Homélie du 16 mars 2025 (Lc 9, 28-36)

Chanoine Jean-Jacques Martin – Cathédrale Saint-Nicolas, Fribourg

L’espérance, une chance

Dans la grisaille du quotidien, avec nos fatigues, nos désillusions, nos doutes et nos peurs, comme il est bon qu’il y ait parfois un rayon de soleil qui redonne courage et espérance. La vie que mènent les apôtres au côté de Jésus n’est pas non plus de tout repos… Alors, Jésus va les étonner, ce matin-là.

Un avant goût du ciel

Prenant avec lui ceux qui seront un jour les témoins de son visage défiguré de Gethsémani, il va leur révéler son corps d’homme transfiguré !
Pour Pierre, Jacques et Jean, ce jour là, c’est comme un petit coin de paradis qui se découvre … un avant goût du Ciel.
Et les apôtres sont sidérés, stupéfaits, éblouis, émerveillés ! Tout le ciel est là présent. Le Christ, bien sûr, dont le corps enfin irradie cette divinité qui l’habite. Et cette voix du Père, infiniment douce, qui déclare son amour pour son Fils. Et cette nuée qui nous révèle la présence chaleureuse de l’Esprit Saint.

Quelle chance nous avons ! Je vous l’ai dit au début de notre eucharistie !
Quelle chance pour nous, les chrétiens ! Notre foi est tout entière tournée vers l’Espérance. Ce qui nous anime est Espérance. Dans ce monde qui désespère, avouez que c’est vraiment une chance ! Et les textes de la liturgie d’aujourd’hui viennent nous conforter dans cette espérance.
Nous venons en effet d’entendre plein de raisons d’espérer. Les lectures de ce jour nous parlent des promesses de Dieu.
Et nous savons que Dieu tient toujours ses promesses. Depuis cette étrange alliance conclue avec Abram, jusqu’à la Transfiguration qui nous donne un aperçu de ce que sera notre vie dans la gloire.

Étrange alliance que nous avons entendue dans la première lecture. Oui, quel rite étrange, en effet, que celui qui se déroule dans le songe d’Abram ! Des animaux coupés en deux ! Un brasier fumant, une torche enflammée qui passe entre les morceaux d’animaux… ! Imaginez la scène ! imaginez les odeurs !
Et pourtant, cet épisode a quelque chose à nous dire, à nous aujourd’hui !

Dieu parle notre langage

On voit ici, une fois de plus, que Dieu passe par nos rites, nos habitudes, nos façons de faire pour se manifester à nous. Pour nous rejoindre, il parle notre langage, il utilise nos signes, nos symboles, les choses qui nous parlent. C’est vraiment un Dieu proche.
Et il accompagne cette alliance d’une promesse incroyable : le vieillard errant et sans enfant recevra une descendance innombrable et une terre. « Même pas en rêve ! » Comment cet homme qui regardait le soir de sa vie aurait-il pu imaginer avoir une telle descendance ?
Et saint Paul de nous dire « Tenez-bons dans le Seigneur, mes bien-aimés ! » Oui, vraiment l’Espérance est la plus forte !
Oui vraiment, cette espérance est une chance pour nous !

C’est sans doute aussi pour qu’ils puissent tenir bon et ne pas désespérer que les disciples Pierre, Jean et Jacques ont eu la chance de voir, sur la montagne, Jésus dans sa gloire. En effet, très peu de temps après, Jésus allait être arrêté, jugé et crucifié. Oui, ils ont vu la gloire de Dieu : Jésus resplendissant, transfiguré, en compagnie de Moïse et d’Elie. Moïse, celui par qui la Loi de Dieu a été donnée, et Elie, le plus grand de tous les prophètes aux yeux des juifs de l’époque. Un signe d’espérance leur a été donné sur cette montagne. « Maître, il est bon que nous soyons ici ! » il est bon, en effet, de vivre cet instant de la Gloire de Dieu !

Au milieu des épreuves : espérance renouvelée

On voudrait évidemment prolonger ce moment : «« dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, une pour Elie » mais il faut revenir à la réalité du quotidien, et redescendre de la montagne. Avec toutefois cette espérance, au milieu des épreuves, espérance renouvelée par la gloire entrevue lors de ce moment de grâce.

Et nous, aujourd’hui, nous sommes les héritiers de cette vision. Héritiers de cette espérance, non-pas comme des propriétaires, mais comme des responsables de sa transmission. Impossible de garder pour nous cette chance !

Mais, mais n’oublions pas qu’après, la vie reprend toujours ses droits.
De ces instants d’évidence de Dieu, il nous faut repasser à la réalité du quotidien, mais comme pour les apôtres, quelque-chose en nous peut changer et nous rendre assez forts pour quitter nos campements sécurisants et reprendre la route.

Illuminer le visage de celles et ceux que nous rencontrons

Le carême ne serait-il pas un tel moment privilégié qui nous invite à sortir de nos retranchements, de nos sécurités pour nous soucier de l’autre, et peut-être avant tout, se soucier de l’autre quand celui-ci est le plus « autre » possible, quand son altérité nous dérange ou nous paraît peu présentable.

Alors chers amis ici présents et vous qui nous écoutez sur RTS-Espace 2 le carême est le moment le plus favorable pour illuminer les visages de celles et ceux que nous rencontrerons, dès la sortie de cette eucharistie ou alors, depuis un lit d’hôpital en pensant à quelqu’un qui viendra vous visiter ou au personnel soignant qui va venir pour les soins.

Ainsi non seulement notre vie sera transfigurée mais nous transfigurerons aussi la vie de ces « autres » que Jésus n’hésite pas à appeler « ses frères et ses sœurs ».

AMEN !

2e dimanche de Carême
Lectures bibliques : Genèse 15,5-18; Psaume 26; Philippiens 3, 17 – 4,1 ; Luc 9, 28-36

Homélie du 9 mars 2025 (Lc 4, 1-13)

Chanoine Jean-Jacques Martin – Cathédrale Saint-Nicolas, Fribourg

L’homme ne vit pas seulement de pain

Ne laissez pas passer votre chance ! Chaque jour nous apporte son lot de sollicitations publicitaires, d’offres alléchantes, de produits démarqués et d’occasions uniques. Leur but est de nous convaincre que nous avons des besoins que nous étions les seuls à ignorer et qu’ils se proposent à satisfaire, contre monnaie sonnante ou électronique.
Par contre, à propos du carême, c’est le silence radio. C’est presque une quarantaine qui nous est proposé traînant avec elle une réputation faite de cendres, de restrictions de sacrifices et de triste tête d’épouvantail, voire de face de carême !

C’est bien mal connaître ce chemin libérateur qui serpente à travers le désert pour déboucher sur Pâques.

Discerner ce qui est essentiel de l’accessoire


Alors, pourquoi l’Eglise nous invite-t-elle chaque année à vivre le temps du Carême ?
Ne serait-ce pas pour nous permettre de sortir de nos esclavages, de tous les pièges qui se referment sur nous dans nos façons de vivre, de penser, englués dans la routine de nos existences. Nous avons besoin chaque année d’un temps de retraite, d’un passage au désert pour discerner dans nos vies ce qui est essentiel de ce qui est accessoire.

La scène que l’évangéliste Luc nous présente aujourd’hui est à la foi étrange et réconfortante : après son baptême, poussé par l’Esprit, Jésus est parti de l’autre côté du Jourdain, pour un temps de retraite, de cœur à cœur prolongé avec son Père avant de commencer sa mission.
Ce qui est étrange, c’est que c’est justement dans ce contexte qu’il est sujet aux attaques du démon.
Ce qui est réconfortant, c’est qu’il en est sorti victorieux. Et chaque année, nous sommes invités à le suivre pendant 40 jours au désert… ou plutôt, c’est Jésus lui-même qui vient renouveler son combat contre le mal en chacun de nous, dans son Corps qu’est l’Eglise.

Une nourriture plus nourrissante que le pain matériel

Et il y a la première tentation : c’est celle d’un homme qui a faim. Quand on a jeûné 40 jours, le corps est épuisé. Alors le démon en profite pour faire valoir ses arguments : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne que ces pierres deviennent du pain ! » Dans ce que dit Satan, il y a une part de vrai ; Jésus avait le pouvoir d’accomplir ce miracle, mais il aurait été détourné de son sens profond. Alors il se contente de citer l’Ecriture : « Ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre. »
Voilà un message important pour nos sociétés de consommation qui en ont fait le but de leur existence ; il y a une nourriture plus nourrissante que le pain matériel : c’est l’accomplissement de la volonté de Dieu.

Non, l’homme ne vit pas seulement de pain, mais après quarante jours de jeûne et de désert il a besoin de la Parole de Dieu, de cette parole pleine de tendresse et d’amour que Jésus nous murmure tous les jours à notre oreille.

Ne l’oublions pas, Jésus – puisqu’il nous murmure tous les jours à notre oreille – Jésus annonce une autre nourriture permettant à l’homme de demeurer libre.
Puissions-nous trouver dans la parole de Dieu la source de notre propre liberté !

Réinventer une relation vraie avec Dieu

Le Carême peut être alors ce temps de confiance retrouvée, ce temps où le jeûne et la prière nous permettront de renouveler notre foi en recherchant l’unique nécessaire

Le jeûne, ce n’est pas seulement un rite pour être en règle avec ce que nous demande l’Eglise ; c’est une prise de distance par rapport au monde matériel qui nous environne et nous conditionne jusqu’à nous faire perdre notre liberté.
Nous vivons au siècle de la communication grâce à Internet et à tous les réseaux sociaux. Mais est-ce que nous communiquons vraiment ?

En ce début de carême avant de nous inviter à jeûner et faire pénitence, la liturgie nous invite à réinventer une relation vraie avec Dieu, à retrouver le sens profond de la prière qui n’est rien d’autre finalement qu’une conversation, avec Dieu à l’image de ce que l’on vit avec ses meilleurs amis.
Dieu n’est pas muet, il ne cesse aujourd’hui encore de nous parler – de nous murmurer – par les Ecritures mais aussi par les multiples signes de notre quotidien.

Le carême veut être un temps fort de retrouvaille avec Dieu, avec soi-même et avec les autres.
Je vous souhaite à toutes et à tous un bon et joyeux temps de carême !

1er Dimanche de Carême
Lectures bibliques : Deutéronome 26, 4-10; Psaume 90; Romains 10, 8-13; Luc 4, 1-13

Assemblée générale 2025 de Cath-Info


 

L’assemblée aura lieu samedi 3 mai 2025 à 15h00 à Martigny

A la paroisse de Martigny, Salle Notre-Dame des Champs, Rue de l’Hôtel-de-Ville 5

 


Elle sera suivie d’une conférence :

« La RTS se transforme pour rester indispensable au public romand »

par Tiphaine Artur, Cheffe du Département « Communication & Marketing » de la Radio Télévision Suisse :

(©RTS)

 


Voici les documents disponibles en lien avec l’assemblée :

Homélie du 2 mars 2025 (Lc 6, 39-45)

Chanoine Alexandre Ineichen – Basilique de l’Abbaye de Saint-Maurice, VS

Dans sa préface pour un dictionnaire des sentences latines et grecques, dans une préface étourdissante d’érudition et de saveur, l’écrivain italien Umberto Eco décrit une société humaine dont toutes les lois qui la régiraient seraient exclusivement des proverbes, des sentences ou des dictons. Il montre alors que cette société serait invivable. En effet, l’eau y est interdite puisque chat échaudé craint l’eau. Que faire, si, d’une part, les voyages forment la jeunesse, et que, d’autre part, pierre qui roule n’amasse pas mousse. Et que dire, si la parole est d’argent, mais le silence est d’or.

A l’écoute de la parole de Dieu – « Jésus disait à ses disciples en paraboles » – à la lecture de Ben Sira le Sage : nous pourrions tirer les mêmes conclusions. Combien de commandements peuvent sembler se contredire ! S’il faut prier sans cesse, il ne faut pas rabâcher des formules toutes faites comme font les païens. S’il faut honorer son père et sa mère pour avoir longue vie, nous serons aussi frère et sœurs, non de sang, si nous accomplissons la volonté de Dieu. Seule la grâce sauve, même si la foi sans les œuvres est vaine.

Comment trouver des paroles de vie pour ici et maintenant ?

Alors comment ne pas être troublé à l’écoute ou à la lecture des Saintes Écritures ? Comment trouver dans ces paroles parfois contradictoires des paroles de vie, pour ici, pour maintenant ? Nous risquons d’être déstabilisés, ébranlés, incapables de donner du fruit – et du fruit en abondance. C’est une épreuve, non pour nous détruire, mais pour nous faire grandir. « Le four éprouve les vases du potier. On juge l’homme en le faisant parler » Si Jésus s’adresse à ses disciples en paraboles, si les livres sapientiaux des Écritures expriment des vérités essentielles à travers de belles et parlantes comparaisons, si nous mémorisions si facilement proverbes et dictons, c’est parce que ces images permettent non seulement une bonne mémorisation mais aussi nous laissent une authentique liberté dans leur accomplissement.

Cependant, le doute s’installe, le trouble perturbe et peut-être nous paralyse. Comment alors les affronter, les dépasser et retrouver notre croissance comme un arbre planté au bord d’un ruisseau qui donne du fruit, en son temps, et en abondance ?

Retrouver en nous ce bon sens

D’abord, il faut savoir s’arrêter, s’asseoir et camper, sur ces deux jambes que sont notre intelligence et notre sagesse. Il nous faut retrouver en nous ce bon sens, ce sens commun. Il est vain d’abandonner trop vite une idée pour en adopter une autre. La nouveauté pour la nouveauté empêche cette assise qui nous protège des modes passagères, vite pensées, vite abandonnées. Approfondir ce que l’on a reçu nous protège des préjugés que nous prenons pour le sens commun, pour du bon sens. La persévérance envers une idée, l’attachement à une pensée, l’esprit de continuité nous permettent de l’éprouver, d’en apprécier la pertinence et d’affronter les perturbations avec fermeté et assurance. C’est ainsi que de disciple, nous devenons maître, capables de nous conduire nous-mêmes : « un aveugle peut-il guider un autre aveugle ? (…) Le disciple n’est pas au-dessus du maître. »

Consolider nos fondations

Ensuite, forts de cette assise, creusée en nous, osons affronter les turbulences de notre monde. Immobiles, ici et maintenant, nous ne cherchons pas à retirer la paille de l’œil de notre frère. Les vents contraires du siècle ne manqueront pas de l’éliminer, mais occupons-nous plutôt de la poutre qui nous alourdit. Cette poutre n’est pas un fondement solide, inaliénable : « Esprit faux ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour retirer la paille qui est dans l’œil de ton frère. » Notre véritable fondement, ce n’est pas cette poutre, mais notre capacité à l’enlever pour voir clair et ainsi de ne pas être ballottés par tous les vents contraires, comme un fétu de paille.

Enfin, après avoir consolidés nos fondations, affrontés les aléas de la vie, de notre vie, examinons si nous sommes sur la bonne voie. L’Évangile nous y aide avec une image plus que parlante : « Chaque arbre se reconnait à son fruit. » Si vraiment nous sommes sur la bonne voie, les fruits ne manqueront pas. Tout commandement, même dans ses contradictions, portera un fruit – et un fruit en abondance.

En conclusion, je ne peux que reprendre les paroles de saint Paul, entendues dans la deuxième lecture. « Ainsi, bien-aimés, soyez fermes, soyez inébranlables, prenez une part toujours plus active à l’œuvre du Seigneur car vous savez que, dans le Seigneur, la peine que vous vous donnez ne sera pas stérile. » Maintenant, que le tamis est secoué, les déchets rejetés, avançons-nous à l’autel de Dieu qui fera toute ma joie, qui fera toute notre joie.

8e dimanche du temps ordinaire
Lectures bibliques : Ben Sira 27, 4-7; Psaume 91; 1 Corinthiens 15, 54-58; Luc 6, 39-45