Homélie du 21 août 2022 (Lc 13, 22-30)

Chanoine José Mittaz – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

Chers frères et soeurs,
Qu’est-ce que ça vous fait quand vous entendez cette parole de Dieu : « Quand le Seigneur aime quelqu’un, il lui donne de bonnes leçons » ? Pas certain que ça nous donne envie de se rapprocher du Seigneur. Reconnaissez quand même que tout est affaire d’intonation. Si je vous dis cette même phrase mais comme on dit un bonjour, à la manière dont on accomplit une bonne œuvre ou comme à chaque jour de création quand Dieu vit que cela était bon, ça change la perspective. Je vous invite donc à reconnaitre l’engagement du Seigneur en nos vies, un engagement qui est bon, qui fait du bien. D’ailleurs, l’auteur de la lettre aux Hébreux a certainement perçu qu’on pouvait mal comprendre la référence à l’Ecriture puisqu’il dit : « Vous avez oubliez cette parole de réconfort ». Si je ne l’entends pas comme une parole de réconfort, cela veut dire que je n’ai pas bien entendu.

Et qu’est-ce-qui fait qu’une leçon, on ne l’oublie pas ? Tout ceux qui sont dans l’enseignement le savent, c’est en invitant à répéter. On apprend par répétition.

Hier, dans les jardins de l’évêché du diocèse de Sion, nous avons vécu une messe des familles où il y avait la bénédiction des cartables de tous ces enfants qui reprenaient le chemin de l’école. Les cartables plus jolis les uns que les autres ! J’ai posé la question aux enfants : « Qui trouve que son cartable est joli ? » Beaucoup de mains se sont levé. J’ai posé la question : « Qui aime faire ses devoirs et ses leçons ? » Pas mal de main se sont quand même levées, je tiens à vous rassurer. Mais peut-être que l’enjeu d’un joli cartable, c’est d’avoir plus de courage et de réconfort au moment où il faut en sortir ses devoirs et ses leçons. Traduction pour nous aujourd’hui : Quand nous sommes face aux exigences de la vie, c’est important de savoir comment on va environner ses exigences de la vie.

Transfigurer ce qui est misère en lumière

J’aime beaucoup cette parole de Mère Teresa qui dit : « Les sœurs disent de moi que je souris tout le temps. Si elles savaient combien ce sourire est un manteau à l’intérieur duquel je couvre ma misère ». Chaque mot est important. Pas un sourire qui cache la misère. Ça ne serait pas le même sourire. Mais un sourire qui couvre la misère. Autrement dit, qui peut la transfigurer. Je crois que Dieu nous apprend à transfigurer ce qui est misère en lumière. Ensuite, j’ai invité les enfants à faire de la conjugaison. Je … mes devoirs. Je fais mes devoirs. Très bien. Je … mes leçons. J’apprends mes leçons. Dieu ne nous donne pas de devoir mais il « nous apprend les chemins de la vie ». Comme dit le psaume 15 : « Devant ta face, débordement de joie, à ta droite, éternité de délices. » Mais c’est sûr qu’apprendre c’est difficile. Et Dieu pour nous apprendre, il passe par les uns et les autres. Comme les parents était présents à cette messe avec les enfants, j’ai demandé aux enfants : « Qu’est-ce-que vous comme enfants vous apprenez à vos parents » ? Un enfant avec un large sourire tout de suite lève la main et dit : la patience. Croyez bien que ce n’est pas toujours facile pour les parents. Les leçons de Dieu données par les enfants au service de la patience des parents, pas tout simple !

Nous sommes en apprentissage

Dans l’évangile d’aujourd’hui, on termine par nous dire qu’il y a des premiers qui seront derniers et des derniers qui seront premiers. Le propre des derniers, c’est de ne pas avoir la prétention d’être premier. La tentation des premiers c’est de se savoir premiers. Si le Seigneur nous donne des leçons (oui, c’est un cadeau), je dirais que la première leçon que nous avons à apprendre est justement que nous sommes en apprentissage. Or, la tentation est parfois grande d’être sûr de savoir :  nous savons qui est Dieu. Nous savons vivre. Nous savons ce qu’est le bien. Nous savons ce qu’est le mal. Permettez-moi de mettre quelques doutes.

Toute ma vie, en fait, j’apprends à vivre. Cette expérience-là, je l’ai expérimenté d’une façon bouleversante. Il y a un peu plus d’une année, j’ai eu la joie d’aller au Maroc dans l’unique communauté monastique de Midelt où, en terre musulmane, vivait le dernier survivant, frère Jean-Pierre, des moines de Tibhirine. J’ai pu le rencontrer quelques mois avant sa mort. Auparavant, nous avions marché quelques jours pour nous préparer le cœur. Nous avons voulu rentrer par la porte étroite, donc nous avons cherché à préparer notre cœur pour pouvoir être accueillis dans ce monastère. Et moi, je me suis préparé en voulant poser à ce moine d’environ 95 ans une seule question, évidemment un peu provocatrice : Comment voyez-vous votre avenir ? Et ce moine qui était courbé, plus courbé que les voutes d’une église romane, me répondit : « Voyez-vous, je ne peux plus rendre service à la communauté, je ne peux plus rien faire, je n’ai plus la force. Alors maintenant, j’apprends à prier. Je suis un apprenti de la prière ». Voilà toute sa vie, il arrive au soir de son existence et il se met en posture où il apprend. C’est une leçon de Dieu pour chacune et pour chacun d’entre nous.

Par la même occasion, je souhaite vous partager une deuxième leçon de Dieu. J’ai eu la possibilité d’aller visiter une personne originaire d’un pays du Maghreb en prison. Vous savez combien dans ces pays du Maghreb, où les moines de Thibhirine sont aussi présents et où vivent nos frères dans la foi d’Abraham, les musulmans, combien l’accueil et l’hospitalité sont importants, ça fait partie intégrante de leur tradition. Et j’ai été visité ce monsieur exclu dans sa prison. Je rentre, je lui dis bonjour, il me dit bonjour, on se serre la main puis, selon cette belle tradition des gens de là-bas, il met la main sur son cœur. Alors je mets la main sur mon cœur. Avec un grand sourire, je lui dis « Shukran », c’est-à-dire merci en sa langue. Peut-être que la porte étroite dont nous parle l’Evangile se situe justement là. Et juste après, il me dit : « Vous voulez un café » ? En fait, je venais d’en boire un avec un autre aumônier quelques minutes avant. Mais devant sa proposition, j’ai dit tout de suite oui. Avec son unique tasse, il est allé dans l’unique lavabo la nettoyer. Il ne m’a pas dit : « Tiens ou tenez la poudre, elle est là ». Non. Il a lui-même mis le café, il a versé l’eau, il a brassé un moment comme s’il me cuisinait un repas. En fait, il a fait de ce café un « Sois le bienvenu ». Je représentais le pays qu’il l’excluait et dans son lieu d’incarcération, il me dit « Sois le bienvenu ». J’entends très concrètement en moi résonner l’Evangile de la Saint-Bernard : « J’étais en prison et tu m’as visité. »

Le porteur de Dieu, ce n’est pas celui qui visite, pas moi, c’est lui. Cela rejoint aussi ce que disait Monseigneur Teissier, évêque d’Alger : « Evangéliser l’autre, ça n’est pas évangéliser l’autre sinon on transmet de nouveau un savoir à celui qui ne sait pas. Evangéliser l’autre, c’est évangéliser sa manière d’aller à l’autre ». L’Evangile n’est pas d’abord un message à transmettre. C’est une présence à vivre. Cette présence, elle est bonne nouvelle. La vôtre, vous qui êtes ici réunis à l’hospice du Grand-Saint-Bernard ce matin, la vôtre, chers amis qui nous écoutez depuis votre lieu de vie, depuis là où vous êtes et dans les évènements que vous vivez. Que cette célébration nous soit un réconfort parce que la leçon de vie n’est jamais facile à accueillir. Mais seul peut bien vivre celui qui a été d’accord d’apprendre les leçons de la vie. Quand vous sentez aujourd’hui le prix de votre présence, rappelez-vous dans votre histoire, quelles épreuves vous avez traversées et qui ont affiné qui vous êtes aujourd’hui.

Comment le chemin parcouru de votre vie vous a permis, grâce à l’amour de Dieu et à sa présence, de vous laisser transfigurer pour que vous soyez, le plus souvent à votre insu, visage de ce Dieu qui nous aime ?

21e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Isaïe 66, 18-21; Psaume 116; Hébreux 12, 5-13; Luc 13, 22-30

Homélie TV du 15 août 2022, Assomption (Lc 1, 39-56)

Mgr Nicola Zanini – Eglise Santa Maria Assunta, Giubiasco TI

Au cœur de l’été, lorsque, poussés par le temps libre des vacances, nous prenons à juste titre davantage soin de nous et nous nous distrayons de notre routine quotidienne de travail, avec l’Église célèbre la Pâque de Marie. Une solennité qui s’inscrit bien dans ce temps, car elle ouvre une perspective « régénératrice » pour notre parcours souvent fatiguant.

La liturgie d’aujourd’hui nous conduit puissamment à lever les yeux et l’attention vers le haut, vers les cieux éternels, où Marie est montée « en corps et en âme ».
Dans la prière d’ouverture, avant d’écouter la Parole de Dieu, nous avons chanté : « Fais-nous (Seigneur) vivre dans ce monde en étant constamment orientés vers les biens éternels ». C’est la première lueur qui nous est donnée en cette solennité : diriger nos pas vers un but, les biens éternels ; et désirer ce but !

La perspective du but ultime

Søren Kierkegaard, philosophe danois, profond connaisseur de l’âme humaine et honnête homme de foi, soutenait que la chose qui fait le plus défaut à notre époque est l’éternel. C’est un peu comme un bateau de croisière, explique Kierkegaard, sur lequel les passagers, ayant perdu le souvenir de leur destination, sont incapables d’entendre une autre voix que celle qui annonce continuellement le menu du jour. Il a beaucoup à dire le capitaine du navire sur les indications de la route : rien à faire, la seule chose qui intéresse les passagers, c’est la nourriture et les divertissements à bord. N’est-ce pas ce qui nous arrive à nous aussi ? Nous risquons de perdre la perspective du but ultime et de retomber dans des choix à courte vue, liés à l' »ici et maintenant ».

C’est pourquoi notre chemin devient fatigant, là où le dragon rouge, qui nous est présenté dans le livre de l’Apocalypse, semble être victorieux. Aujourd’hui, en contemplant Marie montée au ciel, c’est comme si nous étions amenés au seuil de la porte de l’éternité et que nos yeux pouvaient apercevoir quelque chose de l’éternel. C’est ainsi que nous sommes aidés à ne pas perdre l’horizon du but qui se trouve devant nous, à vivre le temps qui nous est donné dans le dévouement, la confiance et l’espoir.

Nous sommes invités à ne pas perdre la beauté et le but pour lesquels nous sommes faits, afin de ne pas être capturés et emprisonnés par ce qui est éphémère. La destination vers laquelle nous cheminons, et qui nous est une fois de plus dévoilée aujourd’hui, nous donne force et espoir, car elle nous fait découvrir que rien ni personne ne peut étancher notre soif de grandeur, si ce n’est le Dieu de la vie, pour toujours.

Une fois de plus, nous dit le Magnificat, personne n’est assez petit pour ne pas être important et personne ne peut se sentir assez vil pour ne pas connaître la miséricorde et le pardon.

Mes chers amis, ne nous égarons pas ! La vie ne peut jamais être un pèlerinage sans destination ou une navigation sans port. Et soyons-en certains : aucun dragon rouge ne sera victorieux, car comme nous l’annonce Jean dans la première lecture, « le salut est accompli, la puissance et le règne de notre Dieu et la force de son Christ ».

Le regard vers le haut, là où l’Assomption nous conduit, est aussi providentiellement et paradoxalement conduit vers le bas aujourd’hui. Nous sommes invités à lever notre regard vers le ciel pour goûter à l’éternité, au salut et à l’espoir, mais aussi à apprécier davantage notre vie, notre terre, un jardin créé pour nous tous. Nous nous élevons vers Dieu pour honorer l’homme et la femme, dans leur intégralité : âme et corps.

Trop souvent, nous entendons et lisons l’Évangile comme un message de salut pour l’âme, au détriment du corps. Mais il ne doit pas en être ainsi. Aujourd’hui, nous célébrons Marie, qui est maintenant au ciel, avec son âme et son corps. Tout comme chacun d’entre nous l’est maintenant: fait d’une âme et d’un corps. Et ainsi nous serons à nouveau transfigurés dans l’éternité.

La vie divine ne fait qu’un avec la vie corporelle

La préface de cette liturgie nous le suggère clairement : « aujourd’hui, la Vierge Marie, Mère de Dieu, est montée au ciel… comme prémices et image de l’Église ». Soyons donc reconnaissants pour la solennité de l’Assomption ! Elle constitue, en quelque sorte, l’une des preuves les plus rassurantes de la crédibilité du christianisme et du grand mystère de l’Incarnation : la vie divine qui ne fait qu’un avec la vie corporelle.

Cela signifie que cette vie qui est la nôtre, bien que fatigante et minée par « les sept têtes du dragon rouge » de la guerre, de la faim, de la souffrance d’un proche malade ou des divisions dans la famille,… cette vie qui est la nôtre, bien que fatigante, a la possibilité d’être une vie pleinement humaine, parce que le divin brille en elle. Et le divin et l’éternel en nous est tout sauf invisible : il devient perceptible et concret dans les caractéristiques très personnelles de notre corps.

L’âme d’une personne, en effet, ne peut être vue que par ses yeux, par la façon unique dont elle bouge ses mains, par la cadence inimitable de sa voix, par la façon dont elle s’exprime avec ses lèvres. En un mot: par le corps. Oui, l’âme est « vue » par le corps.

Chacun d’entre nous a le souvenir de personnes chères, qui ont été pour nous, comme on le dit habituellement, de « belles âmes « .

Comme ce corps de Marie qui se met en route vers sa cousine Elisabeth et chante « Mon âme exalte le Seigneur ». Une âme faite de la voix qui fait tressaillir Jean dans le ventre d’Elisabeth, une âme qui se concrétise dans des regards capables de miséricorde, d’humilité, de mémoire, de gratitude.

Une âme, elle aussi, transpercée par une épée, comme le rappellera le vieux Siméon à Marie : la douleur de la disparition de son Fils, la souffrance de son interrogation sur « quel sens donner » à certaines choses, ou lorsqu’elle se tient sous la Croix.

Mais la vie, âme et corps, est victorieuse, en Marie et en nous, car sur la Croix, le dernier ennemi à être anéanti a été la mort, nous répète saint Paul dans la deuxième lecture, et la résurrection de la chair, que nous professons dans la foi, jaillit du même bois de la Croix.

Le corps est vraiment un grand mystère, parce qu’il exprime l’âme: il se forme, imperceptible et mystérieux, dans le ventre de notre mère; il se développe et grandit; il fascine et attire, en devenant un corps aimant et aimé; il se réjouit mais devient aussi triste, il tombe malade puis se décompose et se consume.

Face à l’inexorable progrès du corps – qui coïncide avec notre parcours terrestre – nous resterions cyniquement découragés, si nous n’avions pas l’espérance annoncée en cette solennité: Notre belle foi qui nous assure d’un but, la vie éternelle, même avec notre corps, dans une vérité qui, pour nous aujourd’hui, est encore une espérance, mais une espérance certaine, parce qu’en Marie, montée au Ciel, sont déjà les prémices pour nous de la vie pleine et authentique, avec nous tous. L’âme, pour grandir jour après jour à travers un corps, icône de l’Évangile, comme la vie de Marie.

Assomption de la Vierge Marie
Lectures bibliques : Apocalypse 11, 19a, – 12, 1-10; Psaume 44; 1 Corinthiens 15, 20-27; Luc 1, 39-56

Homélie du 14 août 2022 (Lc 13, 49-53)

Hugues de La Boussinière, diacre – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS


« Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ».
Frères et sœurs, dans cet Evangile, Jésus nous parle d’un feu, d’un feu qu’il souhaite tant voir illuminer la face de la terre. Au lieu d’annoncer la paix et la sérénité , il parle de guerres et de divisions. Alors que pensez ?

Sur la croix, Jésus donne au monde le feu de son amour

Je crois qu’il ne faut pas voir ici un feu qui viendrait détruire et anéantir l’homme. Bien au contraire Jésus parle du feu de son amour, du feu de sa miséricorde qu’il souhaite communiquer à l’homme, le feu de son salut. Jésus parle aussi de ce baptême qu’il doit recevoir : « Je dois recevoir un baptême et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli ». Quand Jésus parle de ce baptême il parle de son mystère pascal : ces jours de la croix et de la résurrection. C’est sur la croix que Jésus donne au monde ce feu, le feu de l’Esprit Saint. Jésus évoque aussi une angoisse. Quelle est-elle, cette angoisse ? C’est que l’homme peut refuser l’amour de Dieu, l’homme peut refuser l’Esprit Saint. C’est pour cela qu’il parle de cette division, de cette guerre. Il ne peut en effet y avoir de paix entre la lumière et les ténèbres, entre le feu d’amour et de vérité et le feu de la haine et du mensonge. Jésus le sait : l’homme reste libre, l’homme peut refuser la vérité, l’homme peut refuser l’amour que Dieu souhaite lui donner. Cette division traverse notre monde, nos milieux mais aussi nos propres vies. Si nous croyons à la lumière, nous sommes exposés à la contradiction et aux hostilités.

La foi est une épreuve, elle nous expose

C’est bien ce que la lettre aux Hébreux nous dit, c’est aussi ce que le prophète Jérémie a vécu. Celui-ci, restant fidèle à Dieu s’expose aux hostilités, de même le Christ aussi a été exposé à la haine et à l’hostilité, aux refus de l’amour. Nous aussi dans notre vie de foi, Jésus nous montre que nous pouvons être exposés à la contradiction et à la lutte contre le péché. Car la lumière vient aussi manifester nos ténèbres. Ainsi comme le précise Benoît XVI : « La paix de Jésus est le fruit d’un combat permanent contre le mal. La lutte que Jésus mène avec détermination n’est pas une lutte contre des hommes ou des puissances humaines, mais contre l’ennemi de Dieu et de l’homme, Satan. Celui qui veut résister à cet ennemi en restant fidèle à Dieu et au bien, doit nécessairement faire face à des incompréhensions et parfois de véritables persécutions ».
Face à cela, il ne faut pas perdre courage car nous ne suivons ni une idée, ni un rêve ; nous cherchons pas d’abord un bien être ; nous cherchons et nous suivons Jésus-Christ qui est l’origine et le terme de notre foi. Ne perdons pas courage et comme le dit encore la lettre aux Hébreux : courons avec persévérance l’épreuve qui nous est proposée. Oui la foi est une épreuve et nous en faisons tous l’expérience. La foi nous expose, mais nous sommes capables de surmonter cela ; justement parce que nous avons mis notre foi en Dieu, nous avons été touchés par ce feu divin, par ce feu de la vérité, par ce feu de l’amour et nous ne pouvons rejeter ce feu parce que sans lui notre vie perd tout son sens.

Risquer ma vie dans un acte de foi

Alors il nous faut demander à l’Esprit-Saint cette persévérance dans la foi malgré les hostilités et les divisions. Et comme le dit si bien la prière du pèlerin de la montagne : « Sans cesse tenté de m’installer, sans cesse tenté de vivre tranquille, tu me demandes de risques ma vie comme Abraham dans un acte de foi ». Ce risque, ce n’est pas un risque dans le vide ou le néant, c’est le risque en Dieu qui est comme le chante le psaume, le libérateur et le secours de tout homme.

Viens Esprit Saint, allume dans le cœur de tes fidèles, le feu de ton amour et que malgré toutes les difficultés de notre vie de foi, les hostilités intérieures ou extérieures, nous ne perdions pas courage, que nous gardions les yeux fixés sur Jésus Christ, mort et ressuscité, qui nous conduit au chemin de la vie éternelle. Amen

20e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Jérémie 38, 4-10 ; Psaume 39 ; Hébreux 12, 1-4 ; Luc 13, 49-53

Homélie du 7 août 2022 (Lc 12, 32-48)

Chanoine Joseph Voutaz – Hospice du Grand-Saint-Bernard, VS

Les montagnards le savent bien : il faut adapter sa tenue à l’environnement dans lequel on évolue. Il ne s’agit pas d’aller se balader sur les glaciers en souliers vernis ou en escarpins ! Nous mêmes, qui avons marché hier jusqu’à cet hospice, nous avons dû adapter notre tenue et être prévoyants… En montagne, un coup de froid ou un orage est si vite arrivé ! On ne peut pas se lancer dans une randonnée sans un minimum de préparation…

Dans l’évangile, Jésus nous invite aussi à adapter notre tenue pour vivre un style de vie évangélique. Il s’agit de prendre une tenue particulière : la tenue de service. J’aimerais dans un premier temps m’arrêter sur ces deux mots : se vêtir et servir.

  • « Se vêtir », d’abord : C’est souvent le premier acte que nous faisons en nous levant. Se vêtir nous lance dans la journée. Et cela demande un effort. Parmi vous qui nous écoutez, il y en a peut-être qui ont le corps fatigué et qui ont besoin d’aide pour s’habiller. Dans l’évangile, le fait de revêtir un vêtement est une action hautement symbolique. Ce n’est pas seulement une histoire de cabine d’essayage ! C’est infiniment plus profond. Rappelez-vous l’épisode de l’enfant prodigue : lorsqu’il revient vers son Père, celui-ci s’empresse de lui mettre un vêtement ! Le fait de revêtir cette robe le réintègre dans l’amour du Père. Recevoir son vêtement, c’est donc être restauré dans sa dignité profonde, celle des enfants de Dieu. Le vêtement symbolise notre identité la plus profonde, qui nous permet d’être pleinement nous même, dans l’amour de Dieu.
  • « Servir », ensuite : C’est un mot qui revient souvent dans l’évangile et qui est très cher au coeur de Jésus. Quand Jésus nous invite à servir, il ne parle pas d’une activité passagère, d’un coup de main à donner occasionnellement. Il nous encourage à une attitude profonde et permanente. Pour le dire autrement : nous sommes invités à « être service » , à embrasser la joie de donner notre vie à Jésus et aux autres.

Des êtres donnés aux autres

Je reviens à cette invitation de « prendre la tenue de service ». Nous comprenons alors qu’il ne s’agit pas seulement d’être une « bonne pâte » et de donner bon gré mal gré un peu de notre temps. Jésus nous invite à épouser un nouveau style de vie où nous devenons des être donnés aux autres. Le désir de se donner vraiment (mais sans s’épuiser, bien sûr!) est un appel profond qui jaillit dans chacun de nos coeurs. Le Christ nous invite à nous détourner de nous mêmes, de nos trop grands soucis, pour nous intéresser aux autres.

Remarquons aussi que Jésus lie le service au bonheur. Servir ne doit pas être une corvée ! Le mot « heureux » apparaît deux fois dans le texte. Sur les lèvres et dans le coeur de Jésus, ce mot résonne profondément : rappelez vous l’évangile des Béatitudes ! Servir, c’est entrer dans la logique de la joie. Quand nous servons, nous empruntons la route des béatitudes et du bonheur. Nous en faisons tous l’expérience : les services que nous rendons – même les plus humbles ! – nous amènent à une joie profonde. Ainsi le Ciel se bâtit petit à petit en nous.

J’aimerais relever un deuxième aspect de cet évangile. Le service est intimement lié au fait de veiller. On nous parle de se tenir prêt, ou de garder les lampes allumées. Jésus lie souvent ces deux réalités : veiller et servir. On pourrait même dire que le fait de veiller est un service essentiel demandé par l’évangile, puisqu’il s’agit d’attendre le retour du maître.

Un ministère de veilleur

Ce ministère de veilleur, nous pouvons le comprendre en fonction du danger qu’il cherche à prévenir. Le veilleur doit éviter à tout prix de s’endormir. Il mène le combat pour rester éveillé.

Cette lutte, nous la vivons tous. Nous devons nous battre pour garder la ferveur de notre jeunesse, par exemple. Comme il serait facile de baisser les bras à certains moments de notre vie ! Il y a beaucoup d’ennemis qu’il nous faut affronter résolument : le découragement, la tiédeur, ou encore la tristesse. Parfois même sans nous rendre compte, le poison de l’amertume rentre en nous, et alors nous projetons un regard désenchanté sur le monde ou sur l’église.

Jésus veut nous préserver de cette fatigue du découragement en nous invitant à rester éveillés, debout dans la foi. Car c’est bien de confiance et de foi qu’il s’agit. Le veilleur est serein parce qu’il sait ce qu’il attend. Comme Abraham, cité en deuxième lecture, nous avançons grâce à la foi. Des combats et des tempêtes, nous en essuyons tous, mais nous ne perdons pas courage, car nous savons que Jésus nous aime et nous bénit.

C’est le maître qui met la tenue de service

J’aimerais encore relever une troisième chose dans cet évangile. Il y a dans ce texte, un tournant incroyable. A l’arrivée du maître, il se passe quelque chose d’inattendu. C’est lui même qui met la tenue de service. Ses serviteurs passent à table et deviennent ses invités qu’il bichonne !

Ce retournement est stupéfiant. Est-ce que nous réalisons bien ce qu’il veut dire ? Certes, Dieu nous invite au service, mais en définitive c’est lui qui se met en quatre pour nous servir ! Quelle visage merveilleux de Dieu, qui chasse tellement de fausses image en nous ! Dieu n’est pas un pacha qui nous soumet à une servitude tyrannique. C’est un père, un Bon Dieu qui nous donne tellement plus que nous donnons nous même !

Nous allons maintenant célébrer la messe. A chaque fois, cet évangile s’y réalise concrètement et merveilleusement. Nous vivons cette réalité de Dieu qui nous sert. Il nous invite à sa table et se donne lui même à nous. La messe de dimanche est un cadeau inouï, la lumière radieuse de notre semaine !

A ce sujet, j’ai aussi une pensée pour toi, chère auditeur/auditrice : si tu nous écoutes, c’est peut-être parce que tu es empêché(e) de participer à la messe pour une raison ou une autre. Et tu pourrais regretter de ne pas être avec nous.

Alors je te le dis très fort : nous te prenons, au profond notre coeur. Tu le sais bien, nous nous rejoignons efficacement et véritablement par la prière. Toi aussi, toi autant, Jésus t’a invité à table pour te servir et t’aimer. Ainsi tu peux, avec nous, lancer ce cri de joie : « Heureux les invités au repas du Seigneur ! » Amen.

19e dimanche du Temps ordinaire
Lectures bibliques : Sagesse 18, 6-9 ; Psaume 32 ; Hébreux 11, 1-2.8-12 ; Luc 12, 32-48

Homélie du 1er août 2022, fête nationale (Lc 10, 8-12)

Mgr Valerio Lazzeri, évêque de Lugano – Col du Saint-Gothard

(Traduction)

Chers amies, chers amis,

« Pourquoi pleures-tu ? Pourquoi ne manges-tu pas ? Pourquoi ton cœur est-il triste ? Et moi, est-ce que je ne compte pas plus à tes yeux que 10 enfants ? » (1 Sam 1, 8).

Il y a quelque chose de grandiose et de pathétique dans les mots que, dans la première lecture, Elcana adresse à sa femme Anne, humiliée par le sort qui l’a rendue stérile.

Il y a aussi, dans l’Évangile d’aujourd’hui, une situation de provocation qui propose encore une opportunité malgré toute adversité.

Même dans le pire des cas, les 72 disciples de tous les coins de la terre devront répéter : « Sachez que le royaume de Dieu est proche ». Les disciples, envoyés par le Seigneur doivent le répéter même face au rejet et à l’adversité.

Et enfin il y a en nous, en ce premier août 2022, un sentiment fort, complexe et, à bien des égards, difficile à cerner. Nous aimerions trouver les termes adéquats pour dire ce que nous avons vécu au cours des deux dernières années, dans lesquelles nous avons dû renoncer à ce rendez-vous sur le Saint-Gothard.

Nous aimerions pouvoir embrasser tous ceux qui ont souffert de la pandémie, ceux qui sont aujourd’hui meurtris par la guerre et tant d’autres facteurs.

Nous aimerions pouvoir honorer l’engagement et la générosité de ceux qui ont tant fait et qui travaillent encore, à tous les niveaux, en particulier dans notre pays, pour soulager les souffrances, avant tout des plus faibles et démunis.

Tracer ensemble un chemin fraternel et solidaire

Cependant, par-dessus tout, nous voudrions exprimer en ce moment la possibilité que Dieu nous donne encore, – à partir de ce coin de terre, que nous habitons avec gratitude et fierté –, de tracer ensemble un chemin de sens, humain, fraternel et solidaire.

Nous voulons croire que nous pouvons recevoir, en l’invoquant, le don d’En-Haut, qui nous permet de travailler ensemble à mettre fin aux conflits.

Pour promouvoir la coexistence civile entre les peuples, et pour apporter notre contribution active à la garde de la maison commune de la famille humaine.

Voilà pourquoi nous sommes une fois encore réunis ici en ce jour de Fête nationale : c’est un endroit de notre pays âpre et inaccessible, mais c’est un lieu qui, pendant des siècles, a été aussi l’emblème du passage possible entre le Nord et le Sud, de la communication indispensable entre les différentes cultures, de la recherche inlassable du lien qui unit plus que des différences qui nous séparent et nous éloignent.

Dans ce contexte, ce que nous avons entendu en première lecture nous parle. Le cri d’Anne nous rappelle la dimension humainement inconsolable que nous portons en nous, la blessure inouïe de notre condition sur cette terre.

Ce que nous pouvons faire par nos propres forces, les uns pour les autres, n’est pas suffisant pour le cœur humain. On nous donne le droit de transmettre la vie, mais nous ne pouvons en aucun cas la compenser lorsque la stérilité devient une condamnation.

Cela doit nous faire réfléchir. Nous sommes parvenus en Suisse à un niveau de vie encore inaccessible pour la grande majorité des habitants de cette planète.

Même les crises de tous ordres qui s’emparent de l’humanité aujourd’hui n’ont pas encore réussi à nous ôter complètement notre confiance dans les ressources dont nous disposons pour l’avenir.

Pourtant, quelque chose en nous comprend parfaitement l’âme amère d’Anne, qui commence à « prier le Seigneur, en pleurant abondamment » (1 Sam 1, 10).

Nous ne possédons pas par nous-mêmes notre existence terrestre. Et aucune technique ne nous permet de d’en avoir la maîtrise ou de la transmettre comme nous le voudrions !

Avec toutes nos connaissances et tous les moyens que nous avons mis au point, nous ne sommes pas capables de maîtriser le mystère de la vie,

et cela ne manque pas de laisser sourdre en nous un ressentiment. C’est pourquoi nous devons apprendre des plus pauvres la bonne posture à adopter.

Recevoir la vie de la Source

En fait, nous ne pouvons vraiment bénéficier de la vie que lorsque nous la recevons de la Source inépuisable, ce qui nous rend également capables de la donner.

À cet égard, nous sommes frappés par la lucidité de l’appel d’Anne : « Si tu n’oublies pas ton esclave, si tu donnes un fils à ton esclave, je l’offrirai au Seigneur pour tous les jours de sa vie » (1 Sam 1, 11).

Anne ne demande pas à devenir mère juste pour mener à bien son propre projet individuel. Elle ne cherche pas un enfant pour se compléter subjectivement. Elle invoque Dieu pour accéder à la dignité de pouvoir offrir à son tour son enfant : qu’il vive devant le Seigneur, avec une mission précieuse et unique, en faveur de ses frères et sœurs.

Voici le seul déblocage que nous pouvons espérer pour cette civilisation qui est la nôtre, très avancée mais malade, Il y a un mouvement essentiellement intérieur à partir duquel recommencer ; il y a une dynamique fondamentale de la vie : nous la recevons toujours en abondance, dès que nous acceptons de la donner, de la perdre, de la laisser couler sans réticence. C’est le secret divin par lequel la vie reste la vie et cesse d’être juste une bataille épuisante et vaine pour éloigner la mort.

C’est la raison profonde pour laquelle, à chaque époque, les annonciateurs du Royaume de Dieu envoyés par Jésus ne peuvent s’empêcher de mettre chaque cité, chaque collectivité humaine, devant une option fondamentale. Ce n’est pas un choix d’intérêt ou de calcul, mais une question de vie ou de mort pour chacun de nous.

Il nous faut comprendre si, pour nous la vie continue d’être ce miracle quotidien qui nous remplit d’étonnement et de gratitude et nous rend filiaux et fraternels, ou si, peu à peu, notre « être au monde » se réduit au seul souci de préserver des biens ou des privilèges, destinés fatalement, tôt ou tard, à la décomposition et à la perte.

« Le règne de Dieu est proche de vous » (Lc 10, 9).

Or près de nous, nous avons de quoi être étonnés par le retour de la guerre en Europe, et consternés par les nombreux conflits et foyers de violence et d’injustice qui ensanglantent la terre. Ils nous rendent inquiets du sort de l’humanité et de la création dans son ensemble.

Mais il est proche aussi ce passage étroit mais réel qui peut nous conduire de la mort à la vie, qui nous fait passer de l’opposition stérile entre différents fronts à la découverte de la vérité de chacun dans sa fragilité désarmante et désarmée.

Aucun d’entre nous n’a le moyen de sortir du labyrinthe dans lequel nous avons le sentiment d’être perdus. Il n’y a pas de recettes prêtes à l’emploi et permettant d’obtenir le résultat souhaité.

Patrie, liberté, paix : des réalités à accueillir avec humilité

Patrie, liberté, paix, ce ne sont pas des entités toutes faites, conservées à jamais dans la sécurité de nos systèmes civils. La proche actualité nous le confirme ! Ce sont des réalités à accueillir avec humilité. Notre tâche est de les mettre en pratique, avant d’en faire une théorie.

D’ailleurs, ceux qui nous ont précédés ne sont pas partis de définitions abstraites ou de grandes déclarations pour constituer le premier noyau de la Confédération. Ils ont commencé par faire les pas possibles du moment, en vivant ensemble, mais différemment de ce qui était tenu pour acquis.

Que saint Nicolas de Flüe, notre patron et artisan de paix, nous aide à redécouvrir le chemin de la paix aujourd’hui. Engageons-nous chaque jour à faire de chaque frontière qui sépare la possibilité de surmonter tout orgueil de l’isolement. Travaillons à surmonter en nous-mêmes la stérilité des conflits. Reconnaissons ensemble, sur la terre qui nous a été donnée et que nous aimons, la proximité du Royaume de Dieu.

Dans cette Eucharistie, nous pouvons en avoir un avant-goût, certes encore dans le mystère, mais vraiment avec toute l’intensité et la force du mystère pascal de Jésus ressuscité d’entre les morts. La transformation des cœurs est toujours possible !

Lectures bibliques : 1 Samuel 1, 1-11; Psaume 115; Luc 10, 8-12