Homélie du 31 octobre 2021 ( Mc 12, 28b-34)

Mgr Charles Morerod – Église Saint-Joseph, Lausanne

Un des aspects impressionnants de la Parole de Dieu, qui est vivante, est qu’on peut revenir sans cesse sur les mêmes textes et les redécouvrir à chaque fois. Cette redécouverte peut être favorisée par des circonstances. Il se trouve que ce dimanche, avant cette messe radiodiffusée, j’ai eu la joie de célébrer avec des prisonniers (samedi après-midi). Eh bien les commandements dont nous parle le Deutéronome et le commandement de l’amour repris par Jésus prennent une coloration particulière.

Notre relation avec notre prochain transformée par l’amour de Dieu ?

Nous voyons d’abord Moïse qui donne les commandements au peuple avec lequel Dieu conclut une alliance. Dieu dit au peuple « Je veux être avec vous », et dit au peuple comment il peut répondre s’il veut être avec Dieu. Le point de départ de la réponse du peuple élu réside dans son amour pour Dieu : « Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l’Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force » (Deutéronome 6,5). Dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus ajoute le commandement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Marc 12,31). Prier avec des prisonniers met en relief une question : est-ce que Dieu change quelque chose dans notre amour mutuel ? Aime-t-on son prochain de la même manière suivant que l’on aime Dieu ou non ? Notre relation avec notre prochain peut-elle être renouvelée, ou transformée, par l’amour de Dieu ?

Quand on regarde ce que Dieu fait pour nous, notre regard sur nous-mêmes et notre prochain en est renouvelé. On connaît refrain du récit de la création (en Genèse 1) : « Et Dieu vit que cela était bon ». Certes la Bible nous montre aussi que nous nous détournons, à plusieurs reprises, mais à chaque fois Dieu repropose son alliance, son amour. Au bout du compte le Fils de Dieu se fait homme, donne sa vie pour nous dans la mort et la résurrection. Regardons ainsi Dieu qui nous aime, et regardons notre prochain à la lumière de cet amour de Dieu.

Le prochain : quelqu’un pour qui le Fils de Dieu a donné sa vie

Dieu ne nie pas le mal, il ne prétend pas que nos actions soient sans conséquences, parfois graves, sinon le commandement de l’amour du prochain serait dénué de sens. Il prend le mal au sérieux et il vient y remédier en donnant sa vie pour chaque personne. Ainsi lorsque nous regardons la personne en face de nous – notre prochain – nous voyons quelqu’un pour qui le Fils de Dieu a donné sa vie. Quoi que nous pensions de cette personne, si nous pensons au prix auquel Dieu l’estime, nous revoyons notre jugement insuffisamment fondé…

Voilà le lien entre l’amour de Dieu et l’amour du prochain : comment pourrais-je ne pas aimer une personne que Dieu aime, alors que Dieu connaît cette personne et moi infiniment mieux que moi-même ? On dit de Michel Ange qu’il avait vu la statue (de la Pietà) dans le bloc de marbre. Dieu voit le trésor dans des personnes qui nous semblent de pierres : suivons son regard ! Et Dieu ne se contente pas d’aimer notre prochain : le Fils de Dieu donne sa vie. En n’aimant pas notre prochain nous suggérons au Christ que cette personne ne valait pas la peine d’une mort sur la croix.

« Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous ? Les publicains eux-mêmes n’en font-ils pas autant ? » (Matthieu 5,46). Il n’y a pas besoin d’être chrétien pour aimer, heureusement ! Mais notre foi en un Dieu fait homme qui meurt par amour même de ses ennemis, ça change nos relations ! Et ça change tellement nos relations que nous avons envie d’étendre ce changement en partageant notre foi, comme nous le rappelle le mois de la mission qui se termine aujourd’hui.

31e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : Deutéronome 6, 2-6; Psaume 17, 2-3, 4, 47.51ab; Hébreux 7, 23-28; Marc 12, 28b-34

Homélie du 24 octobre 2021 (Mc 10, 46b-52)

Abbé Joseph Hien – Chapelle de l’École des Missions, Bouveret/St-Gingolph, VS

               « Allez ! De toutes les nations, faites des disciples : baptisez-les….. apprenez-leur à observer tout ce que je nous ai commandé ». (Mt 28,18-19).

           C’est Jésus ressuscité qui l’a dit aux onze apôtres en Galilée, à la montagne où il « leur a avait ordonné de se rendre ». (Mt 28,18). Donc, Jésus a bien préparé cette rencontre, il a choisi lui-même le lieu de leur rendez-vous, un lieu tenu secret et loin de la foule. Ce très bref discours d’adieu de Jésus mettait ses disciples en mouvement : « De toute les nations faites des disciples…. Jusqu’à la fin du monde ». (Mt 28, 18.20). Ce discours de Jésus n’est-il pas l’origine de la célébration du dimanche de la mission universelle d’aujourd’hui ?

Impossible de nous taire

           Frères et sœurs, la liturgie de ce dimanche nous invite à écouter la réponse de Pierre et de Jean devant les autorités de Jérusalem : « Il nous est impossible de nous taire sur ce que nous avons vu et entendu ». (Ac 4,20). La liturgie nous invite également à regarder Bartimée, le mendiant aveugle de Jéricho qui a miraculeusement été guéri et il « suivait Jésus sur la route ». Et ce matin nous prions avec l’église du Viêtnam, l’église hôte du dimanche de la mission.

           « Il nous est impossible de nous taire », c’est l’affirmation de Pierre et Jean devant les autorités de Jérusalem. Or, Pierre et Jean et d’autres apôtres, ils sont au nombre de douze et sont choisis par Jésus et formés à son école missionnaire dont Jésus est maître.

           Ces douze hommes sont des gens simples. Ils ont librement tout quitté, leur famille et leur profession pour répondre à l’invitation de Jésus : « Suis-moi ». Ils menaient une vie nouvelle avec Jésus. Ils ont partagé le quotidien avec leur maître. Ils sont formés par des rencontres de l’enseignement de leur maître avec des foules ou de colloque entre eux à la maison. Ces douze apôtres choisis par Jésus ont progressivement découvert l’identité de Jésus qui est le « Messie et envoyé du Père », un Messie investi de puissance infinie de Dieu. Il a la parole de la vie éternelle, il est la miséricorde de Dieu. Il parle le langage de Dieu, car il est Fils de Dieu. Désormais, l’esprit missionnaire de Jésus habite leur cœur, ils sont devenus des « pêcheurs d’hommes », c’est pourquoi ils ont affirmé avec force : « Il nous est impossible de nous taire sur ce que nous avons vu et entendu ». Le Pape François, dans son message pour le dimanche de la Mission universelle de cette année a écrit : « Quand nous expérimentons la force de l’amour de Dieu, quand nous reconnaissons sa présence de Père dans notre vie personnelle ou communautaire, il nous est impossible de ne pas annoncer ou partager ce que nous avons vu et entendu ». (Message du Pape François 2021).

Le manteau de Bartimée

       Revenons à l’évangile de ce dimanche : la guérison miraculeuse du mendiant aveugle de Jéricho. Il s’appelle Bartimée, assis au bord de la route et couvert d’un manteau qui est toute sa richesse. « Appelez-le », dit Jésus à ceux avaient empêché Bartimée de s’approcher de Jésus.

        « L’aveugle jeta son manteau, bondit et courut vers Jésus ». Marc, évangéliste, n’a pas oublié le petit détail : « jeter le manteau » et courir vers Jésus avec joie. Peut-être, nous avons du mal à mesurer la portée de ce détail, mais l’aveugle de Jéricho, comme d’autres pauvres mendiants à l’époque, ne possédait certainement rien d’autres que ce manteau pour se couvrir. L’ancien testament accorde beaucoup d’importance au manteau du pauvre. Dans le livre de l’Exode, il existe dans la loi de Moïse une très belle prescription concernant le manteau : « Si tu prends en gage le manteau de ton prochain, tu le lui rendras avant le coucher du soleil. Car c’est sa seule couverture, c’est le manteau de son corps dans lequel il se couche ». (Exode 22, 25-26).

       Bartimée a abandonné, sans hésitation, son manteau, son seul bien, pour venir à Jésus avant même d’être guéri.

       « Assis au bord de la route », maintenant il est un homme nouveau, debout, il marche librement. « Il suivait Jésus sur la route ». Mais quel chemin ? Jésus en marche vers Jérusalem qui est précisément le début du chemin de la passion. Et c’est la fin d’une histoire simple de l’aveugle de Jéricho. On ne sait plus rien. Ce n’est pas important, car son rôle est terminé. Son histoire se confond désormais avec celle de tout homme, avec la nôtre, qui prend les moyens de marcher à la suite de Jésus.

L’Eglise du Vietnam

           Frères et sœurs, en ce dimanche de la mission universelle, nous sommes invités à prier avec l’Eglise du Viêtnam, choisie comme l’église hôte. Le bulletin « Missio, partage et échange entre Eglises » nous donne quelques informations sur l’église du Vietnam. Le Viêtnam voit arriver les premiers missionnaires au 16e siècle et surtout au 17e siècle. Les missionnaires étaient très actifs dans les régions d’Asie. Le Vietnam a vécu des guerres interminables, de longues persécutions et la division du pays en 1954 puis la réunification en 1975. Aujourd’hui, le Viêtnam compte 27 diocèses dont 3 archidiocèses, 52 évêques pour 7 millions de fidèles sur 98 millions d’habitants.

           L’église du Viêtnam compte plus de 2800 séminaristes dans onze grands séminaires, 80000 jeunes laïcs engagés dans la catéchèse et plus de 2668 prêtres répartis dans 2228 paroisses. En 1988, le Pape Jean-Paul II a canonisé 117 catholiques, au nom des centaines de milliers de martyrs vietnamiens.

           Frères et sœurs, chers enfants, le Pape Jean-Paul II, durant son long pontificat, a souvent insisté sur la « ré-évangélisation de l’Eglise », et le Pape François aujourd’hui nous parle de l’urgence de la « transformation missionnaire de l’Eglise ». L’Eglise, par sa nature, est missionnaire. Tous les baptisés, par leur vocation baptismale, sont des envoyés, ils sont des missionnaires. « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux », (Lc 10,2), L’Eglise d’hier, l’Eglise d’aujourd’hui et celle  de demain a toujours besoin d’ouvriers, de bons ouvriers, car la mission d’évangélisation est difficile : « Je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups », (Lc 10,3). La route missionnaire n’est pas facile, mais n’ayons pas peur, car nous avons la certitude que Jésus « le bon pasteur, le puissant berger » est avec nous, il marche avec nous et nous invite tous les jours : « Allez, vous aussi, travailler à ma vigne » (Mt 20,4). Amen.

30e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : Jérémie 31, 7-9; Psaume 125, 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6;e; Hébreux 5, 1-6; Marc 10, 46b-52

Homélie du 17 octobre 2021 (Mc 10, 35-45)

Père Francis Zufferey – Chapelle de l’école des missions du Bouveret / St-Gingolph, VS

On peut s’étonner et même être choqué par l’attitude des disciples et en particulier par la demande de Jacques et Jean adressée à Jésus: « Accorde-nous de siéger, l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, dans la gloire.! » Depuis quelques temps déjà Jésus les préparait à ce qui allait se passer à Jérusalem. Aujourd’hui il leur annonce clairement sa condamnation et sa mort, il ajoute que « trois jours après il ressuscitera. » Peut-on vraiment être sourd à ce point, incapable de saisir la réalité, d’oser se boucher les oreilles à ce point?

C’est vrai, c’est choquant  mais ne condamnons pas trop vite ces hommes.

Jésus les a choisis comme disciples et comme apôtres, mais nous aussi.

Il les a formés, et ils ont cheminé 3 ans avec Lui, nous aussi et depuis notre enfance.

Il leur disait : «  Que le plus grand se fasse le serviteur », il nous le répète à chaque page d’Évangile. En tant que disciples du Christ nous ne sommes pas très différents de Jacques, Jean et des 10 autres.

Attitude universelle : chercher le pouvoir

Une attitude quasi-universelle, c’est celle qui consiste à chercher le pouvoir. Elle ne concerne pas seulement ceux qu’on appelle « les hommes de pouvoir », mais réellement chacun de nous. Vous et moi. Il y a en chacun de nous une tentation qui relève d’un désir de sécurisation, de n’être dépendant de qui que ce soit. Le désir de dominer a été la tentation primordiale : « Vous serez comme des dieux », suggère le serpent à l’homme et à la femme du jardin d’Eden. Les pouvoirs sont multiples, grands et petits : celui du patron, du président, du professeur, comme celui du savant, du pape, du curé ou du papa ou de la maman. La tentation du pouvoir est présente même chez les tout-petits.

Cette année le thème de la mission universelle est intitulé « Me taire? impossible! »

Il faut ajouter « Ne pas voir? impossible », « Ne pas entendre? impossible »! En effet impossible de nous taire, de fermer les yeux, de nous boucher les oreilles en disant 

«  Je ne savais pas. »

L’exigence de la mission

Pour vivre notre mission d’envoyé, il n’est plus nécessaire de partir au loin afin de  découvrir ce que d’autres peuples vivent, de regarder la réalité en face, de quitter sa terre pour parler et témoigner de l’Amour de Dieu et agir concrètement pour plus de solidarité et de justice. Désormais les réalités de notre monde nous assaillent dans notre salon, dans nos rues et dans nos lieux de travail. Pas nécessaire non plus de se tenir debout au bord de la mer Méditerranée pour voir les embarcations surchargées d’hommes, de femmes et d’enfants qui fuient la misère, les injustices et les conflits sanglants.

Depuis notre baptême l’exigence de la mission fait partie de la vie chrétienne.

Elle n’est pas une option au choix, ni un engagement réservé à des gens spécialisés. Nous sommes tous apôtres c’est-a-dire des envoyés, des chargés de mission.

De quelle mission me direz-vous? Celle de favoriser le dialogue et l’écoute fraternel, de féliciter et de soutenir ceux et celles qui agissent pour plus de justice entre les nations ou en faveur des plus démunis, celle de lutter contre l’individualisme et l’isolationnisme.

Servir

Le Christ résume en une phrase la mission qu’il nous confie et qu’il a réalisé le premier :

« Le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. » De nos jours de nombreux chrétiens payent un lourd tribut  pour rester fidèle à leur engagement baptismal. Des milliers d’entre eux ont donnés leur vie et ont bu à la même coupe que le Christ.

Nous avons tous des responsabilités à assumer. Les propriétaires d’entreprises  exigent de grands résultats financiers car il faut satisfaire aux attentes des actionnaires, et pour y parvenir, le sens de l’équité et du service en prend souvent un méchant coup.

En Eglise on parle de ministères trop souvent perçu comme fonctions ecclésiastiques, oubliant que le mot latin « ministérium » veut dire tout simplement « service ».

Le but de la vie et de la pratique du disciple du Christ n’est pas de s’assurer une place privilégiée sur terre ni de siéger à côté du Christ. Il n’est pas question de mérites ou de récompenses mais de service.

Frères et Soeurs, entre nous! Les deux premières places que Jacques et Jean revendiquent avec une certaine inconscience sont déjà réservées : ce sont celles des deux brigands qui, quelques temps plus tard, seront crucifiés avec Jésus, «  l’un à sa droite et l’autre à sa gauche. »

29e DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Lectures bibliques : Isaïe 53, 10-11; Psaume 32, 4-5, 18-19, 20.22; Hébreux 4, 14-16; Marc 10, 35-45