5e Dimanche de Carême
Lectures bibliques : Ezékiel 37, 12-14 ; Psaume 129 ; Romains 8, 8-11 ;  Jean 11, 1-45

Homélie du 19 mars 2023 (Jn 9, 1-41)

Chantal Rapin, pasteure de Gland, Vich, Coinsins – Eglise Saint-Jean-Baptiste, Gland

« Rabbi qui de lui ou de ses parents a péché pour qu’il soit né aveugle ».

C’est par cette interrogation des disciples à Jésus que débute notre récit. Leur question découle de la théologie de la rétribution qui considère la maladie comme la conséquence du péché. Ici, soit par les parents de l’aveugle de naissance soit par l’embryon lui-même dans le ventre de sa mère. Une telle interprétation de la maladie possède pour tous ceux qui ne sont pas concernés quelque chose de rassurant. Ainsi la maladie ne serait pas le fruit du hasard mais bien la conséquence d’une manière d’être au monde. Pour l’éviter, il suffirait de ne pas pécher.
Ce lien de causalité entre le péché et la maladie Jésus ne le cautionne pas : « -Ni cet homme ni ses parents n’ont péché dit-il. Et Jésus de poursuivre : « – C’est pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui ». Une phrase énigmatique sur laquelle je reviendrai.

Dès lors, la guérison de notre aveugle est le début d’une histoire dans laquelle chacune des rencontres qu’il fait le conduit à découvrir peu à peu le voile sur l’identité tant de celui qui l’a guéri que de la sienne, nouvelle. Plus le brouillard se dissipe pour notre homme plus celui des pharisiens s’épaissit ; eux qui restent comme pétrifiés dans un passé représenté par la loi de Moïse, qui désormais doit être mesuré à l’aulne de la venue du Christ.

Deux questions

Au cœur des échanges, deux questions reviennent comme un refrain. Elles constituent le fil rouge du récit et de sa compréhension. La première porte sur la manière dont la guérison a été effectuée ; quant à la seconde elle a à voir avec l’identité de Jésus et paradoxalement avec celle de l’aveugle guéri. Comme si la guérison avait eu comme conséquence de modifier quelque chose tant du côté de son auteur que de celui qui en bénéficie. D’ailleurs, eux qui l’ont toujours connu aveugle sont les premiers à le ressentir, ils s’exclament à la vue de notre homme :
« – C’est lui dit l’un ! »
« – il lui ressemble !», crie un autre.
« C’est moi » répond notre homme »
Chacun dit vrai, car une des conséquences de la guérison effectuée est bien de l’ordre de la modification de l’être profond tant de celui qui la donne que de celui qui la reçoit. Quant au, questionnement des voisins il concerne autant le comment de la guérison que l’identité de son auteur. Ils souhaitent rencontrer, Jésus mais il a disparu.
Aussi, ils conduisent l’ex-aveugle vers les pharisiens ; la guérison a eu lieu le jour du shabbat. Elle en signe la transgression ; or un bon juif se doit de respecter la loi de Moise qui veut que ce jour-là aucun travail ne soit effectué. Procéder à une guérison, c’est de fait devenir pécheur. Jésus l’est pour eux. Mais leur constat pose davantage de question qu’il n’en résout. Comment comprendre que Jésus, un pécheur a pu guérir notre aveugle né sans être un envoyé de Dieu ?

Un questionnement qui fait débat

Et ce questionnement fait débat entre les personnes présentes. A ce moment de l’histoire précisons que Jésus représente un danger suffisamment important pour que les pharisiens menacent d’exclusion de la synagogue quiconque reconnaît en Jésus, le Christ. Il suffit de se rappeler leur puissance pour réfléchir à deux fois avant d’oser les défier. Dès lors tant la prudence des voisins qui ont conduit l’aveugle guéri auprès d’eux que celle dont témoignent les réponses de ses parents sont compréhensibles.
Quant aux pharisiens, c’est bien la question de l’identité de celui qui l’a opérée qui les préoccupe En témoignent les questions qu’ils posent à notre homme :
« Pour toi qui est-il ? »
Lui d’’affirmer « – C’est un prophète ».
Dans ce temps-là les prophètes sont nombreux, aussi notre homme ne prend que peu de risques.
Sa réponse ne suffit pas aux pharisiens qui doutent toujours de la réalité de la guérison. Bien que nés voyants ils sont toujours dans l’obscurité. Pour y voir plus clair, ils font venir les parents de l’infirme de naissance.
« – Est-ce bien votre fils ? Celui qui est né aveugle ? Comment se fait-il qu’il voie maintenant ? » Si pour les parents il est aisé de témoigner qu’il s’agit de leur enfant, il leur est plus délicat d’expliquer le comment de la guérison, au vu de la crainte qu’ils éprouvent face aux pharisiens.
Aussi se montrent-ils très réservés. Comme leur fils est adulte, ils les renvoient vers lui pour en savoir davantage.
Lors de ce second échange, les pharisiens se montrent plus incisifs dans leur dialogue avec notre ancien aveugle. Rapidement après avoir répété leur fidélité à Moïse, ils posent un jugement sur Jésus. Ecoutons -les :
« Donne gloire à Dieu, nous savons nous que cet homme est un pécheur ».
Face au savoir inébranlable des pharisiens sur la nature pécheresse de Jésus, notre homme oppose son ignorance :
« Je ne sais pas si cet homme est pécheur dit-il » et lui de témoigner de ce qu’il connait pour l’avoir vécu :
« – Je sais une chose : j’étais aveugle et maintenant je vois ».
Sa réponse leur déplaît. Ils lui demandent de raconter une nouvelle fois comment la guérison s’est déroulée. Mais notre homme prend de l’assurance. « – Auraient-ils oublié qu’il leur a déjà tout expliqué ? » Il fait même de l’ironie et sous-entend que si certains sont aveugles de naissances d’autres pourraient connaître des problèmes de surdité.
« – Se pourrait-il qu’ils veuillent eux aussi devenir des disciples de ce Jésus ? » ? et il poursuit :
« Dieu n’entend pas les prières des pécheurs et jusqu’à ce jour personne n’a guéri un aveugle de naissance, alors comment pouvez-vous être à ce point aveugle pour ne pas voir que cet homme vient de Dieu ? ».
Cette provocation est de trop pour les pharisiens qui le jettent dehors.

Confession de foi qui résulte d’un cheminement personnel

Ayant appris la nouvelle, Jésus vient à sa rencontre. Leur échange lui donne l’occasion de confesser sa foi dans le fils de Dieu, par qui les œuvres de Dieu sont manifestées. C’est à genoux que notre aveugle guéri dira : « -Seigneur, Je crois. ».
Sa confession de foi résulte d’un cheminement personnel qui n’a rien à voir avec celui des pharisiens qui s’enferment dans leur savoir.
Notre aveugle de naissance n’avait rien demandé et pourtant il a été guéri par Jésus. Devenu voyant, il n’en était pas moins dans le brouillard tant sur ce qui lui était arrivé que sur l’identité de Jésus. Les questions qui lui sont posées le conduisent à murir sa réflexion sur l’identité de son sauveur. Après l’avoir désigné comme un prophète (parmi d’autres) puis prenant de l’assurance il défie les pharisiens en les traitant successivement d’aveugles puis de sourds. Plus tard face à Jésus c’est naturellement qu’il confesse à genoux sa foi dans le fils de l’homme, son Seigneur. Ce que son cœur resté dans le noir ne pouvait voir, alors même qu’il a quitté le monde de la nuit, les questionnements de ceux qui l’entourent le conduisent à révéler la lumière de Dieu en lui.

Au début de ce message après avoir réfuté toute implication des parents de l’aveugle de naissance ou de l’infirme lui-même, Jésus poursuivait avec cette phrase sur laquelle j’ai promis de revenir vu son enjeu. « – c’est pour que les œuvres de Dieu soient manifestées en lui. » a dit Jésus. Nous faut-il comprendre que Dieu possède quelque chose de sadique et que la maladie, le mal, la souffrance serait imposée à l’être humain pour que Dieu puisse montrer sa puissance et ainsi intervenir dans nos vies ?
Certes non ! Ce que ce verset veut nous dire est de l’ordre de la direction vers laquelle nous devons regarder pour voir pointer la lumière de la Vie. Regarder en arrière, s’obstiner à vouloir trouver l’origine, l’explication de ce qui nous arrive lorsque nous sommes touchés par la maladie ou que le malheur s’abat sur nous, ne sert à rien. Nous ne pouvons ainsi que renforcer la nuit dans laquelle nous nous trouvons. Appliquant comme Jésus de la boue sur nos yeux déjà aveuglés par le chagrin et l’incompréhension. Parvenir à nous tourner non malgré, mais bien avec tout ce notre vie peut contenir comme incompréhension et souffrance vers un avenir qui est au-devant de nous, c’est ouvrir la porte à tous les possibles. C’est aller nous laver les yeux à la piscine de Siloé et voir peu à peu la lumière de l’amour de Dieu se manifester en nous à travers notre chemin vers demain. Ainsi les œuvres de Dieu sont complètes. Amen

4e Dimanche de Carême, de Laetare
Lectures bibliques : 1 Samuel 16, 1-13; Psaume 22; Ephésiens 5, 8-14; Jean 9, 1-41