Homélie du 30 janvier 2022 (Lc 4, 21-30)

Mgr Bernard Sonney – Eglise Saint-Joseph, Lausanne

Le moins qu’on puisse dire, c’est que Jésus a complètement raté son casting. Raté… selon les critères des gens de Nazareth, des critères somme toute assez proches des nôtres. D’où l’intérêt de cet échec ! Un échec qui est paradoxalement un succès… tout au moins une étape vers le succès de la mission de Jésus qui est de nous libérer – de points de repère qui n’en sont pas.

A la synagogue, tout comme ici lorsque nous cédons à nos vieux démons -, le portrait-robot du sauveur a les traits d’un caïd apte à remettre les pendules à l’heure, à rétablir l’ordre et la justice en toute chose. Et, accessoirement, mais le diable se cache dans les détails, disposé à favoriser quelque peu les copains, les proches, les fidèles.

Jésus ne vient pas punir, mais pardonner

Et voici que, sans prendre de gants, Jésus remet d’emblée les points sur les i. A sa manière ! Il ne vient pas punir, mais pardonner. Il ne remplit pas les prisons, il les vide. Il ne prône pas le remboursement des dettes, mais leur annulation. Où va-t-on ?

Décidément, les êtres que nous croyons bien connaître ne cesseront jamais de nous surprendre. C’est dire que nous ne les connaissons pas si bien. Jésus échappe à son entourage. Au propre et au figuré ! Impossible de saisir ce qu’il a « dans le ventre ». Impossible de mettre la main sur lui. Il passe. Si nous avons un peu de nez. Nous flairons dans ce verbe « passer » un lien avec Pâques. A Pâques, c’est vrai, Jésus va « y passer » !!! Y laisser sa peau. Mais pour passer de la mort à la vie de ressuscité.

Invités à revisiter nos acquis, nos idées

Aujourd’hui, l’aujourd’hui de l’évangile de saint Luc et le nôtre ce 30 janvier, ce jour est dense de la présence du Ressuscité qui nous accompagne.

Le Vivant, le Ressuscité nous appelle à dépasser, avec lui, ce que nous connaissons depuis toujours ou pensons connaître pour passer à la face cachée de la réalité. Jésus, le Christ, nous invite à revisiter nos acquis, nos idées. Qu’est-ce qui est trop étroit – ou faux – dans l’idée que je me fais de Jésus, des autres et de moi-même ?

Et l’apôtre le dit : « Nous voyons actuellement de manière confuse, comme dans un miroir…» Nos miroirs sont de meilleure facture que ceux dont a disposé l’apôtre Paul, mais notre connaissance de la réalité reste très partielle. Et tout comme nous avons besoin d’un miroir pour apercevoir l’aspect de notre visage, nous avons besoin d’être en relation avec les autres pour découvrir – dans le dialogue et la confiance – qui nous sommes les uns pour les autres, qui nous sommes les uns par les autres.

Ouvrons l’oeil

Seul le Seigneur nous connaît maintenant déjà. D’ici le face à face avec lui, ouvrons l’œil pour le deviner là où il nous donne rendez-vous :

  1. Dans la Parole qui nous surprend et nous ouvre de nouvelles voies.
  2. Dans l’eucharistie où nous touchons de nos mains ce pain qui nourrit notre foi.
  3. Dans le contact avec ceux et celles qui sont, d’une manière ou d’une autre, en « manque » de ce que nous pouvons partager ensemble.
  4. Et dans l’espace secret du cœur où il nous attend.

Certes, les contours du visage du Seigneur restent flous. Mais lorsque nous serrons la main qu’il nous tend… Nous y voyons déjà plus clair en toute chose. Amen.

4e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : Jérémie1, 4-5.17-19; Psaume 70, 1-2, 3, 5-6ab, 15ab.17; 1 Corinthiens 12, 31–13, 13; Luc 4, 21-30

Homélie du 23 janvier 2022 (Mt 2, 1-12)

Pasteur Jean-Philippe Calame – Communauté de Grandchamp, Areuse, NE

Pour intensifier notre prière pour l’unité des chrétiens, nos frères et sœurs d’Egypte, de Syrie et du Liban nous rassemblent ce matin sous l’humble toit de la crèche. Nous voici invités à nous déplacer, comme les Mages qui entrèrent dans la maison et virent l’enfant avec Marie sa mère.

Ce déplacement intérieur, cette marche commune, nous rappelle que la foi n’est pas un ensemble d’affirmations au sujet de Dieu, mais la rencontre d’une Personne, Jésus,  visage du Dieu de l’Univers. Et quelle surprise ! Voici que la Parole Créatrice, qui s’est faite humaine, a d’abord été sans mot…. Son premier langage, comme celui de chaque petit enfant, fut d’abord celui d’une présence vulnérable.

S’ouvrir à la forme inattendue que prend la présence de Dieu

Ainsi donc la foi commune, la confiance essentielle débute lorsque le cœur humain s’ouvre à la  forme très inattendue que prend la présence de Dieu. La scène que les Mages ont découverte interpelle avec la même force aujourd’hui qu’hier. C’est la même rencontre essentielle  qui unit les chrétiens de partout : la rencontre de Jésus, Fils éternel de Dieu, né de Marie, reconnu par Joseph, visité par des Mages venus de loin.

Sous le même toit ont convergé des humains aussi simples que les bergers, et des hommes aussi érudits que les mages, représentant des cultures et des traditions variées. Ces voyageurs venus de loin comprennent, au contact de l’enfant, que le Dieu Créateur visite le genre humain ;  et pour notre part, en voyant les Mages et leur accueil de l’inattendu, nous comprenons qu’en Jésus Dieu s’adresse à tous, sans exception. D’ailleurs, quiconque fait l’expérience de la rencontre de Dieu fait homme retourne chez soi, regagne son pays, sa réalité, sa culture, sa vie spirituelle, par un autre chemin. Tout  peut apparaître sous un jour nouveau. Jésus le dira plus tard : il n’est pas venu abolir mais accomplir.

Une passion pour la rencontre

Et voici que sous le même toit de la crèche, un partage commence, qui unit les personnes présentes : les mages et l’humble couple des parents de Jésus s’enseignent mutuellement.

La simplicité de Marie et Joseph, la condition précaire de l’enfant, ouvrent la compréhension des Mages à une surprise plus vaste que le ciel…  En retour, les Mages apportent à Marie et Joseph une confirmation et des précisions sur le mystère de l’enfant.

Vous le voyez, dès le début, l’évangile enseigne l’art de la rencontre. L’unité sera toujours à ce prix : nourrir une passion pour la rencontre.

Mes sœurs, mes frères, voulons-nous être artisans d’unité ? Choisissons alors de nous déplacer comme les Mages, pour nous mettre ensemble sous le même toit de la crèche, là où nous voyons que peuvent se déployer l’échange des dons et le partage des présences.

Privilégier la rencontre, toujours à nouveau, surtout là où les différences ont tendance à se fossiliser en oppositions. Avec la persévérance et le tact de l’artisan, reprenons inlassablement les gestes et la posture favorisant la rencontre.

Diversité des traditions ecclésiales

Imaginez un instant que les Mages portant leurs trésors figurent la diversité des traditions ecclésiales. Que voyons-nous ? Ces hommes si différents par leurs histoires et leurs origines, sont captivés ensemble par une même découverte : la proximité inespérée de Dieu et sa désarmante simplicité. Les yeux fixés sur Dieu par la contemplation du visage de son Fils, ils s’étonnent du sens nouveau que prennent leurs offrandes. Celles-ci ne parlent plus de leurs propres richesses, mais du prix que Jésus va donner à toute vie humaine.

Ah ! mes sœurs, mes frères, quelle unité peut advenir lorsque des chrétiens non pas brandissent mais offrent les trésors de leur tradition ecclésiale !

Quelle communion peut s’approfondir entre les chrétiens lorsqu’en un même lieu, courbés de joie et de reconnaissance, ils contemplent l’humilité de Dieu en Jésus !

Quelle conversion peut réorienter chaque tradition ecclésiale lorsqu’en louant Jésus  les chrétiens lisent sur les visages et dans les présences qui les entourent des reflets pour eux inédits de l’ Évangile !

Lorsque cela, oui cela, arrive, gageons qu’à notre tour, nous découvrons par quel autre chemin nous devons poursuivre….  

Amen.