Homélie TV du jour de Noël, 25 décembre 2021 (Jn 1, 1-18)

Frère Benoît Dubigeon, franciscainChapelle du Christ-Souverain-Prêtre – La Clarté-Dieu, Orsay (France)

Saint François d’Assise, comme diacre, décide de mettre en scène la naissance du Christ dans le petit village de Greccio. Il rassemble la population avec des animaux, du foin et un petit enfant et il chante l’évangile. C’est la crèche vivante que nous retrouvons dans nos maisons, dans le monde entier…

Dieu petit bébé : François pleure devant ce mystère.
Un petit bébé qui ne peut pas encore parler, lui, la Parole de Dieu : et François s’émerveille, chante.
Un petit être tout dépendant de ses parents et si fragile comme la vie sait l’être : des pauvres bergers, puis des mages, beaucoup viennent s’agenouiller devant lui.

Dans le métro, au milieu de l’indifférence générale, une maman porte un tout petit bébé. De leurs smartphones, de nombreux visages se lèvent, des sourires s’esquissent et ce bébé vient révéler à chacun sa belle humanité en donne aux voisins de la rame de se parler.

L’amour de Dieu est dit tout entier dès la crèche

En cet Enfant de la crèche, tout le mystère de la Vie de Dieu et celle de l’homme est présent, en germe. Le temps ne fera que déployer ce si grand mystère. C’est pourquoi, pour saint François, Noël est la fête des fêtes. Dès la crèche, l’amour de Dieu est dit tout entier : la croix et la résurrection du Christ viendront parachever ce qui est déjà totalement présent dans ce petit enfant de la crèche.

L’année après mon ordination, un frère de ma communauté, aumônier de prison, me demande d’y venir avec lui concélébrer le jour de Noël. Quand est proclamé l’évangile de Noël, un homme, – il était là pour avoir tué -, se met à pleurer de tout son être. Car la naissance du Fils de Dieu fait homme, venu habiter avec nous, aimer en nous ce qui n’est pas aimable, m’accueillir si je suis rejeté, cette naissance l’avait bouleversé.

Eh bien, ses larmes sont devenues la source de ma vocation d’aumônier de prison. Mais seulement 24 ans plus tard, le temps de commencer à visiter, parfois dans les larmes, mes profondeurs et mes abîmes, le temps d’expérimenter la grâce de me savoir pardonné par Dieu, indépendamment de mes mérites ou de mes péchés. Les larmes de ce prisonnier, celles de saint François, les miennes, sont devenues des sources d’eaux vives puisées en la miséricorde de Dieu. Puisqu’elle est pour tous, du saint au meurtrier, du sage au fou, du pauvre au riche, « le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous ».

Qui plus est, cet Enfant de la crèche voit l’univers et chacun de nous à sa mesure véritable. Lui, le Fils, il nous voit comme des fils. Lui, la lumière, il éclaire les ténèbres de nos cœurs et l’univers tout entier. Les enfants que nous sommes, il les fait parvenir à leur dimension éternelle, celle de fils et de filles de Dieu.

Un amour qui nous transfigure

A qui veut bien venir s’agenouiller devant cet Enfant de la crèche avec un cœur vulnérable, dépouillé, simple, son amour le transfigure. Pour regarder toute personne, en Dieu, précieuse, sainte, lumineuse, où le mal a déjà été vaincu. Et puisqu’il est au commencement de tout, il nous donne la grâce de toujours recommencer, surtout si nous sommes englués dans des impasses : « frères, commençons », disait saint François à la fin de sa vie terrestre. Faisant parfois cruellement l’expérience de la fragilité de la vie, le Christ nous donne part à sa plénitude. Et nous qui doutons, parfois terriblement, sans voir Dieu, il nous est donné de reconnaître totalement Dieu en cet Enfant de la crèche.

Les bergers, les mages, nous-mêmes, nous allons pouvoir repartir de la crèche, autrement, pour emprunter des chemins de vie, des chemins divins. Témoins de l’amour qu’a cet Enfant pour toute personne, d’un amour qui transfigure tout, qui change notre regard, qui redonne confiance, qui permet d’être trahis sans cesser de croire aux hommes. C’est cet Enfant qui rend forts nos bras pour servir nos frères.

Seigneur, même si je sais que les tiens ne t’ont pas accueilli, viens illuminer ma crèche intérieure de ta présence. Je n’ai plus peur de mes larmes car elles disent ma joie d’accueillir en cet Enfant mon Sauveur. Je m’agenouille devant toi comme les bergers et les mages. « Acclamez le Seigneur, terre entière, sonnez, chantez, jouez ! ».

Joyeux Noël!

Frohe Weihnachten!

Merry Christmas!

Vrolijk kerstfeest!

NATIVITÉ DU SEIGNEUR – Messe de jour 
Lectures bibliques : Isaïe 52, 7-10; Psaume 97, 1.2-3ab, 3cd-4, 5-6; Hébreux 1, 1-6; Jean 1, 1-18

Homélie du jour de Noël, 25 décembre 2021( Jn 1, 1-18)

Fr. Emmanuel Durand o.p., Couvent Saint-Haycinthe, Fribourg

« Adam, où es-tu ? »

Cela fait si longtemps que Dieu cherche à nous rencontrer. Depuis l’aube des temps, Dieu appelle l’être humain. Fais-moi entendre ta voix, lui dit-il ! Quel nom donnes-tu à toutes mes créatures ? Et après quelques temps, le temps de l’adolescence et celui de la faute : Adam, où es-tu ? Caïn, qu’as-tu fait ?

L’homme n’est pas la seule créature que Dieu appelle. Au commencement du monde, il a appelé les étoiles par leur nom et elles se sont présentées, toutes frémissantes de joie. Dieu appelle toutefois l’homme d’une façon spéciale et j’oserais dire, d’une façon amoureuse. Il l’appelle sans se lasser, alors que devant nos légèretés et nos insolences, Dieu aurait eu mille fois de bonnes raisons de renoncer.

La parole originelle : c’est le Verbe de Dieu

Mais la parole de Dieu est éternelle. Au commencement était le Verbe, la Parole de Dieu qui appelle toute créature à l’existence et qui appelle l’être humain au salut. Où es-tu ? dit Dieu à Adam au jardin, juste après la faute. Qui parle alors ? C’est Dieu lui-même. Et quelle est cette parole originelle, primordiale ? C’est le Verbe de Dieu en personne. Il est l’appel créateur et l’appel sauveur, une unique parole éternelle de nouveauté et de salut.

Depuis les origines cachées de notre humanité, il est venu dans le monde, chercher et sauver ce qui était perdu. « Rien ne s’est fait sans lui »… « En lui était la vie »… « Il était la vraie lumière qui éclaire tout homme »… « Il est venu chez les siens »… Combien de fois est-il venu, depuis ce premier appel, cette première conversation ! Oui, Dieu nous cherche et nous appelle.

Et il a choisi de ne pas le faire seulement d’en haut ni de loin, pas seulement à l’intime de nos cœurs et de nos consciences, mais sur notre terrain, dans notre chair, avec une voix humaine, par des gestes bien concrets… en prenant place à nos banquets de mariage, à nos tables de publicains, à nos vies profanes et à nos activités trépidantes, à nos soifs et à nos fatigues.

Le Verbe s’est remis entre nos mains

Le Verbe s’est fait chair. L’appel s’est fait humain, en commençant par être un tout-petit, un nouveau-né. Il a choisi d’habiter parmi nous, de converser avec nous, de se mêler aux pécheurs que nous sommes. Il a choisi de naître d’une femme, hors d’une maternité, en plein champs, migrant parmi les pauvres, sous les étoiles frémissantes de joie à ce jour nouveau… attendu depuis l’aube des siècles.

Le Verbe fait chair s’est remis entre nos mains : d’abord, aux soins de Marie, à la protection de Joseph, au souffle de l’âne et du bœuf, à la parole des bergers, à l’adoration des mages. Il s’est aussi exposé, d’emblée, à la duplicité et à la folie d’Hérode. Il est passé de bras en bras, d’abord pour être réchauffé, cajolé et contemplé… puis de mains en mains, jusqu’à être un jour menotté, flagellé, battu, crucifié, descendu de la croix. Tout cela, en nous regardant droit dans les yeux pour nous dire : Adam, où es-tu ? Caïn, qu’as-tu fait ? Marie, pourquoi pleures-tu ?

Il a choisi de nous appeler encore et encore : ma créature, mon ami, ma sœur, mon frère, où es-tu ? Moi, dit-il, « je suis venu pour que le monde ait la vie, et la vie en abondance ». Moi, dit-il, « je suis venu chercher et sauver ce qui était perdu ». Et toi, que veux-tu vivre maintenant ? Moi, « je suis venu » parmi vous « pour rendre témoignage à la vérité », pour faire entendre la vérité de votre appel, le sens véritable de vos vies sous le regard du Père.

Oui, la Parole éternelle du Père est venue dans notre chair pour nous réapprendre dans le concret, sur notre terrain, avec des gestes humains, au cœur de nos défis, de nos hésitations et de nos désespoirs, à être fils et filles de Dieu. Habitons la donc, cette si belle vocation que Dieu nous offre : être frères et sœurs du Fils unique en notre chair pour apprendre de lui, au pas à pas, au jour le jour, comment être de vrais enfants de Dieu.

NATIVITÉ DU SEIGNEUR Messe de jour 
Lectures bibliques : Isaïe 52, 7-10; Psaume 97, 1.2-3ab, 3cd-4, 5-6; Hébreux 1, 1-6; Jean 1, 1-18

Homélie TV de la messe de minuit, 25 décembre 2021 (Lc 2, 1-14)

Mgr Gerard de Korte, évêque de Bois-le-Duc, Pays-Bas

Frères et sœurs,

Nous célébrons cette veille de Noël dans une période d’incertitude. Les préoccupations de notre temps font apparaître une fois de plus notre vulnérabilité.
Le virus est toujours là. Nos gouvernements essaient de garder le virus sous contrôle avec toutes sortes de mesures. Et nous réalisons plus que jamais à quel point notre mère la terre est menacée.
La récente conférence sur le climat qui s’est tenue à Glasgow nous a une nouvelle fois forcés à nous rendre à l’évidence. L’humanité doit relever un formidable défi pour que la Terre reste habitable dans les décennies à venir.

En cette nuit, nous célébrons la naissance de Jésus. Il est venu comme un enfant humain vulnérable. La naissance d’un enfant nous attendrit toujours, car chaque bébé suscite des sentiments d’émerveillement. Et à juste titre, car une nouvelle vie humaine est un grand miracle.

Dieu partage notre vulnérabilité

Pour les chrétiens, il y a une raison supplémentaire de s’émerveiller lorsqu’il s’agit de la naissance de Jésus. Après tout, nous croyons qu’en cet enfant humain, Dieu lui-même est venu à nous. Dieu est le créateur d’un univers d’une taille inimaginable. Mais ce Dieu créateur nous a cherché en tant qu’êtres humains.
Par l’incarnation dans le Christ, Dieu veut partager notre vulnérabilité. Il vient à nous, petit et plein de compassion.

Le célèbre astronome néerlandais, Heino Falcke, a récemment déclaré avec beaucoup de justesse que l’univers et une étable sont les deux palais de notre Dieu.

Dieu se révèle comme un réfugié sans abri

Vous le savez: la naissance du Christ n’est pas très romantique. Bien au contraire, je dirais. Quand il est né, il n’y avait pas de place pour lui dans l’auberge. Et peu après sa naissance, il a dû fuir avec Joseph et Marie en Égypte pour échapper à la violence d’Hérode, le meurtrier d’enfants de Bethléem. Jésus est comme un réfugié sans abri. En cette nuit, nous nous souvenons que Dieu se révèle dans un réfugié sans abri.

Le pape François nous a invité à maintes reprises à nous pencher sur le sort des réfugiés sur cette terre. Plus de 80 millions de personnes. Des personnes qui ont été chassées de chez elles par la guerre et la violence. Dans leurs visages souvent sales et craintifs, nous pouvons découvrir le visage du Christ. Un visage qui appelle à la solidarité.

Cette fête de Noël nous invite tout particulièrement à nous sentir liés aux réfugiés et aux personnes dans le besoin, proches ou lointaines.

Frères et sœurs,

Reliés à Dieu et les uns aux autres

Chaque année, une belle crèche est construite dans cette cathédrale. Vous y trouverez plus d’une centaine d’animaux empaillés. Plusieurs milliers de personnes, principalement des jeunes familles avec enfants, viennent visiter cette crèche chaque année. Une merveilleuse forme d’éducation visuelle. Après tout, l’histoire de la naissance du Christ y est représentée. Chaque année, la crèche se voit également attribuer un thème. Cette année, c’est « l’enfant qui relie les gens » Nous touchons ainsi à un élément important de Noël. Dans le Christ, Dieu nous cherche pour nous relier à Lui et les uns aux autres.

Le Christ est venu tout d’abord pour son propre peuple, Israël. Le peuple du premier amour de Dieu. Mais l’amour de Dieu est universel. Tous les peuples sont appelés à devenir des disciples du Christ. Il est vrai qu’il existe de nombreux peuples. Mais il n’y a qu’une seule humanité.

Après la Seconde Guerre mondiale, le projet européen a pris de l’ampleur. Des peuples qui se sont combattus à de nombreuses reprises ont commencé à coopérer et cela a conduit à une prospérité croissante.Mais l’Europe doit aussi être une communauté de valeurs. Une communauté où la dignité humaine est défendue. Une communauté où la solidarité et le bien commun sont primordiaux.

Frères et sœurs,

Le Christ est l’Emmanuel : Dieu avec nous. Avec un peu de chance, il est le bienvenu dans votre propre vie.

Il veut être notre paix. Source de joie de Dieu.

Avec une telle foi, je vous souhaite,  ainsi qu’à tous ceux qui vous sont chers, un joyeux Noël. Dans la foi, l’espoir et l’amour, nous poursuivons notre route, car Dieu est à venir.

NATIVITÉ DU SEIGNEUR Messe de la nuit :
Lectures bibliques : Isaïe 9, 1-6; Psaume 95, 1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13a, 13bc; Tite 2, 11-14; Luc 2, 1-14

Homélie de la Messe de Minuit, 25 décembre 2021 (Lc 2, 1-14)

Chanoine Philippe Blanc – Cathédrale Saint-Nicolas, Fribourg

Dans la nuit de Bethléem, comme dans la nôtre en cet instant, le message retentit : je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple. Après la longue attente à travers les siècles, voici que Dieu accomplit sa promesse : un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! Et notre regard n’est pas seulement tourné vers l’évènement du passé car avec Dieu, nous sommes dans l’aujourd’hui : aujourd’hui, un Sauveur nous est né.

La crèche : une mission à accomplir

C’est dans l’intimité de chacune de nos vies personnelles et de nos familles, que le Seigneur souhaite trouver une demeure. Dans la simplicité de la mangeoire se manifeste à nous la gloire de notre grand Dieu et Sauveur, Jésus Christ. En contemplant l’Enfant de la crèche, nous relisons avec émerveillement toutes les annonces des promesses et le témoignage des apôtres. Nous comprenons aussi que c’est désormais au cœur de notre vie que le Seigneur est présent. La crèche n’est plus seulement un lieu à visiter, c’est une mission à accomplir. Et c’est à nous qu’elle est confiée.

Cela peut nous paraître surprenant, mais nous sommes appelés à devenir une crèche pour que le Seigneur donne à notre humanité une nouvelle naissance. L’homme ne naît vraiment à lui-même qu’en faisant une place à Dieu dans sa vie. Comme la Vierge Marie, nous nous rendons dociles à l’accomplissement de la volonté du Seigneur et nous nous mettons ainsi au service des temps nouveaux de l’Évangile. Comme Joseph, nous accueillons l’inouï du projet de Dieu qui vient nous surprendre, et nous prenons la décision de mettre en pratique ce qui nous est dit par la Parole vivante du Verbe fait chair. Comme les bergers, nous acceptons de nous déplacer, de sortir de nos habitudes, pour découvrir la nouveauté toujours nouvelle de Dieu-avec-nous, et nous n’oublions pas de témoigner de ce que nous avons vu et entendu. Comme les anges, nous sommes saisis par la joie de la rencontre avec Jésus, le Don du Père, et nous proclamons sa louange par toute notre vie afin que d’autres se réjouissent avec nous.

Porteurs de la lumière du Verbe fait chair

Alors, le récit des évènements de la nuit de Bethléem, lorsque les temps furent accomplis, devient comme la feuille de route de notre mission pour aujourd’hui. Nous avons reçu des témoins d’alors une bonne nouvelle qui est aussi une grande joie. Bonne nouvelle et grande joie que nous ne pouvons pas garder pour nous, seulement pour un cercle restreint d’initiés ou de spécialistes. La présence de Dieu-avec-nous n’est pas réservée à quelques-uns. La lumière du Verbe fait chair est offerte à toutes et tous, et nous en sommes les porteurs. La paix du Fils de Dieu est un don pour toutes les nations, et nous en sommes les artisans.

En retenant tous les évènements de cette nuit, en les méditant dans notre cœur, nous découvrons qu’aller à Bethléem c’est accepter un engagement. Nous avons vu, il nous faut maintenant vivre. Nous avons entendu, il nous appartient maintenant de dire. Au cœur de la vie de Marie, de Joseph et des bergers quelque chose a changé parce qu’ils ont fait confiance à la parole qui leur était dite de la part du Seigneur. Pourquoi n’en serait-il pas de même pour nous ?

Nous sommes un peu Marie, Joseph, les bergers

Il suffit que nous offrions la terre de notre humanité au Seigneur pour qu’il puisse prendre vie en nous. N’ayons pas peur de nous approcher de lui et nous serons émerveillés par son regard d’amour qui dit déjà toute la confiance que Dieu a en nous, en chacune et chacun de nous, quel que puisse être notre parcours de vie. Pour le monde de ce temps, nous sommes un peu Marie qui avance dans la foi et donne au monde l’unique Sauveur ; nous sommes un peu Joseph qui accompagne le projet de Dieu et veille sur sa réalisation ; nous sommes un peu les bergers qui sortent de leur nuit et sont émerveillés par la Lumière qu’est cet Enfant.

En cette nuit, le Verbe prend sur lui la fragilité humaine, et notre condition mortelle en reçoit une infinie noblesse ; il devient tellement l’un de nous que nous devenons éternels. Quelle joie de vivre un tel mystère et d’en être les témoins dans le monde ! Joyeux et saint Noël !

NATIVITÉ DU SEIGNEUR Messe de la nuit :
Lectures bibliques : Isaïe 9, 1-6; Psaume 95, 1-2a, 2b-3, 11-12a, 12b-13a, 13bc; Tite 2, 11-14; Luc 2, 1-14

Homélie du 19 décembre 2021 (Lc 1,39-45)

Chanoine Claude Ducarroz – Cathédrale Saint-Nicolas, Fribourg

Une femme. Et même deux. Marie de Nazareth et Elisabeth, sa parente.

Après l’austère Jean-Baptiste des deux derniers dimanches, ça fait du bien de donner la main à deux femmes sur notre chemin d’Avent, aux portes de Noël.

Accourons donc auprès de ces deux mamans qui nous attendent sur le seuil de la maison. Une première lecture, un peu superficielle, reviendrait à qualifier cette rencontre de simple visite, entre femmes enceintes, qui pratiquent une belle solidarité, une émouvante hospitalité.

En réalité, toutes deux portent un secret, un mystère qui les dépasse, les comble et en même temps les transforme.

Un mystère qui les dépasse

Le secret de Marie, c’est Jésus, le Messie d’Israël et le sauveur du monde, tel qu’annoncé dès le départ par un messager de Dieu nommé Gabriel. Et ce Jésus est déjà remuant. Il a mis en route sa mère, qui se rendit rapidement, à travers les montagnes, vers sa parente Elisabeth.

Quant à celle-ci, elle abrite aussi un enfant qui ne sera pas de tout repos. Il brassera les foules pour les conduire, non sans les bousculer, vers le Seigneur Jésus, un frère tout humain et tout divin au milieu de nous.

Mais pour le moment, les deux enfants sont assez tranquilles. Ce sont leurs mères qui gèrent l’imprévu de cette visite humaine, transfigurée en visitation par l’Esprit de Dieu.

Dieu a visité son peuple

Marie salue respectueusement Elisabeth, mais celle-ci nous fait aussitôt d’étranges révélations. En Marie, elle accueille « la mère de son Seigneur ». Elle proclame un mystère inouï : la petite Marie a été touchée par une parole venue d’en-haut. Elle y a cru. C’est pourquoi elle peut chanter : « Mon âme exalte le Seigneur, car il a fait pour moi des merveilles ».

La merveille de Marie, c’est son Jésus qui s’agite maintenant en elle. Car il est déjà une bonne nouvelle, et il le fait savoir, du creux de son silence, à l’enfant d’en face, dans le sein d’Elisabeth.

Le futur Jean semble d’ailleurs lui répondre puisque sa mère peut dire : « L’enfant a tressailli d’allégresse en moi. » Un concours de louanges, de femme à femme, de bébé à bébé, car Dieu a visité son peuple, de l’intérieur vers l’extérieur.

Nous aussi. Nous sommes les enfants bien-aimés de cet amour fécond. L’humanité marche sur une route de vie, avec la promesse du bonheur éternel dans le Royaume de Dieu.

Autrement dit : un Noël qui conduit à Pâques, non sans passer par les visites de l’Esprit, dans l’Eglise et dans le monde, tout au long de notre histoire communautaire, comme de nos histoires personnelles. Donc aujourd’hui aussi.

Nous sommes en chemin, en visites

 A l’approche de Noël, qui mettra en pleine lumière ce qui s’est passé dans la mystérieuse rencontre de ce jour, nous sommes, nous aussi, en chemin, en visites, en messages et cadeaux de relations.

 Dans le contexte du Covid, nous allons sûrement inventer des chemins inédits pour rejoindre les autres, y compris grâce aux nouveaux moyens de communication. Tout est possible.

Il s’agit alors de transformer nos visites en visitations. Qu’est-ce à dire ?

Prenons-nous conscience que, dans le visiteur ou la visiteuse, comme dans le ou la visitée, quelqu’un nous attend déjà, mystérieusement, une présence secrète, humble, discrète, que le silence et la prière peuvent nous révéler ?

Nous sommes habités

En chacun de nous, il y a plus que nous. Nous sommes habités. J’ose le dire : nous sommes tous, d’une certaine manière, enceints, enceintes.

Oui, quelqu’un est là, qui ne nous laissera pas tranquilles, même s’il apporte la paix. Comme pour Marie, l’Esprit de Jésus va nous mettre ou remettre en route, vers Dieu, mais en passant par les autres, en particulier celles et ceux qui ont le plus besoin de chaleur humaine, de sens retrouvé à leur vie, surtout quand frappent les épreuves de santé, de cœur ou de relations.

 Nous pouvons tous être, par cet Esprit qui remue en nous, des porte-Christ à l’image de Marie, y compris dans les limites et les imperfections de notre pauvre humanité. Des crèches vivantes, en somme, avec un peu de paille, quelques araignées peut-être, et surtout beaucoup d’amour.

Emprunter les accents du Magnificat, le chant de l’humanité sauvée

Alors le prochain Noël pourra emprunter les accents du Magnificat de Marie.

Oui, à partir de la crèche, sans oublier la communion eucharistique, sur notre monde tourmenté, pourra grandir le message de Jésus et pourront se diffuser les bienheureuses beautés de l’Evangile, les énergies de son Esprit :

*des puissants seront peut-être renversés de leurs trônes, mais des humbles et des petits seront libérés, exaltés.  Noël !

*des riches repartiront les mains vides, mais des affamés auront enfin du pain et de la considération. Noël !

*et l’amour de Dieu sera peut-être enfin connu, reconnu et accueilli dans la mystérieuse joie de la foi. Noël !

Avec Marie et Elisabeth, nos sœurs aînées dans le Magnificat, nous oserons le chant de l’humanité sauvée, de l’Eglise en chemin et de chacun de nous, aimé de Dieu.

Bientôt Noël !

4e DIMANCHE DE L’AVENT
Lectures bibliques : Michée 5, 1-4a; Psaume 9, 2ac.3bc, 15-16a, 18-19; Hébreux 10, 5-10; Luc 1, 39-45